CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 3 avril 2025, n° 21/16885
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
J.P. Bailly (SARL)
Défendeur :
Girard Sudron Et Cie (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Conseillers :
Mme Soudry, Mme Prigent
Avocats :
Me Jean-Pimor, Me Reingewirtz
Exposé du litige
La société Girard Sudron fabrique et commercialise des produits luminaires.
Le 8 avril 2015, la société Girard Surdon a conclu un contrat d'agent commercial avec la société J.P Bailly pour commercialiser ses produits en Ile-de-France. Ce contrat a été conclu à la suite d'une cession intervenue entre la société Dabout représentation et la société J.P Bailly.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 octobre 2019, la société Girard Sudron a mis fin au contrat d'agent commercial en invoquant des manquements graves de la société J.P Bailly.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 novembre 2019, la société J.P Bailly a contesté les griefs allégués, a sollicité le paiement d'une indemnité de cessation de mandat ainsi que d'une indemnité de préavis et a demandé qu'il soit justifié des relevés de chiffre d'affaires réalisé avec le client BHV depuis le 1er juillet 2019.
Par acte du 20 décembre 2019, la société J.P Bailly a assigné la société Girard Sudron devant le tribunal de commerce de Paris en paiement d'une indemnité de cessation de mandat d'un montant de 77.747 euros et d'une indemnité de préavis d'un montant de 11.662,04 euros, ainsi qu'en vue de la communication de la totalité des factures de ventes adressées à la clientèle de son secteur géographique depuis le 1er juin 2019.
Par jugement du 13 juillet 2021, le tribunal de commerce de Paris a :
Condamné la société Girard Sudron à payer la somme de 56 528,73 euros à la société J.P Bailly au titre de l'indemnité légale de cessation et l'a déboutée pour le surplus ;
Condamné la société Girard Sudron à régler à la société J.P Bailly la somme de 7066,09 euros au titre de l'indemnité de préavis et l'a déboutée pour le surplus ;
Condamné la société J.P. Bailly à verser à la société Girard Sudron la somme de 6881,50 euros au titre des sommes perçues à tort pour le client, la société BHV et celle de 14 336,77 euros au titre des remises de fin d'année ;
Ordonné la compensation entre les sommes dues par la société Girard Sudron au titre de l'indemnité de rupture et de l'indemnité de préavis avec les sommes perçues à tort par la société J.P Bailly entre 2017 et 2019 ;
Débouté la société J.P Bailly de toutes ses autres demandes, fins et prétentions et notamment sa demande de communication, sous astreinte, des factures clients émises dans le périmètre de son mandat à compter du mois de juin 2019 ;
Condamné la société Girard Sudron à régler à la société J.P Bailly la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonné l'exécution provisoire ;
Condamné la société Girard Sudron aux dépens.
Par déclaration du 24 septembre 2021, la société J.P Bailly a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
Condamné la société Girard Sudron à payer la somme de 56 528,73 euros à la société J.P. Bailly au titre de l'indemnité légale de cessation et débouté pour le surplus,
Condamné la société Girard Sudron à payer la somme de 7 066,09 euros au titre du préavis et débouté pour le surplus,
Condamné la société J.P. Bailly à verser à la société Girard Sudron la somme de 6 881,50 euros au titre des sommes perçues à tort par la société J.P. Bailly pour la société BHV et 14 336,77 euros de remises de fin d'année,
Ordonné la compensation entre les sommes dues par la société Girard Sudron au titre de l'indemnité de rupture et de l'indemnité de préavis avec les sommes perçues à tort par la société J.P. Bailly entre 2017 et 2019,
Débouté la société J.P. Bailly de toutes ses autres demandes, fins et prétentions et notamment sa demande de communication, sous astreinte, des factures clients émises dans le périmètre de son mandat à compter du mois de juin 2019.
Prétentions et moyens des parties
Par ses dernières conclusions notifiées le 1er juin 2022, la société J.P Bailly demande, au visa des articles L. 134-6, L. 134-10, L. 134-11, L. 134-12 et R. 134-3 du code de commerce :
Recevant la société J.P Bailly en son appel, le déclarer bien fondé ;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la résiliation du contrat d'agent commercial ouvrait droit à la société J.P Bailly au règlement d'indemnité compensatrice de préavis inexécuté prévue par l'article L.134-11 du code de commerce et à l'indemnité légale de cessation de mandat prévue par l'article L134-12 du code de commerce ;
Réformer le jugement entrepris en ce qui concerne le montant desdites indemnités ;
Condamner la société Girard Sudron à régler à la société J.P Bailly les indemnités suivantes, outre intérêts de droit à compter de l'assignation :
11 662,04 euros TTC au titre de l'indemnité compensatrice de préavis inexécuté ;
77 747 euros au titre de l'indemnité légale de cessation de mandat ;
Constater que la société Girard Sudron n'établit pas la matérialité de ses demandes tendant à la restitution des commissions de 6 881,50 euros au titre du client, la société BHV et de 14 336,77 euros au titre des remises de fin d'année ;
En conséquence, réformant le jugement entrepris, débouter la société Girard Sudron de ses demandes fondées sur la répétition de l'indu et de sa demande en compensation des créances réciproques ;
Réformant le jugement, condamner la société Girard Sudron sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la signification du jugement à intervenir à communiquer à la société J.P Bailly la copie de la totalité des factures de ventes adressées à la clientèle de son secteur géographique depuis le 1er juin 2019 accompagnée des comptes clients correspondants ;
Donner acte à la société J.P Bailly de ce qu'elle se réserve de chiffrer ultérieurement et définitivement la totalité des commissions qui lui sont dues ;
Condamner la société Girard Sudron à régler à la société J.P Bailly la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions notifiées le 3 mars 2022, la société Girard Sudron demande de :
Confirmer le jugement en ce qu'il a :
Ordonné la compensation entre les sommes dues par la société Girard Sudron au titre de l'indemnité de rupture et de l'indemnité de préavis avec les sommes perçues à tort par la société J.P Bailly entre 2017 et 2019 ;
Débouté la société J.P Bailly de toutes ses autres demandes fins et prétentions et notamment sa demande de communication, sous astreinte, des factures clients émises dans le périmètre de son mandat à compter du mois de juin 2019;
Infirmer le jugement en ce qu'il a :
Condamné la société Girard Sudron à payer la somme de 56 528,73 euros à la société J.P Bailly au titre de l'indemnité légale de cessation de mandat ;
Condamné la société Girard Sudron à payer la somme de 7 066,09 euros au titre du préavis ;
Condamné la société J.P Bailly à verser à la société Girard Sudron la somme de 6 881,50 euros au titre des sommes perçues à tort par la société J.P Bailly pour le client BHV et 14 336,77 euros au titre des remises de fin d'année ;
Condamné la société Girard Sudron à payer à la société J.P Bailly la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau :
Juger que l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial réclamée par la société J.P Bailly doit être, a minima, ramenée à la somme de 42 447,36 euros ;
Juger que l'indemnité de préavis suivant rupture du contrat d'agent commercial réclamée par la société J.P Bailly, doit être ramenée à la somme de 5 304 euros;
A titre reconventionnel,
Condamner la société J.P Bailly à verser à la société Girard Sudron la somme de 47 367,89 euros au titre des sommes perçues à tort par la société J.P Bailly entre 2017 et 2019 ;
Ordonner la compensation entre les sommes dues par la société Girard Sudron au titre de l'indemnité de rupture et de l'indemnité de préavis avec les sommes perçues à tort par la société J.P Bailly entre 2017 et 2019 ;
En tout état de cause,
Débouter la société J.P Bailly de toutes ses autres demandes fins et prétentions et notamment sa demande de communication, sous astreinte, des factures clients émises dans le périmètre de son mandat à compter du mois de juin 2019, à laquelle Girard Sudron a répondu favorablement ;
Condamner la société J.P Bailly à payer à la société Girard Sudron la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 novembre 2024.
MOTIFS
Sur la demande en restitution d'un trop-perçu
La société Girard Sudron soutient que la société JP Bailly a perçu des commissions d'un montant de 33 031,12 euros au titre du client BHV, grand magasin, qui ne relevait pas du périmètre d'activité de son mandat de représentation et qu'elle a perçu des commissions assises sur un montant brut de chiffre d'affaires sans tenir compte des remises de fin d'année octroyées aux clients du périmètre d'activité de la société J.P Bailly, ce qui correspond à un trop perçu d'un montant de 14 336,77 euros.
La société J.P Bailly conteste la perception de sommes indues. En ce qui concerne les commissions perçues au titre de la société BHV, elle explique que ce client lui avait été attribué par la société Girard Sudron depuis le mois d'octobre 2016 et qu'en application de l'article L. 134-6 du code de commerce, il avait droit aux commissions sur toutes les ventes réalisées avec ce client. En ce qui concerne les remises de fin d'année, la société J.P Bailly estime que la société Girard Sudron ne prouve pas la matérialité des remises de fin d'année qu'elle affirme avoir dû consentir à sa clientèle et sur lesquelles elle prétend l'avoir commissionnée à tort.
L'article L 134-6 du code de commerce dispose que pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L. 134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre.
Lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe.
Par ailleurs, l'article L 134-10 du même code prévoit que le droit à la commission ne peut s'éteindre que s'il est établi que le contrat entre le tiers et le mandant ne sera pas exécuté et si l'inexécution n'est pas due à des circonstances imputables au mandant.
Les commissions que l'agent commercial a déjà perçues sont remboursées si le droit y afférent est éteint.
En l'espèce, le périmètre d'activité initial confié à la société J.P Bailly a été défini à l'article 7 du contrat d'agence commerciale de la manière suivante :
« Le secteur géographique est constitué des départements suivants : [Localité 6], RP (77/78/91/92/93/94/95)
Le secteur commercial concédé est celui des GSA (Grande distribution Alimentaire), GSB (Grande distribution Bricolage), détaillants luminaires, négoces matériaux ».
Par avenants du 17 avril 2015, du 11 mai 2015 et du 7 septembre 2015, il a été retiré du périmètre d'activité de la société J.P Bailly :
- les négoces de matériaux ;
- les détaillants de luminaires (pour tous les départements Ile ' de - France) ;
- les GSA et les GSB « Castorama » et « Leroy Merlin » pour les départements 77/78/91 et 94.
La société J.P Bailly justifie, par l'attestation de M. [W], ancien PDG de la société Girard Sudron entre le 1er août 2015 et le 30 avril 2017, que le client BHV lui avait été confié à compter du 1er octobre 2016. Cette attestation précise et circonstanciée d'un ancien dirigeant de la société Girard Sudron apparaît suffisamment probante étant précisé qu'il n'est pas contesté que le départ de M. [W] a été motivé par des raisons personnelles et qu'il est constant que des commissions ont été versées à la société J.P Bailly au titre du client BHV jusqu'au mois de juillet 2019. Il est donc établi que le client BHV a été confié à la société J.P Bailly de sorte qu'en vertu de l'article L. 134-6 susvisé, son droit à commission sur ce client est acquis pour toute la durée du contrat d'agence commerciale peu important que la société Girard Sudron ait, pour des raison internes, décidé de confier, à compter du 1er août 2018, sa représentation auprès de ce client à l'une de ses salariées, Mme [M]. Il n'est pas démontré que la gestion du client BHV ait été confiée à une autre salariée antérieurement à la mission confiée à Mme [M].
Dans ces conditions, les commissions versées ne peuvent faire l'objet de restitution. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point. La demande en restitution de la société Girard Sudron sera rejetée.
Par ailleurs, la seule attestation de l'expert-comptable de la société Girard Sudron produite aux débats sans aucun autre document justificatif selon laquelle des avoirs auraient été consentis par la société Girard Sudron à quatre clients (Bricorama, Castorama, Cofaq et Zodio) ne peut établir l'existence de sommes à déduire de l'assiette des commissions versées à la société J.P Bailly ni leur quantum. Il sera relevé que l'expert-comptable indique ne pas avoir pu procéder au contrôle du calcul des remises de fin d'année. En outre, les tableaux annexés à l'attestation ne permettent pas de vérifier si les montants indiqués ont effectivement été inclus dans l'assiette des commissions versées à la société J.P Bailly. Enfin, contrairement à ce que soutient la société Girard Sudron, aucun secret des affaires ne peut être invoqué en l'absence de demande de protection à ce titre. Dans ces conditions, à défaut pour la société Girard Sudron de rapporter la preuve de l'extinction de son obligation de payer les commissions ou de caractériser un paiement indu à cette dernière, sa demande de restitution sera rejetée et le jugement entrepris infirmé.
Sur l'indemnité de cessation de mandat
La société J.P Bailly se prévaut des dispositions de l'article L.134-12 du code de commerce pour solliciter le paiement de l'indemnité légale de cessation de mandat, dont elle revendique l'évaluation à deux ans de commissions brutes, et le calcul sur les années 2017 et 2018, l'année 2019 ayant été incomplète. Elle dénie avoir commis les manquements reprochés par la société Girard Sudron.
Pour s'opposer à la demande en paiement d'indemnité de cessation de mandat, la société Girard Sudron se prévaut de manquements graves de la société J.P Bailly. Elle reproche à la société J.P Bailly d'avoir profité d'une complaisance en interne pour percevoir des commissions relatives au client BHV qui ne faisait pas partie de son périmètre d'activité, d'avoir dépassé son mandat en accordant des avoirs à des clients ou en autorisant des destructions de stocks à des clients sans son autorisation préalable et de ne pas l'avoir avisée de son déréférencement auprès de la société Castorama.
A titre subsidiaire, la société Girard Sudron soutient que l'indemnité de cessation de mandat doit être calculée sur la base du montant mensuel moyen des commissions effectivement dues à l'agent sur les trois dernières années et que l'année 2019 doit être prise en compte. Elle ajoute que la société J.P Bailly ne rapporte pas la preuve d'un préjudice résultant de la cessation du mandat dès lors qu'elle a retrouvé des clients, qu'elle n'avait apporté aucun des clients confiés et qu'elle a commis des manquements. Elle affirme que l'indemnité éventuellement due ne pourra être supérieure à la somme de 47 751,36 euros.
Sur le principe de l'indemnité :
L'article L134-4 du code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties (alinéa 1) ; que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information (alinéa 2) ; que l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; et que le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat (alinéa 3).
L'article L 134-12 du même code, dont les dispositions sont d'ordre public, indique qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu'il perd toutefois le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ; et que ses ayants droit bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.
Par ailleurs, l'article L 134-16 prévoit qu'est réputée non écrite toute clause ou convention dérogeant, au détriment de l'agent commercial, aux dispositions de l'article précité.
L'article L134-13 précise toutefois que la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :
1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;
2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;
3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.
La faute grave, privative d'indemnité de rupture, se définit comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat et rend impossible le maintien du lien contractuel ; elle se distingue du simple manquement aux obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat.
Pour apprécier si les manquements de l'agent commercial à ses obligations sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat, il doit être tenu compte de toutes les circonstances de la cause intervenues et découvertes par le mandant antérieurement à la rupture.
Néanmoins le comportement de l'agent ne peut être qualifié de faute grave par le mandant qui en avait eu connaissance avant la rupture du contrat mais l'avait toléré en ne lui reprochant aucune faute grave dans le courrier qu'il invoquait.
Il convient de rechercher si des fautes successives et renouvelées ne constituaient pas, par leur caractère répétitif et leur accumulation, une faute grave.
En l'espèce, dans le courrier du rupture du mandat d'agence commerciale, la société Girard Sudron reprochait à son agent de :
« D'une part, par votre intermédiaire direct, des demandes d'avoir ou de destructions de matériel ont été adressés à des clients de la société Girard Sudron, sans que la société Girard Sudron n'ait aucun moment donné son accord ou été informée préalablement d'une telle pratique. Ces agissements constituent un manquement grave à votre mission et votre contrat, qui ne vous autorise absolument pas de procéder à de telles initiatives préjudiciables à la société Girard Sudron.
(')
Nous avons également appris 'qu'en coordination avec A. F (avec qui notre société a cessé toute relation contractuelle), vous recevez depuis plusieurs années des commissions relatives au client, le BHV, alors que ce client historique de Girard Sudron n'entre pas dans le périmètre de votre contrat, que vous n'avez jamais effectué la moindre diligence vis à vis de ce client qui est géré par un salarié de notre société. »
Or il ressort de ce qui précède et notamment de l'attestation de M. [W], qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société J.P Bailly concernant la perception de commissions au titre du client BHV.
Par ailleurs, les échanges de courriels entre la société Girard Sudron et la société J.P Bailly concernant un client (Bricorama à [Localité 5]) et une demande d'avoir de destruction de stocks ne permettent pas de caractériser une faute de l'agent commercial ou un dépassement de ses pouvoirs d'autant plus que l'attestation de M. [W] justifie la conformité des actes de la société J.P Bailly par rapport à la procédure mise en place au sein de la société Girard Sudron en ce qui concerne les demandes d'avoir pour produits défectueux.
Enfin les allégations de la société Girard Sudron quant à un défaut de loyauté ou une absence de transmission d'information quant au déréférencement de la société Girard Sudron par l'enseigne Castorama ne sont pas visées dans la lettre de rupture et ne sont étayées par aucune preuve.
Dans ces conditions, le droit à indemnité de cessation de mandat de la société J.P Bailly est acquis.
Sur le quantum de l'indemnité
L'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune. Son quantum n'étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause.
Or, en l'espèce, compte tenu de la durée de la mission d'agence commerciale qui a débuté en 2015 (quatre années), l'indemnité sera évaluée sur la base des deux dernières années complètes d'activité de l'agent commercial (soit 2017 et 2018) et correspondra à 18 mois de commissions. Il sera ainsi alloué à la société J.P Bailly une somme de 58.310,28 euros à titre d'indemnité de cessation [(40.315 euros correspondant aux commissions perçues en 2017 + 37.432 euros correspondant aux commissions perçues en 2018) /24 mois x 18 mois].
Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2019, date de l'assignation.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
L'article L. 134-11 du code de commerce prévoit que lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois par la troisième année commencée et les années suivantes.
L'indemnité compensatrice de préavis allouée à la société J.P Bailly sera fixée à 9 718,37 euros (77 747 euros / 24 mois x 3 mois). Contrairement à ce que prétend la société J.P Bailly, s'agissant d'une indemnité, la somme attribuée n'est pas soumise à la TVA.
Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2019, date de l'assignation.
Sur la demande de communication des factures et des comptes clients
La société J.P Bailly revendique, en application de l'article R.134-3 du code de commerce, la communication par la société Girard Sudron, sous astreinte, de la copie des factures adressées à la clientèle de son secteur géographique depuis le 1er juin 2019 accompagnée des comptes clients correspondants afin de pouvoir calculer l'arriéré des commissions.
La société Girard Sudron s'oppose à cette demande en soutenant avoir communiqué au cours de l'instance devant le tribunal de commerce de Paris, les copies des factures pour la période de juin 2019 à octobre 2019. Elle ajoute que la société J.P Bailly a une parfaite connaissance du montant du chiffre d'affaires qu'elle a généré puisqu'elle a perçu les commissions afférentes entre les mois de juin et octobre 2019. Elle fait valoir que la société J.P Bailly aurait dû solliciter ces pièces dans le cadre d'une procédure sur requête préalablement à son action au fond.
L'article L 134-7 du code de commerce qui consacre le droit de suite ou le principe des commissions récurrentes dispose que pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.
L'article R. 134-3 du code de commerce dispose que : « Le mandant remet à l'agent commercial un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel elles sont acquises. Ce relevé mentionne tous les éléments sur la base desquels le montant des commissions a été calculé.
L'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues. »
Il sera relevé que les factures produites par la société Girard Sudron en première instance ne concernent pas le client BHV ni les opérations postérieures à la rupture du mandat qui peuvent faire l'objet d'un droit de suite.
Compte tenu du droit à l'information de l'agent commercial, il y a lieu de faire droit à la demande de la société J.P Bailly selon les modalités fixées au dispositif.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Girard Sudron succombe à l'instance. Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées. La société Girard Sudron sera condamnée à supporter les dépens d'appel et à payer à la société J.P Bailly la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La demande de la société Girard Sudron sur ce fondement sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement sauf en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette la demande de la société Girard Sudron et Cie en restitution de sommes indument perçues par la société J.P Bailly ;
Condamne la société Girard Sudron et Cie à payer la somme de 58.310,28 euros à la société J.P Bailly au titre de l'indemnité légale de cessation avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2019 ;
Condamne la société Girard Sudron et Cie à payer à la société J.P Bailly la somme de 9.718,37 euros au titre de l'indemnité de préavis avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2019 ;
Enjoint à la société Girard Sudron et Cie de communiquer à la société J.P Bailly la copie de la totalité des factures de ventes adressées à la clientèle de son secteur géographique depuis le 1er juin 2019 jusqu'au 1er avril 2020, accompagnée des comptes clients correspondants, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt pendant une durée de trois mois;
Condamne la société Girard Sudron et Cie à régler à la société J.P Bailly la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Girard Sudron et Cie aux dépens.