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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 4 avril 2025, n° 23/00090

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

NDM Developpement (Sté)

Défendeur :

NDM Developpement (Sté), SCP BTSG²

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Salord, Mme Barutel

Avocats :

Me Etevenard, Me Duverne-Hanachowicz, Me Saint-Voirin, Me Imakor

TJ Paris, 3e ch. sect. 2, du 18 nov. 202…

18 novembre 2022

ARRET :

Réputé contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 18 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Paris,

Vu l'appel principal interjeté le 14 décembre 2022 par M. [U] [I],

Vu l'avis d'avoir à signifier en date du 24 janvier 2023,

Vu la signification de la déclaration d'appel par acte de commissaire de justice du 31 janvier 2023 à la société TKPF, défaillante (acte établi en vertu des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile),

Vu la signification de la déclaration d'appel par acte de commissaire de justice du 6 février 2023 à la société BTSG prise en la personne de Me [Y] [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société TKPF, défaillante (acte remis à domicile à personne habilitée),

Vu la signification des conclusions d'appelant du 9 mars 2023 par acte de commissaire de justice du 15 mars 2023 à la société TKPF (acte établi en vertu des dispositions des articles 656 et 658 du code de procédure civile) et à la société BTSG prise en la personne de Me [Y] [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société TKPF (acte remis à domicile à personne habilitée), défaillantes,

Vu les conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 30 octobre 2023 par M. [U] [I], appelant à titre principal et intimé à titre incident.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 5 août 2023 par la société NDM Développement, intimée à titre principal et appelante à titre incident,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 21 décembre 2023,

Vu l'arrêt avant dire droit du 17 mai 2024,

Vu les conclusions notifiées par M. [U] [I] le 16 septembre 2024,

Vu la note en délibéré de M. [U] [I] sollicitée par la cour et notifiée le 19 février 2025.

SUR CE, LA COUR

M. [U] [I] expose avoir créé avec son frère, M. [B] [I], à [Localité 10] au cours de l'année 1999, un nouveau type de sandwich composé d'une galette, remplie avec de la viande et des légumes recouverts d'une sauce à base de fromage, qu'il a dénommé « tacos à la française ».

Le 7 août 2007, M. [B] [I] a déposé la marque française verbale « LE TACOS DE [Localité 9] », sous le numéro 3518716, pour désigner les produits suivants : « viande, charcuterie fromage, sauces, épices, sandwiches, pizzas, boissons, services de restauration alimentation » (classes 29, 30 et 43). Cette marque a été régulièrement renouvelée.

M. [B] [I] a cédé la marque « LE TACOS DE [Localité 9] » à M. [U] [I] par acte sous seing privé du 19 novembre 2018.

Par courriel du 29 avril 2016, M. [O] [X], au nom de la société Groupe FBH Food, se présentant comme franchiseur de plusieurs enseignes de restauration parmi lesquelles « T.A.K.O.S », a proposé à M. [U] [I] de confier à ce groupe l'exploitation de la marque « LE TACOS DE [Localité 9] », d'intégrer ses restaurants dans le groupe et de mutualiser leurs savoir-faire respectifs, notamment pour industrialiser la fabrication de la sauce au fromage.

Le 22 juin 2016, la société de droit luxembourgeois NDM Développement a déposé la marque verbale de l'Union européenne « TAKOS KING by Tacos de [Localité 9] depuis 1999 » enregistrée sous le numéro 15570757 pour désigner divers services relevant des classes 35 et 43.

La société TKPF, immatriculée le 12 juillet 2016 au registre du commerce et des sociétés de Paris, a pour objet notamment la restauration rapide et gère un réseau de franchises « Takos King ».

Ayant fait constater par huissier de justice, le 9 mai 2019, la mention « T.A.K.O.S by le tacos de [Localité 9] » sur l'enseigne du restaurant Takos King à [Localité 8] et le papier d'emballage d'un tacos acheté dans ce restaurant et le 13 mai 2019 que la société TKPF reproduisait sur son site internet www.takosking.com les mentions « [Localité 6] le Tacosdelyon » et « by le tacos de [Localité 9] créé en 1999 », M. [U] [I], par l'intermédiaire de son conseil, a, par lettres recommandées avec accusés de réception du 11 juin 2019, mis en demeure la société FBH Holding, la société TKPF et quinze restaurants Takos King de retirer sans délai l'ensemble des visuels mentionnant « by le tacos de [Localité 9] », de les détruire et de proposer une indemnisation du préjudice subi.

C'est dans ce contexte que M. [U] [I] a fait assigner la société TKPF et la société NDM Développement devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir, notamment, ordonner sous astreinte le retrait de toutes mentions « LE TACOS DE LYON » des visuels des enseignes Takos King.

Par ordonnance du 8 février 2020, le juge des référés a dit vraisemblable la contrefaçon de la marque verbale française « LE TACOS DE [Localité 9] » n°3518716, commise par la société TKPF au préjudice de M. [U] [I], fait interdiction à la société TKPF de faire usage de la mention « TACOS DE [Localité 9] » sur tout support et à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, lui a enjoint de communiquer à M. [U] [I] ses comptes annuels depuis le 1er janvier 2019, les extraits K-bis de chacune des sociétés appartenant réseau de franchise « Takos King » dans un délai de trois jours à compter de la signification de l'ordonnance, sous astreinte, et l'a condamnée à payer à M. [U] [I] 15 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation du préjudice moral imputable à l'atteinte vraisemblable à la marque.

Par actes des 25 et 26 février 2021, M. [U] [I] a fait assigner la société TKPF et la société NDM Développement devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marque et parasitisme.

Par jugement du 18 novembre 2022, le tribunal judiciaire a :

- prononcé la nullité de la marque française « LE TACOS DE [Localité 9] » enregistrée sous le n°3518716 le 7 août 2007,

- dit que la décision une fois définitive sera transmise à l'INPI à l'initiative de la partie la plus diligente, pour être transcrite sur le registre national des marques,

- condamné in solidum la société TKPF et la société NDM Développement à payer à M. [U] [I] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des faits de concurrence déloyale,

- rejeté la demande de publication du présent jugement,

- rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

Avant dire droit sur la demande de nullité de la marque de l'Union européenne « Takos King by Tacos de [Localité 9] », sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

- ordonné la réouverture des débats,

- invité les parties à conclure avant le 16 décembre 2022 sur la compétence matérielle du tribunal judiciaire de Paris pour statuer sur la demande de nullité de la marque de l'Union européenne « Takos King by Tacos de Lyon » et leur consentement à ce que le jugement soit ultérieurement rendu sans audience ».

Par un jugement du 25 février 2022, antérieur au jugement dont appel, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre la société TKPF et désigné comme mandataire judiciaire la société BTSG, prise en la personne de Me [Y] [V], ès qualités de liquidateur judiciaire.

M. [U] [I] a interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 18 novembre 2022 par déclaration du 14 décembre 2022, l'appel étant dirigé à l'encontre de la société NDM Développement, de la société TKPF et de la société BTSG, prise en la personne de Me [Y] [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société TKPF.

M. [U] [I] s'est désisté de sa demande de nullité de la marque « TAKOS KING by Tacos de Lyon depuis 1999 », ce qui a été constaté par jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 13 janvier 2023 qui a condamné les sociétés TKPF et NDM Développement in solidum aux dépens et à payer à M. [I] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par la voie électronique le 30 octobre 2023, M. [I] demande à la cour de :

Sur la validité de la marque « LE TACOS DE [Localité 9] »

- infirmer la décision en ce qu'elle a prononcé la nullité de la marque française « LE TACOS DE [Localité 9] » enregistrée sous le n°3518716 le 7 août 2007,

Sur la déchéance de la marque « LE TACOS DE [Localité 9] »

- débouter la société TKPF, et la SCP BTSG, prise en la personne de Me [V] ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société TKPF et la société NDM Développement de leur demande tendant à voir prononcer la déchéance de la marque « LE TACOS DE LYON » à compter du 12 février 2017,

Sur la contrefaçon de la marque « LE TACOS DE [Localité 9] »

- ordonner à la société TKPF, et à la SCP BTSG, prise en la personne de Me [V] ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société TKPF et NDM Développement de cesser toute utilisation contrefaisante de la marque « TACOS DE LYON » et de retirer toute mention « TACOS DE LYON » de leur devanture, emballages, site internet, et tous autres supports de communication visuelle, dans un délai de 7 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard,

- condamner solidairement les sociétés TKPF et NDM Développement à payer à M. [U] [I] la somme de 4 365 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon de la marque « TACOS DE [Localité 9] »,

- et fixer la créance de M. [I] au passif de la liquidation judiciaire de la société TKPF à hauteur de cette somme,

Sur les agissements parasitaires

- confirmer la décision en ce qu'elle a condamné in solidum les sociétés TKPF et NDM Développement à payer à M. [I] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de parasitisme,

- et fixer la créance de M. [I] au passif de la liquidation judiciaire de la société TKPF à hauteur de cette somme,

En tout état de cause

- infirmer la décision en ce qu'elle a rejeté la demande de publication du jugement,

- ordonner la publication de la décision à intervenir dans cinq journaux ou revues du choix de M. [I] aux frais des sociétés NDM Développement et TKPF et aux frais de la SCP BTSG prise en la personne de Me [V] ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société TKPF, et l'insertion, sur le site marchand de la société TKPF, à savoir le site http://takosking.com ou tout autre site qui lui serait substitué, d'un encart faisant état de la condamnation à intervenir,

- condamner solidairement les sociétés TKPF et NDM Développement à payer à M. [U] [I] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et fixer la créance de M. [I] au passif de la liquidation judiciaire de la société TKPF à ladite somme,

- condamner solidairement la SCP BTSG prise en la personne de Me [V] ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société TKPF, et NDM Développement aux entiers dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 5 août 2023, la société NDM Développement demande à la cour de :

- confirmer la décision en ce qu'elle a prononcé la nullité de la marque française « LE TACOS DE [Localité 9] » enregistrée sous le numéro 3518716 le 7 août 2007,

- déclarer irrecevable, en tout cas non fondé M. [I],

- constater la nullité des marques françaises « LE TACOS DE [Localité 9] » n°3518716 et n°4540787 respectivement enregistrées en classes 29,30 et 43 et 30 et 43 ainsi que la nullité de la marque internationale « LE TACOS DE [Localité 9] » n°1482144 enregistrée en classe 30 et 43 appartenant à M. [U] [I],

Sur la contrefaçon de la marque « TACOS DE [Localité 9] »

- rejeter la demande tendant à solliciter à la société TKPF, et à la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [V] en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société TKPF et NDM Développement, de cesser toute utilisation contrefaisante de la marque « TACOS DE LYON » et de retirer toute mention « TACOS DE LYON » de leur devanture, emballages, site internet, et tous autres supports de communication visuelle, dans un délai de 7 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard,

- rejeter la demande tendant à demander à ce que les sociétés TKPF et NDM Développement soient solidairement condamnées à payer à M. [U] [I] la somme de 4 365 000 euros en réparation des actes de contrefaçon de la marque « TACOS DE [Localité 9] » ; et de fixer la créance de M. [I] au passif de la liquidation judiciaire de la société TKPF à hauteur de cette somme,

Sur les agissements parasitaires :

- infirmer la décision en ce qu'elle a condamné in solidum les sociétés TKPF et NDM Développement à payer à M. [I] la somme de 25 000 euros en réparation des actes de parasitisme, et de fixer la créance de M. [I] au passif de la liquidation judiciaire de la société TKPF à hauteur de cette somme,

- constater l'absence d'actes de contrefaçon,

- constater l'absence d'agissement parasitaire,

En tout état de cause,

- confirmer la décision en ce qu'elle a rejeté la demande de publication du jugement,

- condamner in solidum tout succombant à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux dépens de première instance et d'appel a conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par arrêt avant dire droit du 17 mai 2024, la cour a :

- ordonné la réouverture des débats,

- invité les parties à faire connaître contradictoirement leurs observations au plus tard le 19 septembre 2024 pour M. [I] et le 12 décembre 2024 pour la société NDM Développement sur l'application de l'article L. 622-22 du code de commerce et de l'article 372 du code de procédure civile et leurs conséquences procédurales.

- renvoyé l'affaire à l'audience collégiale du 29 janvier 2025 à 9h30,

- réservé les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

M. [I] a notifié de nouvelles conclusions le 16 septembre 2024 « aux fins d'observations et ensuite de l'arrêt du 17 mai 2024 ».

La société NDM Développement n'a pas fait valoir ses observations en réponse à l'arrêt avant dire droit.

Les débats ont été repris en raison du changement de composition de la cour, en application de l'article 444 du code de procédure civile.

La cour a demandé aux parties de s'expliquer au cours de délibéré sur la recevabilité des conclusions notifiées le 16 septembre 2024 par l'appelant alors que seules des observations avaient été sollicitées dans le cadre de l'arrêt avant dire droit du 17 mai 2024.

Le 19 février 2025, M. [I] a notifié des observations. La société NDM Développement n'a pas notifié d'observations.

SUR CE,

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur la recevabilité des conclusions de M. [I] du 16 septembre 2024

A l'audience du 29 janvier 2025, la cour a demandé aux parties de faire leurs observations sur la recevabilité des nouvelles conclusions de M. [I] notifiées suite à l'arrêt du 17 mai 2024 ordonnant la réouverture des débats.

Dans sa note en délibéré notifiée le 19 février 2025, l'appelant indique que « comme nous sommes en procédure écrite, et au regard de l'ouverture des débats, et étant précisé que les conclusions saisissent la Cour et notamment les demandes contenues dans le dispositif, il a été jugé plus prudent de faire part des observations sollicitées par voie de conclusions ».

Or, l'arrêt avant dire du 17 mai 2024, qui a invité les parties à faire valoir leurs observations sur l'application de l'article L. 622-22 du code de commerce et de l'article 372 du code de procédure civile et leurs conséquences procédurales, n'a pas prononcé de révocation de l'ordonnance de clôture, ni invité les parties à conclure à nouveau.

Il s'ensuit que les nouvelles conclusions de M. [I] seront déclarées irrecevables. Les développements qu'elles contiennent (« observations de M. [I] sur l'application de l'article L. 622-22 du code de commerce et de l'article 372 du code de procédure civile », pages 10 à 12 des conclusions), en ce qu'elles constituent les observations portant sur la question soulevée par la cour dans son arrêt avant-dire, seront seuls pris en compte.

Sur les conséquences de la procédure collective ouverte à l'encontre la société TKPF

M. [I] fait valoir que le jugement dont appel doit être déclaré « valable » et qu'il doit être statué sur son appel. Il relève que la société TKPF ne l'a pas informé de l'existence de la procédure collective en méconnaissance de son obligation légale résultant de l'article L. 622-22 alinéa 2 du code de commerce et qu'il n'a appris son existence qu'à l'occasion d'une tentative d'exécution forcée en décembre 2022. Il ajoute que du fait du mensonge par omission de la société TKPF, il n'a pas été mis en mesure en première instance de déclarer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société TKPF, ni d'appeler en cause les organes de la procédure.

Selon lui, puisque les conclusions notifiées en première instance par la société TKPF après l'ouverture de la procédure collective n'invoquaient pas l'interruption de l'instance, elles constituent une confirmation tacite au sens de l'article 372 du code de procédure civile, comme l'absence d'information sur la procédure de liquidation. Il relève l'opposabilité de la déclaration d'appel du 14 décembre 2022, tant à l'égard de la société TKPF que de son mandataire judiciaire, et l'absence de mention de l'interruption de l'instance ou de volonté de se prévaloir de l'article 369 du code de procédure civile au cours de la procédure d'appel.

En l'espèce, la société TKPF a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 25 février 2022.

Or, l'action introduite par le créancier M. [I] à l'encontre de la société TKPF, par assignation délivrée le 25 février 2021, antérieurement au jugement de liquidation judiciaire prononcé à l'égard de ladite société, visait, à titre principal à la voir condamner solidairement avec la société NDM Développement au paiement de plusieurs sommes d'argent en réparation de son préjudice matériel et moral pour des faits de contrefaçon de marque et agissements parasitaires.

Cette action était donc soumise aux dispositions de l'article L.622-21 du code de commerce qui prévoit que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au paragraphe I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

En outre, l'article L.622-22 du code de commerce dispose que « les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de ses créances. Elles sont reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan dûment appelés mais tendent uniquement à la constatation de la créance et à la fixation de son montant

L'interdiction ou l'interruption des poursuites est un principe d'ordre public qui doit être relevé d'office par le juge.

Aux termes de l'article 369 du code de procédure civile, l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.

L'interruption dure, soit jusqu'à la reprise régulière de l'instance par le créancier après déclaration de sa créance et mise en cause des organes de la procédure collective, soit jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire.

Aux termes de l'article 376 du code de procédure civile, l'interruption de l'instance ne dessaisit pas le juge.

L'article 372 du même code prévoit en outre que « les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l'interruption de l'instance, sont réputés non avenus à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue ».

En application de ces dispositions, les jugements prononcés en l'absence de reprise de l'instance conformément à l'article L.622-22 du code de commerce, même passés en force de chose jugée, sont réputés non avenus.

Dès lors qu'un jugement est réputé non avenu pour avoir été rendu malgré l'interruption d'une instance en cours, non régulièrement reprise conformément aux dispositions de l'article L. 622-22 du code de commerce, la cour d'appel saisie d'un appel formé contre un tel jugement n'a pas à statuer sur l'appel ni, dès lors, à le déclarer irrecevable, mais doit se borner à constater que ce jugement est réputé non avenu.

En l'espèce, l'action de M. [I] a été interrompue par l'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la société TKPF le 25 février 2022, jugement prononcé avant l'ordonnance de clôture rendue par le juge de la mise en état le 14 avril 2022.

Le liquidateur judiciaire de cette société n'a pas été appelé à l'instance en cours devant le tribunal et M. [I] n'a pas justifié de la production de sa créance au passif de la procédure collective.

L'absence d'information de la procédure collective par la société TKPF en première instance en violation du second alinéa de l'article L. 622-22 du code du commerce n'a pour conséquence que le prononcé éventuel d'une interdiction de gérer en vertu du second alinéa de l'article L. 653-8 du même code. Par ailleurs, il ne peut être considéré, contrairement à ce que soutient l'appelant, que les conclusions en première instance de la société TKPF qui ne mentionnent pas la procédure collective constituent une confirmation tacite du jugement alors que l'organe de la procédure n'était pas dans la cause. De plus, l'absence de représentation devant la cour d'appel du liquidateur de la société TKPF ne peut pas plus être assimilée à une confirmation tacite du jugement. Ainsi, le jugement déféré n'a fait l'objet d'aucune confirmation par le liquidateur judiciaire, même tacite.

En application de l'article L.641-9 du code de commerce, la société TKPF a été dessaisie de ses droits et actions concernant son patrimoine qui ne pouvaient être exercés que par le liquidateur judiciaire, de sorte qu'elle ne pouvait être représentée, dans la suite de l'instance, par son gérant.

En raison de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société TKPF, l'instance interrompue devant le tribunal qui n'est donc pas dessaisi, ne pourra être reprise devant lui qu'après justification de la déclaration de créance et la mise en cause du liquidateur judiciaire.

L'action engagée contre un tiers à la procédure collective n'est en principe pas interrompue, sauf lorsque les demandes à l'encontre du débiteur placé en liquidation judiciaire et de l'autre partie sont indivisibles ou solidaires.

En l'espèce, les demandes de l'appelant tendant à la condamnation solidaire des deux parties sont indivisibles en ce qu'elles sont formées sur le même fondement, la contrefaçon et le parasitisme et alors que M. [I] reproche l'exploitation par la société TKPF de la marque appartenant à la société NDM Développement et des actes de parasitisme commis conjointement par les deux sociétés.

Le jugement du 18 novembre 2022 doit donc être réputé non avenu.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur l'appel formé par M. [I].

Sur les autres demandes

La nature de la décision commande de condamner M. [I] aux dépens d'appel. Il n'y pas de lieu de statuer sur les demandes au titre des frais irrépétibles dès lors que la cour ne statue pas sur l'appel.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevables les conclusions notifiées par M. [U] [I] le 16 septembre 2024,

Déclare non avenu le jugement prononcé le 18 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Paris,

Dit n'y avoir lieu de statuer sur l'appel formé par M. [U] [I],

Condamne M. [U] [I] aux dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu de statuer sur les demandes au titre des frais irrépétibles.

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