CA Lyon, 1re ch. civ. B, 8 avril 2025, n° 23/02604
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Daw France (SARL)
Défendeur :
M. C
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gonzalez
Conseillers :
Mme Lemoine, Mme Lecharny
Avocats :
Me Braillard, Me Barbudaux-Le Feuvre, Me Biagi
EXPOSE DU LITIGE
La société Daw France, filiale française du groupe allemand Daw, fabrique et commercialise des peintures et produits destinés à la protection et à la décoration des bâtiments à destination des professionnels et du grand public sous les marques Caparol et Alpina et elle a mis en place un réseau d'agents commerciaux.
Par contrat d'agent commercial du 31 octobre 2014, la société Daw France a confié à M. [L] le mandat de vendre en son nom et pour son compte les produits de ses gammes grand public (GSP 1er prix, Gamme Pro et Alpina) sur le secteur Rhône-Alpes.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 12 décembre 2019, la société La Boîte à outils, cliente de la société Daw France, a informé cette dernière qu'elle souhaitait lancer un appel d'offre sur l'ensemble des produits référencés chez Daw France, avec un risque consécutif de déréférencement total ou partiel.
Par courrier électronique du 31 janvier 2020, la société Daw France a demandé à M. [L] des comptes-rendus d'activité. Ce dernier a refusé. Plusieurs correspondances sont intervenues aux termes desquelles chacun a maintenu sa position.
Une réunion s'est tenue entre les parties le 19 mars 2020 au sujet de l'appel d'offre.
Par courrier électronique du 29 mai 2020, la société Daw France a signalé à M. [L] que la société La Boîte à outils souhaitait déréférencer les produits GSP et demandait la suppression de tout passage des agents commerciaux à compter du ler janvier 2021.
Une réunion s'est tenue entre les parties le 3 juin 2020 aux fins d'élaborer une nouvelle proposition. Les échanges se sont poursuivis et ont mis en lumière un désaccord s'agissant des propositions à formuler et des responsabilités respectives.
Par courrier électronique du 10 juillet 2020, la société La Boîte à outils a communiqué à la société Daw France son refus de sa nouvelle offre de prix, précisant ne plus souhaiter l'appui des agents commerciaux afin de bénéficier d'un meilleur tarif.
Par courrier électronique du 20 juillet 2020, la société Daw France a demandé à M. [L] de ne plus la représenter pour assurer la commercialisation de ses produits auprès de cette cliente, à compter d'une date précisée ultérieurement.
Par courrier électronique du 31 juillet 2020, la société Daw France a confirmé à M. [L] que la société La Boîte à outils n'a accepté de poursuivre les relations qu'à la condition expresse que la force de vente n'intervienne plus, fixant, sous réserve de confirmation, la date d'effectivité de la mesure au 1er septembre 2020, date à laquelle les visites devraient s'arrêter.
Par courrier électronique du 31 août 2020, la société Daw France a confirmé à M. [L] que sa représentation sur la cliente La Boîte à outils prendrait fin le lendemain, soit le 1er septembre 2020, et qu'elle ne pourrait maintenir son commissionnement.
Par courrier du 24 septembre 2020, la société La Boîte à outils a notifié à la société Daw France le déréférencement de tous ses produits compte tenu des résultats de l'appel d'offre, et ce en trois phases (1er février 2021, 1er avril 2021, 1er octobre 2021).
Par courrier recommandé avec accusé réception du 7 octobre 2020, M. [L] a imputé à la société Daw France la rupture du contrat d'agent commercial et formulé des demandes d'indemnisation au titre du préavis non respecté et du préjudice subi.
Par courrier recommandé avec accusé réception du 9 octobre 2020, la société Daw France a réfuté les prétentions de M. [L]. Les échanges entre les parties n'ont pas permis d'aboutir à un accord.
Par acte introductif d'instance du 19 janvier 2021, M. [L] a fait assigner la société Daw France devant le tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir constater la rupture de son contrat d'agent commercial et d'obtenir l'indemnisation de son préavis et des conséquences préjudiciables de la rupture, outre le paiement de ses commissions.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 23 janvier 2021, M. [L] a notifié à la société Daw France la rupture de leurs relations contractuelles.
Par jugement contradictoire du 28 février 2023, le tribunal judiciaire de Lyon a :
- constaté la résiliation partielle, au 20 juillet 2020, du contrat d'agence commerciale liant M. [L] à la société Daw France, à l'initiative de cette dernière s'agissant du retrait de la société La Boîte à outils du mandat de représentation,
- constaté la résiliation totale, au 23 janvier 2021, du contrat d'agence commerciale liant M. [L] à la société Daw France, à l'initiative de M. [L] justifiée par des circonstances imputables à la société Daw France,
- condamné la société Daw France à payer à M. [L] la somme de 8.761,50 euros HT au titre du rappel de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021,
- condamné la société Daw France à payer à M. [L] la somme de 127.814,88 euros HT au titre de l'indemnité compensatrice du préjudice résultant de la résiliation partielle, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021,
- condamné la société Daw France à payer à M. [L] la somme de 23.220 euros HT au titre de l'indemnité compensatrice du préjudice résultant de la résiliation totale, avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2021,
- ordonné la capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière,
- débouté M. [L] de ses demandes au titre des rappels de commission,
- constaté que la société Daw France a libéré M. [L] de la clause de non-concurrence prévue à l'article 15 du contrat d'agence commerciale du 31 octobre 2014,
- déclaré sans objet la demande de nullité ou de déclarer réputée non écrite la clause de non-concurrence prévue à l'article 15 du contrat d'agence commerciale du 31 octobre 2014,
- condamné la société Daw France à payer à M. [L] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit,
- condamné la société Daw France aux dépens, avec droit de recouvrement.
Par déclaration du 28 mars 2023, la société Daw France a interjeté appel.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 14 octobre 2024, la société Daw France demande à la cour de :
- la déclarer recevable en son appel et la jugeant bien fondée,
- infirmer le jugement du 28 février 2023 en ce qu'il :
- a constaté la résiliation partielle, au 20 juillet 2020, du contrat d'agence commerciale liant M. [L] à la concluante, à l'initiative de cette dernière, s'agissant du retrait de la société La Boîte à outils du mandat de représentation,
- a constaté la résiliation totale, au 23 janvier 2021, du contrat d'agence commerciale liant M. [L] à la concluante, à l'initiative de M. [L] justifiée par des circonstances imputables à la société Daw France,
- l'a condamnée à payer à M. [L] la somme de 8.761,50 euros HT au titre du rappel de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021,
- l'a condamnée à payer à M. [L] la somme de 127.814,88 euros HT au titre de l'indemnité compensatrice du préjudice résultant de la résiliation partielle, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021,
- l'a condamnée à payer à M. [L] la somme de 23.220 euros HT au titre de l'indemnité compensatrice du préjudice résultant de la résiliation totale, avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2021,
- a ordonné la capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière,
- l'a condamnée à payer à M. [L] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamnée aux dépens, avec droit de recouvrement au profit de Me Amandine Biagi, avocat, sur son affirmation de droit,
Statuant à nouveau
- juger que le contrat d'agence commerciale liant M. [L] à la concluante n'a pas fait l'objet d'une résiliation partielle,
- juger que la résiliation du contrat d'agence commerciale survenue le 23 janvier 2021 est intervenue à la seule initiative de M. [L] et qu'elle n'a aucunement été justifiée par des circonstances qui pourraient être imputables à la concluante,
En conséquence,
- débouter purement et simplement M. [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [L] à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [L] à lui payer les entiers dépens, incluant ceux d'exécution qui seront pris en charge par la partie succombante, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
***
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 2 janvier 2024, M. [L] demande à la cour de :
- rejeter tous les moyens, fins et prétentions de la société Daw France,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 28 février 2023 en ce que le tribunal a :
- constaté la résiliation partielle, au 20 juillet 2020, du contrat d'agence commerciale le liant à la société Daw France, à l'initiative de la société Daw France s'agissant du retrait de la société La Boîte à outils du mandat de représentation,
- constaté la résiliation totale, au 23 janvier 2021, du contrat d'agence commerciale le liant à la société Daw France, à son initiative justifiée par des circonstances imputables à la société Daw France,
- condamné la société Daw France à lui payer la somme de 127.814,88 euros HT au titre de l'indemnité compensatrice du préjudice résultant de la résiliation partielle, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021,
- condamné la société Daw France à lui la somme de 23.220 euros HT au titre de l'indemnité compensatrice du préjudice résultant de la résiliation totale, avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2021,
- ordonné la capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière,
- constaté que la société Daw France l'a libéré de la clause de non-concurrence prévue à l'article 15 du contrat d'agence commerciale du 31 octobre 2014,
- déclaré sans objet la demande de nullité ou de déclarer réputée non écrite la clause de non-concurrence prévue à l'article 15 du contrat d'agence commerciale du 31 octobre 2014,
- condamné la société Daw France à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Daw France aux dépens.
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 28 février 2023 en ce que le tribunal l'a débouté de ses demandes au titre des rappels de commissions et en ce qu'il a limité le montant de l'indemnité de préavis comme suite à la résiliation partielle à la somme de 8.761,50 euros HT,
Et statuant à nouveau,
- condamner la société Daw France à lui payer la somme de 50.344,86 euros HT, outre TVA en vigueur, à titre de rappel forfaitaire de commissions,
- condamner la société Daw France à lui payer une somme de 10.651,25 euros HT au titre du rappel de préavis comme suite à la rupture partielle, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021,
- ordonner la capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière,
A titre subsidiaire,
- déclarer que le contrat d'agence commerciale le liant à la société Daw France est résilié à la date du 23 janvier 2021, sans résiliation partielle préalable, en raison de circonstances imputables à la société Daw France,
- condamner la société Daw France à lui payer la somme de 151.034,60 euros HT au titre de l'indemnité compensatrice du préjudice résultant de la résiliation, avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2021,
En tout état de cause,
- confirmer le jugement pour le surplus,
- condamner la société Daw France à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Daw France aux dépens de la procédure d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour constate qu'elle n'ai pas saisie des dispositions se rapportant à la clause de non concurrence de sorte que les dispositions du jugement sur ce point sont définitives.
Sur la résiliation du contrat d'agent commercial
M. [L] affirme que :
- la société a mis à l'écart des agents commerciaux aux fins de satisfaire le client par rapport à ses exigences tarifaires et pour une meilleure rentabilité pour elle-même, elle a proposé aux agents la division par deux de leurs commissions, puis décidé de ne plus commissionner sur le client la Boîte à outils, sans contrepartie,
- le courriel du 20 juillet 2020 constitue une rupture partielle du contrat d'agent commercial du fait de l'exclusion d'un client du champ de son mandat et la société lui a imposé une modification unilatérale et substantielle de son contrat, et cette modification s'analyse en une rupture du contrat dans son ensemble à l'initiative du mandant,
- il n'est nul besoin que le retrait du client par le mandant soit qualifié de fautif, il suffit qu'il soit imposé à l'agent commercial ; la volonté de la société a été de continuer à réaliser des ventes directement avec le client et sa faute réside dans la modification unilatérale du contrat,
- la société a sacrifié les commissions des agents au lieu de sa propre marge sur la vente, la décision a été soudaine,
- il a acheté auprès d'un confrère la carte de représentation grand public de la société dont le client représentait 80 % de cette carte, celui-ci lui a demandé énormément de temps et d'énergie, et aucun directive ne lui imposait de se diversifier,
- subsidiairement, des manquements du mandant justifient la résiliation du contrat, soit l'atteinte à la notion d'exclusivité, les grossistes n'étant pas exclus de celle-ci mais lui ayant été retirés, l'absence de paiement des commissions afférentes à la violation de la notion d'exclusivité, l'in suffisance de communication des justificatifs comptables, l'atteinte au principe d'intérêt commun,
- la date de la rupture partielle a été justement retenue, les termes en sont très clairs.
La société Daw France rétorque que :
- il n'y a eu aucune rupture à son initiative, la réduction des commissions ne lui est pas imputable, elle a tout fait pour maintenir sa force commerciale auprès du client et n'a pris aucune initiative néfaste,
- elle n'a fait qu'appliquer la décision de sa cliente et il s'agit d'une décision contrainte et non fautive, elle n'est pas responsable de la volonté de ses clients de travailler ou non avec ses agents commerciaux, le client conserve sa liberté contractuelle et M. [L] doit supporter les conséquences du retrait,
- le client a été en quelque sorte donné à M. [L], ce dernier a perçu des commissions sans travail et n'a pas prospecté d'autre clients pour que la Boîte à outil ne soit plus prépondérante dans sa rémunération,
- elle réfute donc les fautes qui lui sont imputées par l'agent,
- la date du 20 juillet 2020 ne peut être retenue comme rupture partielle, ses envois ne sont pas la notification d'une rupture puisque la décision ne prend effet qu'ultérieurement et une simple information donnée en provenance d'un client n'équivaut pas à une rupture.
Sur ce,
Aux termes de l'article 134-12 du code de commerce, 'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi'.
L'article L 134-13 du code de commerce précise cependant que 'La réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :
1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;
2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée (...)'
Il résulte des stipulations contractuelles liant les parties (article 1er du contrat du 31 octobre 2014) que la société a confié à l'agent commercial le mandat de vendre en son nom et pour son compte les produits définis à l'annexe 1, soit les gammes Grand Public GSP 1er prix, Gamma pro et Alpina, le secteur défini en annexe 3 étant le secteur Rhône-Alpes (01, partie est du 03, 15, 38, 42, 43, 58, 69, 71, 73 et 74). L'annexe 2 précise pour sa part que les clients confiés à l'agent sont exclusivement les distributeurs grand public (surfaces de bricolage, spécialistes en décoration, négociants en matériaux à destination du grand public) à l'exclusion des centrales d'achat ou de référencement à réseau national ou régional.
L'article 3 du contrat stipule que le mandat est exclusif sur le territoire concédé, la société s'engageant à 'ne pas confier la promotion et la distribution des produits visés à l'annexe 1 à d'autres agents commerciaux sur le territoire visé à l'annexe 3 pour la clientèle visée à l'annexe 2".
L'article 14 précise pour sa part que le contrat a été conclu à durée indéterminée en ces termes 'Hors les cas de force majeure ou de faute grave, il ne pourra être résilié de part ou d'autre par lettre recommandée avec accusé de réception que moyennant le respect d'un délai de préavis réciproque d'un mois la première année du contrat, de deux mois la deuxième année du contrat, de trois mois par la suite. Les délais exprimés s'entendent de date à date'.
S'agissant de la rémunération, l'article 13.1 stipule que 'en rémunération de ses interventions, l'agent percevra sur les affaires émanant de la clientèle visée à l'annexe 2 et traitée dans le secteur indiqué à l'annexe 3 une commission à la condition que - l'ordre émane d'un client visité régulièrement par l'agent, les comptes rendus établis conformément à la procédure en vigueur dans l'entreprise faisant foi'.
Il résulte des productions que :
- par courriel du 13 mai 2020, la société La Boîte à outils a fait part de son souhait de supprimer le passage des commerciaux en magasin à compter du 1er janvier 2021 sous condition de validation de sa proposition de maintien du tarif pour 2021,
- par courrier du 10 juillet 2020, cette société, répondant à l'offre de prix adverse, a confirmé qu'elle ne souhaitait plus l'appui de la force de vente afin de bénéficier d'un meilleur tarif, qu'elle était persuadée que cette force de vente n'avait pas d'impact significatif sur le volume d'affaires et qu'elle n'était pas nécessaire sur ce segment du marché, que la volonté du groupe était de positionner les produits de la société comme 'une marque de distributeur', avec des prix devant rester très compétitifs, sur un marché du bricolage concurrentiel, qu'il s'agissait d'une décision ferme et définitive, à défaut de quoi le partenariat serait remis en cause,
- par courriel du 20 juillet 2020, la société a alors écrit à M. [L] dans les termes suivants 'afin de ne pas perdre ce client, nous nous trouvons contraints de formuler une nouvelle offre, sans prise en compte de votre participation. Par ailleurs, nous sommes également contraints de vous demander de ne plus nous représenter pour assurer la commercialisation de nos produits auprès de ce client',
- par courriel du 31 juillet 2020, la société a confirmé cette décision en fixant la date de prise d'effet au 1er septembre 2020 puis par courriel du 31 août 2020, elle a écrit 'à partir de demain, votre représentation sur ce client prendra fin et nous ne pourrons dès lors maintenir votre commissionnement,'.
C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, sans qu'il ne soit nécessaire de les paraphraser, que les premiers juges ont retenu que :
- il se déduit des échanges que La Boîte à outils a souhaité se passer de la représentation des agents commerciaux pour bénéficier d'un meilleur tarif de vente et que la suppression des passages des agents commerciaux en magasins a été demandée sous condition de validation de sa proposition tarifaire,
- pour diminuer ses prix tout en préservant sa rentabilité, la société a formulé une offre sans représentation commerciale, prenant ainsi la décision de supprimer sa représentation par M. [L] après de La Boîte à outils qui est donc imputable au mandant,
- il n'est pas contesté que cette cliente représentait un ensemble économique identifiable et indépendant, dissociable du reste de la clientèle de M. [L], de sorte que cette décision caractérisait une résiliation partielle du contrat à l'initiative de la société,
- la circonstance que La Boîte à outils n'ait pas été apportée par l'agent commercial était inopérant d'autant que cette cliente représentait déjà 80 % de la carte représentation grand public de la société,
- la date de résiliation partielle doit être fixée au 20 juillet 2020, date de notification de la décision définitive de la société, peu important l'absence de précision de la date d'effet qui n'est pas nécessaire pour constater la résiliation,
- La boîte à outils représentait 80 % du chiffre d'affaires de l'agent commercial, ce qui a rompu l'équilibre du contrat d'agent commercial,
- cette circonstance est imputable au mandant et justifiait la cessation du contrat notifiée par courrier de M. [L] du 23 janvier 2021,
- la circonstance que le client, représentant 80% de la carte de représentation grand public de la société rachetée par M. [L], n'ait pas été apporté par l'agent est inopérant,
- s'agissant en outre d'une cliente qui représentait 80% du chiffre de l'affaire de l'agent, le retrait de la Boîte à outil du portefeuille de clientèle de l'agent a rompu l'équilibre du contrat, et cette circonstance imputable au mandant a justifié la cessation du contrat notifiée par courrier du 23 janvier 2021 de M. [L].
La cour ajoute, pour confirmer le jugement, et répondre aux moyens de la société, que parallèlement, aucune faute grave n'est imputée à l'agent commercial, qu'il est donc vain pour la société de faire valoir qu'il aurait en fait perçu des commissions sans travail personnel et n'aurait pas à tort prospecté d'autres clients pour mettre fin à un quasi-monopole. Il résulte en effet des productions que si les parties ont longuement échangé par courriels sur l'évolution des relations avec le client, aucun reproche n'a été formulé à l'encontre de l'agent dans le courriel du 20 juillet 2020 qui doit seul être pris en considération.
C'est par ailleurs à tort que la société prétend que le courriel serait seulement d'information ; ses termes ne sont pas équivoques et signifient clairement une rupture, peu important comme rappelé supra que la date d'effet n'ait pas été précisée le 20 juillet 2020, la résiliation partielle étant inéluctable à cette date.
Il est également vain pour la société de faire valoir qu'elle n'a fait qu'appliquer la décision de sa cliente, dont le comportement aurait été fautif, ce qui est indifférent puisqu'il doit seulement être relevé que la rupture est à son initiative.
Par ailleurs, au vu de l'importance du volume du client dans le portefeuille de l'agent, l'agent ne pouvait que procéder à la rupture du contrat en considérant qu'elle était le fait du mandant, son courrier de janvier 2021 s'analysant en une prise d'acte.
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a constaté la résiliation partielle, au 20 juillet 2020, du contrat d'agence commerciale liant M. [L] à la société, à l'initiative de cette dernière s'agissant du retrait de la société La Boîte à outils du mandat de représentation, puis constaté la résiliation totale, au 23 janvier 2021, du contrat d'agence commerciale liant M. [L] à la société, à l'initiative de M. [L] justifiée par des circonstances imputables à cette dernière, laquelle a modifié de manière unilatérale et injustifiée l'équilibre du contrat par le retrait d'un client très important représentant 80% du chiffre d'affaires.
Sur les demandes indemnitaires
* le rappel de préavis
M. [L] demande la réformation du jugement sur ce point en soutenant que la société ayant imposé une rupture le 1er septembre 2020, il manque deux mois, jusqu'au 31 octobre 2020, que les parties ne peuvent convenir de délais plus courts, ce qui est une limite à l'aménagement conventionnel, que l'année 2020 ne peut être la base de calcul, n'étant pas une année normale d'exécution, que le préavis a été effectué et qu'il n'a pas perçu de commissions pour EDB/BAO pendant cette période.
La société se prévaut des termes du contrat, estimant que le droit à préavis n'est pas justifié puisque l'activité de l'agent (selon son profil linkedin) s'est terminée dès janvier 2021et qu'il n'aurait pas exécuté son préavis. Elle affirme que M. [L] a perçu des commissions pendant cette période.
Sur ce,
Selon l'article L 134-11 du code de commerce, 'La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil'.
Il est rappelé que selon l'article 14 du contrat 'Hors les cas de force majeure ou de faute grave, il ne pourra être résilié de part ou d'autre par lettre recommandée avec accusé de réception que moyennant le respect d'un délai de préavis réciproque d'un mois la première année du contrat, de deux mois la deuxième année du contrat, de trois mois par la suite. Les délais exprimés s'entendent de date à date'.
Ainsi que justement relevé par le jugement, en stipulant dans l'article 14 du contrat que les délais exprimés s'entendaient de date à date, le contrat déroge au principe légal rappelé ci-dessus, ce qui fait courir un préavis du 20 juillet 2020 au 20 octobre 2020.
L'article L 134-11 susvisé permet en effet une telle dérogation aux règles légales et la possibilité de faire coïncider la fin du préavis avec une autre date que celle de fin d'un mois civil. Par ailleurs, le préavis court à compter de la rupture. Le tribunal a ainsi retenu à juste titre que l'indemnisation du préavis portait sur la période 20 juillet 2020-20 octobre 2020, soit trois mois révolus, et l'agent commercial ne peut prétendre bénéficier d'une indemnité compensatrice de préavis jusqu'au 31 octobre.
S'agissant de la période antérieure, M. [L] était toujours commissionné. Il n'est par ailleurs pas contesté que la moyenne mensuelle des commissions versées s'élève à 5.325,62 euros pour le client en cause, soit la moyenne des années 2018 et 2019 puisque l'année 2020 qui n'est pas une année normale d'exécution ne peut être prise en compte.
C'est également vainement que la société conteste par ailleurs le droit au préavis en se prévalant d'un profil Linkedin de l'agent visant la rupture de janvier 2021, ce profil qui a pour but de présenter un CV pour une recherche de nouvel emploi, ne pouvant produire d'effet sur le présent litige. Il n'est pas contesté par ailleurs que le préavis suivant la rupture de janvier 2021 a été effectué de sorte que les moyens sur ce point de la société sont inopérants.
Enfin, la société ne démontre pas concrètement le versement de commissions après le premier septembre pour le client en cause, les commissions visées par les factures se rapportant aux mois antérieurs, ce que n'a pas contesté la société dans ses conclusions par ailleurs.
Le tribunal judiciaire a donc justement indemnisé le préavis 20 octobre 2020 à hauteur de 8.761,50 euros HT sur la base moyenne mensuelle des commissions se rapportant à la société La Boîte à Outils de 5.325,62 euros HT, montant non discuté devant le tribunal (5.325,62 ' HT + (5.325,62 ' HT/31 x 20) et confirmation intervient de ce chef.
* l'indemnité compensatrice
La société soutient qu'il doit être tenu compte de la perte progressive puis totale des commandes de La Boîte à outils, ce que conteste l'agent.
Sur ce,
Selon l'article L 134-12 du code de commerce, 'En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi'.
Cette indemnité est usuellement calculée sur une durée de deux années.
La cour relève à titre liminaire que les conditions de l'article L 134-13 se rapportant à la perte de l'indemnité en raison de diverses circonstances ne sont pas remplies ni même alléguées en l'espèce.
L'indemnité compensatrice répare la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune et ce préjudice comprend toutes les rémunérations acquises dans le cadre de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties.
Le tribunal a à juste titre retenu qu'il ne devait pas être tenu compte pour le calcul de l'indemnité compensatrice de la perte progressive des commandes de la société La Boîte à outils, s'agissant effectivement de circonstances postérieures à la résiliation partielle.
La cour ajoute qu'il est justifié de la poursuite des relations contractuelles avec cette société après la rupture du contrat, le déréférencement ayant été progressif à compter du 1er février 2021. découlant du choix unilatéral du mandant d'exclure les agents commerciaux de la relation avec ce client et qui ne peut diminuer le préjudice subi.
Le tribunal a calculé le montant de l'indemnité sur deux ans en prenant pour base la somme mensuelle de 5.325,62 euros x 12 mois x 2 ans = 127.814,88 euros pour le principal client.
Il doit également être tenu compte de la moyenne mensuelle des commissions portant sur l'ensemble des autres clients est estimée à 967,50 euros par mois (non contesté sur le calcul) d'où une indemnité de 23.220 euros HT.
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu ces deux montants au titre de l'indemnité compensatrice.
* le rappel de commissions
M. [L] fait valoir que la charge de la preuve des commissions dues incombe à la société et que si le mandant n'exécute pas son obligation, il doit être sanctionné, que le juge du fond ne peut débouter l'agent pour absence de preuve dès lors que le mandant n'a pas respecté son obligation de communication des documents comptables, l'agent n'ayant aucune obligation à ce titre pour sa part. Il relève que la société se prévaut de tableaux excel qu'elle a elle-même établis et qui sont insuffisants.
La société prétend avoir remis les documents nécessaires et critique l'absence de précision de la demande par ailleurs partiellement prescrite.
Sur ce,
L'article 134-6 du code de commerce dispose que 'Pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L. 134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre. Lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe'.
S'agissant du calcul de la commission, il résulte de l'article R 134-3 du code de commerce que
'Le mandant remet à l'agent commercial un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel elles sont acquises. Ce relevé mentionne tous les éléments sur la base desquels le montant des commissions a été calculé. L'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues'.
Il est jugé avec constance que le juge du fond ne peut débouter l'agent commercial de sa demande en paiement de commissions pour insuffisance de preuve dès lors que le mandant n'a pas respecté son obligation de communication des documents comptables.
En l'espèce, M. [L] maintient en appel une demande en paiement à titre de rappel forfaitaire de commissions. Il a sommé la société de payer les commissions dues et de communiquer les éléments comptables le 29 octobre 2020 concernant la Boîte à outils et les ventes des différents grossistes depuis le 31 octobre 2014.
La société produit pour sa part des listings comptables dont une pièce 31 difficilement illisible, constituée d'un tableau excel dressé par ses soins, ce qui est insuffisant.
Par contre, M. [L] n'explique pas sa demande en paiement de sommes à compter de 2014, donc en partie prescrites ni d'un montant représentant 8 mois de commissions.
Il a reçu une moyenne de commissions mensuelles de 6.293,10 euros par mois sur les années 2018-2019 mais il apparaît que M. [L] n'a jamais émis de réclamations avant 2020 et que les commissions ont été versées jusqu'en septembre 2020 selon le tableau de la société et les dernières factures.
En conséquence, si la société ne donne pas de pièces comptables suffisamment probantes au delà,
la demande de l'agent effectivement peu explicite est en grande partie injustifiée et la cour évalue au vu des productions le montant des commissions restant dues à la somme de 25.000 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.
Sur la capitalisation des intérêts
Selon l'article 1343-2 du code civil, 'Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise'.
Cette disposition s'applique de plein droit et c'est à juste titre que le tribunal a relevé que l'absence d'intention malveillante de la société était indifférente.
La cour confirme en conséquence le jugement en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dépens d'appel sont à la charge de l'appelante qui succombe au principal.
La société devra en outre verser à l'agent commercial la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les condamnations de première instance prononcées à ce titre sont par ailleurs confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de commissions de M. [C] [L].
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Daw france à payer à M. [C] [L] la somme de 25.000 euros à titre de commissions impayées avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021.
Condamne la société Daw France à payer à M. [C] [L] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Condamne la société Daw France aux dépens d'appel.