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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 3 avril 2025, n° 24/03674

GRENOBLE

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Bowling (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Figuet

Conseillers :

M. Bruno, Mme Faivre

Avocats :

Me Guy, Me Helle, Me Bompard, Me Alves

T. com. Gap, du 18 sept. 2024, n° 2024F2…

18 septembre 2024

N° RG 24/03674 - N° Portalis DBVM-V-B7I-MOHW

C1

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL BGLM

la SCP ALPAVOCAT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 03 AVRIL 2025

Appel d'un jugement (N° RG 2024F285)

rendu par le Tribunal de Commerce de GAP

en date du 18 septembre 2024

suivant déclaration d'appel du 21 octobre 2024

APPELANTES :

S.A.R.L. BOWLING [6] au capital de 10.000 ', immatriculée au RCS de GAP sous le n°535 173 892, prise en la personne de son Liquidateur amiable Madame [O] [C],

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Christophe GUY de la SELARL BGLM, avocat au barreau des HAUTES-ALPES, substitué par Me HELLE, avocat au barreau de GRENOBLE,

S.C.P. [E] & [N] prise en la personne de Maître [P] [N], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société BOWLING [6], mentionnée ci-avant, désignée à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de Gap en date du 18 septembre 2024,

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Fabien BOMPARD de la SCP ALPAVOCAT, avocat au barreau des HAUTES-ALPES, substitué par Me ALVES, avocat au barreau de GRENOBLE,

INTIMÉ :

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE GAP

Tribunal de Grande Instance

[Adresse 4]

[Localité 1]

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,

Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée et représentée lors des débats par Mme Françoise BENEZECH, avocate générale, qui a fait connaître son avis.

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 février 2025, Mme FAIVRE, Conseillère, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,

EXPOSE DU LITIGE

La société Bowling [6] a pour objet social la création et l'exploitation d'un fonds de commerce de bowling, restauration et débit de boisson à [Localité 5].

Par acte sous seing privé du 6 janvier 2020, publié au Bulletin des annonces civiles et commerciales le 29 janvier 2020, la société Bowling [6] a cédé son fonds de commerce à la société Carodyl.

Suivant procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du 30 septembre 2021, les associés ont prononcé la dissolution anticipée et la liquidation de la société Bowling [6] et désigné Mme [O] [C] en qualité de liquidateur amiable.

Par requête du 23 juillet 2024, Mme la Procureure de la République près le tribunal judiciaire de Gap a sollicité du tribunal de commerce de Gap l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Bowling [6].

Par jugement rendu le 18 septembre 2024, le tribunal de commerce de Gap a:

- constaté l'état de cessation des paiements et l'impossibilité d'un redressement judiciaire et ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société :

- fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 18 mars 2023,

- désigné M. François Remonnay en qualité de juge-commissaire et Mme Aline Taix en qualité de juge-commissaire suppléant,

- désigné la SCP [E] & [N] prise en la personne de Maître [P] [N] en qualité de liquidateur judiciaire,

- désigné la Sarl Althuis, prise en la personne de Maître [V] [H], en qualité de commissaire de justice aux fins de réalisation de l'inventaire et de la prisée du patrimoine,

- ordonné à la société d'avoir à remettre au commissaire de justice la liste des biens gagés, nantis ou qu'il détient en dépôt location ou crédit-bail ou sous réserve de propriété, pour être annexés à l'inventaire,

- ordonné à Mme [O] [C] de remettre au liquidateur la liste des créanciers,

- fixé à 12 mois, à compter du dit jugement, le délai dans lequel le liquidateur devra établir la liste des créances déclarées et la transmettre au juge-commissaire,

- dit que la clôture de la procédure devra intervenir dans un délai maximum de 18 mois,

- invité le liquidateur à saisir avant le terme de ce délai le tribunal, par voie de requête, aux fins de clôture de la procédure ou, le cas échéant, de prorogation du délai de clôture,

- ordonné à Madame [O] [C] de communiquer au greffe du tribunal tout changement d'adresse de son domicile personnel.

Par déclaration du 7 novembre 2024, la société Bowling [6] a interjeté appel de ce jugement en intimant la SCP [E] & [N]. L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 24-3870.

Par déclaration du 21 octobre 2024, la société Bowling [6] a interjeté appel de ce jugement en intimant la procureure de la République de Gap. L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 24-3674.

Par ordonnance du 9 janvier 2025, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures.

Prétentions et moyens de la société Bowling [6] :

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 20 novembre 2024, la société Bowling [6] demande à la cour au visa des articles 1844-7 du code civil et des articles L.640-1 et suivants et R.631-4 du code de commerce de :

- infirmer le jugement rendu le 18 septembre 2024 par le tribunal de commerce de Gap,

Et statuant à nouveau :

- constater l'absence de délivrance de citation à comparaître à la personne de la société,

- dire et juger irrégulière la saisine à l'égard de la société,

- ordonner la nullité de l'acte introductif d'instance et du jugement du tribunal de commerce du 18 septembre 2024,

Au fond

- constater l'absence de toute démonstration de l'état de cessation des paiements de la société,

- constater l'absence de toute démonstration de la situation irrémédiablement compromise de la société,

- dire et juger infondée la demande du Ministère Public aux fins de voir prononcer l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société,

- réformer en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En toutes hypothèses :

- condamner toute partie succombante aux entiers dépens.

Au soutien de sa demande de nullité de l'acte introductif d'instance et de nullité du jugement, elle fait valoir que :

- le tribunal de commerce de Gap a retenu que la convocation de la société Bowling [6] a été réceptionnée le 7 août 2024 par une personne qui a indiqué être la nouvelle propriétaire du fonds de commerce Boling [6], suite à la cession en janvier 2020, tandis que le courrier était destiné à la société qui exploitait le fonds antérieurement à la cession,

- il apparaît que la citation à comparaître a été réceptionnée par la société Carodyl et non par la société Bowling [6], ce que le tribunal de commerce n'ignorait manifestement pas,

- en application des dispositions des article 471 et suivants du code de procédure civile, il appartenait au tribunal de commerce, à la demande du Ministère Public ou d'office, de s'assurer de ce que la société Bowling [6], non-comparante, avait été régulièrement appelée,

- aucune diligence n'a pourtant été accomplie à ce titre et elle n'a donc pas été en mesure de comparaître en chambre du conseil du 13 septembre 2024 en vue de présenter ses observations.

Pour contester le bien fondé de la liquidation judiciaire, elle indique que :

- suivant acte sous signature privée du 6 janvier 2020, elle a cédé à la société Carodyl son fonds de commerce de bowling, restauration et débit de boisson situé à [Localité 5],

- elle s'est naturellement trouvée en état de cessation d'activité,

- suivant procès-verbal du 30 septembre 2021, les associés ont prononcé la dissolution anticipée et la liquidation de la société et désigné Madame [O] [C] en qualité de liquidateur amiable,

- cette décision a été déposée et enregistrée au RCS de GAP le 23 février 2023 et a fait l'objet d'une publication au BODACC du 2 mars 2023, la rendant opposable aux tiers à compter de cette date,

- conformément à la mission qui lui était dévolue ès qualité, et dans la limite du délai qui lui était imparti, Mme [O] [C] a fait établir par son expert-comptable le bilan de liquidation, lequel a été valablement déposé auprès de l'administration fiscale en date du 1er décembre 2023,

- il appartenait donc à Mme [O] [C], ès-qualité, de procéder aux formalités de clôture de la liquidation amiable de la société Bowling [6] avant l'expiration de son mandat, à intervenir le 30 septembre 2024,

- au jour de la saisine du tribunal de commerce de Gap par Mme la Procureure de la République, cette procédure amiable ne souffrait d'aucune irrégularité.

Pour contester l'état de cessation des paiements, elle expose que :

- le défaut de déclaration de chiffre d'affaires allégué n'est pas, en tant que tel, de nature à caractériser l'état de cessation des paiements allégués en ce qu'il ne démontre aucunement son incapacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible,

- l'état de cessation des paiements ne saurait se déduire de sa situation déficitaire,

- c'est donc à tort que le tribunal de commerce de Gap a considéré que ces éléments « laissaient à croire » qu'elle se trouve en état de cessation des paiements.

Le 29 janvier 2025, le Ministère public a conclu s'en rapporter à la décision de la cour au vu des conclusions de la société appelante, laquelle n'a pas été en mesure de s'expliquer lors de l'audience devant le tribunal de commerce de Gap et indique qu'il apparaît que la société Bowling [6] a été cédée à la société Carodyl le 6 janvier 2020, que Mme [C] désignée en qualité de liquidateur amiable a déposé le bilan de la liquidation auprès de l'administration fiscale, que la citation à comparaître a été délivrée à la société Carodyl et que dès lors, la société Bowling [6] n'a pas été en mesure de se présenter et de s'expliquer.

La SCP [E] & [N] n'a pas constitué avocat, la déclaration d'appel lui a été signifiée par acte de commissaire de justice du 19 novembre 2024 et les conclusions de la société Bowling [6] lui ont été signifiées à personne par acte de commissaire de justice du 26 novembre 2024

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2025, l'affaire a été appelée à l'audience du 6 février 2025 et la décision mise en délibéré a été prononcée le 3 avril 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Conformément à l'article 651 du code de procédure civile, les actes sont portés à la connaissance des intéressés par la notification qui leur en est faite.

En application de l'article 114 du même code, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

Par ailleurs, selon l'article 562 du même code, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Si la demande d'annulation du jugement, sollicitée par l'appelant, procède d'une irrégularité affectant l'acte introductif d'instance devant le premier juge, l'appel est en principe dépourvu d'effet dévolutif.

Cependant, en dépit de l'annulation de l'acte introductif d'instance, l'effet dévolutif de l'appel annulation doit être rétabli si l'appelant a conclu au fond à titre principal devant la cour d'appel, dès lors qu'en concluant ainsi au fond, l'appelant a renoncé au premier degré de juridiction.

En l'espèce, par requête du 23 juillet 2024, Mme la Procureure de la République près le tribunal judiciaire de Gap a sollicité du tribunal de commerce de Gap l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Bowling [6].

Le jugement déféré relève que la société Bowling [6] a été invité à comparaître à l'audience de chambre du conseil du 13 septembre 2024, selon courrier de convocation réceptionné le 7 août 2024 par la société Carodyl, cessionnaire du fonds de commerce, laquelle a indiqué ne pas avoir de contact avec la société Bowling [6] pour lui remettre le courrier de convocation. Le tribunal relève encore que la société Bowling [6] n'a pas comparu à l'audience et n'était pas représentée.

Dès lors, il est établi que la société Bowling [6] n'a pas été régulièrement convoquée à l'audience du 13 septembre 2024, alors qu'il résulte des propres constatations du tribunal qu'elle n'a pas été rendue destinataire de la convocation.

Cette irrégularité de forme cause un grief à la société Bowling [6], en ce qu'elle ne lui a pas permis de comparaître en première instance, la privant de toute possibilité de faire valoir des moyens de défense. La société Bowling [6] est donc bien fondée à poursuivre la nullité du jugement du fait de l'absence de convocation à l'audience.

Par ailleurs, la société Bowling [6] a conclu au fond à titre principal et non à titre subsidiaire devant la cour d'appel, ce qui rétablit l'effet dévolutif de l'appel annulation et conduit la juridiction de céans à connaître des demandes formées par les parties au fond.

Sur la liquidation judiciaire

Selon l'article L.640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L.640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens.

L'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.

En l'espèce, il ressort de l'état des créances déclarées que le passif de la société Bowling [6] s'élève à la somme de 903,22 euros, qu'elle n'a plus d'activité et qu'il n'existe aucun actif, de sorte qu'en considération de ces éléments, il est établi que la société Bowling [6] est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible. Il convient donc d'ordonner la liquidation judiciaire de la société Bowling [6], de fixer la date de cessation des paiements au 18 mars 2023 et de désigner M. François Remonnay en qualité de juge-commissaire et Mme Aline Taix en qualité de juge-commissaire suppléant, la SCP [E] & [N] prise en la personne de Maître [P] [N] en qualité de liquidateur judiciaire et la Sarl Althuis, prise en la personne de Maître [V] [H], en qualité de commissaire de justice aux fins de réalisation de l'inventaire et de la prisée du patrimoine.

Sur les dépens

Les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Annule le jugement rendu par le tribunal de commerce de Gap le 18 septembre 2024,

Rétablissant l'effet dévolutif de l'appel annulation,

Ordonne l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la sociétéBowling [6],

Fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 18 mars 2023,

Désigne M. François Remonnay en qualité de juge-commissaire et Mme Aline Taix en qualité de juge-commissaire suppléant,

Désigne la SCP [E] & [N] prise en la personne de Maître [P] [N] en qualité de liquidateur judiciaire,

Désigne la Sarl Althuis, prise en la personne de Maître [V] [H], en qualité de commissaire de justice aux fins de réalisation de l'inventaire et de la prisée du patrimoine,

Ordonne à la société Bowling [6] d'avoir à remettre au commissaire de justice la liste des biens gagés, nantis ou qu'il détient en dépôt location ou crédit-bail ou sous réserve de propriété, pour être annexés à l'inventaire,

Ordonne à Mme [O] [C] de remettre au liquidateur la liste des créanciers,

Fixe à 12 mois, à compter du présent arrêt, le délai dans lequel le liquidateur devra établir la liste des créances déclarées et la transmettre au juge-commissaire,

Dit que la clôture de la procédure devra intervenir dans un délai maximum de 18 mois,

Invite le liquidateur à saisir avant le terme de ce délai le tribunal, par voie de requête, aux fins de clôture de la procédure ou, le cas échéant, de prorogation du délai de clôture,

Ordonne à Madame [O] [C] de communiquer au greffe du tribunal tout changement d'adresse de son domicile personnel,

Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.

Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

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