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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 7 avril 2025, n° 22/19085

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Italscania (Sté)

Défendeur :

Pezzolato Officine Construzioni Meccaniche (Sté), Pôle Biomasse Hautes Côtes (SAS), Crédit Mutuel Leasing (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Blanc

Vice-président :

Mme Simon-Rossenthal

Conseiller :

Mme Lorans

Avocats :

Me Rousseau, Me Laurent, Me Guerre, Me Ricard, Me Tourette, Me Lecrubier, Me Telenda, Me Ingold, Me Adoui

T. com. Paris, du 15 sept. 2022, n° J202…

15 septembre 2022

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

1. Courant novembre 2015, la société Roussel Christian, devenue Pôle Biomasse Hautes Côtes (la société Pôle Biomasse), qui produit des granules combustibles à partir de bois et les commercialise, a commandé un broyeur à tambour à la société italienne Pezzolato Officine Construzioni Meccaniche (la société Pezzolato), moyennant le prix de 485 000 euros HT.

2. Par un contrat du 18 décembre 2015, la société CM-CIC Bail, devenue Crédit Mutuel Leasing, s'est engagée à financer ce matériel, sous la forme d'un crédit-bail stipulant le paiement de 84 loyers mensuels.

3. La société Pezzolato a commandé auprès de la société Italscania le moteur destiné à équiper le broyeur, moyennant le prix de 32 200 euros HT. Ce moteur a été livré par la société Italscania à la société Pezzolato le 21 mars 2016.

4. Le 7 avril 2016, le broyeur a été livré à la société Pôle Biomasse par la société Pezzolato et a été mis en service. Selon deux factures émises par la société Pezzolato les 10 décembre 2015 et 7 avril 2016, la société Crédit Mutuel Leasing a successivement payé les sommes de 48 500 euros et 436 500 euros au titre de la vente du broyeur.

5. Le 10 octobre 2018, faisant valoir que le broyeur avait subi de nombreuses pannes, vraisemblablement causées, selon les conclusions de l'expert mandaté par son assureur, par un dysfonctionnement du moteur, la société Pôle Biomasse a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Paris d'une demande de désignation d'un expert. Par une ordonnance du 30 janvier 2019, ce juge a désigné M. [S] en tant qu'expert, avec pour mission d'examiner le broyeur et de déterminer les causes des dysfonctionnements observés, ainsi que la nature, la durée et le coût des travaux de remise en état.

6. Le 28 octobre 2019, la société Pôle Biomasse a assigné les sociétés Pezzolato et Crédit Mutuel Leasing en résolution de la vente, sur le fondement de la garantie des vices cachés, en caducité du contrat de crédit-bail et en indemnisation de divers préjudices. La société Pezzolato a appelé en garantie la société Italscania, laquelle lui a opposé la prescription de son action, sur le fondement de la loi italienne qu'elle estimait applicable au contrat.

7. M. [S] a déposé son rapport le 8 février 2021.

8. Par un jugement du 15 septembre 2022, le tribunal a statué comme suit :

« a) Joint les causes N°RG 2019061521 et 2020016291 sous le n°RG J2022000416 ;

b) Dit la loi française applicable au litige portant sur le contrat de crédit-bail ;

c) Dit la loi italienne applicable à la garantie consentie par la société ITALSCANlA SPA à la SAS POLE BIOMASSE DES HAUTES COTES, anciennement dénommée SARL ROUSSEL CHRISTIAN ;

d) Homologue le rapport déposé le 08 février 2021 par M. [S], expert judiciaire ;

e) Déboute la société ITALSCANIA SPA de sa demande de prescription soulevée contre la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA ;

f) Dit le broyeur de marque PEZZOLATO affecté d'un vice caché le rendant impropre à sa destination ;

g) Prononce la résolution de la vente ;

h) Condamne Ia Société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA, de droit italien, à payer à Ia SA CRÉDIT MUTUEL LEASING la somme de 435.500 ' ;

i) Condamne la société ITALSCANIA SPA à relever et garantir la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA, de droit italien, de sa condamnation à payer à la SA CRÉDIT MUTUEL LEASING Ia somme de 436.500 ' ;

j) Dit que la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA, de droit italien, devra reprendre possession du matériel vendu, auprès de la SAS POLE. BIOMASSE DES HAUTES COTES, anciennement dénommée SARL ROUSSEL CHRISTIAN, et ce à ses entiers frais ;

k) Prononce la caducité du contrat de crédit-bail du 18 décembre 2015 ;

l) Dit qu'il y a lieu à restitution, et condamne la SA CREDIT MUTUEL LEASING à payer à la SAS POLE BIOMASSE DES HAUTES COTES, anciennement dénommée SARL ROUSSEL CHRISTIAN, la somme de 448.924,17 ', dont : le premier loyer de 9 447,45 ', 32 loyers de 7 358.91 ', 6 loyers minorés de 1 117,00 ', 24 loyers de 8 220,40 ' ;

m) Condamne la société ITALSCANIA SPA à relever et garantir la SA CRÉDIT MUTUEL LEASING de sa condamnation à payer à la SAS POLE BIOMASSE DES HAUTES COTES, anciennement dénommée SARL ROUSSEL CHRISTIAN, la somme de 448.924,17 ' ;

n) Condamne Ia société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA à payer la somme de 78.419,03 ' à l'ordre de la SA CRÉDIT MUTUEL LEASING à titre du manque à gagner ;

o) Condamne la société ITALSCANIA SPA à relever et garantir la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA de sa condamnation à payer la somme de de 78.434,01 ' à l'ordre de la SA CRÉDIT MUTUEL LEASING au titre du manque à gagner ;

p) Condamne la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA à payer à la SAS PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES, anciennement dénommée SARL ROUSSEL CHRISTIAN, la somme de 59.906,91 ', dont 8.888,48 ' HT au titre des interventions sur le moteur, 20.507,27 ' HT pour les achats de bois de substitution, 27.000 ' au titre des primes d'assurance, 3.511,16 ' au titre des frais divers ;

q) Condamne la société ITALSCANIA SPA à relever et garantir la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE. SPA de sa condamnation à payer à la SAS POLE BIOMASSE HAUTES COTES, anciennement dénommée SARL ROUSSEL CHRISTIAN, la somme de 59.906,91 ' ;

r) Condamne la société ITALSCANIA SPA à payer à la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA la somme de 24.490,28 ' en remboursement des frais exposés par celle-ci dans le cadre de l'expertise judiciaire ;

s) Condamne la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA à payer, à la SAS PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES, anciennement dénommée SAR LROUSSEL CHRISTIAN, la somme de 15.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

t) Condamne la société ITALSCANIA SPA à relever et garantir la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA de sa condamnation à payer à la SAS PÔLE BIOMASSE HAUTES. COTES, anciennement dénommée SARL ROUSSEL CHRISTIAN, la somme de 15.000' au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

u) Condamne la société ITALSCANIA SPA à payer à la SA CREDIT MUTUEL LEASING la somme de 8.000' au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

v) Condamne la société ITALSCANIA SPA à payer à PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA la somme de 5.000' au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

w) Condamne solidairement les sociétés PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA et ITALSCANIA SPA aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 175,65 ' dont 28,85 ' de TVA.

x) Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

y) Ordonne l'exécution provisoire. »

9. Par une déclaration du 9 novembre 2022, la société Italscania a fait appel de ce jugement. Par des conclusions remises au greffe, respectivement, le 20 mars 2023 et le 17 mai 2023, les sociétés Crédit Mutuel Leasing et Pezzolato ont relevé appel incident.

10. Par une décision du 16 mai 2023, le délégué du premier président a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 15 septembre 2022, formée par la société Italscania.

11. Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 15 novembre 2024, la société Italscania demande à la cour d'appel de :

« Vu le Jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 15 septembre 2022 ;

Vu les pièces versées aux débats ;

Vu les dispositions de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels et du Règlement dit « Rome I » ou plus exactement Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 ;

Vu les dispositions des articles 1795 et 1797 du Code Civil Italien ;

Vu les dispositions de l'article 276 du Code de Procédure Civile ;

A titre principal ;

Juger la Société ITALSCANIA SPA recevable et bien fondée en son appel ;

L'y recevant ;

Confirmer le Jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 15 septembre 2022 en ce qu'il a jugé que la Loi applicable entre les sociétés PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE et ITALSCANIA SPA était la Loi Italienne ;

En conséquence, Infirmer le Jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 15 septembre 2022 en ce qu'il a jugé que l'action de la Société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE dirigée à l'encontre de la Société ITALSCANIA SPA n'était pas prescrite ;

Statuant à nouveau, Juger que l'action en garantie de la Société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE à l'encontre de la Société ITASCANIA SPA est prescrite en application des dispositions des article 1795 et 1797 du Code Civil Italien ;

En conséquence, débouter la Société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE de son appel en garantie et décharger la société ITALSCANIA SPA de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;

A titre subsidiaire ;

Infirmer Jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 15 septembre 2022 et juger qu'il n'existe aucun vice caché, et en conséquence débouter la Société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE de ses demandes en garantie ;

A titre infiniment subsidiaire ;

Juger nul le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [P] [S] en raison des manquements au principe du contradictoire et en ce qu'il n'a pas, répondu à la mission qui lui était confiée, et en conséquence mettre hors de cause la Société ITALSCANIA, aucune responsabilité ne pouvant être démontrée et retenue à son encontre ;

En tout état de cause ;

Infirmer le Jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 15 septembre 2022 en ce qu'il a condamné la Société ITALSCANIA SPA à garantir la Société CREDIT MUTUEL LEASING de sa condamnation à hauteur de 448.927,17 ' u titre du remboursement des loyers du crédit-bail devenu caduc, et décharger la Société ITALSCANIA SPA de toute condamnation prononcée à son encontre au profit de la Société CREDIT MUTUEL LEASING ;

Condamner in solidum les Sociétés PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE, POLE BIOMASSE HAUTES COTES et CREDIT MUTUEL LEASING à payer à la société ITALSCANIA SPA la somme de 20.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner in solidum les Sociétés PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE, POLE BIOMASSE HAUTES COTES et CREDIT MUTUEL LEASING aux entiers dépens de l'instance. »

12. Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 15 novembre 2024, la société Pezzolato demande à la cour d'appel de :

« Vu le rapport d'expertise de Monsieur [P] [S] du 8 février 2021,

Vu les articles 1641 et suivants du Code civil, les articles 1231 et suivants du Code civil,

Vu les articles 1495 et 1497 du Code civil italien,

Vu l'article 53 du Règlement (UE) n°1215/2012

Vu l'article 700 du Code de procédure civile, [...]

A TITRE PRINCIPAL :

- INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 15 septembre 2022 en ce qu'il a :

- Dit le broyeur de marque PEZZOLATO affecté d'un vice caché le rendant impropre à sa destination ;

- Prononcé la résolution de la vente ;

- Condamné la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA, de droit italien, à payer à la SA CRÉDIT MUTUEL LEASING la somme de 436 500 ' ;

- Dit que la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA, de droit italien, devra reprendre possession du matériel vendu, auprès de la SAS PÔLE BIOMASSE DES HAUTES COTES, anciennement dénommée SARL ROUSSEL CHRISTIAN, et ce à ses entiers frais ;

- Condamné la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA à payer la somme de 78 419,03 ' à l'ordre de la SA CRÉDIT MUTUEL LEASING à titre du manque à gagner ;

- Condamné la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA à payer à la SAS PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES, anciennement dénommée SARL ROUSSEL CHRISTIAN, la somme de 59 906,91 ', dont 8 888,48 ' HT au titre des interventions sur le moteur, 20 507,27 ' HT pour les achats de bois de substitution, 27 000 ' au titre des primes d'assurance, 3 511, 16 ' au litre des frais divers ;

- Condamné la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA à payer à, la SAS PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES, anciennement dénommée SARL ROUSSEL CHRISTIAN, la somme de 15 000 ' au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné solidairement les sociétés PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA et ITALSCANIA SPA aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 175,65 ' dont 28,85 ' de TVA ;

- Débouté les parti es de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

- STATUANT A NOUVEAU, DEBOUTER les sociétés PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES et CREDIT MUTUEL LEASING de leurs demandes.

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 15 septembre 2022 en ce qu'il a :

- Dit la loi italienne applicable à la garantie consentie par la société ITALSCANIA SPA à la SAS PÔLE BIOMASSE DES HAUTES COTES, anciennement dénommée SARL ROUSSEL CHRISTIAN ;

- Condamné la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA à payer à la SAS PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES, anciennement dénommée SARL ROUSSEL CHRISTIAN, la somme de 59 906,91 ', dont 8 888,48 ' HT au titre des interventions sur le moteur, 20 507,27 ' HT pour les « achats de bois de substitution, 27 000 ' au titre des primes d'assurance, 3 511, 16 ' au litre des frais divers ;

- Condamné solidairement les sociétés PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA et ITALSCANIA SPA aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 175,65 ' dont 28,85 ' de TVA ;

- Débouté les parti es de leurs demandes autres, plus amples ou contraires .

- STATUANT A NOUVEAU,

- DIRE la loi française applicable à la vente du moteur ;

- DIRE que le préjudice subi par la société PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES s'élève aux mieux à la somme de 2.673,37 ' ;

- CONDAMNER la société ITALSCANIA aux dépens ou, à tout le moins aux frais d'expertise.

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :

- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 15 septembre 2022.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

- JUGER irrecevable les nouvelles demandes de condamnation de la société PEZZOLATO à la somme de 749.877,56 ' HT au titre du préjudice subi du fait du recours à la sous-traitance majoré des frais de gestion et d'organisation supplémentaires induits par cette obligation et à la somme de 1.000.000 ' au titre des préjudices résultant de défaut d'accompagnement du CREDIT MUTUEL lié à la présente procédure, formulées par la société POLE BIOMASSE HAUTES COTES dans ses conclusions signifiées le 1er novembre 2024 ;

- CONDAMNER la société ITALSCANIA à payer, à la société PEZZOLATO, la somme de 30.000 ' au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- CONDAMNER la société ITALSCANIA aux entiers dépens. »

13. Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 12 novembre 2024, la société Crédit Mutuel Leasing demande à la cour d'appel de :

« Débouter les sociétés POLE BIOMASSE HAUTES COTES, PEZZOLATO Officine Construzioni Meccaniche S.P.A. et ITALSCANIA SPA de l'ensemble de leurs prétentions, en tant que ces dernières font grief à la société CREDIT MUTUEL LEASING.

Vu notamment les dispositions des articles 1134, 1184 et 1382 anciens du Code civil applicables en la cause,

Donner acte à la société CREDIT MUTUEL LEASING de ce qu'elle s'en rapporte à la décision de la Cour en ce qui concerne le bienfondé de l'appel interjeté par la société ITALSCANIA SPA et notamment en ce qui concerne le prononcé de la résolution du contrat de vente conclu entre la société CREDIT MUTUEL LEASING et la société PEZZOLATO Officine Construzioni Meccaniche S.P.A., ses conséquences pécuniaires et le prononcé de la caducité subséquente du contrat de crédit-bail conclu.

Dans l'hypothèse où le jugement de première instance serait confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente conclu entre la société CREDIT MUTUEL LEASING et la société PEZZOLATO Officine Construzioni Meccaniche S.P.A. :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné la société PEZZOLATO Officine Construzioni Meccaniche S.P.A. à rembourser à la société CREDIT MUTUEL LEASING le prix d'acquisition du matériel ;

- condamné la société PEZZOLATO Officine Construzioni Meccaniche S.P.A. à payer à la société CREDIT MUTUEL LEASING la somme de 78.419,03 euros au titre du manque à gagner subi par la société CREDIT MUTUEL LEASING en cas de prononcé de la caducité du contrat de crédit- bail ;

- condamné la société ITALSCANIA SPA à relever et garantir la société PEZZOLATO Officine Construzioni Meccaniche S.P.A. de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société CREDIT MUTUEL LEASING ;

- condamné la société ITALSCANIA SPA à payer à la société CREDIT MUTUEL LEASING la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné solidairement les sociétés ITALSCANIA SPA et PEZZOLATO Officine Construzioni Meccaniche S.P.A. aux entiers dépens.

Recevant la société CREDIT MUTUEL LEASING en son appel incident en l'en disant bien fondée :

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société PEZZOLATO à payer à la société CREDIT MUTUEL LEASING la somme de 436.500 euros à titre de remboursement du prix d'acquisition du bien loué,

Statuant à nouveau de ce chef :

Condamner la société PEZZOLATO à rembourser à la société CREDIT MUTUEL LEASING la somme de 485.000 euros à titre de remboursement du prix d'acquisition du matériel loué,

Réformer également le jugement entrepris en ce qu'il condamné la société ITALSCANIA à relever et garantir la société CREDIT MUTUEL LEASING de sa condamnation à payer à la société POLE BIOMASSE HAUTES COTES, anciennement dénommée SARL CHRISTIAN ROUSSEL, la somme de 448.924,17 euros à titre de remboursement des loyers par cette dernière réglée.

Dans l'hypothèse où le jugement dont appel serait infirmé, notamment en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente conclu entre la société CREDIT MUTUEL LEASING et la société PEZZOLATO Officine Construzioni Meccaniche S.P.A. et la caducité subséquente du contrat de crédit-bail conclu entre la société CREDIT MUTUEL LEASING et la société POLE BIOMASSE HAUTES COTES, anciennement dénommée ROUSSEL CHRISTIAN :

En conséquence, réformer le jugement dont appel :

' en ce qu'il a condamné la société PEZZOLATO Officine Construzioni Meccaniche S.P.A. à rembourser à la société CREDIT MUTUEL LEASING la somme de 436.500 euros ;

' en ce qu'il a condamné la société PEZZOLATO Officine Construzioni Meccaniche S.P.A. à payer à la société CREDIT MUTUEL LEASING la somme de 78.419,03 euros au titre du manque à gagner ;

' en ce qu'il a condamné la société ITALSCANIA à garantir la société PEZZOLATO Officine Construzioni Meccaniche S.P.A. au titre de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre et au profit de la société CREDIT MUTUEL LEASING ;

' en ce qu'il a condamné la société ITALSCANIA SPA à payer à la société CREDIT MUTUEL LEASING la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Statuant à nouveau de ces chefs :

Condamner la société POLE BIOMASSE HAUTES COTES à rembourser à la société CREDIT MUTUEL LEASING la somme de 448.924,17 euros au titre des loyers effectivement réglés par la société POLE BIOMASSE HAUTES COTES dans le cadre de l'exécution du contrat de crédit-bail déclaré caduc.

Condamner la société POLE BIOMASSE HAUTES COTES à payer à la société CREDIT MUTUEL LEASING au titre des échéances de loyers laissées impayées des 7 août 2021 au 7 mars 2023 incluse, la somme de 164.408,40 euros TTC.

Enjoindre à la société POLE BIOMASSE HAUTES COTES de faire part de son éventuelle décision de levée l'option d'achat dont elle disposait dans le cadre de l'exécution du contrat de crédit-bail numéroté 10013414310, dans le délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.

Dans l'hypothèse où, dans ce délai, la société POLE BIOMASSE HAUTES COTES opterait en faveur de l'acquisition du matériel loué :

Condamner la société POLE BIOMASSE HAUTES COTES à payer à la société CREDIT MUTUEL LEASING le montant de la valeur résiduelle contractuellement arrêtée, savoir la somme de 5.820 euros TTC.

Dans l'hypothèse où la société POLE BIOMASSE HAUTES COTES ne confirmerait pas à la société CREDIT MUTUEL LEASING son intention de lever l'option d'achat dans le délai de quinze jours de la signification de l'arrêt à intervenir :

Condamner la société POLE BIOMASSE HAUTES COTES à restituer à la société CREDIT MUTUEL LEASING le matériel objet du contrat de crédit-bail dont le terme est fixé au 6 avril 2023, savoir un broyeur PEZZOLATO à tambour PTH 200/100 matricule C16130, et ce délai de quinze jours succédant au délai de quinzaine commençant à courir à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Autoriser la société CREDIT MUTUEL LEASING à appréhender son matériel partout où besoin sera, et ce avec le concours de la force publique s'il y a lieu.

Condamner la société POLE BIOMASSE HAUTES COTES à payer à la société CREDIT MUTUEL LEASING la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et ce au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre des débats de première instance.

En toute hypothèse :

Condamner la société ITALSCANIA SPA, la société PEZZOLATO Officine Construzioni Meccaniche S.P.A. et la société POLE BIOMASSE HAUTES COTES ou celle qui le mieux le devra à payer à la société CREDIT MUTUEL LEASING la somme complémentaire de 8.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel.

Les condamner mêmement aux entiers dépens. »

14. Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 1er novembre 2024, la société Pôle Biomasse demande à la cour d'appel de :

« Vu les articles 1186, 1178, 1641 et 1645 du Code civil, [...]

- DÉCLARER mal fondé l'appel de la société ITALSCANIA SPA à l'encontre du jugement rendu le 15 septembre 2022 par le Tribunal de Commerce de PARIS,

Par conséquent,

- CONFIRMER le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- DÉBOUTER les sociétés ITALSCANIA SPA, CRÉDIT MUTUEL LEASING et PEZZOLATO de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Statuant à nouveau,

- PRONONCER l'homologation du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [P] [S].

En conséquence

À titre principal :

- DÉCLARER la vente résolue ;

- PRONONCER la caducité du contrat de crédit-bail ;

- DÉBOUTER les sociétés ITALSCANIA SPA, CRÉDIT MUTUEL LEASING et PEZZOLATO de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES ;

- CONDAMNER la société CRÉDIT MUTUEL LEASING à rembourser à la société PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES l'intégralité des loyers qu'elle a réglés à la date du jugement de première instance, soit la somme de 448 924, 17 '.

- CONDAMNER solidairement les sociétés CRÉDIT MUTUEL LEASING et PEZZOLATO à payer à la société PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES la somme de 29 395,75 ' HT au titre des préjudices financiers subis outre 27 000 ' au titre des primes d'assurance versées et 10 000 ' au titre du préjudice de jouissance ;

- CONDAMNER solidairement les sociétés CRÉDIT MUTUEL LEASING et PEZZOLATO à payer à la société PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES la somme de 65 000 ' HT au titre du préjudice subi du fait du renouvellement anticipé ;

- CONDAMNER solidairement les sociétés CRÉDIT MUTUEL LEASING et PEZZOLATO à payer à la société PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES la somme de 749 877,56 ' HT au titre du préjudice subi du fait du recours à la sous-traitance majoré des frais de gestion et d'organisation supplémentaires induits par cette obligation ;

- CONDAMNER solidairement les sociétés CRÉDIT MUTUEL LEASING et PEZZOLATO à payer à la société PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES la somme de 1 000 000 ', à parfaire, au titre des préjudices résultant de défaut d'accompagnement financier du Crédit mutuel lié à la présente procédure ;

À titre subsidiaire

- CONDAMNER solidairement les sociétés CRÉDIT MUTUEL LEASING et PEZZOLATO au paiement de la somme de 621 553,47 ' correspondant au préjudice de jouissance subie par la société PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES ;

- CONDAMNER solidairement les sociétés CRÉDIT MUTUEL LEASING et PEZZOLATO à payer à la société PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES la somme de 29 395,75 ' HT au titre des préjudices financiers subis outre 27 000 ' au titre des primes d'assurance versées ;

- CONDAMNER solidairement les sociétés CRÉDIT MUTUEL LEASING et PEZZOLATO à payer à la société PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES la somme de 65 000 ' HT au titre du préjudice subi du fait du renouvellement anticipé.

- CONDAMNER solidairement les sociétés CRÉDIT MUTUEL LEASING et PEZZOLATO à payer à la société PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES la somme de 749 877,56 ' HT au titre du préjudice subi du fait du recours à la sous-traitance majoré des frais de gestion et d'organisation supplémentaires induits par cette obligation ;

- CONDAMNER solidairement les sociétés CRÉDIT MUTUEL LEASING et PEZZOLATO à payer à la société PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES la somme de 1 000 000 ', à parfaire, au titre des préjudices résultant de défaut d'accompagnement financier du Crédit mutuel lié à la présente procédure ;

En tout état de cause,

- CONDAMNER solidairement les sociétés ITALSCANIA SPA, CRÉDIT MUTUEL LEASING et PEZZOLATO à payer à la société PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES la somme de 20 000 ' sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER solidairement les sociétés ITALSCANIA SPA, CRÉDIT MUTUEL LEASING et PEZZOLATO aux entiers dépens comprenant notamment les différents frais d'expertise, les coûts de traduction des assignations, ainsi que le coût des constats d'huissier. »

15. La clôture a été prononcée par une ordonnance du 2 décembre 2024 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 12 décembre 2024.

16. Lors de cette audience, puis par un message adressé aux parties de le même jour, il a été demandé aux avocats des parties de présenter leurs éventuelles observations, par une note en délibéré, sur la recevabilité, au regard des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, des demandes de la société Pôle Biomasse tendant à la condamnation solidaire des sociétés Crédit Mutuel Leasing et Pezzolato à lui payer les sommes de 749 877,56 ' HT au titre du préjudice qu'elle aurait subi « du fait du recours à la sous-traitance majoré des frais de gestion et d'organisation supplémentaires induits par cette obligation », et de 1 000 000 ', à parfaire, au titre des préjudices qu'elle aurait subis en raison « du défaut d'accompagnement financier du Crédit mutuel lié à la présente procédure ».

17. Par des notes en délibéré remises au greffe respectivement les 16 et 23 décembre 2024, les sociétés Crédit Mutuel Leasing et Pezzolato ont conclu à l'irrecevabilité de ces demandes.

18. Par une note en délibéré remise au greffe le 26 décembre 2024, la société Pôle Biomasse conclut à la recevabilité de ses demandes, faisant valoir que celles-ci répondent à des questions « nées postérieurement au dépôt de ses premières écritures » et qui « s'inscrivent strictement dans les limites des chefs du jugement critiqués ».

19. En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties visées ci-dessus quant à l'exposé du surplus de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des demandes formées par la société Pôle Biomasse pour la première fois aux termes de ses conclusions remises au greffe le 1er novembre 2024

20. L'article 910-4 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur du 1er septembre 2017 au 1er septembre 2024, dispose :

« A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 783 [802 à compter du 1er janvier 2020], demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »

21. En l'espèce, aux termes de ses conclusions remises au greffe le 1er novembre 2024, la société Pôle Biomasse demande la condamnation solidaire des sociétés Crédit Mutuel Leasing et Pezzolato à lui payer les sommes de 749 877,56 ' HT au titre du préjudice qu'elle aurait subi « du fait du recours à la sous-traitance majoré des frais de gestion et d'organisation supplémentaires induits par cette obligation », et de 1 000 000 ', à parfaire, au titre des préjudices qu'elle aurait subi en raison « du défaut d'accompagnement financier du Crédit mutuel lié à la présente procédure », alors que ces demandes ne figuraient pas dans les conclusions qu'elle a remises au greffe dans les délais prévus aux articles 909 et 910 du code de procédure civile, le 21 mars 2023.

22. Au soutien de ces demandes, la société Pôle Biomasse fait valoir, en substance, que :

- d'une part, elle a été contrainte de remplacer le broyeur défectueux par un modèle de moindre capacité de production et, en conséquence, de recourir à des prestations sous-traitance qui, depuis 2021, lui ont permis de traiter un volume de 76 950 tonnes de matière, pour un coût de 624 897,97 euros HT, majoré de 20 % compte tenu des frais liés au recours contraint à cette sous-traitance ;

- d'autre part, la présente affaire a eu un impact désastreux sur ses relations avec la société Crédit Mutuel, sa banque, qui lui a refusé des crédits de campagne adaptés à ses besoins de trésorerie pour ne lui octroyer que des crédits de court terme, son besoin de financement étant désormais évalué à la somme d'un million d'euros.

23. Contrairement à ce que soutient la société Pôle Biomasse dans la note en délibéré qu'elle a remise au greffe le 26 décembre 2024, au regard des fondements qu'elle invoque ainsi au soutien des prétentions qu'elle a formées après l'expiration des délais prévus aux articles 909 et 910 du code de procédure civile, ces prétentions ne sont pas destinées à faire juger des questions nées de la survenance ou de la révélation d'un fait, postérieures à cette date.

24. En effet, en premier lieu, pour ce qui concerne les conséquences du recours à la sous-traitance auquel la société Pôle Biomasse aurait été contrainte du fait de la défaillance du broyeur en cause, cette société se prévaut elle-même de dépenses qu'elle aurait exposées à ce titre depuis 2021. Si la société Pôle Biomasse invoque une aggravation de ce préjudice, depuis l'expiration des délais précités, et des difficultés liées à la livraison d'un équipement de remplacement qui ne serait intervenue qu'en novembre 2024, il ne résulte pas pour autant de ces faits des questions nouvelles, nées après l'expiration des délais précités, que la demande d'indemnisation d'un préjudice causé par un recours contraint à la sous-traitance tendrait à faire juger.

25. En second lieu, pour ce qui concerne la dégradation de ses relations avec sa banque, laquelle appartient au même groupe que la société Crédit Mutuel Leasing, la société Pôle Biomasse n'établit pas que, comme elle le soutient, l'ampleur de cette dégradation, causée par la présente procédure initiée par l'assignation qu'elle a délivrée au crédit-bailleur dès le mois d'octobre 2019, ne lui aurait été révélée qu'après l'expiration des délais précités.

26. En conséquence, en l'absence de faits survenus ou révélés après l'expiration des délais prévus aux articles 909 et 910 du code de procédure civile, dont seraient nées les questions que les demandes d'indemnisation de la société Pôle Biomasse fondées sur un recours à la sous-traitance ou une dégradation de ses relations avec sa banque tendraient à faire juger, ces demandes, formées par des conclusions remises au greffe après l'expiration de ces délais, seront déclarées irrecevables.

Sur la recevabilité de l'action en garantie formée par la société Pezzolato contre la société Italscania

27. La Convention de La Haye du 15 juin 1955 applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels stipule, en ses articles 2 et 3 :

- article 2 :

« La vente est régie par la loi interne du pays désigné par les parties contractantes. Cette désignation doit faire l'objet d'une clause expresse, ou résulter indubitablement des dispositions du contrat. [...] »

- article 3 :

A défaut de loi déclarée applicable par les parties, dans les conditions prévues à l'article précédent, la vente est régie par la loi interne du pays où le vendeur a sa résidence habituelle au moment où il reçoit la commande. [...] Toutefois, la vente est régie par la loi interne du pays où l'acheteur a sa résidence habituelle, ou dans lequel il possède l'établissement qui a passé la commande, si c'est dans ce pays que la commande a été reçue, soit par le vendeur, soit par son représentant, agent ou commis-voyageur. [...] »

28. Cette convention, auxquelles la France et l'Italie étaient parties lors de l'adoption du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit Rome I, règle les conflits de lois en matière de vente à caractère international d'objets mobiliers corporels, de sorte qu'en application de l'article 25, point 1, de ce règlement, lequel dispose que celui-ci « n'affecte pas l'application des conventions internationales auxquelles un ou plusieurs États membres sont parties lors de l'adoption du présent règlement et qui règlent les conflits de lois en matière d'obligations contractuelles », les articles 2 et 3 de la convention, précités, sont applicables à la détermination de la loi applicable au contrat de vente du moteur fourni par la société Italscania à la société Pezzolato.

29. Contrairement à ce que soutient cette dernière, il importe peu, à cet égard, que la Convention de La Haye ne comporte aucune stipulation relative à la prescription des actions judiciaires concernant les ventes qu'elle régit, dès lors que ce mode d'extinction des obligations ne figure pas parmi les exceptions expressément stipulées par son article 5 et qu'il a donc vocation à être défini par la loi déterminée selon les stipulations de ses articles 2 et 3.

30. En l'espèce, il est constant que les sociétés Italscania et Pezzolato n'ont pas désigné la loi applicable au contrat de vente du moteur livré par la première à la seconde le 21 mars 2016, de sorte que, la société Italscania étant établie sur le territoire italien, cette vente est régie par la loi italienne.

31. Au surplus, il en serait de même à supposer que le règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 soit applicable. Il résulte en effet des articles 3 et 4 de ce règlement qu'à défaut de choix exercé par les parties quant à la loi applicable, comme c'est le cas en l'espèce, le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle, soit la loi italienne compte tenu du lieu de résidence de la société Italscania, étant observé qu'en dépit de la garantie consentie à la société Pôle Biomasse par la maison-mère suédoise de la société Italscania, il n'est pas établi que le contrat de vente de ce moteur, conclu entre cette dernière et la société Pezzolato, toutes deux établies en Italie, présenterait des liens manifestement plus étroits avec ce pays qu'avec la France, au sens de l'article 4, point 3, du règlement. En outre, si l'article 16 de ce règlement dispose que, « [l]orsqu'un créancier a des droits à l'égard de plusieurs débiteurs qui sont tenus à la même obligation et que l'un d'entre eux l'a déjà désintéressé en totalité ou en partie, la loi applicable à l'obligation de ce débiteur envers le créancier régit également le droit du débiteur d'exercer une action récursoire contre les autres débiteurs », les conditions prévues par ce texte ne sont pas réunies, dès lors que la société Pezzolato n'a pas désintéressé la société Pôle Biomasse.

32. Selon la traduction libre retenue par le jugement, lequel ne fait l'objet d'aucune contestation par les parties sur ce point, les articles 1495 et 1497 du code civil italien, applicables respectivement en matière d'action en garantie des vices cachés ou pour défaut de conformité, disposent :

- article 1495 :

« (Modalités d'action). L'acheteur perd son droit à la garantie s'il ne signale pas les défauts au vendeur dans les huit jours de leur découverte, sauf disposition contraire des parties ou de la loi. La déclaration n'est pas nécessaire si le vendeur a reconnu l'existence du défaut ou l'a dissimulé. L'action se prescrit, en tout état de cause, un an à compter de la livraison ; mais l'acheteur, si c'est convenu dans les termes du contrat, peut toujours faire valoir la garantie, pourvu que le défaut de la chose ait été signalé dans les huit jours de sa découverte et avant l'expiration de l'année à compter de la livraison. »

- article 1497 :

« (Défaut de qualité). Lorsque la chose vendue n'a pas les qualités promises ou celles indispensables á l'usage auquel elle est destinée, l'acheteur a le droit d'obtenir la résiliation du contrat selon les dispositions générales de la résiliation pour inexécution, à condition que le défaut de qualité dépasse les limites de tolérance établies par les usages. Toutefois, le droit d'obtenir la résiliation est soumis aux délais et à la prescription établie par l'art. 1495. »

33. La société Pezzolato soutient, à titre principal, que l'application du droit italien serait contraire à la conception française de l'ordre public international, en ce qu'elle reviendrait à la priver de la possibilité d'agir contre la société Italscania, dans la mesure où le délai annal prévu par ces dispositions a expiré le 21 mars 2017, avant que la société Pôle Biomasse ait agi contre elle, le 28 octobre 2019. Elle soutient ensuite, à titre subsidiaire, pour le cas où la cour confirmerait que le broyeur était atteint d'un vice caché et que la loi italienne s'applique, que son action n'est pas prescrite, dès lors qu'elle a signalé ce vice à la société Italscania dans le délai de huit jours de sa découverte, comme le prévoit l'article 1495 du code civil italien.

34. Sur ce point, rien ne permet de mettre en cause le certificat de coutume versé aux débats par la société Pezzolato elle-même, selon lequel : « Selon la loi italienne (article 1495 du code civil), en ce qui concerne la charge de la preuve de la communication des vices d'un produit, l'acheteur (Pezzolato) a, à sa charge, seulement la preuve que le vice n'a pas été éliminé, alors que le vendeur (Scania) doit prouver la prescription du droit d'action selon la loi (un an) et, seulement si Scania apporte cette preuve, l'acheteur devra prouver qu'il a informé le vendeur du vice dans le délai légal. ».

35. Il est constant que le moteur a été livré par la société Italscania à la société Pezzolato le 21 mars 2016 et que la société Pezzolato n'a appelé en garantie la société Italscania qu'après avoir été elle-même assignée par la société Pôle Biomasse, le 28 octobre 2019, soit après l'expiration du délai d'un an prévu par l'article 1495 du code civil italien.

36. Pour soutenir, à titre subsidiaire, que l'action qu'elle a engagée contre la société Italscania ne serait toutefois pas prescrite, la société Pezzolato se prévaut d'un courriel qu'elle a adressé le 18 novembre 2016 à cette société, rédigé en ces termes selon la traduction qu'elle verse aux débats, sous l'objet « Problème sur moteur DC16 071A ' série 1130005 » : « Je signale un problème sur le circuit d'alimentation du moteur. [...] La machine a fonctionné au moins 500 heures et dans les 400 premières heures, le client ne s'est pas plaint de problèmes. Après environ 100 heures, il signale que lorsque le moteur est arrêté, le circuit d'alimentation est déchargé. Les derniers tests montrent que le problème persiste même lorsque le moteur est extrait d'un réservoir temporaire situé près du moteur. [...] Selon le manuel d'installation du système d'alimentation en ma possession, l'installation du réservoir est conforme aux indications. Ensuite, le fait que même un réservoir temporaire pose le même problème confirme cette affirmation. Notre client se plaint de la persistance de ce problème et du fait que l'atelier Scania n'a pas résolu le problème. Je vous demande de vous connecter à cet atelier pour résoudre le problème ».

37. Cependant, par la production de ce courriel, la société Pezzolato ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'elle a informé la société Italscania de l'existence d'un vice affectant le moteur dans le délai de huit jours prévu à l'article 1495 du code civil italien, dès lors, d'abord, que dans ce message, elle se borne à demander à la société Italscania de « résoudre le problème » rencontré par la société Pôle Biomasse concernant le circuit d'alimentation du moteur, ce qui ne peut constituer le signalement prévu par ces dispositions, dispensant ensuite le vendeur d'agir dans le délai d'un an qu'elles prévoient, et, ensuite et surtout, qu'à supposer que ce message ait suffi à désigner un tel défaut affectant le moteur, la société Pezzolato ne justifie pas de la date à laquelle elle aurait été informée par la société Pôle Biomasse, en premier lieu, du dysfonctionnement en cause, alors qualifié de « persistant », et n'établit pas, ainsi, qu'elle l'aurait été moins de huit jours avant l'envoi de ce message.

38. Il s'en déduit que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, l'action en garantie de la société Pezzolato contre la société Italscania était prescrite à la date à laquelle elle a été engagée.

39. Enfin, cette solution ne contrevient pas à la conception française de l'ordre public international, dès lors qu'au regard des circonstances précédemment rappelées, et notamment des informations qu'elle a reçues de la société Pôle Biomasse au plus tard en novembre 2016 concernant les dysfonctionnements affectant le broyeur et les interventions des représentants français du groupe Scania, la société Pezzolato n'établit pas qu'elle n'aurait pas été en mesure d'agir dans le délai d'un an suivant la livraison du moteur, prévu par le code civil italien, ou, à tout le moins, qu'elle n'aurait pas été en mesure de signaler à la société Italscania l'existence d'un vice affectant le moteur livré par celle-ci, dans les huit jours de la découverte de ce vice et avant l'expiration de ce délai d'un an.

40. Il n'y pas lieu, en conséquence, d'écarter l'application de la loi italienne, prévue par les stipulations de la Convention de La Haye du 15 juin 1955, dont il résulte que l'action en garantie de la société Pezzolato contre la société Italscania était irrecevable pour être prescrite à la date à laquelle elle a été engagée.

41. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il applique la loi italienne à l'action de la société Pezzolato contre la société Italscania. En revanche, cette action sera déclarée irrecevable comme prescrite et le jugement sera infirmé sur ce point, ainsi qu'en ce que, en conséquence, il condamne la société Italscania à relever et garantir la société Pezzolato de ses condamnations à payer à la société Crédit Mutuel Leasing les sommes de 436 500 euros et de 78 434,01 euros et à relever et garantir la société Pezzolato de ses condamnations à payer à la société Pôle Biomasse les sommes de 59 906,91 euros et de 15 000 euros, et condamne la société Italscania à payer à la société Pezzolato la somme de 24 490,28 euros au titre des frais exposés dans le cadre de l'expertise judiciaire.

42. Par ailleurs, et conformément à la demande de la société Crédit Mutuel Leasing, le jugement sera également infirmé en ce qu'il condamne la société Italscania à relever et garantir cette société de sa condamnation à payer à la société Pôle Biomasse la somme de 448 924,17 euros.

Sur la résolution de la vente

43. L'article 1641 du code civil français, dont l'application au contrat de vente du broyeur litigieux n'est pas discutée, dispose :

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. »

44. En l'espèce, il résulte notamment de l'attestation établie le 25 février 2017 par la société Scania Bourgogne, de la facture d'intervention émise par cette société le 31 mars 2017, d'un procès-verbal de constat établi le 7 février 2018, d'un rapport établi le 15 mars 2018 à la demande de l'assureur de la société Pôle Biomasse, ainsi que du rapport d'expertise judiciaire établi le 8 février 2021 par M. [S], que le broyeur vendu par la société Pezzolato a présenté, dès les premières semaines de son utilisation par la société Pôle Biomasse, des dysfonctionnements tenant à des désamorçages récurrents du circuit d'alimentation, empêchant le démarrage du moteur.

45. Les opérations d'expertise réalisées par M. [S] ont permis d'identifier que ces dysfonctionnements étaient causés par une non-conformité de l'interface entre les injecteurs et le moteur. En l'absence de malfaçon dans la mise en 'uvre du broyeur ou de négligence dans son entretien susceptibles d'être imputés à la société Pôle Biomasse, cette non-conformité constitue la cause exclusive des désordres ainsi constatés.

46. Dans la mesure où, d'une part, les désamorçages du circuit d'alimentation du moteur se produisaient aléatoirement et interdisaient alors l'utilisation du broyeur et où, d'autre part, ni la société Pezzolato ni la société Italscania n'ont été en mesure d'en identifier la cause, avant l'intervention de l'expert judiciaire, il s'en déduit que ce défaut rendait le broyeur impropre à l'usage auquel il était destiné.

47. Il se déduit par ailleurs de l'incapacité des sociétés Pezzolato et Italscania à identifier la cause de ces dysfonctionnements, en dépit des demandes de la société Pôle Biomasse et des interventions de la société Scania Bourgogne, et de la relative complexité des investigations menées par l'expert judiciaire pour y parvenir que ce défaut, antérieur à la vente, n'était pas apparent pour l'acheteur à la date de celle-ci.

48. Enfin, contrairement à ce que soutient la société Pezzolato, la société Pôle Biomasse n'a pas accepté que celle-ci procède à une remise en état du bien qui aurait permis la disparition du vice originaire, de sorte qu'elle serait privée de la possibilité de demander la résolution de la vente.

49. En effet, en premier lieu, c'est certes sur la proposition de la société Pezzolato que l'expert judiciaire a procédé, en juillet 2020, au remplacement des injecteurs et constaté que cette intervention avait permis une « réparation » du broyeur, qualifiée d' « efficace » comme ayant permis au broyeur de « répond[re] de nouveau à sa fonction ». Une telle intervention, réalisée dans le cadre de l'expertise ordonnée par le juge des référés, plus de quatre ans après la livraison du broyeur et alors que la société Pôle Biomasse avait déjà assigné, en octobre 2019, la société Pezzolato en résolution de la vente, n'était pas de nature à priver la société Pôle Biomasse de la possibilité de poursuivre l'action rédhibitoire qu'elle avait ainsi engagée.

50. En second lieu et au surplus, si l'expert a indiqué qu'à la suite de cette « réparation », le broyeur « répond[ait] de nouveau à sa fonction et de ce fait n'était plus impropre à sa destination », l'expert a également relevé que les injecteurs démontés, expertisés, ne présentaient aucun défaut, que c'est l'interface entre les injecteurs et le moteur qui peut être incriminée et que ce désordre est susceptible d'avoir été résolu par les opérations de remontage et de remontage des injecteurs, de sorte qu'en l'absence de certitude quant à la pérennité de la réparation effectuée, il n'est pas établi que le vice originaire ait disparu.

51. En conséquence de l'ensemble des développements qui précèdent, le jugement sera confirmé en ce qu'il retient que le broyeur était affecté, lors de la vente, d'un défaut caché qui le rendait impropre à sa destination et en ce qu'il prononce la résolution de cette vente.

52. La résolution du contrat entraînant son anéantissement rétroactif, ainsi que des restitutions réciproques qui en constituent des conséquences légales, le jugement sera également confirmé en ce qu'il dit que la société Pezzolato devra reprendre possession du broyeur, à ses frais. Le jugement sera en revanche réformé en ce qu'il condamne cette société à payer à la société Crédit Mutuel Leasing la somme de 435 500 euros, cette société établissant par la production de deux factures émises les 10 décembre 2015 et 7 avril 2016 qu'elle a payé un acompte d'un montant de 48 500 euros puis le solde d'un montant de 436 500 euros, soit la somme totale de 485 000 euros, au paiement de laquelle la société Pezzolato sera donc condamnée au titre de la restitution du prix de vente du broyeur.

Sur la caducité du contrat de crédit-bail

53. Les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, disposent :

- article 1134

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. [...]»

- article 1184

« La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. [...]»

54. Il résulte de ces dispositions que la résolution du contrat de vente entraîne, par voie de conséquence, la caducité, à la date d'effet de la résolution, du contrat de crédit-bail, que sont inapplicables les clauses prévues en cas de résiliation du contrat et que la caducité du contrat de crédit-bail emporte obligation pour la société de crédit-bail de restituer, à compter de cette date, les loyers perçus en exécution de ce contrat.

55. En conséquence de la résolution de la vente, le jugement sera confirmé en ce qu'il prononce la caducité du contrat de crédit-bail conclu le 18 décembre 2015 par les sociétés Pôle Biomasse et Crédit Mutuel Leasing et en ce qu'il condamne la seconde à restituer à la première les loyers qu'elle a perçus en exécution de ce contrat, soit la somme totale de 448 924,17 euros, sur laquelle les parties s'accordent et que la société Crédit Mutuel Leasing indique avoir réglée en exécution du jugement.

Sur les demandes d'indemnisation

56. L'article 1645 du code civil dispose :

« Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. »

57. Il résulte de ces dispositions une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l'oblige à réparer l'intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence.

Sur la demande d'indemnisation formée par la société Crédit Mutuel Leasing contre la société Pezzolato

58. Pour condamner la société Pezzolato à payer à la société Crédit Mutuel Leasing la somme de 78 419,03 euros, le jugement retient que la caducité du contrat de crédit-bail entraîne pour la société Crédit Mutuel Leasing un manque à gagner de ce montant, correspondant à la différence entre, d'une part, les loyers qu'elle devait percevoir en exécution du contrat, augmentés de la valeur résiduelle du bien en fin de contrat, et, d'autre part, du prix de vente du bien, retenu par le tribunal à hauteur de 436 500 euros.

59. Ni la société Crédit Mutuel Leasing ni la société Pezzolato n'ont conclu sur cette demande. La société Crédit Mutuel Leasing, qui demande la confirmation du chef de dispositif y faisant droit, est dès lors réputée s'être appropriée les motifs du jugement.

60. Compte tenu du montant des loyers que devait percevoir la société Crédit Mutuel Leasing, pour la somme totale de 502 276,99 euros ainsi que le retient le jugement sans être contesté sur ce point, à laquelle devait s'ajouter la valeur résiduelle du bien au terme du bail, soit 4 850 euros, la société Crédit Mutuel Leasing devait percevoir la somme totale de 507 126,99 euros, dont il convient de déduire, pour évaluer le manque à gagner qu'elle a subi du fait de la résolution du contrat de vente et, consécutivement, de la caducité du contrat de bail, le prix de vente du broyeur, soit la somme de 485 000 euros, et non la somme de 436 500 euros comme l'a retenu le tribunal.

61. Le jugement sera donc réformé sur ce point et la société Pezzolato sera condamnée à payer à la société Crédit Mutuel Leasing, au titre du manque à gagner sur l'exécution du contrat de crédit-bail, la somme de 26 976,99 euros.

Sur les demandes d'indemnisation formées par la société Pôle Biomasse contre les sociétés Pezzolato et Crédit Mutuel Leasing

62. Aux termes de ses dernières conclusions, la société Pôle Biomasse demande la condamnation des sociétés Pezzolato et Crédit Mutuel Leasing à lui payer les sommes de 29 395,75 euros au titre des « préjudices financiers subis », de 27 000 euros au titre « des primes d'assurance versées », de 10 000 euros au titre du « préjudice de jouissance » et de 65 000 euros au titre du « préjudice subi du fait du renouvellement anticipé ».

63. Pour ce qui concerne ces demandes, en ce qu'elles sont dirigées contre la société Crédit Mutuel Leasing, comme le soutient cette société, il se déduit de l'article 2, point 4, des conditions générales du contrat de crédit-bail stipule que « [l]e locataire s'engage solidairement avec le fournisseur à ce que le bailleur ne souffre aucun dommage en cas de non-conformité, mauvais fonctionnement, défectuosité et plus généralement non-respect de l'un quelconque des termes de la commande passée ou des conditions d'achat du bailleur » et que « [l]e locataire renonce à tout recours contre le bailleur du fait du matériel [...] », qu'elles ne peuvent qu'être rejetées.

64. Pour ce qui concerne ces mêmes demandes, en ce qu'elles sont dirigées contre la société Pezzolato, en premier lieu, comme le soutient cette société, faute pour la société Pôle Biomasse de demander l'infirmation du jugement en ce qu'il la déboute de sa demande de condamnation de la société Pezzolato à lui payer la somme de 65 000 euros au titre du renouvellement anticipé du broyeur, cette demande, présentée de nouveau devant la cour, est irrecevable.

65. En deuxième lieu, la demande d'allocation d'une indemnité d'un montant de 10 000 euros au titre d'un préjudice de jouissance n'étant soutenue par aucun moyen ni, a fortiori, assortie d'aucune offre de preuve, le jugement sera confirmé en ce qu'il rejette cette demande.

66. En troisième lieu, la société Pôle Biomasse justifie des frais de réparation du broyeur qu'elle a supportés, pour un montant de 8 888,48 euros, par la production des factures émises les 9 février 2017, 19 juillet 2017, 25 septembre 2017 et 15 février 2018 par la société Scania Bourgogne et le 7 février 2018 par la société Pezzolato, annexées au rapport établi le 15 mars 2018 à la demande de l'assureur de la société Pôle Biomasse. Il importe peu, pour l'évaluation du préjudice subi par la société Pôle Biomasse résultant des coûts exposés pour ces interventions, que celles-ci aient été effectuées, au demeurant seulement pour partie, par la société Scania Bourgogne et qu'elles se soient révélées inefficaces. C'est donc à juste titre que le tribunal a alloué à la société Pôle Biomasse une indemnité de ce montant.

67. En quatrième lieu, la société Pôle Biomasse justifie, par la production de factures émises entre le 30 septembre 2016 et le 12 mars 2018, d'achat de combustible auprès de ses concurrents pour un montant de 20 507,27 euros. La concomitance entre les dysfonctionnements affectant le broyeur et ces achats suffit à établir que ceux-ci ont été réalisés afin de permettre à la société Pôle Biomasse de satisfaire ses engagements contractuels envers ses propres clients et le montant de ces achats constituent la mesure de son préjudice, sans qu'il puisse lui être reproché de ne pas justifier du prix de revente de ces produits. C'est donc encore à juste titre que le tribunal a mis cette somme à la charge de la société Pezzolato.

68. En cinquième lieu, la société Pôle Biomasse justifie, par la production d'une attestation établie par la société DV Assurances et des documents contractuels annexés à cette attestation, qu'elle a payé une prime d'assurance d'un montant de 27 000 euros hors taxes pour la période du 19 mai 2016 au 11 mai 2022, en pure perte dans la mesure où elle ne pouvait utiliser le broyeur, peu important que cette assurance ait été souscrite en exécution d'un engagement pris envers le crédit-bailleur et sans qu'il puisse lui être reproché de n'avoir pas souscrit une garantie moins onéreuse compte tenu de l'immobilisation du broyeur. C'est donc, à nouveau, à juste titre que le tribunal a mis cette somme à la charge de la société Pezzolato.

69. En sixième lieu, en revanche, la société Pôle Biomasse ne justifie pas du préjudice qu'elle invoque au titre de la participation de ses équipes aux opérations d'expertise. Par ailleurs, il n'y a pas lieu d'allouer une indemnisation à la société Pôle Biomasse au titre des frais de traduction des assignations, dès lors que ces frais sont compris dans les dépens. Enfin, le coût des constats de commissaires de justice, établis à la demande de la société Pôle Biomasse pour soutenir son action, sera pris en compte pour l'évaluation des frais irrépétibles qu'elle a exposés pour les besoins de la procédure.

70. Le jugement sera donc réformé en ce qu'il condamne la société Pezzolato à payer à la société Pôle Biomasse la somme de 59 906,91 euros à titre de dommages et intérêts, cette indemnisation étant ramenée à la somme de 56 395,75 euros, correspondant à 8 888,48 euros au titre des frais de réparation, 20 507,27 euros au titre des achats de combustible de substitution et 27 000 euros au titre des cotisations d'assurance. Il sera en revanche confirmé en ce qu'il rejette le surplus des demandes d'indemnisation.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

71. Les articles 696 et 700 du code de procédure civile disposent :

- article 696 :

« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. [...] »

- article 700 :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; [...]

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. [...] »

72. En application du premier de ces textes, compte tenu du sens de la présente décision, le jugement sera infirmé en ce qu'il condamne la société Italscania aux dépens de la procédure de première instance. Il sera en revanche confirmé en ce qu'il condamne la société Pezzolato, qui succombe à titre principal, au paiement de ces dépens, qui ne comprendront pas les frais de constats des commissaires de justice invoqués par la société Pôle Biomasse, dès lors que ces mesures n'ont pas été judiciairement ordonnées, mais qui comprendront en revanche les frais d'expertise et les frais de traduction des actes de la procédure. La société Pezzolato sera en outre condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

73. En application du second, le jugement sera confirmé en ce qu'il condamne la société Pezzolato à payer à la société Pôle Biomasse la somme de 15 000 euros au titre du remboursement des frais exposés dans le cadre de la procédure de première instance et non compris dans les dépens. Il sera en revanche infirmé en ce qu'il condamne la société Italscania à payer la somme de 8 000 euros à la société Crédit Mutuel Leasing et la somme de 5 000 euros à la société Pezzolato.

74. La société Pezzolato sera déboutée de sa demande de remboursement de tels frais exposés dans le cadre de la procédure d'appel et elle sera condamnée, à ce titre, à payer la somme de 3 000 euros à la société Italscania, la somme de 3 000 euros à la société Crédit Mutuel Leasing et la somme de 5 000 euros à la société Pôle Biomasse.

PAR CES MOTIFS,

La Coue,

Dit irrecevables les demandes de la société Pôle Biomasse de condamnation solidaire des sociétés Crédit Mutuel Leasing et Pezzolato Officine Construzioni Meccaniche à lui payer les sommes de 749 877,56 euros HT au titre d'un préjudice causé par la nécessité de recourir à la sous-traitance et de 1 000 000 euros, au titre d'un préjudice causé par un défaut d'accompagnement financier de son établissement bancaire ;

Dit irrecevable la demande de la société Pôle Biomasse de condamnation de la société Pezzolato Officine Construzioni Meccaniche à lui payer la somme de 65 000 euros au titre du renouvellement anticipé du broyeur litigieux ;

Infirme le jugement en ce qu'il :

- « e) Déboute la société ITALSCANIA SPA de sa demande de prescription soulevée contre la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA ; »

- « h) Condamne Ia Société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA, de droit italien, à payer à Ia SA CRÉDIT MUTUEL LEASING la somme de 435.500 ' ; »

- « i) Condamne la société ITALSCANIA SPA à relever et garantir la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA, de droit italien, de sa condamnation à payer à la SA CRÉDIT MUTUEL LEASING Ia somme de 436.500 ' ; »

- « n) Condamne Ia société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA à payer la somme de 78.419,03 ' à l'ordre de la SA CRÉDIT MUTUEL LEASING à titre du manque à gagner ; »

- « o) Condamne la société ITALSCANIA SPA à relever et garantir la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA de sa condamnation à payer la somme de de 78.434,01 ' à l'ordre de la SA CRÉDIT MUTUEL LEASING au titre du manque à gagner ; »

- « p) Condamne la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA à payer à la SAS PÔLE BIOMASSE HAUTES COTES, anciennement dénommée SARL ROUSSEL CHRISTIAN, la somme de 59.906,91 ', dont 8.888,48 ' HT au titre des interventions sur le moteur, 20.507,27 ' HT pour les achats de bois de substitution, 27.000 ' au titre des primes d'assurance, 3.511,16 ' au titre des frais divers ; »

- « q) Condamne la société ITALSCANIA SPA à relever et garantir la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE. SPA de sa condamnation à payer à la SAS POLE BIOMASSE HAUTES COTES, anciennement dénommée SARL ROUSSEL CHRISTIAN, la somme de 59.906,91 ' ; »

- « r) Condamne la société ITALSCANIA SPA à payer à la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA la somme de 24.490,28 ' en remboursement des frais exposés par celle-ci dans le cadre de l'expertise judiciaire ; »

- « t) Condamne la société ITALSCANIA SPA à relever et garantir la société PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA de sa condamnation à payer à la SAS PÔLE BIOMASSE HAUTES. COTES, anciennement dénommée SARL ROUSSEL CHRISTIAN, la somme de 15.000' au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; »

- « u) Condamne la société ITALSCANIA SPA à payer à la SA CREDIT MUTUEL LEASING la somme de 8.000' au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; »

- « v) Condamne la société ITALSCANIA SPA à payer à PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA la somme de 5.000' au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; » ;

- « w) Condamne solidairement les sociétés PEZZOLATO OFFICINE CONSTRUZIONI MECCANICHE SPA et ITALSCANIA SPA aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 175,65 ' dont 28,85 ' de TVA. »

Le confirme pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour d'appel ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;

Dit irrecevables comme prescrites les demandes formées par la société Pezzolato Officine Construzioni Meccaniche contre la société Italscania ;

Condamne la société Pezzolato Officine Construzioni Meccaniche à payer à la société Crédit Mutuel Leasing la somme de 485 000 euros hors taxes au titre de la restitution du prix de vente du broyeur ;

Condamne la société Pezzolato Officine Construzioni Meccaniche à payer à la société Crédit Mutuel Leasing la somme de 26 976,99 euros en indemnisation de son manque à gagner ;

Condamne la société Pezzolato Officine Construzioni Meccaniche à payer à la société Pôle Biomasse Pôle Biomasse Hautes Côtes la somme de 56 395,75 euros à titre d'indemnisation de ses divers préjudices ;

Condamne la société Pezzolato Officine Construzioni Meccaniche des procédures de première instance et d'appel, qui comprendront les frais d'expertise et les frais de traduction des actes de procédure ;

Déboute la société Pezzolato Officine Construzioni Meccaniche de ses demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne, sur ce fondement, à payer la somme de 3 000 euros à la société Italscania, la somme de 3 000 euros à la société Crédit Mutuel Leasing et la somme de 5 000 euros à la société Pôle Biomasse Hautes Côtes, en remboursement des frais exposés dans le cadre de la procédure d'appel et non compris dans les dépens ;

Rejette le surplus des demandes.

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