CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 3 avril 2025, n° 22/15290
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Hotel Phoebus Garden Et Spa (SAS)
Défendeur :
Kalhyge (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Conseillers :
Mme Ranoux-Julien, Mme Prigent
Avocats :
Me Nouri-Meshkati, Me Broc, Me Grevellec
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Initial, aux droits de laquelle vient la société Kalhyge 4, est une entreprise spécialisée dans les activités de blanchisserie et teinturerie de gros.
La société Phoebus Hôtel Casino, aux droits de laquelle vient la société Hôtel Phoebus Garden & Spa, est une entreprise spécialisée dans l'hébergement hôtelier.
Par contrat en date du 18 mars 2014, la société Phoebus Hôtel Casino a confié à la société Initial la location et l'entretien d'articles textiles, ce pour une durée de 4 années, le contrat étant renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation 6 mois avant l'échéance.
Un contrat de prestations complémentaires était conclu le 21 janvier 2016 entre la société Initial et la société Phoebus Hotel Casino, sous sa nouvelle dénomination sociale, Casino de [Localité 4].
Par acte en date du 1er juillet 2016, la société Casino de [Localité 4] a cédé son fonds de commerce à la société Hotel Phoebus Garden & Spa. Les parties ont poursuivi l'exécution des contrats après cette cession.
La société Initial a cédé ce contrat à la société BTFM SA 'devenue par la suite la société Kalhyge 4' suivant apport partiel d'actif en date du 30 septembre 2017.
Une facture de 2018 émise par la société Kalhyge 4 et six factures de 2019 sont demeurées impayées pour un montant d'environ 51 000 euros TTC.
La société Phoebus, par l'intermédiaire de son conseil, a contesté la clause de révision du prix contenue dans le contrat et les augmentations pratiquées en application de cette clause.
Le 3 septembre 2019, la société Kalhyge 4 informait la société Phoebus que faute de règlement du montant des factures, elle suspendrait ses prestations à compter du 13 septembre suivant.
Par acte du 26 octobre 2020, la société Kalhyge 4 a assigné la société Phoebus devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir le règlement de ses factures ainsi que l'application de la clause résolutoire contractuelle.
Par jugement du 28 février 2022, le tribunal de commerce de Paris a :
- Dit prescrite la demande de nullité des clauses 7-3 et 8 du contrat du 18 mars 2014 ;
- Condamné la société Hôtel Phoebus Garden et Spa à payer à la société Kalhyge 4 la somme de 51 521,67 euros TTC correspondant au règlement de 7 factures échues, avec intérêt au taux légal à compter du 26 septembre 2019, date de la mise en demeure ;
- Condamné la société Hôtel Phoebus Garden et Spa à payer à la société Kalhyge 4 la somme de 280 euros correspondant aux frais de recouvrement ;
- Constaté l'acquisition par la société Kalhyge 4 de la clause résolutoire, aux torts exclusifs de la société Hôtel Phoebus Garden et Spa ;
- Condamné la société Hôtel Phoebus Garden et Spa à payer à la société Kalhyge 4 la somme de 33 141,30 euros correspondant au règlement de l'indemnité de rupture anticipée ;
- Débouté la société Hôtel Phoebus Garden et Spa de sa demande de dommages et intérêts ;
- Condamné la société Hôtel Phoebus Garden et Spa à payer à la société Kalhyge 4 de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire ;
- Condamné la société Hôtel Phoebus Garden et Spa à supporter les dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.
Par déclaration du 19 août 2022, la société Hôtel Phoebus Garden et Spa a interjeté appel du jugement en visant tous les chefs du jugement.
Par ordonnance du 24 janvier 2023, la cour d'appel de Paris a arrêté l'exécution provisoire du jugement du 28 février 2022 du tribunal de commerce de Paris.
Par ses dernières conclusions notifiées le 6 avril 2023, la société Hôtel Phoebus Garden et Spa demande, au visa des articles 548 et 549 du code de procédure civile, 1101, 1134, 1147, 1184, 1174, 1104, 1110, 1231-5, 1343-1, 2224 du code civil, L442-1, L442-2 du code de commerce, L112-2 du code monétaire et financier, de :
- Juger irrecevable l'appel incident formé par la société Kalhyge 1 en sa qualité d'intervenant volontaire et qui ne revêt pas la qualité de partie en première instance
- Débouter la société Kalhyge 1 de ses demandes à titre principal ou à titre subsidiaire tendant à :
* L'infirmation du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a réduit l'indemnité de résiliation anticipée du contrat du 18 mars 2014,
* La condamnation de la société Hôtel Phoebus Garden et Spa à payer à la société Kalhyge 1, venant aux droits de la société Kalhyge 4, une somme de 168.913,72 euros au titre de l'indemnité pour rupture anticipée du contrat ;
- Annuler, le jugement du 28 février 2022 rendu par le tribunal de commerce de Paris, 9ème chambre, dans l'instance RG 2020049658 .
- Juger que le contrat du 18 mars 2014 est résilié, en ce compris les contrats complémentaires s'y rattachant, du fait exclusif de la société Kalhyge 4 à la date du 13 septembre, date à laquelle la société Kalhyge 4 a cessé toutes ses prestations .
- Juger que dans les circonstances de l'espèce, aucune indemnité de rupture anticipée n'est due à la société Kalhyge 4 et désormais société Kalhyge 1 par la société Hôtel Phoebus Garden et Spa ;
- Déclarer recevable et non prescrite l'action en nullité dirigée contre les clauses « 8- Variations des prix » et « 7-3 Paiement » du contrat du 18 mars 2014 ;
- Juger nulles les clauses « 8- Variations des prix » et « 7-3 Paiement » du contrat du 18 mars 2014 ;
- A défaut juger non écrites les clauses « 8- Variations des prix » et « 7-3 Paiement » du contrat du 18 mars 2014 ;
- Juger que le trop-versé par la société Hôtel Phoebus Garden et Spa entre juillet 2016 et le 31 août 2019 s'élève à la somme de 14 972,23 euros ;
- En tenir compte et fixer à la somme de 36 549,44 euros TTC, la créance au titre des factures restant à devoir à la société Kalhyge 4 désormais société Kalhyge 1 ;
- Condamner, la société Kalhyge 4 désormais société Kalhyge 1 à régler à la société Hôtel Phoebus Garden et Spa la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- Condamner, la société Kalhyge 4 désormais société Kalhyge 1 à régler à la société Hôtel Phoebus Garden et Spa la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner, la société Kalhyge 4 désormais société Kalhyge 1 aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions notifiées le 28 septembre 2023, la société Kalhyge 1 venant aux droits de la société Kalhyge 4, demande, au visa des articles 329, 562 alinéa 2, 554 et suivants, 117 et 121 du code de procédure civile, L441-10 du code de commerce, 1134 et suivants anciens, 1103 et suivants, 1231-6, 1353 et 1710 du code civil, de :
- Déclarer recevable la société Kalhyge 1, venant aux droits de la société Kalhyge 4, en son intervention volontaire ;
- Juger que par son intervention volontaire dans le cadre de la présente instance en appel, la société Kalhyge 1, société absorbante de la société Kalhyge 4, régularise donc la procédure et couvre ainsi l'irrégularité du jugement du 28 février 2022 du tribunal de commerce de Paris ;
- Débouter la société Hôtel Phoebus Garden et Spa de sa demande tendant à voir prononcer l'annulation du jugement rendu le 28 février 2022 par le tribunal de commerce de Paris ;
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire prévue au contrat du 18 mars 2014 et jugé que le contrat a été résilié de plein droit aux torts et griefs de la société Hôtel Phoebus Garden et Spa ;
- Débouter la société Hôtel Phoebus Garden et Spa de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a condamné la société Hôtel Phoebus Garden et Spa à payer à la société Kalhyge 4, aux droits de laquelle vient désormais la société Kalhyge 1, une somme de 51 521,67 euros correspondant au montant des factures échues et non réglées à ce jour ;
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a jugé que cette somme emporte intérêt à taux légal à compter de la mise en demeure du 26 septembre 2019 et jusqu'à parfait paiement ;
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a condamné la société Hôtel Phoebus Garden et Spa à payer à la société Kalhyge 4, aux droits de laquelle vient désormais la société Kalhyge 1 à payer à la société Kalhyge 4 une somme de 280 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a réduit l'indemnité de résiliation anticipée du contrat du 18 mars 2014 ;
Et, statuant à nouveau,
- Condamner la société Hôtel Phoebus Garden et Spa à payer à la société Kalhyge 1, venant aux droits de la société Kalhyge 4, une somme de 168 913,72 euros au titre de l'indemnité pour rupture anticipée du contrat ;
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour annulerait le jugement du tribunal de commerce de Paris du 28 février 2022 ;
- Constater l'acquisition de la clause résolutoire du contrat du 18 mars 2014 et en conséquence dire et juger le contrat résilié de plein droit aux torts exclusifs de la société Hôtel Phoebus Garden et Spa ;
- Débouter la société Hôtel Phoebus Garden et Spa de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société Hôtel Phoebus Garden et Spa à payer à la société Kalhyge 1, venant aux droits de la société Kalhyge 4, une somme de 51 521,67 euros correspondant au montant des factures échues et non réglées à ce jour ;
- Dire que cette somme emporte intérêt à taux légal à compter de la mise en demeure du 26 septembre 2019 et jusqu'à parfait paiement ;
- Condamner la société Hôtel Phoebus Garden et Spa à payer à la société Kalhyge 1, venant aux droits de la société Kalhyge 4, les pénalités de retard dues à compter de l'échéance de chaque facture, au taux de trois fois le taux de l'intérêt légal, et jusqu'à parfait paiement.
- Condamner la société Hôtel Phoebus Garden et Spa à payer à la société Kalhyge 1, venant aux droits de la société Kalhyge 4, une somme de 280 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;
- Condamner la société Hôtel Phoebus Garden et Spa à payer à la société Kalhyge 1, venant aux droits de la société Kalhyge 4, une somme de 168 913,72 euros au titre de l'indemnité pour rupture anticipée du contrat ;
En tout état de cause,
- Condamner la société Hôtel Phoebus Garden et Spa à payer à la société Kalhyge 1, venant aux droits de la société Kalhyge 4, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Hôtel Phoebus Garden et Spa aux entiers frais et dépens de la procédure.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 décembre 2024.
La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
La société Kalhyge 1 forme dans le corps de ses conclusions une demande sur le fondement de la procédure abusive et une demande de capitalisation des intérêts. Conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, il ne sera pas statué sur ces demandes qui ne sont pas reprises dans le dispositif des conclusions de la société Kalhyge 1.
Sur la demande de nullité du jugement
La société Phoebus demande dans le dispositif de ses conclusions d'annuler le jugement déféré sans développer de moyens au soutien de sa demande qui sera rejetée.
Sur l'intervention volontaire de la société Kalhyge 1
La société Phoebus conteste la qualité de partie à l'instance et d'intimée de la société Kalhyge 1 qui réplique qu'elle est intervenue régulièrement à l'instance.
L'article 548 du code de procédure civile dispose : « l'appel peut être incidemment relevé par l'intimé tant contre l'appelant que contre les autres intimés. »
L'article 549 du code de procédure civile ajoute : « l'appel incident peut également émaner, sur l'appel principal ou incident qui le provoque, de toute personne, même non intimée, ayant été partie en première instance. »
L'article L.236-3 du code de commerce énonce : « La fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération. Elle entraîne simultanément l'acquisition, par les associés des sociétés qui disparaissent, de la qualité d'associés des sociétés bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le contrat de fusion ou de scission' ".
Il résulte de l'article 121 du code de procédure civile que dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si la cause a disparu au moment où le juge statue.
En application de l'article 121 du code de procédure civile, lorsque l'action en justice a été introduite par une société pourvue de la personnalité morale mais ultérieurement dissoute et radiée du registre du commerce, l'irrégularité peut être réparée pendant le cours de l'instance et, notamment, devant la cour d'appel lorsque celle-ci se trouve saisie.
La société Kalhyge 4, immatriculée au registre du commerce a fait délivrer l'assignation le 26 octobre 2020. Pourvue de la personnalité morale, elle avait qualité à agir à l'encontre de la société Phoebus.
La société Kalhyge 4 a été radiée du registre du commerce le 9 avril 2021 à la suite de sa fusion-absorption par acte du 31 mars 2021 de l'associé unique de la société Kalhyge 1 aux droits de laquelle elle vient.
La société Kalhyge 1 est intervenue volontairement à l'instance d'appel par conclusions du 11janvier 2023 en indiquant qu'elle venait aux droits de la société Kalhyge 4.
La régularisation de la procédure étant possible au stade de l'instance d'appel conformément à l'article 121 du code de procédure civile, la nullité n'est plus encourue.
La société Kalhyge 1 vient aux droits de la société Kalhyge 4 qui avait la qualité de partie en première instance et qui a interjeté appel. Elle a en conséquence la qualité d'intimée dans la procédure d'appel.
La demande de la société Phoebus de voir déclarer irrecevable l'appel incident de la société Kalhyge 1, pour défaut de qualité, doit être rejetée.
Sur la résiliation du contrat
L'article 11 des conditions générales du contrat du 18 mars 2014 stipule :
« résiliation anticipée du contrat - clause résolutoire :
En cas de non-paiement d'une facture échue ou en cas d'infraction à l'une des clauses du présent contrat, la présente convention sera résiliée de plein droit huit jours après mise en demeure adressée par le loueur par lettre recommandée avec accusé de réception demeurée infructueuse.
Dans cette hypothèse et sans préjudice de dommages-intérêts complémentaires le client dont le contrat aura été résilié devra :
- payer une indemnité égale à la moyenne des factures d'abonnement ' service établies depuis les douze derniers mois multipliés par le nombre de semaine ou de mois restant à courir jusqu'à l'échéance du contrat.
- payer au loueur le stock initial des articles personnalisés ou exclusivement affectés conformément à l'article 12 du présent contrat.
- restituer au Loueur les autres articles mis à sa disposition dans le délai d'une semaine, à défaut ils seront facturés au client comme s'ils avaient été perdus.
Le client qui procéderait à la résiliation unilatérale du contrat sera astreint aux mêmes pénalités et clauses de rachat que celles prévues en cas de résiliation du contrat dans le présent article. »
Par courrier du 26 août 2019, la société Kalhyge 4, indiquant répondre à la société Phoebus qui contestait les modifications de tarif, lui rappelait qu'elle était redevable de la somme de 45 841,16 euros mais qu'elle était prête à lui présenter une nouvelle proposition de tarifs. Elle ajoutait qu'elle lui adressait une mise en demeure car elle ne pouvait continuer à exercer sa prestation sans garantie de recouvrement des sommes dues, mais qu'elle souhaitait trouver un accord sur de nouvelles conditions tarifaires.
Par lettre recommandée du 3 septembre 2019 avec demande d'avis de réception, la société Kalhyge 4 notifiait à la société Phoebus qu'elle était redevable de la somme de 45 841.16 euros et qu'à défaut de règlement sous 7 jours, la prochaine livraison du 13 septembre 2019 ne serait pas effectuée et que la reprise des prestations n'interviendrait qu'après encaissement du règlement.
La société Phoebus a versé la somme de 4 525,79 euros qui, selon le prestataire, n'a pu être encaissée aux motifs qu'elle ne pouvait être imputée comptablement.
Il ne peut être reproché à la société Kalhyge 4 d'avoir suspendu ses prestations car elle avait au préalable avisé la société Phoebus, la gravité du comportement d'une partie à un contrat pouvant justifier que l'autre partie y mettre fin de façon unilatérale à ses risques et périls, dès lors que la faute revêt un degré de gravité suffisant pour justifier la rupture. Une partie est également autorisée à cesser ses prestations si son cocontractant ne remplit pas ses obligations ce qui est le cas en l'espèce.
Il y a lieu de constater que le non paiement des factures pour un montant de plus de 45 000 euros est une inexécution du contrat suffisamment grave pour y mettre fin de manière unilatérale.
Le fait que la société Phoebus conteste des clauses du contrat, ce qui était susceptible d'avoir une incidence sur le montant de la créance, ne la dispensait pas de régler le principal de la dette.
De même, la résiliation invoquée au mois de septembre 2017 ne peut être prise en compte en ce que l'exécution du contrat s'est poursuivi au-delà de cette date.
Par courrier du 26 septembre 2019, la société Kalhyge 4, rappelant la mise en demeure qu'elle avait adressé à la société Phoebus le 3 septembre 2019, lui indiquait s'être présentée le 17 septembre, avec la commande de linge et avoir constaté qu'elle avait fait appel à un nouveau prestataire sans l'en informer. Elle la mettait en demeure de régulariser sa situation financière et de respecter l'échéance du contrat qui était prévue au 18 mars 2022. Elle lui demandait également de confirmer si elle souhaitait un arrêt anticipé du contrat.
La société Phoebus verse aux débats deux attestations d'employées de l'hôtel qui relatent que la société Kalhyge 4 s'est présentée le 13 septembre 2019 pour récupérer le linge.
Si au vu de ces deux attestations, il y a lieu de retenir que le linge a été repris le 13 septembre 2019, le courrier de mise en demeure dont il est justifié qu'il a été envoyé par la société Kalhyge 4 le 3 septembre 2019 à la société Phoebus et reçu le lendemain, constituait un avertissement suffisant pour appliquer la clause résolutoire en l'absence de régularisation du paiement des factures au moins pour le montant reconnu de la créance.
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'acquisition par la société Kalhyge 4 de la clause résolutoire, aux torts exclusifs de la société Hôtel Phoebus Garden et Spa.
Sur les factures dues
La société Phoebus invoque la nullité des clauses suivantes 8 « Variation des prix » et 7.3 « Paiement » des conditions générales du contrat du 18 mars 2014.
La société Kalhyge 1 réplique que cette demande de nullité est prescrite.
L'article 2224 du code civil dispose :
« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
La date du point de départ de la prescription est le 1er juillet 2016, date d'acquisition du fonds de commerce par la société Phoebus et non la date de signature du contrat signé en 2014, auquel la société Phoebus n'était pas partie.
Il n'est pas contesté que la société Phoebus a invoqué la nullité des clauses par conclusions du 26 février 2021, soit antérieurement au délai de prescription qui prenait fin le 1er juillet 2021. L'action n'est donc pas prescrite.
L'article L112-2 du code monétaire et financier encadre la possibilité de recours à des variations de prix : Dans les dispositions statutaires ou conventionnelles, est interdite toute clause prévoyant des indexations fondées sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits ou services n'ayant pas de relation directe avec l'objet du statut ou de la convention ou avec l'activité de l'une des parties.
Les parties peuvent se référer à des indices spéciaux en relation directe soit avec l'objet de la convention, soit avec l'activité de l'une des parties.
La clause de révision de prix doit donc comporter un indice chiffré, une périodicité et une réciprocité, l'indexation devant pouvoir varier autant à la hausse qu'à la baisse.
L'article 8 du contrat « Variation des prix » stipule : « les prix indiqués sur les bons de commande ou factures sont réputés établis en fonction des barèmes du loueur en vigueur le jour de la conclusion du contrat.
Ils varient dans les mêmes proportions que ces barèmes et en fonction de l'évolution des conditions économiques générales et professionnelles ».
La clause de « variation des prix » telle qu'elle est rédigée ne comporte ni indice chiffré, ni périodicité ni une réciprocité, ne permet pas de connaître l'indice de variation des prix et donc de calculer la variation ni de déterminer si cet indice est conforme aux dispositions légales.
En conséquence, la clause 8 du contrat intitulée « Variation des prix » doit être déclarée nulle.
La société Phoebus est fondée à réclamer la restitution des sommes versées au titre de cette clause de variation des prix annulée.
La société Phoebus verse aux débats une attestation de M. [C], expert-comptable, qui indique que « sur la base des diligences suivantes :
- Rapprochement exhaustif des factures mentionnées en annexe A1 avec la comptabilité
- Vérification par sondage des montants sur la base des tarifs à la souscription du contrat
que pour la période du 31 juillet 2016 au 31 août 2019 un montant de factures hors taxes de 203 894,54 euros, à rapprocher d'un montant tarif à la souscription de 188 922, 31euros hors taxes, soit un écart de facturation de 14 972,23 euros hors taxes. »
La somme versée entre juillet 2016 et le 31 août 2019 par la société Phoebus au titre de la clause annulée s'est élevée à la somme de 14 972,23 euros.
Cette somme sera déduite du montant des factures demeurées impayées par la société Phoebus :
51 521, 67 euros TTC ' 14 972, 23 euros = 36 549,44 euros TTC
Ces sommes quant à leur montant ne sont pas discutées par les parties.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Phoebus à payer à la société Kalhyge 4 la somme de 51 521,67 euros TTC correspondant au règlement de 7 factures échues, avec intérêt au taux légal à compter du 26 septembre 2019, date de la mise en demeure.
La société Phoebus sera condamnée à payer à la société Kalhyge 1 la somme de 36 549,44 euros TTC au titre des prestations demeurées impayées.
Sur les intérêts
La société Kalhyge 1 réclame le paiement d'intérêts au taux légal ainsi que d'intérêts au taux prévu par l'article L441-6 du code de commerce.
La société Phoebus conclut à l'application d'un intérêt au taux légal à compter de la présente décision aux motifs que la société Kalhyge 4 a refusé ses paiements.
La société Phoebus justifie avoir adressé à la société Kalhyge 4 un premier chèque d'un montant de 4 525,79 euros envoyé le 2 juillet 2019, mais la société Kalhyge 4 n'a pas encaissé ce chèque.
La société Phoebus a adressé le 2 octobre 2019 à la suite de la mise en demeure de la société Khalyge 4 du 26 septembre 2019 un second chèque de 26 301,48 euros qui n'a pas davantage été encaissé.
La société Kalhyge 1 indique qu'elle n'a pas encaissé ces chèques car sur le plan comptable, ils n'étaient pas affectés aux factures dues.
Le prestataire ne peut pas refuser d'encaisser des paiements et solliciter ensuite des intérêts de retard sur les sommes dues.
La société Kalhyge 1 n'est fondée à demander les intérêts prévus par l'article L441-6 du code de commerce dans sa version applicable au litige soit au minimum à un taux égal à 3 fois le taux d'intérêt légal qu' à compter du jugement qui a condamné à paiement la société Phoebus.
La demande de la société Kalhyge 1 d'intérêts au taux légal sera rejetée, les intérêts prévus par l'article L441-6 du code de commerce étant exclusifs d'intérêts au taux légal.
Le jugement sera infirmé et la somme de 36 549,44 euros TTC portera intérêts à un taux égal à 3 fois le taux d'intérêt légal à compter du jugement en date du 28 février 2022.
Sur les indemnités forfaitaires
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Phoebus à payer à la société Kalhyge 4 la somme de 280 euros correspondant aux frais de recouvrement pour 7 factures sur le fondement de l'article D 441-5 du code du commerce, qui fixe le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement à 40 euros.
Sur le déséquilibre significatif et la clause 7.3 des conditions générales du contrat
La société Phoebus fait valoir que l'article 7.3 « Paiement » des conditions générales du contrat crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l'article L.442-l du code de commerce et doit être déclaré nul ou non écrit pour ce motif.
L'article L.442-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose que :
« I.-Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par
tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
(...)
2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations
créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties
Les deux éléments constitutifs de cette pratique restrictive de concurrence sont en premier lieu la soumission ou la tentative de soumission et en second lieu l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif. »
Les clauses sont appréciées dans leur contexte, au regard de l'économie de la relation contractuelle. Il appartient à la société qui se prétend victime d'apporter la preuve du déséquilibre qu'elle subit.
L'article 7.3 des conditions générales du contrat « Paiement » est relatif aux conditions de paiement et au retard de paiement et stipule :
L'article 7.3 « Paiement » :
« Les factures ont payables comptant sans escompte par prélèvement automatique, sauf disposition contraire indiquée sur le bon de commande. Aucun litige ne saurait être invoqué pour différer le règlement des factures présentées. Chaque litige, le cas échéant, devra faire l'objet d'un traitement séparé. A défaut de paiement de l'une quelconque des échéances, les autres deviennent immédiatement exigibles. Par ailleurs, tout retard de paiement constaté peut entraîner de plein droit la suspension de la prestation, suspension qui n'interrompt pas la facturation. En outre si un retard de paiement donne lieu à une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception ont suivie d'effet, le loueur pourra faire application de la clause résolutoire. »
Si le loueur a proposé au locataire un contrat qu'il avait établi, la preuve n'est pas rapportée que celui-ci a subi des pressions pour le conclure ni que lors du renouvellement du contrat, il ait tenté d'en discuter les clauses.
Même à retenir que s'agissant d'un contrat d'adhésion, il était quasiment impossible d'en modifier les clauses, l'article 7.3 du contrat n'est pas de nature à créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l'article L 442-6 I 2° du code de commerce, en défaveur du locataire, dès lors que :
- il est le corollaire de la fourniture et de l'entretien du linge par le loueur, objet du contrat,
- il répond à la situation spécifique des manquements contractuels imputables au locataire
puisqu'il vise d'une part à contraindre ce dernier à l'exécution du contrat, d'autre part à
rappeler l'existence de la clause résolutoire
- ne concernant que ces manquements, il n'a pas, par définition, vocation à s'appliquer
dans l'hypothèse où le loueur n'exécuterait pas lui-même ses propres obligations et où le
contrat serait résilié à ses torts de sorte que l'asymétrie alléguée n'est pas caractérisée.
En conséquence, l'article 7.3 des conditions générales contractuelles du loueur ne crée pas de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et n'encourt ni la nullité ni le caractère non écrit.
Sur le montant de l'indemnité de résiliation
La société Kalhyge 1 réclame sur le fondement de l'article 11 du contrat le paiement de la somme de 168 913,72 euros correspondant à la moyenne des mensualités jusqu'à la fin du contrat.
La société Phoebus conclut au caractère manifestement disproportionné de cette indemnité dont le montant peut être réduite par le juge.
L'article 1231-5 du code civil prévoit que :
« Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme
à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte
ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue
si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par
le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au
créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent. (') ».
Le contrat, d'une durée initiale de quatre années, ne stipule pas la faculté pour les parties de se délier avant son terme sauf résiliation pour faute, de sorte que la clause dite de résiliation apparaît, par son importance en faisant courir une indemnité équivalente à la moyenne des factures d'abonnement ' service établies depuis les douze derniers mois multipliée par le nombre de semaine ou de mois restant à courir jusqu'à l'échéance du contrat, alors qu'en cas de résiliation, les prestations ne sont plus réalisées, comme étant tout à la fois indemnitaire et comminatoire, de sorte qu'en l'espèce l'indemnité de résiliation constitue ainsi une clause pénale dont le montant éventuellement dérisoire ou excessif peut être modifié par le juge en application de l'article 1152 ancien du code civil.
L'application de l'indemnité de résiliation entraînant une disproportion manifestement excessive mise à la charge du locataire eu égard au préjudice effectivement subi par la société créancière, le jugement sera confirmé en ce qu'il a évalué à 20% la marge sur coûts variables de la société Kalhyge 1, et a fixé à la somme de 5523,55 (mensualité moyenne) X 30 mois X 20 % = 33 141,30 euros l'indemnité de sorte que la société Kalhyge 1, qui est ainsi remboursée de son investissement en linge et en logistique bénéficie également du profit auquel elle pouvait légitimement prétendre si le contrat avait été intégralement exécuté.
Sur la demande d'indemnisation de la société Phoebus au titre de la rupture des relations commerciales
Il a été retenu que le contrat a été résilié aux torts de la société Phoebus sans préavis possible compte tenu des factures demeurées impayées.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Phoebus à ce titre.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
Compte tenu de l'issue du litige, chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et les dépens d'appel seront partagés par moitié.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare recevable la société Kalhyge 1, venant aux droits de la société Kalhyge 4, en son intervention volontaire ;
Dit recevable l'appel incident formé par la société Kalhyge 1 en sa qualité d'intervenante volontaire ;
Rejette la demande de la société Hôtel Phoebus Garden et Spa tendant à ce que le jugement du 28 février 2022 rendu par le tribunal de commerce de Paris soit annulé ;
Infirme le jugement en ce qu'il a dit prescrite la demande de nullité des clauses 7-3 et 8 du contrat du 18 mars 2014 et condamné la société Hôtel Phoebus Garden et Spa à payer à la société Kalhyge 4 la somme de 51 521,67 euros TTC correspondant au règlement de 7 factures échues, avec intérêt au taux légal à compter du 26 septembre 2019, date de la mise en demeure ;
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare non prescrite la demande de nullité des clause 7-3 et 8 des conditions générales du contrat du 18 mars 2014 ;
Déclare nulle la clause 8 des conditions générales du contrat du 18 mars 2014 ;
Rejette la demande de nullité ou du caractère non écrit de la clause 7-3 des conditions générales du contrat du 18 mars 2014 ;
Condamne la société Hôtel Phoebus Garden et Spa à payer à la société Kalhyge 1 la somme de 36 549,44 euros TTC au titre des prestations demeurées impayées, avec intérêt au taux de trois fois le taux de l'intérêt légal, à compter du 28 février 2022 et jusqu'à parfait paiement ;
Rejette la demande de la société Kalhyge 1 en paiement d'intérêt au taux légal sur la somme de 36 549,44 euros TTC ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles d'appel ;
Condamne chaque partie à payer la moitié des dépens d'appel.