CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 2 avril 2025, n° 23/10089
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Axscience (SA)
Défendeur :
Axa (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Douillet
Conseillers :
Mme Barutel, Mme Bohee
Avocats :
Me Boccon Gibod, Me Antoine-Lalance, Me Aïtelli, Me Martini-Berthon
FAITS ET PROCÉDURE
La société Axa, fondée en 1816 sous le nom de Mutuelle de l'assurance contre l'incendie, se situant à la 4ème place des 20 plus grandes sociétés d'assurance au monde, a adopté en 1985 la dénomination sociale Axa.
Elle est notamment titulaire des marques suivantes :
- la marque verbale française « AXA » n°1270658 (n°658) enregistrée le 10 janvier 1984 pour désigner notamment les services d'« assurances » ;
- la marque semi-figurative française « AXA » n°4555424 (n° 424) enregistrée le 21 juin 2019 pour désigner notamment les services d'« assurances, finances, services d'assistance dans le cadre des contrats d'assurance ; services d'assistance financière à savoir remboursement de frais médicaux et de santé » en classe 36 ; « livraison de médicaments à domicile » en classe 39 ; « Organisation et fourniture de services de soins médicaux ; assistance médicalisée à domicile ; assistance médicale ; assistance médicale d'urgence ; mise à disposition d'infrastructures médicales ; assistance médicale fournie par des médecins et par d'autres membres du personnel médical spécialisé » en classe 44.
- la marque verbale de l'Union européenne « AXA ASSISTANCE » n°001224294 (n°294) enregistrée le 31 juillet 2000 pour désigner notamment les services d'« assurances ; services d'assistance financière à savoir remboursement de frais médicaux et de santé ».
La société Axamed, fondée en 2020, se présente comme une société française qui a pour activité le développement et la distribution de produits de santé innovants dans le domaine de la santé familiale et de l'auto-diagnostic à usage médical, activité qu'elle exerce sous le nom commercial « Laboratoires Axamed ». Ses produits sont présentés sur les sites qu'elle exploite accessibles aux adresses axamed-lab.fr et axamed-lab.com, et sont commercialisés en pharmacies ou para-pharmacies.
Son président, M. [C], a réservé les noms de domaines et et déposé le 27 mai 2020 la marque verbale française « LABORATOIRES AXAMED » n°4651320 (n°320) pour désigner différents produits et services en classes 3, 5, 9, 10 et 35, ainsi que les marques semi-figuratives françaises « LABORATOIRES AXAMED » n°4651329 (n°329) et n°4651325 (n°325) pour désigner différents produits et services en classes 3, 5, 9, 10 et 35 :
Par jugement contradictoire rendu le 11 mai 2023, dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a statué dans les termes suivants :
rejette les demandes de la société Axamed tendant au prononcé de la nullité de la marque « Axa » n°4 555 424 et à la déchéance de la marque « Axa » n°00 1 224 294 pour non-usage ;
dit qu'en faisant usage du signe « Axamed », la société Axamed a commis des actes de contrefaçon par atteinte à la renommée des marques « Axa » n°1270658 et 4555424 dont est titulaire la société Axa ;
fait en conséquence défense à la société Axamed de faire usage, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, du signe « Axamed » ou « Laboratoires Axamed » et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, courant à l'expiration d'un délai de 60 jours suivant la signification de la décision et pendant 180 jours ;
ordonne à la société Axamed de procéder à la radiation des noms de domaine et en justifiant auprès de la société Axa de l'effectivité de ses démarches auprès des personnes concernées, et ce dans un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement ;
autorise la société Axa, à défaut de radiation effective de ces noms de domaine dans un délai de 60 jours suivant la signification du jugement, à le notifier à l'AFNIC ou toute autre unité d'enregistrement compétente, aux fins d'y procéder aux lieu et place de la société Axamed ;
condamne la société Axamed à payer à la société Axa la somme forfaitaire de 5 000 euros en réparation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon de marques commis ;
rejette les demandes de la société Axa fondées sur des actes de concurrence déloyale et parasitaire;
condamne la société Axamed aux dépens et autorise la Selarl Marchais & Associés à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
condamne la société Axamed à payer à la société Axa la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
rappelle que le jugement est de plein droit assorti de l'exécution provisoire.
La société Axamed a interjeté appel de ce jugement le 6 juin 2023.
La société Axamed, devenue Axscience à la suite d'un changement de dénomination sociale, a fait l'objet, d'abord, d'une procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement du tribunal de commerce de Paris du 12 septembre 2023 ayant désigné la société Ajrs en qualité d'administrateur judiciaire et la société Athena en qualité de mandataire judiciaire, puis, d'une liquidation judiciaire par jugement du 30 octobre 2024 ayant désigné la société Athena représentée par Maître [Z] [Y] en qualité de liquidateur judiciaire.
Dans ses dernières conclusions numérotées 2, transmises le 24 décembre 2024, la société Athena ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Axscience, appelante et intimée incidente, demande à la cour de :
juger la société AXSCIENCE recevable et fondée en son appel,
En conséquence,
infirmer le jugement en ce qu'il a :
rejeté les demandes de la société AXSCIENCE tendant au prononcé de la nullité de la marque "Axa" n°4 555 424 et à la déchéance de la marque "Axa" n°00 1 224 294 pour non-usage ;
dit qu'en faisant usage du signe "Axamed", la société AXSCIENCE a commis des actes de contrefaçon par atteinte à la renommée des marques "Axa" n°1270658 et 4555424 dont est titulaire la société Axa ;
fait en conséquence défense à la société AXSCIENCE de faire usage, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, du signe "Axamed" ou "Laboratoires Axamed" et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à exécuter la présente décision, courant à l'expiration d'un délai de 60 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ;
ordonné à la société AXSCIENCE de procéder à la radiation des noms de domaine
autorisé la société AXA, à défaut de radiation effective de ces noms de domaine dans un délai de 60 jours suivant la signification du présent jugement, à le notifier à l'AFNIC ou toute autre unité d'enregistrement compétente, aux fins d'y procéder aux lieu et place de la société AXSCIENCE ;
condamné la société AXSCIENCE à payer à la société Axa la somme forfaitaire de 5 000 euros en réparation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon de marques commis;
condamné la société AXSCIENCE aux dépens et autorise la Selarl Marchais & Associés à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
condamné la société AXSCIENCE à payer à la société Axa la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
rappelé que le présent jugement est de plein droit assorti de l'exécution provisoire.
rejeter l'appel incident de la société AXA, comme irrecevable, à tout le moins mal fondé
confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société AXA de ses demandes fondées sur fondées l'article L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle,
confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société AXA de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,
Et statuant à nouveau,
condamner la société AXA à verser à la société ATHENA prise en la personne de Me. [Z] [Y] mandataire judicaire de la société AXSCIENCE, la somme de 250.000 euros au titre du préjudice subi par cette dernière sauf à parfaire.
condamner la société AXA à verser à la société ATHENA prise en la personne de Me. [Z] [Y] mandataire judicaire de la société AXSCIENCE, la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
En toute hypothèse,
débouter la société AXA de toutes ses demandes à quelque titre que ce soit et notamment de ses demandes irrégulièrement formées de condamnation de la société AXSCIENCE au titre de la réparation des prétendus préjudices subis du fait des actes de contrefaçon de marques, des actes de concurrence déloyale et parasitaire ainsi que de ses demandes fondées sur les articles 699 et 700 du code de procédure civile,
condamner la société AXA aux entiers dépens de la procédure.
Dans ses dernières conclusions, transmises le 4 février 2025, la société Axa, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
RECEVOIR la société Axa dans ses conclusions et la CONSIDÉRER bien fondée en ses demandes et prétentions ;
PRENDRE ACTE que la société AXSCIENCE fait actuellement l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 12 septembre 2023 et publié au BODACC le 28 septembre 2023, convertie en liquidation judiciaire par effet du jugement du 30 octobre 2024 prononcé par le Tribunal de Commerce de Paris ;
PRENDRE ACTE que la SELARL ATHENA représentée par Maître [Z] [Y] a été désignée comme mandataire judiciaire ;
CONSTATER que la société AXA a régulièrement déclaré sa créance entre les mains de la SELARL ATHENA représentée par Maître [Z] [Y], mandataire judiciaire, par lettre signifiée par huissier le 27 novembre 2023 et DIRE en conséquence que la société AXA est recevable en ses demandes formées à l'encontre de la société AXSCIENCE ;
Y faisant droit, de :
RÉFORMER le jugement du Tribunal Judiciaire de Paris n° RG 21/03433 du 11 mai 2023 en ce qu'il a :
REJETÉ les demandes de la société AXA fondées sur l'existence d'un risque de confusion entre les signes incriminés exploités par la société AXSCIENCE et les marques antérieures n°1 270 658, n°4 555 424 et n°001 224 294 de la société AXA;
REJETÉ les demandes de la société AXA fondées sur les actes de concurrence déloyale et parasitaires commis à son préjudice par la société AXSCIENCE ;
CONFIRMER le jugement du Tribunal Judiciaire de Paris n° RG 21/03433 du 11 mai 2023 pour le surplus ;
Conséquemment, statuant à nouveau, de :
PRONONCER l'atteinte portée aux droits de marque AXA n°1 270 658, n°4 555 424 et n°001 224 294 de la société AXA en raison des actes de contrefaçon par confusion commis par la société AXSCIENCE, tirés (1) de l'immatriculation de la dénomination sociale AXAMED, (2) des exploitations et enregistrements des noms de domaine et et (3) des usages réalisés dans la vie des affaires à titre de marque des signes AXAMED verbal et semi-figuratif pour commercialiser des produits et dispositifs médicaux et/ou pharmaceutiques et services y afférents ;
PRONONCER l'atteinte portée aux droits privatifs de la société AXA sur ses noms de domaine et et sa dénomination sociale « AXA » antérieurs en raison des actes de concurrence déloyale et parasitaires commis par la société AXSCIENCE, tirés (1) de l'immatriculation de la dénomination sociale AXAMED, (2) des exploitations et enregistrements des noms de domaine et et (3) des usages réalisés dans la vie des affaires à titre de marque des signes AXAMED verbal et semi-figuratif pour commercialiser des produits et dispositifs médicaux et/ou pharmaceutiques et services y afférents ;
En conséquence de quoi :
DÉBOUTER la société AXSCIENCE et son mandataire de l'ensemble de ses moyens, prétentions et demandes ;
En cas de besoin, FIXER la créance de la société AXSCIENCE à la somme de 20.000 euros telle que résultant du jugement du Tribunal Judiciaire de Paris n° RG 21/03433 du 11 mai 2023 ;
ORDONNER la radiation des noms de domaine et et ce, sous une nouvelle astreinte de 500 euros par jour de retard constaté, dix (10) jours après la signification de la décision à intervenir ;
AUTORISER la société AXA, à défaut de radiation effective de ces noms de domaine dans un délai de dix (10) jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir, à le notifier aux unités d'enregistrements compétentes, aux fins de procéder à leur radiation aux lieu et place de la société AXSCIENCE ;
SE RÉSERVER la liquidation des astreintes prononcées ;
FIXER AU PASSIF de la société la somme de 20.000 euros correspondant à la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon de ses marques commis et à la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la société ATHENA prise en la personne de Me [Y] ès qualité à payer à la société AXA la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PRONONCER que les dépens seront recouvrés en frais privilégiés de la procédure collective.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 février 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur la demande de nullité de la marque AXA n°424
La société Athena, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Axscience anciennement dénommée Axamed, soutient que la marque AXA n°424 n'a été déposée par la société Axa qu'aux fins de s'épargner la charge de la preuve de l'usage de ce signe, ce qui résulte de ce que ce dépôt suit de quelques années de nombreux dépôts précédents, et en particulier le dépôt de la marque AXA n°4206248 du 31 août 2015, qui vise les mêmes services des classes 39 et 44 que ceux aujourd'hui opposés ; que dans le cadre de sa lettre de mise en demeure du 20 juillet 2020, comme dans la procédure d'opposition, la société Axa invoquait la marque française n°4276398 ; que le dépôt de la marque AXA n°424 a été réalisé dans le seul but d'échapper à une obligation faite à tout titulaire de droits de justifier d'un usage sérieux de la marque pour l'ensemble des produits et services qu'elle vise, ce qui caractérise la mauvaise foi de la société Axa ; que la société Axa a détourné le droit des marques de sa finalité en déposant une marque sans intention de l'exploiter pour prolonger artificiellement sa durée de protection.
La société Axa fait valoir qu'elle a procédé aux différents dépôts afin de prendre en compte l'évolution (forme ainsi que produits et services visés) des différents signes qu'elle utilise et en aucun cas dans le but de prolonger artificiellement des dépôts précédents ; que le signe AXA n°424 est distinct dans sa représentation graphique des marques antérieures n°098760580 (AXA CONSEIL), n°4276398 (AXA), n°1472008 (AXA dépôt en noir et blanc) et n°099783489 (AXA ASSISTANCE) ; que la marque française AXA n°424 ne désigne pas les mêmes services que la marque AXA n°420628.
Sur ce,
Il résulte de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle que 'ne peuvent être valablement enregistrés et, s'ils sont enregistrés, sont susceptibles d'être déclaré nuls : (...) 11° Une marque dont le dépôt a été effectué de mauvaise foi par le demandeur.' Ces dispositions, bien qu'issues de l'ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019, correspondent à l'état du droit en vigueur applicable au présent litige compte tenu de la date du dépôt dont la nullité est contestée. (Cass. Com., 25 avril 2006, pourvoi n° 04-15.641).
Interprétant les dispositions comparables du règlement sur la marque de l'Union européenne, le tribunal de l'Union européenne admet en outre la nullité d'une marque dont le dépôt n'a été fait qu'aux fins, pour le déposant, de s'épargner la charge de la preuve de l'usage de la marque (TUE, 21 avril 2021, T-663/19, Hasbro, Inc., contre EUIPO : '71 En effet, dans les circonstances particulières de l'espèce, le dépôt réitéré effectué par la requérante visait notamment, de son propre aveu, à ne pas avoir à prouver l'usage de la marque contestée, prolongeant par conséquent, pour les marques antérieures, le délai de grâce de cinq ans prévu à l'article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009.
72 Partant, force est de constater que non seulement la stratégie de dépôt pratiquée par la requérante, visant à contourner la règle relative à la preuve de l'usage, n'est pas conforme aux objectifs poursuivis par le règlement n° 207/2009, mais elle n'est pas sans rappeler la figure de l'abus de droit, qui est caractérisée par le fait que, premièrement, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation de l'Union, l'objectif poursuivi par celle-ci n'est pas atteint et que, deuxièmement, il existe une volonté d'obtenir un avantage résultant de ladite réglementation en créant artificiellement les conditions requises pour son obtention.'
Afin de déterminer si le titulaire du signe contesté a agi de mauvaise foi au moment du dépôt de sa demande, il convient d'effectuer une appréciation globale tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce existant au moment du dépôt de la demande d'enregistrement (CJUE, 27 juin 2013, Malaysia Dairy, C-320/12 § 37).
En outre, la bonne foi du titulaire de la marque contestée est présumée jusqu'à preuve du contraire. Le TUE a ainsi rappelé que « C'est au demandeur en nullité qui entend se fonder sur l'article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 qu'il incombe d'établir les circonstances qui permettent de conclure qu'une demande d'enregistrement d'une marque de l'Union européenne a été déposée de mauvaise foi, la bonne foi du déposant étant présumée jusqu'à preuve du contraire.» (TUE, Ann Taylor, 23 mai 2019, T-3/18 et T-4/18 § 34).
En l'espèce, la société Athena, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Axscience anciennement dénommée Axamed, se borne à effectuer des comparaisons entre la marque n°424, prétendument déposée de mauvaise foi le 28 mai 2019, et les marques antérieures « AXA » n°4 206 248 (n°248), « AXA CONSEIL » n°098 760 580 (n°580), « AXA » n°4 276 398 (n°398), « AXA » n°1 472 008 (n°008), « AXA ASSISTANCE » n°099 783 489 (n°489) et « AXA » n°4206248 (n°248), sans démontrer aucune mauvaise foi de la société Axa résultant de ces dépôts successifs, la société Axa faisant valoir sans être utilement contredite que le dépôt de la marque n°424 relève d'une stratégie commerciale consistant à réunir sous la marque n° 424 les diverses activités précédemment exercées sous les marques antérieures, étant observé que les marques figuratives en cause sont distinctes visuellement et phonétiquement, la marque n°424 se distinguant tant de la marque n° 580 par la couleur et l'adjonction du terme « CONSEIL » placé sous le carré, de la marque n°398 du fait de la représentation différente du terme AXA, de sa couleur bleue et de l'adjonction d'une barre oblique rouge, de la marque n°008 qui est en noir et blanc, de la marque n°489 du fait d'un coloris bleu bien distinct et de l'adjonction du terme « ASSISTANCE », que de la marque n°248 par les couleurs contrastées de bleu, blanc et rouge, outre que les services de « livraison de médicaments à domicile » couverts par la marque n° 424 n'étaient pas désignés dans les marques n°580 et n°008, et que les services d'« organisation et fourniture de services de soins médicaux ; assistance médicalisée à domicile ; assistance médicale ; assistance médicale d'urgence ; mise à disposition d'infrastructures médicales ; assistance médicale fournie par des médecins et par d'autres membres du personnel médical spécialisé » en classe 44 n'étaient couverts ni par la marque n°580, ni par la marque n°008, ni par la marque n°489.
Il résulte des développements qui précèdent qu'il n'est pas démontré que l'enregistrement de la marque n°424 procède d'une intention de porter atteinte aux intérêts de tiers d'une manière non conforme aux usages honnêtes et d'obtenir un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d'une marque.
La demande aux fins de nullité de la marque n°424 sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
Sur la demande de déchéance des droits de la société Axa sur la marque AXA ASSISTANCE n°294 pour non-usage
La société Athena, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Axscience anciennement dénommée Axamed, soutient que la marque AXA ASSISTANCE n°294 déposée le 18 juin 1999 doit être déclarée déchue en ce qu'elle vise les « services d'assistance financière à savoir remboursement de frais médicaux et de santé » ; que par les pièces versées aux débats, la société Axa ne rapporte pas la preuve que la marque opposée a fait l'objet d'un usage sérieux, telle que déposée, pour désigner les services précités, dans les cinq années ayant précédé l'introduction de l'instance ; que l'invocation par la société Axa de signes variés pour justifier de l'exploitation de la marque n°294 confirme que la société Axa use de l'outil qu'est le dépôt dans le but de maintenir en vigueur une grande variété de marques anciennes qui ne sont en réalité pas exploitées.
La société Axa soutient qu'elle démontre l'usage de la marque verbale de l'Union européenne AXA ASSISTANCE n°294, sous des formes légèrement différentes de celle du dépôt, mais n'en ayant pas altéré la distinctivité, pour les services de remboursement de frais médicaux, et ce cinq années avant le 6 septembre 2021, date de la demande reconventionnelle en déchéance.
Sur ce,
Selon l'article 18 du Règlement n° 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, '1. Si, dans un délai de cinq ans à compter de l'enregistrement, la marque de l'Union européenne n'a pas fait l'objet par le titulaire d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque de l'Union européenne est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage.
Constitue également un usage au sens du premier alinéa : a) l'usage de la marque de l'Union européenne sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée, que la marque soit ou non aussi enregistrée sous la forme utilisée au nom du titulaire ; (...)'.
Selon l'article 58 du même règlement intitulé « Causes de déchéance », '1. Le titulaire de la marque de l'Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon : a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu'il n'existe pas de justes motifs pour le non-usage; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits si, entre l'expiration de cette période et la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, la marque a fait l'objet d'un commencement ou d'une reprise d'usage sérieux; cependant, le commencement ou la reprise d'usage fait dans un délai de trois mois avant la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, ce délai commençant à courir au plus tôt à l'expiration de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage, n'est pas pris en considération lorsque des préparatifs pour le commencement ou la reprise de l'usage interviennent seulement après que le titulaire a appris que la demande ou la demande reconventionnelle pourrait être présentée; (...)'.
La date à prendre en compte pour déterminer si la période ininterrompue de cinq ans figurant à cette disposition est arrivée à son terme est celle de l'introduction de cette demande. (CJUE, 17 décembre 2020, aff. C-607/19,Husqvarna AB contre Lidl Digital International GmbH & Co. KG).
Il n'est pas contesté en l'espèce que la période à prendre en considération est celle des cinq années avant l'introduction de la demande en déchéance devant le tribunal judiciaire soit du 6 septembre 2016 au 6 septembre 2021.
La société Axa verse notamment au débat 7 articles de sites internet datés de 2018 à 2021 mentionnant la gamme de services « AXA ASSISTANCE » comprenant notamment la prise en charge des frais médicaux sur lesquels apparaissent le signe AXA ASSISTANCE, sous sa forme verbale, ainsi que sous une forme semi-figurative n'en altérant pas le caractère distinctif, trois classements assistance par « L'Argus de l'assurance » dans lesquels AXA ASSISTANCE est classée 3ème en France pour les années 2017, 2018 et 2019, des documents contractuels tels que des conditions générales de contrat d'assurance et des notices d'information pour les années 2018 à 2021 mentionnant sous les signes AXA et AXA ASSISTANCE des services d'assistance comprenant le « remboursement des frais médicaux » en France et à l'étranger, ainsi que des plaquettes publicitaires datées de 2016 et 2017 mentionnant les signes AXA et AXA ASSISTANCE pour présenter des assurances voyages et rapatriement prenant en charge les frais médicaux.
Il résulte de ces éléments la preuve d'un usage sérieux sur la période pertinente de la marque AXA ASSISTANCE n°294 pour les « services d'assistance financière à savoir remboursement de frais médicaux et de santé ». La demande de déchéance doit donc être rejetée, et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
Sur la contrefaçon par imitation des marques n°658, n°424 et n°294
La société Axa soutient que l'immatriculation de la dénomination sociale Axamed, l'exploitation et les enregistrements des noms de domaine axamed-lab.fr et axamed-lab.com et les usages réalisés dans la vie des affaires à titre de marques des signes verbal et semi-figuratif Axamed pour commercialiser des dispositifs médicaux et pharmaceutiques portent atteinte à ses droits sur les marques n° 658, n°424 et n°294 ; que la dénomination sociale est perçue comme un indicateur d'origine commerciale, tel que cela ressort du site internet axamed-lab.fr sur lequel la société Axamed fait la promotion de ses produits et indique au visiteur l'emplacement des points de vente ; que le signe AXAMED est utilisé à titre de marque sur l'emballage des produits qu'elle commercialise ; qu'il existe de fortes similitudes visuelles, phonétiques et conceptuelles entre les signes AXA et les signes « AXAMED », « LABORATOIRES AXAMED », « axamed-lab.fr » et « axamed-lab.com », notamment en raison du caractère fortement inhabituel des séquences AXA en langue française, de l'absence de signification particulière, pour le public français, du terme AXA, et du caractère non distinctif des termes « MED », lequel renvoie au domaine médical, et « LAB », abréviation de « laboratoire »; que les activités de commerce de produits et dispositifs pharmaceutiques et/ou médicaux de la société Axamed sont similaires notamment aux services de « livraison de médicaments à domicile, fourniture de services de soins médicaux, assistance médicale, mise à disposition d'infrastructures médicales, remboursement de frais médicaux et de santé » visés et exploités sous la marque française n°424, ces derniers étant unis par un lien étroit et obligatoire, de sorte que les produits et services en cause sont similaires.
Sur ce,
Selon l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : (...) 2° D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. »
Selon l'article 9 du Règlement n° 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne '1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : (...) b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque.'
Interprétant les dispositions en substance identiques au Règlement de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, dont les dispositions précitées du code de la propriété intellectuelle réalisent la transposition en droit interne, la Cour de Justice de l'Union européenne a dit pour droit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (CJCE, 29 septembre 1998, Canon, aff. C-39/97, point 29 ; CJCE, 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik, aff. C-342/97). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (CJCE, 11 novembre 1997, Sabel, aff. C-251/95, point 22), en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants.
Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97).
Il est également rappelé que la Cour de justice a dit pour droit que l'usage, par un tiers qui n'y a pas été autorisé, d'une dénomination sociale, d'un nom commercial ou d'une enseigne identique à une marque antérieure, dans le cadre d'une activité de commercialisation de produits identiques à ceux pour lesquels cette marque a été enregistrée, constitue un usage que le titulaire de ladite marque est habilité à interdire conformément à l'article 5, paragraphe 1, sous a), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, s'il s'agit d'un usage pour des produits qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque. (CJCE, 11 septembre 2007, aff. C-17/06, Céline SARL contre Céline SA).
Il en est ainsi lorsque le signe est utilisé par le tiers pour ses produits ou ses services de telle manière que les consommateurs sont susceptibles de l'interpréter comme désignant la provenance des produits ou des services en cause. En effet, en pareil cas, l'usage dudit signe est susceptible de mettre en péril la fonction essentielle de la marque, car, pour que la marque puisse jouer son rôle d'élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité CE entend établir et maintenir, elle doit constituer la garantie que tous les produits ou services qu'elle désigne ont été fabriqués ou fournis sous le contrôle d'une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité (CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, C-206/01, point 48).
Il s'en déduit, de la même manière que le seul dépôt d'une marque ne caractérise pas un usage dans la vie des affaires (Cass. Com., 13 octobre 2021, n°19-20.504), que le seul fait d'immatriculer une société sous une certaine dénomination n'est pas, en soi, un usage de cette dénomination dans le but de distinguer des produits ou services, et il n'est donc pas à lui seul susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque : il s'agit d'un acte dont l'effet est strictement juridique, qui ne caractérise pas en soi l'existence d'une activité.
Enfin, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services ; ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (CJCE, 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, point 23). D'autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés. Parmi les facteurs pertinents, le caractère complémentaire des produits ou services est un critère autonome, susceptible de fonder, à lui seul, l'existence d'une similitude (CJUE, 21 janvier 2016, Hesse / OHMI, Porsche, C-50/15, point 21).
À cet égard, il convient de rappeler que les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l'un est indispensable ou important pour l'usage de l'autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise (TUE, 22 septembre 2021 T-195/20 point 46).
En l'espèce, s'agissant de l'usage des signes incriminés, c'est par des motifs pertinents que la cour approuve que le tribunal a jugé qu'il résulte des pièces produites que la société Axamed devenue Axscience a fait usage du signe AXAMED, non comme une simple raison sociale, mais comme un nom commercial permettant au public d'identifier l'activité de cette société, le signe LABORATOIRES AXAMED, dans lequel le terme AXAMED est de taille significativement plus importante et le signe LABORATOIRES apparaît descriptif de l'activité, figurant notamment en haut à gauche des différentes pages du site internet, accessible par le nom de domaine axamed-lab.fr et étant également utilisé comme marque ombrelle sur les packagings des produits offerts à la vente sur ce site internet. Il s'ensuit que le signe figuratif AXAMED est ainsi utilisé dans la vie des affaires pour désigner l'origine de produits comme provenant de la société Axamed.
Concernant la comparaison des produits et dispositifs médicaux et pharmaceutiques incriminés, proposés par la société Axamed, avec les services d'« assurances » de la marque n°658, et les services d'« assurances ; services d'assistance financière à savoir remboursement de frais médicaux et de santé » de la marque n°294, la société Axa se borne à affirmer qu'il s'agirait de produits et services similaires sans le démontrer. Cependant, le seul fait que les services d'assistance financière de la marque antérieure puissent s'appliquer à des dépenses liées à l'achat de produits médicaux tels que ceux commercialisés par la société Axamed ne saurait suffire à caractériser une similarité, s'agissant d'activités de natures distinctes (assistance financière vs développement et commercialisation de produits de santé), exercées par des professionnels différents (professionnels de l'assurance, mutuelle vs fabricant de médicaments) ni même une complémentarité, ce critère, ainsi qu'il a été dit, nécessitant de démontrer que les consommateurs considèrent comme habituel que ces produits et services incombent à la même entreprise, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ainsi que l'a pertinemment retenu le tribunal, les fabricants de médicaments et de produits de santé étant distincts des fournisseurs de services d'assurance et de remboursement de ces mêmes produits, de sorte que le consommateur ne peut penser que la responsabilité, d'une part, de la fabrication de produits médicaux et pharmaceutiques, d'autre part, de la fourniture de services d'assurance et de remboursement de frais médicaux incombe à la même entreprise. Les produits et services en cause n'étant ni similaires ni complémentaires, tout risque de confusion est exclu. Les demandes de la société Axa fondées sur le risque de confusion entre les signes incriminés et ses marques n° 658 et 294 seront donc rejetées.
La société Axa reproche au tribunal de n'avoir pas effectué la comparaison avec les services de la marque n° 424. Concernant la comparaison des produits et dispositifs médicaux et pharmaceutiques incriminés, proposés par la société Axamed, avec les « livraison de médicaments à domicile ; Organisation et fourniture de services de soins médicaux ; assistance médicalisée à domicile ; assistance médicale ; assistance médicale d'urgence ; mise à disposition d'infrastructures médicales ; assistance médicale fournie par des médecins et par d'autres membres du personnel médical spécialisé » de la marque n° 424, la société Axa se borne à affirmer que les services susvisés sont unis par un lien étroit et obligatoire avec les produits médicaux et pharmaceutiques vendus par la société Axamed de sorte qu'ils seraient similaires par complémentarité. Là encore, le seul fait que les services de soins médicaux, d'assistance médicale et de livraison de médicaments à domicile soient en lien avec le domaine médical et avec des médicaments ne saurait suffire à caractériser une complémentarité, ce critère, ainsi qu'il a été dit, nécessitant de démontrer que les consommateurs considèrent comme habituel que ces produits et services incombent à la même entreprise, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, les fabricants de médicaments commercialisant des produits de santé étant distincts des médecins qui prescrivent ces mêmes produits à domicile ou dans des infrastructures, ainsi que des professionnels du transport habilités à livrer des médicaments à domicile, de sorte que le consommateur ne peut penser que la responsabilité, d'une part, de la fabrication et de la commercialisation de produits médicaux et pharmaceutiques, d'autre part, de la fourniture de services de livraison de médicaments à domicile et de services de soins médicaux et d'assistance médicale, incombe à la même entreprise. Les produits et services en cause n'étant ni similaires ni complémentaires, tout risque de confusion est exclu. Les demandes de la société Axa fondées sur le risque de confusion entre les signes incriminés et sa marque n° 424 seront donc également rejetées, le jugement entrepris étant confirmé de ces chefs.
Sur la contrefaçon par atteinte à la renommée des marques n°658 et n°424 dont est titulaire la société Axa
La société Axa demande la confirmation du jugement qui a dit qu'en faisant usage du signe Axamed la société Axamed a commis des actes de contrefaçon par atteinte à la renommée des marques n° 658 et n° 424. Elle fait valoir que compte tenu de la grande similitude entre les signes en cause et de la forte similarité des produits et services respectifs des marques et signes en conflit, il existe indéniablement un lien entre les marques antérieures de renommée et les produits et services commercialisés sous les signés incriminés. Elle demande aussi la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné, sous astreinte, la radiation des noms de domaine et et en ce qu'il a indemnisé son préjudice à hauteur de 5 000 euros, sollicitant en appel la fixation de sa créance de 5 000 euros au passif de la société Axscience.
La société Axscience conteste toute atteinte à la renommée des marques AXA, en l'absence de démonstration de la renommée des marques françaises et européennes AXA, ainsi que de tout risque de lien par le public pertinent entre les signes AXA et AXAMED.
Sur ce,
Aux termes de l'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, 'est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d'un signe identique ou similaire à la marque jouissant d'une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice.'
De la même manière, il résulte de l'article 9 du Règlement 2017/1001 que le titulaire d'une marque de l'Union européenne est 'habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : (...) c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice.'
Il est enfin rappelé qu'une marque est considérée comme renommée lorsqu'elle est connue d'une partie significative du public pertinent et qu'elle exerce un pouvoir d'attraction propre, indépendant du produit ou du service qu'elle identifie, étant précisé que le public pertinent est celui concerné par la marque (CJCE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, points 24 et 26).
Pour apprécier la renommée, sont notamment - mais pas exclusivement - pris en compte l'ancienneté de la marque, son succès commercial, l'importance du budget publicitaire consacré, l'étendue géographique et la durée de son usage, son référencement dans la presse ou encore l'existence de sondages (CJCE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, point 27 ; TUE, 10 mai 2007, T-47/06, Antartica c/OHMI, points 46 et 52).
En l'espèce, ainsi que l'a retenu le tribunal par des motifs que la cour adopte, les marques AXA n° 658 et n°524 sont intensément exploitées par un groupe de taille mondiale, présent dans 30 pays, employant 128 000 salariés et comptant 88 000 distributeurs exclusifs dans le monde, ayant généré en 2009 90 milliards d'euros de chiffre d'affaires, le groupe ayant également consacré 250 millions d'euros à sa publicité en 2018, développé des partenaires avec des sportifs de renommée internationale telle que [N] [R] en 2019, la marque Axa ayant été classée parmi les marques les plus connues au monde en 2018 et 2019, étant rajouté que ce chiffre d'affaires du groupe Axa s'est élevé à plus de 100 milliards en 2021 et 2022 et que la marque AXA est classée au 48ème rang des marques mondiales en 2021 et 44ème rang en 2023. La société Axa établit ainsi la renommée de ses marques françaises « Axa » n°658 et 424. Le jugement sera confirmé sur ce point.
S'agissant de la comparaison entre les marques AXA n° 658 et n°424 et les signes incriminés « LABORATOIRES AXAMED », AXAMED et axamed-lab.fr et axamed-lab.com, il y a lieu de constater que si les signes en cause comprennent des différences visuelle, phonétique et conceptuelle, ils comportent cependant un élément commun « AXA », qui est l'entièreté des marques de renommée antérieures, lequel est placé dans les signes incriminés en situation d'attaque, sauf dans le signe LABORATOIRES AXAMED dans lequel le terme « LABORATOIRES » est cependant descriptif pour des produits et services de santé, les autres éléments des signes contestés à savoir « MED » et « lab.fr » et « lab.com » étant également descriptifs pour des produits médicaux présentés sur un site internet, le terme « AXA », qui n'a pas de signification en langue française étant par ailleurs fortement distinctif.
Le tribunal doit donc être approuvé en ce qu'il a retenu qu'en dépit de l'absence de complémentarité des produits et services concernés, et compte tenu de la distinctivité de la marque AXA et de l'intensité de sa renommée, il existe un risque évident que les signes « AXAMED » ou « LABORATOIRES AXAMED » évoquent, auprès des consommateurs, les marques AXA, lesdits consommateurs faisant ainsi un lien entre les signes en cause. Le tribunal doit également être approuvé en ce qu'il a jugé que le préjudice porté à la renommée des marques AXA, les consommateurs des produits AXAMED associant ces produits à un groupe de taille mondiale très performant, est caractérisé, tout comme le préjudice porté à leur caractère distinctif, l'usage du terme « AXA » dans les signes incriminés diluant la distinctivité des marques et portant atteinte aux investissements publicitaires qui leur ont été consacrés.
La contrefaçon par l'atteinte portée à la renommée des marques « Axa » n° 658 et n°424 par l'usage des signes litigieux est établie. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Les mesures, prononcées par le tribunal, d'interdiction, de radiation et d'autorisation de la société Axa, en cas de défaut de radiation effective des noms de domaine, à le notifier à l'AFNIC aux fins d'y procéder aux lieux et place de la société Axamed, seront confirmées, sans qu'il y ait lieu de les prononcer à nouveau, la société Axscience, anciennement dénommée Axamed, faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et la société Axa déjà autorisée à saisir l'AFNIC pour la radiation effective des noms de domaine.
Il sera également fait droit à la demande de la société Axa, sur le fondement du 2ème alinéa de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, d'une réparation de son préjudice à hauteur de 5 000 euros. La société Axa justifie de ce qu'elle a déclaré sa créance de ce chef au passif de la société Axamed devenue Axscience. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a alloué la somme de 5 000 euros à la société Axa, sauf à préciser qu'il y a lieu de fixer la créance de 5000 euros au passif de la société Axscience.
Sur les demandes de la société Axa fondées sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire
La société Axa soutient qu'elle a subi des actes de concurrence déloyale et parasitaire en raison de faits distincts, à savoir des atteintes portées à ses noms de domaine et et à sa dénomination sociale du fait des réservations et exploitations des noms de domaine et et de l'usage des signes AXAMED verbal et semi-figuratif pour désigner des produits et dispositifs médicaux et pharmaceutiques et services y afférents ; que les signes contestés présentent de fortes similarités avec ses noms de domaine et sa dénomination sociale antérieurs ; qu'il en résulte un risque de confusion ; que la société Axscience s'est donc rendue coupable d'actes de concurrence déloyale par imitation des noms de domaine et de la dénomination sociale de la société Axa, faits distincts des actes de contrefaçon de marques.
La société Axa fait valoir en outre que l'enregistrement de la dénomination sociale Axamed et des noms de domaine et constitue également une tentative de tirer profit de la renommée exceptionnelle attachée à ses noms de domaine et à sa dénomination sociale, constituant ainsi des actes parasitaires puisqu'elle a consenti des investissements intellectuels et financiers importants pour bâtir sa renommée exceptionnelle ; que cela démontre la volonté de la société Axamed de s'immiscer dans son sillage dans le but de capitaliser sur les investissements ayant bâti sa renommée.
La société Athena, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Axscience, soutient que la société Axa s'applique à reproduire les mêmes arguments que ceux développés au titre de la contrefaçon des marques sans démontrer un risque de confusion, les activités de service d'assurance de la société Axa n'étant pas similaires aux activités de vente de produits de santé de la société Axamed, les sociétés en cause exerçant dans des domaines distincts et n'étant pas concurrentes.
S'agissant du parasitisme, la société Athena, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Axscience, soutient qu'il n'est pas démontré en quoi elle aurait intentionnellement tiré profit de la prétendue renommée de la dénomination sociale de la société Axa.
Sur ce,
La concurrence déloyale et le parasitisme, pareillement fondés sur l'article 1240 du code civil et appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, sont caractérisés par l'application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements.
L'action en concurrence déloyale et parasitaire peut être exercée concurremment à l'action en contrefaçon. Fondée sur l'article 1240 du code civil, elle exige la démonstration d'une faute et doit être assise sur des faits distincts de ceux constituant la contrefaçon.
L'existence d'une situation de concurrence directe et effective entre les sociétés considérées n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale ou parasitaire qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice (Com. 27 avril 2011 n°10-15648).
La faute de concurrence parasitaire, qui requiert de caractériser la volonté de s'inscrire dans le sillage, est intentionnelle (Com. 10 mai 2006, 04-15612 ; Com. 7 avril 2009, 07-21.395; Com. 4 février 2014, 13-10.039).
En l'espèce, il est constant que la société Axa est titulaire de sa dénomination sociale Axa et des noms de domaine , enregistré le 20 mai 1996, et , enregistré le 24 octobre 1995, exploités en lien avec ses activités.
Les atteintes causées par l'exploitation des signes litigieux «AXAMED », axamed-lab.fr et axamed.lab.com, à la dénomination sociale Axa et aux noms de domaine axa.com et axa.fr, qui constituent des faits juridiques fautifs distincts de ceux retenus au titre de la contrefaçon de marques, caractérisent, compte tenu de la similarité entre les signes en cause, et de l'ancienneté et de la notoriété de la dénomination sociale et des noms de domaine de la société Axa, des actes de concurrence déloyale.
Il y a lieu de dire en conséquence qu'en portant atteinte aux noms de domaine axa.fr et axa.com et à la dénomination sociale Axa, la société Axamed devenue Axscience a commis des faits distincts de concurrence déloyale. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point, la cour constatant que la société Axa ne forme pas de demande indemnitaire ni n'a déclaré sa créance de ce chef.
Il n'est en revanche pas démontré que la société Axamed devenue Axscience a intentionnellement cherché à se placer dans le sillage de la société Axa. Les demandes sur le fondement du parasitisme seront donc rejetées et le jugement confirmé sur ce point.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société Athena représentée par Maître [Z] [Y] ès qualités mandataire liquidateur de la société Axscience succombant, gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées, sauf pour la cour à fixer la créance de frais irrépétibles au passif de la procédure collective de la société Axsciences, cette créance ayant été déclarée au passif par la société Axa.
En l'absence de déclaration au passif par la société Axa d'une créance relative aux frais d'avocats afférents à la procédure d'appel, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de ce chef, les demandes de la société Athena ès qualités à ce titre étant également rejetées.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Axa sur le fondement de la concurrence déloyale,
L'infirmant de ce chef,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit qu'en portant atteinte aux noms de domaine axa.fr et axa.com et à la dénomination sociale Axa, la société Axamed devenue Axscience a commis des faits distincts de concurrence déloyale,
Fixe au passif de la société Axscience la somme de 20 000 euros correspondant à la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice résultant des actes d'atteintes aux marques de renommée et à la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 de première instance,
Rejette toutes les demandes contraires à la motivation,
Condamne la société Athena représentée par Maître [Z] [Y] ès qualités de mandataire liquidateur de la société Axscience aux dépens d'appel.