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Décisions

CA Dijon, 1re ch. civ., 8 avril 2025, n° 22/00438

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bh Electricite (SAS)

Défendeur :

Solarworld AG (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Caullireau-Forel

Conseillers :

Mme Charbonnier, Mme Kuentz

Avocats :

Me Renevey-Laissus, Me Charlot-Jacquard

TJ Chaumont, du 20 janv. 2022, n° 14/005…

20 janvier 2022

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon devis du 17 janvier 2009 qu'il a accepté, le Gaec [Localité 7] a fait procéder à la pose d'une installation de panneaux photovoltaïques par la SAS BH Electricité, pour un montant de 547 160,43 euros.

La société BH Electricité a commandé le matériel, fabriqué par la société allemande Solarworld AG, auprès d'un distributeur de cette dernière, la société allemande Beck Solar.

L'installation a fait l'objet d'une réception le 12 août 2009, lors de sa mise en route et a produit, quelques semaines après, un volume insuffisant.

La société BH Electricité a procédé courant 2011 au démontage complet de l'installation et au remplacement des boîtiers de jonction ainsi que de certains modules par du matériel fourni par la société Solarwolrd AG.

Une expertise a été ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Chaumont selon ordonnance rendue le 22 mai 2012.

M. [M] [W], désigné en qualité d'expert judiciaire, a déposé son rapport le 15 avril 2014.

Par acte du 5 juin 2014, le Gaec [Localité 7] a fait attraire la SAS BH Electricité devant le tribunal de grande instance de Chaumont aux fins de la voir condamner au paiement de diverses sommes correspondant à la reprise des panneaux photovoltaïques et à la perte de production.

Par acte du 10 mars 2015, la société BH Electricité a fait assigner en intervention forcée et en garantie la société Solarworld AG.

Cette instance a été jointe à la procédure initiale par une ordonnance du 12 mai 2015.

Par ordonnance du 7 janvier 2016, le juge de la mise en état a rejeté les exceptions de nullité ainsi que l'exception d'incompétence présentées par la société Solarworld AG, et condamné cette dernière au paiement d'une somme de 500 euros d'une part au Gaec [Localité 7] et à ses associés, et d'autre part à la société BH Electricité.

Par jugement du 15 mars 2018, le tribunal de grande instance de Chaumont a constaté l'interruption de l'instance à l'égard de la société Solarworld AG, compte tenu de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire selon jugement du tribunal d'instance de Bonn du 1er août 2017, et a renvoyé l'affaire à la mise en état afin de permettre aux parties de déclarer leur créance et de mettre en cause le liquidateur.

La société BH Electricité a déclaré sa créance auprès de Maître [X] [C], en qualité de liquidateur de la société Solarworld AG, par courrier recommandé international du 20 mars 2018 dont l'accusé de réception a été signé le 23 mars 2018.

Par acte du 15 octobre 2019, la société BH Electricité a fait assigner en intervention et en garantie Maître [C], ès qualités.

Une ordonnance de jonction a été rendue le 12 mars 2020.

Par un jugement réputé contradictoire du 20 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Chaumont a :

- condamné la SAS BH Electricité à payer au Gaec [Localité 7] la somme de 246 000 euros toutes taxes comprises au titre du remplacement des panneaux photovoltaïques endommagés, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

- rejeté la demande d'appel en garantie formée par la SAS BH Electricité contre la société Solarworld AG et Maître [X] [C], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Solarworld AG, au titre du remplacement des panneaux photovoltaïques,

- condamné la SAS BH Electricité à payer au Gaec [Localité 7] la somme de 39 271,80 euros hors taxes au titre de la perte de production, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

- rejeté la demande d'appel en garantie formée par la SAS BH Electricité contre la société Solarworld AG et Maître [X] [C], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Solarworld AG, au titre de la perte de production,

- condamné la SAS BH Electricité aux entiers dépens de l'instance en ce compris, les frais d'expertise judiciaire réalisée par M. [M] [W],

- condamné la SAS BH Electricité à payer au Gaec [Localité 7] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS BH Electricité à payer à la société Solarworld la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La société BH Electricité a relevé appel de cette décision le 6 avril 2022.

Elle a fait signifier sa déclaration d'appel et ses premières conclusions à Maître [C] ès qualités et à la société Solarworld, ainsi qu'il résulte de l'acte d'accomplissement des formalités prévues par l'article 4 § 3 et l'article 9 § 2 du règlement (CE) n°1393/2007, daté du 1er août 2022, et des accusés de réception signés par les tribunaux d'instance de Bonn et de Düsseldorf les 3 et 4 août 2022.

Par ordonnance du 6 juillet 2023, le conseiller chargé de la mise en état a :

- déclaré la SAS BH Electricité irrecevable en sa demande de suspension de l'exécution provisoire du jugement rendu le 20 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Chaumont,

- débouté le Gaec [Localité 7] de sa demande de radiation de l'affaire,

- dit que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 décembre 2022, la SAS BH Electricité demande à la cour de :

- juger son appel recevable et bien fondé, y faisant droit,

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Chaumont du 20 janvier 2022,

- débouter le Gaec [Localité 7] de l'intégralité de sa demande fondée sur l'article 1604 du code civil,

A titre très subsidiaire et sur l'appel en garantie à l'encontre de Maître [C] en qualité de liquidateur de la société Solarworld AG,

Vu les articles 1103, 1193, 1194 du code civil,

- fixer la créance due par Maître [C] ès qualités à son égard à la somme de 34 088 euros pour les frais de démontage, colisage et remontage des modules,

- fixer également sa créance à l'encontre de Maître [C] ès qualités à la somme de 39 271,80 au titre de la perte de production d'électricité,

- condamner Solarworld AG à la garantir en toute condamnation en principal, intérêts et frais,

- condamner le Gaec [Localité 7] à lui payer une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le Gaec [Localité 7] aux frais et dépens.

En ses dernières écritures notifiées le 3 octobre 2022, le Gaec [Localité 7] demande à la cour, au visa des articles 1792-4 et suivants, 1116, 1641 et suivants, 1604 et 1386-1 du code civil, de :

- déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la SAS BH Electricité,

- débouter purement et simplement la SAS BH Electricité de l'ensemble de ses fins, prétentions et moyens,

A titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

condamné la SAS BH Electricité à lui payer la somme de 246 000 euros toute taxe comprise au titre du remplacement des panneaux photovoltaïques endommagés, outre intérêts au taux légal,

rejeté la demande d'appel en garantie formée par la SAS BH Electricité contre la société Solarworld AG et Maître [X] [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Solarworld AG au titre des remplacements des panneaux photovoltaïques,

condamné la SAS BH Electricité à lui payer la somme de 39 271,80 euros hors taxes au titre de la perte de production, outre intérêts au taux légal,

rejeté la demande d'appel en garantie formée par la SAS BH Electricité contre la société Solarworld AG et Maître [X] [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Solarworld AG, au titre de la perte de production,

condamné la SAS BH Electricité aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise réalisée par M. [M] [W],

Y ajoutant,

- condamner la société BH Electricité à lui payer la somme de 49 200 euros au titre de l'actualisation de 20 %,

- condamner la SARL BH Electricité à lui payer la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens en ce qu'ils comprennent également les frais de référé et d'expertise,

A titre subsidiaire,

- infirmer le jugement :

* Sur la garantie contractuelle au titre de la perte de chance de production :

- condamner solidairement la SARL BH Electricité d'une part et la société Solarworld AG d'autre part, ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 39 271,80 euros HT soit 47 145,60 euros TTC au titre de la perte de production,

- fixer sa créance au passif de la société Solarworld AG à la somme de 39 271,80 euros HT soit 47 145,60 euros TTC au titre de la perte de production,

* Sur la responsabilité au titre des remplacements des panneaux endommagés :

A titre principal,

- condamner solidairement la SARL BH Electricité d'une part et la société Solarworld AG d'autre part, ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 295 200 euros au titre du remplacement des panneaux endommagés au titre de la garantie des constructeurs,

- fixer sa créance au passif de la société Solarworld AG à la somme de 295 200 euros au titre du remplacement des panneaux endommagés au titre de la garantie des constructeurs,

A titre subsidiaire,

- condamner solidairement la SARL BH Electricité d'une part et la société Solarworld AG d'autre part, ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 295 200 euros au titre du remplacement des panneaux endommagés au titre de la garantie des vices cachés,

- fixer sa créance au passif de la société Solarworld AG à la somme de 295 200 euros au titre du remplacement des panneaux endommagés au titre de la garantie des vices cachés,

A titre infiniment subsidiaire,

- condamner solidairement la SARL BH Electricité d'une part et la société Solarworld AG d'autre part, ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 295 200 euros au titre du remplacement des panneaux endommagés au titre de la garantie du fait des produits défectueux sur le fondement de l'article 1386-1 du code civil,

- fixer sa créance au passif de la société Solarworld AG à la somme de 295 200 euros au titre du remplacement des panneaux endommagés sur le fondement de I'article 1386-1 du code civil,

A titre infiniment infiniment subsidiaire,

- condamner solidairement la SARL BH Electricité d'une part et la société Solarworld AG d'autre part, ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 295 200 euros au titre du remplacement des panneaux endommagés au titre du dol sur le fondement de l'article 1116 du code civil,

- fixer sa créance au passif de la société Solarworld AG à la somme de 295 200 euros au titre du remplacement des panneaux endommagés au titre du dol sur le fondement de l'article 1116 du code civil,

A titre infiniment infiniment infiniment subsidiaire,

- condamner solidairement la SARL BH Electricité d'une part et la société Solarworld AG d'autre part, ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 295 200 euros au titre du remplacement des panneaux endommagés au titre du défaut de conformité sur le fondement de l'article 1604 du code civil,

- fixer sa créance au passif de la société Solarworld AG à la somme de 295 200 euros au titre du remplacement des panneaux endommagés au titre du défaut de conformité sur le fondement de l'article 1604 du code civil,

En tout état de cause,

- dire et juger que cette somme évaluée par l'expert au 01 janvier 2009 fera l'objet d'une indexation pour revalorisation au jour où la décision sera définitive,

- condamner en outre solidairement la SARL BH Electricité et la société Solarworld AG, ou l'une à défaut de l'autre, à payer la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens en ce qu'ils comprennent également les frais de référé et d'expertise.

Maître [X] [C], attrait à la procédure en qualité de liquidateur judiciaire de la société Solarworld AG, n'a pas constitué avocat.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées des parties pour un exposé complet de leurs moyens.

La clôture a été prononcée par une ordonnance du 16 mai 2024.

Il a été demandé en cours de délibéré au conseil du Gaec [Localité 7] de justifier de la signification de ses conclusions à Maître [C], ès qualités, à peine d'irrecevabilité des demandes présentées à son encontre.

MOTIFS

Sur les demandes du Gaec [Localité 7] à l'encontre de la société BH Electricité

Sur les défauts affectant les panneaux photovoltaïques

Le Gaec [Localité 7] conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société BH Electricité à raison du défaut de conformité de l'installation photovoltaïque.

A titre subsidiaire, il fonde ses prétentions sur les dispositions de l'article 1792-4 du code civil, puis sur la notion de vices cachés consacrée par l'article 1641 du code civil, puis sur les dispositions de l'article 1386-1 du code civil, et enfin sur celles de l'article 1116 du même code.

La société BH Electricité construction conclut pour sa part au rejet pur et simple des demandes présentées à son encontre au titre du remplacement des panneaux.

- Sur le défaut de conformité

La délivrance, consacrée par l'article 1604 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, qui la définit comme 'le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur', doit être conforme, ce qui implique que la chose délivrée doit correspondre à ce qui avait été contractuellement défini par les parties.

En l'espèce, il résulte des éléments du dossier que le Gaec [Localité 7] a commandé à la société BH Electricité, selon devis accepté du 17 janvier 2009, une installation photovoltaïque intégrée dans la toiture de son bâtiment d'élevage, comprenant 522 modules solaires monocristallins SW180 de marque Solarworld (soit une puissance de 93,96 kWcr), 8 onduleurs SMA SMC 1100TL, outre une structure d'intégration de toiture type 'toit solaire de Solarworld'.

Il résulte du rapport d'expertise que ce sont finalement 553 panneaux monocristallins de marque Solarworld type SW 170 (soit une puissance de 94,01 kWcr) et 9 onduleurs SMA type SMC 100 00 TL qui ont été installés.

Cette différence par rapport au devis n'est pas critiquée par le Gaec [Localité 7], ce qui peut s'expliquer par le fait que l'installation mise en oeuvre, de la marque convenue, présente les mêmes caractéristiques et notamment la même puissance que celle décrite dans le devis.

Ainsi, le matériel fourni et installé courant 2009 par la société BH Electricité doit être considéré comme conforme aux prévisions contractuelles.

Il est établi que l'installation a présenté par la suite de multiples dysfonctionnements (déconnexion des onduleurs), dont l'expert judiciaire a attribué la cause à des défauts d'étanchéité des boîtiers de jonction des modules fabriqués par la société Solarworld AG, lesquels ne répondaient pas à l'indice IP65 pourtant mentionné sur les boîtiers et dans la notice.

La société Solarworld AG a reconnu sa responsabilité du fait de ces dysfonctionnements, qui constituaient des vices cachés affectant l'installation, et accepté de remplacer à ses frais les 553 boîtiers.

Il s'est avéré que lors de la réalisation des travaux de réparation, 49 modules (ou 28 modules, l'expert évoquant les deux chiffres dans son rapport) ont été endommagés et remplacés par des modèles 185 W d'occasion, ce dont le Gaec [Localité 7] a au demeurant été avisé (cf courriel qui lui a été envoyé par l'appelante le 6 juillet 2011) et qu'il a implicitement accepté.

Dans ces conditions, aucun défaut de délivrance conforme ne saurait être imputé à la société BH Electricité. Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'appelante sur ce fondement.

- Sur la garantie due par les constructeurs

Le Gaec [Localité 7] invoque à titre subsidiaire l'application des dispositions de l'article 1792-4 du code civil, aux termes desquelles :

'Le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré.

Sont assimilés à des fabricants pour l'application du présent article :

'Celui qui a importé un ouvrage, une partie d'ouvrage ou un élément d'équipement fabriqué à l'étranger ;

Celui qui l'a présenté comme son oeuvre en faisant figurer sur lui son nom, sa marque ou tout autre signe distinctif'.

Le Gaec soutient que la société BH Electricité est solidairement responsable avec la société Solarworld AG, fabricant des boîtiers défaillants, puisque l'installation était impropre à sa destination.

Il n'explique toutefois pas en quoi l'installation photovoltaïque litigieuse et encore moins les boîtiers défectueux correspondraient à un Epers au sens des dispositions susvisées, c'est-à-dire un élément d'équipement conçu spécifiquement pour les besoins particuliers du chantier de construction.

En tout état de cause, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les réparations intervenues en 2011 n'ont laissé subsister aucun dysfonctionnement, de sorte qu'il n'existe aucune impropriété à destination susceptible de justifier l'application des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil.

- Sur la garantie des vices cachés

En application des dispositions de l'article 1604 du code civil, 'le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus'.

Il résulte en l'espèce du rapport d'expertise judiciaire que l'installation photovoltaïque litigieuse était initialement affectée de vices cachés, dès lors que les onduleurs présentaient des déconnections à répétition, affectant de manière significative la production d'électricité.

Les réparations effectuées en 2011 ont toutefois permis de remédier intégralement à ces difficultés ' la présence de 'patchs' sur 165 modules réparés n'entraînant aucune conséquence sur leur fonctionnement ', l'expert précisant même que l'installation réparée, remise en service mi-juillet 2011, produit depuis lors plus que la quantité théorique projetée d'électricité.

En conséquence, il ne pourra être fait droit aux demandes du Gaec [Localité 7] en ce qu'elles sont fondées sur la garantie des vices cachés.

- Sur la garantie du fait des produits défectueux

L'article 1386-1, devenu 1245, du code civil, dispose que 'le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime'.

L'article 1386-2, devenu 1245-1, du même code, précise que 'les dispositions du présent titre s'appliquent à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne. Elles s'appliquent également à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même'.

Dans la mesure où la société BH Electricité n'est pas le producteur du matériel litigieux, et où la défectuosité invoquée n'a en outre affecté que ledit matériel, à l'exclusion de personnes ou d'autres biens, il n'y pas lieu de faire droit aux demandes du Gaec [Localité 7] sur ce fondement.

- Sur le dol

L'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131du 10 février 2016, dispose que 'le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé'.

Le dol, constitutif d'un vice du consentement, résulte par hypothèse d'un comportement déloyal antérieur à la conclusion du contrat.

La pose de modules photovoltaïques d'occasion, dans le cadre d'opérations de réparation réalisées plus de deux ans et demi après la conclusion du contrat, ne saurait dès lors relever de ces dispositions, et ce alors au surplus qu'il ressort du contenu du courriel du 6 juillet 2011 susmentionné que le Gaec [Localité 7] avait été avisé de cette situation et ne s'y était pas opposé

***

Les prétentions du Gaec [Localité 7] n'étant susceptibles de prospérer sur aucun des fondements invoqués, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société BH Electricité au paiement d'une somme de 246 000 euros au titre du remplacement des panneaux photovoltaïques endommagés, et de rejeter la demande présentée de ce chef par le Gaec, ainsi que la demande d'actualisation s'y rapportant.

Sur la perte de production d'électricité

Le Gaec [Localité 7] conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société BH Electricité à lui payer la somme de 39 271,80 euros HT au titre de la perte de production d'électricité, et ce en application des dispositions de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

La société BH Electricité soutient pour sa part que la garantie de production était due par le fabricant des modules, dont elle recherche d'ailleurs la garantie à titre subsidiaire.

Il résulte toutefois du devis établi par ses soins le 17 janvier 2009, accepté par le Gaec, qu'elle s'était engagée à garantir un rendement de 85 % sur 25 ans, de sorte qu'elle est contractuellement tenue au respect de cette obligation.

Compte tenu de la différence entre la production théorique attendue entre le 1er octobre 2009 et le 15 juillet 2011 (166 140 kWh) et la production réalisée (100 687 kWh), différence liée aux dysfonctionnements ayant affecté l'installation photovoltaïque au cours de cette période, M. [W] a évalué le préjudice financier du Gaec [Localité 7] à la somme de 39 271,80 euros HT, selon des modalités qui ne sont pas discutées par les parties.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la société BH Electricité à payer ladite somme au Gaec.

Sur les demandes du Gaec [Localité 7] à l'encontre de la société Solarworld AG

Le Gaec [Localité 7] sollicite à titre subsidiaire l'infirmation du jugement critiqué en ce qu'il l'a débouté de ses demandes présentées à l'encontre de la société Solarworld AG, et la fixation de sa créance au passif de cette dernière à la somme de 295 000 euros au titre du remplacement des panneaux endommagés.

En application des articles 551, 68 alinéa 2 et 911 du code de procédure civile, le Gaec [Localité 7] aurait dû porter son appel incident, dirigé à l'encontre de la société Solarworld AG et de son liquidateur judiciaire, partie co-intimée et non constituée, par voie de signification de ses conclusions.

Or, malgré la demande de la cour du 11 juin 2024, le Gaec [Localité 7] n'a pas justifié de la signification de ses conclusions à Maître [C], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Solarworld AG.

Les demandes qu'il présente à l'encontre de cette partie sont par conséquent irrecevables.

Sur les demandes de la société BH Electricité à l'encontre de la société Solarworld AG

Il ressort du rapport d'expertise que, une fois identifiée la cause des dysfonctionnements, la société BH Electricité a procédé aux opérations de remplacement des 553 boîtiers de jonction défaillants par de nouveaux boîtiers étanches fournis par la société Solarworld AG, ce qui a nécessité un travail de démontage-remontage des 553 modules, pour un coût évalué à 34 088 euros.

La société BH Electricité conclut à la fixation de sa créance au passif de la société Solarworld AG à ce montant, en application des articles 1103, 1193 et 1194 du code civil.

Elle recherche également la garantie du fabricant au titre de la condamnation afférente à la perte de production d'électricité prononcée à son encontre, au motif qu'il résulte des conditions générales de vente de la société Solarworld AG que le constructeur garantit contractuellement la performance effective des panneaux durant la première année à hauteur de 97 %.

Les relations entre la société BH Electricité et la société Solarworld AG s'inscrivent dans une chaîne de contrats translatifs de propriété comportant, en tant que vendeur intermédiaire, la société allemande Beck Solar.

Si le droit français était applicable à ces relations, la société BH Electricité pourrait engager une action de nature contractuelle à l'encontre de la société Solarworld AG.

Toutefois, ainsi que l'a retenu le tribunal judiciaire de Chaumont pour rejeter les demandes de l'appelante, il ressort des stipulations des conditions générales de vente de la société Solarworld AG (pièce n°12 de l'annexe 4-3 du rapport d'expertise) que 'les relations contractuelles sont régies par la loi allemande', et que 'la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises est exclue'.

En outre, la garantie de performance de 97 % invoquée par la société BH Electricité ne ressort pas de cette pièce n°12, ce qui avait également été relevé par les premiers juges.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes présentées par la société BH Electricité à l'encontre de la société Solarworld AG, représentée par son liquidateur judiciaire.

Sur les frais de procès

Il convient de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais non compris dans les dépens exposés par les parties en première instance.

La société BH Electricité sera en outre tenue aux dépens de la procédure d'appel, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande en revanche de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice du Gaec [Localité 7], qui peut seul y prétendre, au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la société BH Electricité à payer au Gaec [Localité 7] la somme de 246 000 euros TTC au titre du remplacement des panneaux photovoltaïques endommagés, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement,

Statuant à nouveau de ce chef et ajoutant,

Déboute le Gaec [Localité 7] de ses demandes présentées à l'encontre de la société BH Electricité au titre du remplacement des panneaux photovoltaïques,

Déclare irrecevable l'appel incident formé par le Gaec [Localité 7] à l'encontre de la société Solarworld AG, représentée par son liquidateur, Maître [C],

Condamne la société BH Electricité aux dépens de la procédure d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

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