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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 8 avril 2025, n° 24/03845

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Gamada Assainissement (SARL)

Défendeur :

Gamada MTP (SAS), Onalis Holding (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Demont

Conseiller :

M. Graffin

Conseiller :

M. Vetu

Avocats :

Me Nuel, Me Rieu, SCP Doria Avocats, Me Hatrel, Me Roussin, Me Robert, SELARL PVB Société d'Avocats

T. com. Montpellier, du 24 juin 2024, n°…

24 juin 2024

FAITS ET PROCEDURE :

Le 28 avril 2020, la SAS Gamada MTP a donné en location gérance son fonds de commerce à la SARL Gamada Assainissement, pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 31 juillet 2020, pour une redevance mensuelle de 9 500 euros HT.

Le même jour, la société Gamada MTP a signé une promesse unilatérale de vente de fonds de commerce avec la société Gamada Assainissement, sous conditions suspensives, au prix de 600 000 euros HT, dont 400 000 euros au titre des éléments incorporels et 200 000 euros au titre des éléments corporels.

Les conditions suspensives de la promesse de cession n'ayant pu être levées à la date du 31 juillet 2020, les parties sont convenues de renouveler à plusieurs reprises les deux contrats. C'est ainsi que :

- par acte du 28 juillet 2020, les parties ont régularisé des avenants au contrat de location gérance et à la promesse précitée pour une durée de quatre mois commençant à courir le 1er août 2020 pour se finir le 30 novembre 2020 ;

- par avenants en date du 4 décembre 2020, les parties sont convenues de proroger les effets des deux actes précités pour une durée de cinq mois commençant à courir le 1er décembre 2020 pour se terminer le 30 avril 2021.

Pour faciliter l'opération de cession, les parties sont alors convenues que du matériel de chantier, valorisé à 100 000 euros, soit donné en location avec option d'achat à la société Gamada Assainissement, via la société Onalis Holding, propriétaire du matériel. Cette opération a été formalisée par la signature de trois actes concomitants le 8 juillet 2021, à savoir :

- avenant n°3 au contrat de location gérance du fonds de commerce, pour une durée de douze mois et une redevance mensuelle de 9 500 ' HT ;

- avenant à la promesse unilatérale de vente du fonds de commerce pour une durée de douze mois et un prix de 500 000 euros (soit 400 000 euros pour l'incorporel et 100 000 euros pour le corporel) ;

- signature d'un contrat de location mobilière avec option d'achat pour 1 échéance de 2 060 euros HT et cinquante-neuf échéances de 1 660 euros HT soit un total de 100 000 euros HT, avec une franchise de loyer de neuf mois, ledit contrat ne prenant effet qu'à compter du mois de mai 2022.

Le 16 novembre 2022, les parties se sont de nouveau rapprochées en vue de signer des nouveaux avenants pour le contrat de location gérance de fonds de commerce (dénommé avenant n°4) et la promesse de cession de fonds de commerce pour " une durée de quarante-huit mois commençant à courir le 1er mai 2022 pour se finir le 30 octobre 2023 ". Ceux-ci n'ont été signés que par la société Gamada Assainissement.

Se prévalant d'impayés depuis le mois d'octobre 2022, la SAS Gamada MTP a mis en demeure la SAS Gamada Assainissement de lui régler une somme de 68 400 euros TTC au titre des redevances mensuelles, suivant exploit daté du 31 mars 2023.

Le même jour, Onalis Holding a fait délivrer à la SAS Gamada Assainissement un commandement de payer la somme de 22 606,60 euros au titre de la location mobilière avec option d'achat.

Par ordonnance du 10 mai 2023, le président du tribunal de commerce de Montpellier a autorisé les sociétés Gamada MTP et Onalis Holding à procéder à une saisie conservatoire de créances sur les comptes bancaires de la société Gamada Assainissement pour les sommes de 68 400 euros et 22 392 euros respectivement.

Par ordonnance de référé du 8 février 2024, le président du tribunal de commerce de Montpellier, sur le fondement notamment de l'article 1225 du code civil, a constaté que la société Gamada Assainissement était fondée à former opposition aux commandements de payer délivrés le 31 mars 2023, fait droit à cette demande, prononcé l'irrégularité desdits commandements de payer et, en conséquence, prononcé leur nullité et débouté les sociétés Gamada MTP et Onalis Holding de l'ensemble de leurs demandes.

Par exploit du 30 janvier 2024, les sociétés Gamada MTP et Onalis Holding ont assigné à bref délai la société Gamada Assainissement afin de voir prononcer la résiliation des contrats de location gérance et de location mobilière avec option d'achat ainsi qu'au paiement des arriérés de redevances et loyers.

Par jugement contradictoire du 24 juin 2024, le tribunal de commerce de Montpellier a :

Sur le contrat de location gérance de l'avenant n°4,

- prononcé la résiliation du contrat de location gérance entre la société Gamada Assainissement et la société Gamada MTP au titre du manquement aux obligations financières et aux obligations de faire insérées audit contrat ;

- débouté la société Gamada Assainissement de l'intégralité de ses demandes;

- condamné la société Gamada Assainissement à payer à la société Gamada MTP la somme de 193 800 euros au titre des redevances impayées au mois de mars 2024 ;

- ordonné à la société Gamada Assainissement la restitution du fonds de commerce prévu au contrat de location gérance de fonds de commerce à compter de la signification de la décision ;

- condamné la société Gamada Assainissement à verser une indemnité d'occupation de 11 400 euros par mois à compter de la résiliation du contrat et jusqu'à parfaite restitution du fonds de commerce prévu au contrat de location gérance de fonds de commerce ;

- condamné la société Gamada Assainissement à restituer à la société Gamada MTP le fonds de commerce de travaux terrassement, plomberie, assainissement, installation et réhabilitation de canalisation et ouvrage d'assainissement sise [Adresse 7] en ce compris :

- la clientèle et l'achalandage y attachés ainsi que les fichiers clients ;

- l'enseigne et le nom commercial " Gamada MTP " ;

- le droit à la jouissance des lieux où il est exploité ;

- les agencements, les installations et les équipements servant à l'exploitation;

- le matériel, l'outillage, le mobilier commercial et les véhicules tels que figurant sur la liste du matériel et les cartes grises des véhicules ci-après annexée ;

- le droit à l'usage du numéro de téléphone : [XXXXXXXX01] et du numéro de télécopie : [XXXXXXXX02] ;

le site internet www.qamada.fr et l'adresse électronique [Courriel 8], tous les ustensiles instruments, petits outillages, livres et autres documents tant graphiques qu'informatiques servant à son exploitation ;

le bénéfice des contrats et conventions et marchés passés avec tous les tiers pour l'exploitation commerciale dudit fonds ;

- débouté la société Gamada MTP de l'obligation d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision ;

- débouté la société Gamada MTP de sa demande d'expulsion du local de la société Gamada Assainissement et de sa demande du concours de la force publique à cet effet ;

Sur le contrat de location mobilière avec option d'achat,

- ordonné la résiliation du contrat de location mobilière en date du 8 juillet 2021 liant la société Gamada Assainissement à la société Onalis Holding qui est intervenue le 24 avril 2023 ;

- condamné la société Gamada Assainissement à payer à la société Onalis Holding la somme de 24 384 euros au titre des loyers échus jusqu'au 24 avril 2023 ;

- ordonné à la société Gamada Assainissement la restitution du matériel prévu au contrat de location mobilière avec option d'achat à compter de la signification de la présente décision ;

- condamné la société Gamada Assainissement à payer à la société Onalis Holding une somme de 1 992 euros par mois à titre d'indemnité de jouissance à compter du 25 avril 2023 et jusqu'à complète restitution du matériel ;

- débouté la société Onalis Holding de l'obligation d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision ;

- débouté la société Gamada MTP de sa demande de paiement par la société Gamada Assainissement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

- et condamné la société Gamada Assainissement à payer à la société Gamada MTP et à la société Onalis Holding la somme de 1 500 euros à chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris des commandements de payer en date du 31 mars 2023.

Par déclaration du 22 juillet 2024, la société Gamada Assainissement a relevé appel limité de ce jugement.

Par conclusions du 24 février 2025, la SARL Gamada Assainissement demande à la cour, au visa des articles 1104, 1132 et 1137, 1217 et 1219, 1163 et 1225 du code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Gamada MTP de ses demandes tendant à la fixation d'une obligation d'astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, à son expulsion du local et du concours de la force publique à cet effet, de paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et débouté la société Onalis Holding de sa demande tendant à la fixation d'une obligation d'astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision ;

- l'infirmant pour le surplus, constater qu'elle est fondée à opposer aux sociétés Gamada MTP et Onalis Holding l'exception d'inexécution pour faire échec à la résolution des contrats de location-gérance et de location mobilière avec option d'achat et pour ne pas régler les redevances et loyers ;

- les débouter de l'ensemble de leurs demandes ;

- les condamner solidairement à lui payer la somme de 218 184 euros au titre du préjudice subi du fait de leur manquement à leur obligation de bonne foi contractuelle ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes ;

- les débouter de l'ensemble de leurs demandes incidentes ;

À titre subsidiaire,

- prononcer la nullité des contrats de location gérance et de location mobilière avec option d'achat ;

À titre infiniment subsidiaire,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée à payer à la société Gamada MTP la somme de 193 800 euros au titre des redevances impayées au mois de mars 2024 et la somme de 11 400 euros par mois à compter de la résiliation du contrat et jusqu'à parfaite restitution du fonds de commerce prévu au contrat de location gérance de fonds de commerce et l'a condamnée à payer à la société Onalis Holding la somme de 24 384 euros au titre des loyers échus jusqu'au 24 avril 2023 et la somme de 1 992 euros par mois à titre d'indemnité de jouissance à compter du 25 avril 2023 et jusqu'à complète restitution du matériel ;

- fixer le montant de l'éventuelle créance due aux sociétés Gamada MTP et Onalis Holding ;

- ordonner l'exécution des contrats de location-gérance et de location mobilière avec option d'achat ;

- lui accorder un délai pour s'acquitter de l'arriéré qui leur serait éventuellement dû ;

En tout état de cause,

- et les condamner solidairement à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 20 février 2025, la SAS Gamada MTP et la SARL Onalis Holding demandent à la cour, au visa des articles 1101 et suivants, 1137, 1217, 1227 et 1231-1 du code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé leurs demandes recevables et bienfondées sauf celles tendant à la fixation d'une obligation d'astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, à l'expulsion du local de la société Gamada Assainissement et du concours de la force publique à cet effet, à la fixation d'une obligation d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision et de paiement par la société Gamada Assainissement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Statuant à nouveau,

- assortir l'obligation de restitution du fonds de commerce de travaux de terrassement, plomberie, assainissement, installation et réhabilitation de canalisation et ouvrage d'assainissement de la société Gamada MTP due par la société Gamada Assainissement d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- autoriser le concours de la force publique dans le cadre de l'expulsion du local de la société Gamada Assainissement ;

- la condamner à restituer à la société Onalis Holding l'ensemble du matériel sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- la condamner à payer à la société Gamada MTP la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

En tout état de cause,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes ;

- et la condamner à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est datée du 25 février 2025.

MOTIFS :

o Sur la nullité des contrats de location-gérance et de location mobilière avec option d'achat

Moyen des parties :

1. La SARL Gamada Assainissement explique que son consentement aurait été vicié par dol en ce qui concerne le contrat de location-gérance et pour erreur, s'agissant de la location mobilière.

2. A cet effet l'appelante indique qu'en sus des diverses man'uvres réalisées afin d'obtenir un double règlement de certains éléments composants du fonds de commerce, la SAS Gamada MTP a procédé à des déclarations erronées dans le contrat de location-gérance dès lors qu'elle ne pouvait le donner en location, ayant perdu l'agrément nécessaire à l'exploitation du fonds de commerce. Toujours au sujet de ce contrat, elle fait valoir que compte tenu du montant de la redevance de la location-gérance, elle avait légitimement assimilé ce contrat, ainsi que ces avenants, à un contrat de cession avec crédit-vendeur.

S'agissant du contrat de location mobilière avec option d'achat, elle soutient, au visa de l'article 1132 du code civil, que la société Onalis ne pouvant donner en location du matériel dont elle n'était pas propriétaire, il y a eu erreur, de sorte que ce contrat serait dépourvu d'objet, puis, nul.

3. Les intimés objectent que la SARL Gamada Assainissement ne pouvait se méprendre sur l'existence et la teneur du contrat de location-gérance en raison de l'intitulé de l'acte signé par elle et de son contenu.

4. S'agissant du contrat de location mobilière, elles rappellent que contrat porte sur des matériels de chantiers, devenus propriétés de la SARL Onalis Holding, totalement différents de ceux pour lesquels des avenants ont été rédigés.

Réponse de la cour :

5. Selon l'article 1137 du code civil :

" Constitue un dol le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des cocontractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. "

6. C'est à celui qui invoque un vice du consentement qu'il appartient d'en rapporter la preuve.

7. En l'espèce, la SARL Gamada Assainissement ne démontre pas l'existence de man'uvres dolosives, émanant des intimés, l'ayant déterminée à consentir à la location-gérance du fonds de commerce, étant précisé, qu'elle a elle-même sollicité la signature des avenants faute de pouvoir honorer les termes de la cession, objet de la promesse de vente, indissociables, selon les actes produits, de la location-gérance.

8. S'agissant de l'erreur, elle n'est une cause de nullité du contrat que lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. L'article 1134 du code civil précise que l'erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n'est une cause de nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne.

9. D'une part, la SARL Gamada Assainissement n'apporte pas la preuve que ce contrat aurait été signé en considération de la personne de la SARL Onalis Holding, d'autre part, aucun élément ne démontre que la SARL Onalis Holding n'aurait pas eu la libre disposition, en tant que loueur, des matériels mis à la disposition de l'appelante.

10. Il y aura donc lieu de retenir la perfection de la promesse de vente du 28 avril 2020.

11. La SARL Gamada Assainissement sera déboutée de ses demandes de nullité des deux actes pour vice du consentement.

o Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement du bailleur

Moyens des parties :

12. Au visa de l'article 1104 du code civil, la SARL Gamada Assainissement explique que l'acquisition du fonds de commerce n'a pu aboutir du fait du comportement des intimés qui, alors même qu'ils avaient d'ores et déjà encaissé la somme totale de 293 237 euros depuis le mois d'avril 2020, n'ont pas hésité à faire pratiquer des saisies conservatoires (bloquant la transaction en raison de la dégradation de leur note financière).

13. Selon elle, ces éléments démontreraient que les intimés n'auraient jamais eu l'intention de vendre et elle soutient que cette mauvaise foi lui causerait un grave préjudice financier consistant en l'impossibilité d'acquérir un fonds de commerce qu'elle exploite depuis plus de quatre ans.

14. Les intimées répliquent que la SARL Gamada Assainissement ne règle plus aucun loyer depuis le mois d'octobre 2022, soit, à ce jour, depuis plus de 24 mois et que ce défaut de paiement représente de 193 800 euros TTC au titre des loyers échus alors même qu'elle a exploité le fonds de commerce sans jamais émettre le souhait de le restituer. De la sorte, sa volonté de vendre le fonds de commerce, elle-même liée à son intention de le mettre en location-gérance aurait été durement éprouvée.

Réponse de la cour :

15. Il résulte des articles 1103 et 1104 du code civil que les conventions, qui doivent être négociées, formées et exécutées de bonne foi, tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

16. La charge de la preuve de l'inexécution fautive et l'existence d'un préjudice en lien avec la faute appartient à la SARL Gamada Assainissement laquelle n'apporte aucun élément probant sur ce point, l'absence de volonté de vendre étant d'ailleurs totalement contredite par la signature de la promesse unilatérale de vente, elle-même, indissociable de la location-gérance consentie le même jour.

17. Il y a lieu de débouter la SARL Gamada Assainissement de sa demande indemnitaire.

o Sur l'exception d'inexécution

Moyens des parties :

18. Au visa des articles 1217 et 1219 du code civil, la SARL Gamada Assainissement fait valoir que la SAS Gamada MTP a manqué à son obligation de délivrance de sorte qu'elle serait fondée à lui opposer l'exception d'inexécution.

Il en serait ainsi, dès lors que :

- le contrat de location-gérance qui a débuté le 1er mai 2020, a été entamé sans qu'elle ne dispose de l'agrément nécessaire à l'exploitation de l'activité d'assainissement (arrêté du 29 novembre2019) ; ce manquement à l'obligation de délivrance aurait entraîné la résiliation de la quasi-totalité des conventions de partenariats et, consécutivement, lui aurait occasionné une perte de chance d'exploitation en sus d'une perte de chiffre d'affaires conséquente ;

- les véhicules et engins attachés à l'exploitation du fonds de commerce n'avaient pas été entretenus et auraient nécessité qu'elle engage des dépenses considérables afin de les remettre en état ;

- en méconnaissance avec les termes du contrat de location-gérance, il lui a été refusé le 28 novembre 2022 d'accéder aux codes nécessaires à la migration du nom de domaine pourtant compris dans le fonds.

19. La SAS Gamada MTP et la SARL Onalis Holding objectent que l'agrément provisoirement retiré le 29 novembre 2019 ne concerne que les opérations de vidange en Assainissement Non Collectif (ANC) et n'empêchait aucunement d'exploiter l'activité principale qui est celle d'installation de canalisations (accordement au tout-à-l'égout, création de réseaux humides, terrassement et travaux de voirie et réseaux divers), de diagnostics de recherche de fuites, traçage de canalisations, test de perméabilité, et d'entretien de canalisations et chantiers de réhabilitation.

Les intimées soulignent d'ailleurs qu'entre 2020 et 2022 la SARL Gamada Assainissement a volontairement renouvelé les contrats de location gérance et de promesse de cession à chaque reprise, et ce, alors que l'agrément pour les opérations de vidange en ANC est enlevé depuis 2019, soit depuis avant la conclusion des premiers contrats.

20. S'agissant des véhicules, elles rappellent qu'ils ont fait l'objet d'un contrat permettant au locataire-gérant de les utiliser dans l'attente d'une cession qui n'est jamais venue.

21. D'une manière générale, elles rappellent le principe selon lequel l'exception d'inexécution ne peut être invoquée que lorsque le manquement de l'autre partie empêche l'exécution de l'obligation invoquée. Or, le locataire-gérant aurait bel et bien exploité le fonds et perçu des revenus issus de cette exploitation de sorte que son refus de paiement serait une man'uvre purement dilatoire.

Réponse de la cour :

22. Aux termes des articles 1719 et 1720 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. Le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce. Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.

23. Il appartient au bailleur d'apporter la preuve qu'il a rempli son obligation de délivrance.

24. L'article 2 du contrat de location-gérance stipule notamment que le fonds de commerce donné en gérance comprend :

" - la clientèle et l'achalandage y attachés ainsi que les fichiers clients ;

- l'enseigne et le nom commercial " GAMADA MTP " ;

- le droit à la jouissance des lieux où il est exploité ;

- les agencements, les installations et les équipements servent à l'exploitation ;

- le matériel, l'outillage, le mobilier commercial et les véhicules tels que figurant sur la liste du matériel et les cartes grises des véhicules ci-après annexée (Annexe 1) ;

- le droit à l'usage du numéro de téléphone ['] ;

- le site internet www.gamada.fr et l'adresse électronique [Courriel 8] ;

- tous les ustensiles, instruments, petits outillages, livres et autres documents tant graphiques qu'informatiques servant à son exploitation ;

- le bénéfice des contrats et conventions et marchés passés avec tous les tiers pour l'exploitation commerciale dudit fonds énumérés exhaustivement en annexe ;

Ainsi, au surplus, que ce fonds de commerce existe, sans aucune exception ni réserve, et sans qu'il en soit fait une plus ample désignation, à la demande du locataire-gérant qui déclare bien le connaître, en sa qualité de salarié de GAMADA MTP. "

25. Il ressort de cette énumération que le locataire-gérant, lors de la signature du contrat, a reconnu que l'ensemble des installations et autorisations administratives nécessaires à l'exploitation était transféré aux fins d'exploiter le fonds de commerce.

26. Par ailleurs, le transfert (de propriété) du site internet allégué, contrairement à ce que soutient l'appelante, n'était pas prévu dès lors que le bailleur demeurait propriétaire du fonds de commerce. Ce transfert était en effet contractuellement lié à la réalisation de la cession du fonds de commerce (promesse unilatérale de vente de fonds de commerce sous conditions suspensives), qui n'a jamais été finalisée.

27. Le bailleur apporte ainsi la preuve par ses productions qu'il a rempli son obligation de délivrance en ce qui concerne les autorisations administratives nécessaires à l'exploitation du fonds de commerce donné en location-gérance et que le transfert du nom de domaine n'était pas compris dans le périmètre du contrat.

28. S'agissant des véhicules, il sera rappelé que ces derniers ont fait l'objet d'un contrat de location mobilière avec option d'achat, dont les parties ont reconnu que " l'initiative et le déroulement des négociations ayant précédé ['sa] signature répondent aux exigences de bonne foi ", le tout pour permettre à la SARL Gamada Assainissement de procéder à leur utilisation par le biais d'une location et, à terme, en faire l'acquisition.

29. Ce contrat, conclu dans l'intérêt mutuel des parties, puisqu'il devait permettre de faciliter l'opération de cession à venir (par diminution du prix) prévue par le contrat de location-gérance (article 5) et formalisé dans un autre acte, n'empêchait pas, comme le souligne les intimés, de rendre les locaux loués impropres à l'usage auquel ils étaient destinés dès lors que, par trois fois, la SARL Gamada Assainissement a sollicité la signature d'avenant en ce qui concerne le contrat de location-gérance et la promesse de vente.

30. Il en résulte que la SARL Gamada Assainissement ne peut se prévaloir d'une exception d'inexécution au paiement des loyers (art. 1728 du code civil).

31. L'appelante sera déboutée de la demande formée à ce titre. Cette prétention étant émise pour faire échec à la résiliation (non pas la résolution) des contrats de location-gérance et de location mobilière avec option d'achat et pour légitimer l'absence de paiement des loyers et redevances, la décision sera confirmée sur l'ensemble de ces points.

o Sur les déductions à opérer

32. Dans le dispositif de ses écritures, qui seules lient la cour, la SARL Gamada Assainissement sollicite de fixer le montant de son éventuelle créance à l'égard des intimées et ordonner l'exécution des deux contrats.

33. Toutefois, dans le corps de ses écritures elle ne développe aucun moyen précis sur le montant des déductions à opérer en se bornant à soutenir que " la décision rendue par le tribunal devra être réformée en ce qu'elle n'a pas réalisé de décomptes entre les parties pour calculer le montant des sommes éventuellement dues ".

34. Or la décision déférée est justifiée sur ce point tandis que l'appelante ne développe aucun moyen de réformation.

35. De la sorte, tant en ce qui concerne les indemnités d'occupation, que les arriérés de redevance, la décision ne peut qu'être confirmée.

o Sur la demande d'astreinte

36. L'intimée présente des demandes au titre de deux astreintes et du concours de la force publique, sans davantage d'explications sur les circonstances de l'espèce qui devraient conduire la cour à prononcer de telles mesures.

37. Ces demandes seront encore rejetées.

o Sur la demande de dommages et intérêts

38. Les parties se reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.

39. En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties. Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.

o Sur la demande de délais de paiement

40. Il résulte de l'article 1343-5 du Code civil que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

41. Les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si des délais de grâce peuvent être accordés au débiteur sans que cela ne soit nécessairement subordonné à l'existence d'une capacité de remboursement de ses dettes par le débiteur. Lorsque ce dernier ne dispose d'aucune capacité de remboursement, le juge peut lui accorder un report de paiement en lieu et place d'un rééchelonnement de sa dette.

42. Toutefois, l'octroi de ces délais est subordonné à la preuve que le débiteur soit de bonne foi et, en l'espèce, que ce délai lui permettra d'apurer sa dette dans de meilleures conditions que s'il était condamné pour le tout.

43. En l'espèce, la SARL Gamada Assainissement n'indique pas comment elle pourrait apurer sa dette et quels seraient ses atouts pour y parvenir.

44. Il y a lieu, dès lors de confirmer le jugement déféré sur ce point.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la SARL Gamada Assainissement de nullité des contrats de location-gérance et de location mobilière avec option d'achat et de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne la SARL Gamada Assainissement à payer à la SAS Gamada MTP et à la SARL Onalis Holding, ensemble, la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déboute l'appelante de sa demande fondée sur les mêmes dispositions,

Condamne la SARL Gamada Assainissement aux dépens d'appel.

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