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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 26 mars 2025, n° 21/04622

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 21/04622

26 mars 2025

26/03/2025

ARRÊT N° 140/25

N° RG 21/04622

N° Portalis DBVI-V-B7F-OPHQ

SL - SC

Décision déférée du 23 Septembre 2021

TJ de [Localité 24]- 18/02300

M. GUICHARD

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 26/03/2025

à

Me Paul TROUETTE

Me Franck MALET

Me Frederic SIMONIN

Me Jérôme MARFAING-DIDIER

Me Louis THEVENOT

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTS

Monsieur [H] [M]

[Adresse 1]

[Localité 13]

Représenté par Me Paul TROUETTE de la SELARL TCS AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

S.C.I. MIAMI

[Adresse 12]

[Localité 17]

(Intimé au dossier RG n°24/03618 joint le 06.11.2024)

Représentée par Me Franck MALET de la SCP MALET FRANCK ET ELISABETH, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)

Représentée par Me Arnaud FLEURY de la SELAS DEFIS AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX (plaidant)

INTIMES

Madame [V] [P]

[Adresse 15]

[Localité 19]

Représentée par Me Frederic SIMONIN de la SCP CABINET MERCIE - SCP D'AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

S.E.L.A.R.L. [N] ET ASSOCIES, prise en la personne de Me [I] [N]

en qualité de mandataire ad hoc de la SCI RESIDENCE ATLANTIDE

[Adresse 3]

[Localité 20]

Représentée par Me Jérôme MARFAING-DIDIER de la SELARL DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Yves FERES du CABINET FERES ET ASSOCIES, avocat au barreauu de [Localité 21]

Maître [R] [T] de la SCP [T] BARON FOURQUIE

en qualité de mandataire liquidateur de la SCI FORET ROYALE

[Adresse 2]

[Localité 16]

Représenté par Me Louis THEVENOT de la SELEURL LT AVOCAT, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Christine GIRERD, avocat au barreau de BORDEAUX

S.C.I. FORET ROYALE

[Adresse 4]

[Localité 18]

Représentée par Me Louis THEVENOT de la SELEURL LT AVOCAT, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Christine GIRERD, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 25 novembre 2024 en audience publique, devant la cour composée de :

M. DEFIX, président

S. LECLERCQ, conseillère

N. ASSELAIN, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière : lors des débats M. POZZOBON

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président et par M. POZZOBON, greffière

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [H] [M] et Mme [V] [P] se sont mariés sous le régime de la séparation de biens le 3 septembre 1977.

Ils ont constitué le 15 février 1984 la Sci Forêt royale, ayant selon ses statuts pour objet notamment l'achat en vue de la location de tout local à usages professionnel, d'habitation ou commercial, la gestion, l'entretien et la mise en valeur par tous moyens d'immeubles, leur location, soit en bloc, soit par fractions. La Sci Forêt royale avait alors pour associés M. [M] à hauteur de 69%, ce dernier occupant les fonctions de gérant, Mme [P] à hauteur de 30%, et Mme [Y] [A] épouse [M] 1%.

Ils ont constitué le 11 décembre 1987 la Sci [Adresse 22], ayant selon ses statuts pour objet l'acquisition de terrains à bâtir, la construction sur ces terrains de tous immeubles, la vente en totalité ou par lots de ces immeubles construits, accessoirement la location d'immeubles ou fractions d'immeubles. M. [M] était associé à hauteur de 60%,ce dernier occupant les fonctions de gérant, et Mme [P] à hauteur de 40%.

La Sci Résidence Atlantide a été à l'origine d'un programme immobilier dont les lots ont été cédés à :

- M. [M] : 3 lots ;

- la Sci Forêt royale : 44 lots ;

- divers acquéreurs : 15 lots ;

- Mme [P] : le lot n°18.

Ainsi, par acte authentique de vente en l'état futur d'achèvement du 30 juin 1988, passé par devant la Scp Ginesti Combarieu, notaire, la Sci [Adresse 22] a vendu à Mme [V] [P] le lot numéro 18 de l'immeuble situé [Adresse 10] moyennant un prix de 140.000 francs soit 21.342,86 euros Tva comprise.

L'article 16 prévoit que la vente est conclue sous la condition suspensive de la garantie d'achèvement de l'immeuble.

L'article 18 'paiement du prix' prévoit que le prix est payable à concurrence de 90.000 francs dans les 8 jours à compter de l'envoi par le notaire de la copie authentique de l'acte portant justification de l'avènement de la condition suspensive.

Ce paiement sera effectué par la comptabilité de l'office notarial.

Le prix sera payable en fonction de l'avancement des travaux de construction, et ainsi qu'il suit :

- lors de la mise hors d'eau à concurrence d'une fraction de 70% du prix de vente ;

- lors de l'achèvement à concurrence d'une fraction de 25% du prix de vente, laquelle cumulée avec la précédente n'est pas supérieure à 95% du prix de vente ;

- lors de la mise des locaux à la disposition de l'acquéreur, à concurrence du solde, soit d'une fraction égale à 5% du prix de vente.

L'article 2 'propriété - jouissance' stipule que l'acquéreur en aura la jouissance et en prendra possession lors de l'achèvement des travaux de construction. L'acquéreur s'interdit de consentir à qui que ce soit, avant de s'être entièrement libéré de son prix d'acquisition, un droit quelconque de jouissance, notamment sous forme de bail sans l'accord écrit du vendeur.

Dans une attestation du 25 août 2017, le notaire a attesté que la partie du prix exigible n'avait pas été payée par la comptabilité de l'étude et que les frais de cet acte ont été réglés par la Sci Résidence Atlantide.

L'assemblée générale extraordinaire du 26 décembre 1995 de la société [Adresse 22] a décidé la dissolution de la société Résidence Atlantide à compter du 26 décembre 1995 et sa mise en liquidation amiable. Elle a nommé comme liquidateur M. [M], ancien gérant. Cette société a été radiée du RCS le 18 novembre 1996 à effet du 26 décembre 1995, l'extrait Kbis mentionnant 'clôture de la liquidation'.

M. [H] [M] et Mme [V] [P] ont divorcé sur leur requête conjointe le 31 mars 2009.

L'acte authentique du 5 janvier 2009 portant règlement complet des conséquences de leur séparation précise que Mme [P] est notamment propriétaire du lot n°18 dans l'immeuble [Adresse 11]. Dans cette convention, les époux ont déclaré qu'ils n'avaient aucune créance l'un contre l'autre. Dans le cadre de la liquidation des intérêts des époux, M. [M] et Mme [P] conservent respectivement la propriété des biens appartenant à chacun d'eux.

Mme [P] est demeurée associée de la Sci Forêt royale.

Par acte du 29 juin 2018, M. [H] [M], 'agissant en son nom personnel et en qualité d'ancien représentant de la Sci [Adresse 23], a fait assigner Mme [V] [P] devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins de voir le tribunal, notamment :

- prononcer la résolution de la vente du 30 juin 1988, pour défaut de paiement du prix ;

- ordonner la restitution du lot n°18,

- condamner Mme [P] à payer la somme de 164.880 euros au titre des loyers indûment perçus en sa qualité de possesseur de mauvaise foi ;

- condamner Mme [P] au paiement de dommages et intérêts pour préjudices moral et financier soit 6.000 euros par année de détention illégitime ;

- condamner Mme [P] au versement de la somme de 10.000 euros représentant la remise en l'état de l'appartement reçu neuf en 1988.

Par conclusions d'incident du 24 octobre 2018, Mme [P] a demandé au juge de la mise en état de dire et juger nulle l'assignation introductive d'instance pour défaut de pouvoir à agir de M. [M], ou à titre subsidiaire, de déclarer irrecevable l'assignation introductive d'instance, M. [M] n'ayant aucune qualité pour agir.

Par ordonnance du 16 avril 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse, saisi à la requête de M. [H] [M], a désigné la Selarl J.J [N] et associés, prise en la personne de Me [N] en qualité de mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22].

Par acte du 13 juin 2019, M. [H] [M] a fait assigner la Selarl J.J [N] et associés, prise en la personne de son représentant légal, en qualité de mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22].

Ces procédures ont été jointes par ordonnance du 27 juin 2019.

Par ordonnance du 17 octobre 2019, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Toulouse a constaté que Mme [P] s'était désistée de ses demandes formées devant le juge de la mise en état.

Pour statuer ainsi, il a pris acte de l'intervention à l'instance de Me [N] en qualité de représentant ad hoc de la Sci Résidence Atlantide, et a constaté que Mme [P] ne maintenait plus les demandes qu'elle avait formées devant le juge de la mise en état.

La Selarl J.J [N] et associés a pris des conclusions au fond contre Mme [P] le 28 janvier 2020

Par jugement du 23 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de publication de l'assignation au service de la publicité foncière;

- déclaré irrecevables les actions introduites par la Selarl JJ [N], en qualité de mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22], et Monsieur [M] pour cause de prescription;

- rejeté l'ensemble des demandes subséquentes à la résolution de la vente;

- rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour préjudice moral de Mme [P] ;

- condamné Monsieur [H] [M] à payer à Madame [V] [P] la somme de 5.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Monsieur [H] [M] à payer les entiers dépens de l'instance;

- rejeté toute autre demande.

Pour statuer ainsi, le premier juge a estimé que le délai de prescription biennal de l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, issu de la loi du 17 juin 2008 réformant la prescription, commençait à courir du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il a estimé que Mme [P] avait bien la qualité de consommateur dans la mesure où elle avait acquis le bien à titre personnel, en dehors de toute activité professionnelle, et qu'elle en était toujours propriétaire.

Il a jugé que l'action en résolution de la vente sur le fondement de l'article 1654 du code civil constituait une action personnelle et était soumise au délai de prescription biennal depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, s'agissant de la vente d'un bien en VEFA par un professionnel à un consommateur, et devait donc être considérée comme prescrite.

Il a ajouté que le désistement de Mme [P] devant le juge de la mise en état ne s'analysait pas eu une renonciation à invoquer la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, d'autant plus que ledit juge n'était pas compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, dès lors que l'instance était antérieure à janvier 2020.

Il a rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme [P], considérant qu'elle ne prouvait pas que la procédure avait été engagée par M. [M] dans le seul but de lui nuire.

Par acte électronique du 19 novembre 2021, M. [M] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- déclaré irrecevables les actions introduites par la Selarl JJ [N], en qualité de mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22], et par Monsieur [M] pour cause de prescription;

- rejeté l'ensemble des demandes subséquentes à la résolution de la vente;

- condamné Monsieur [H] [M] à payer à Madame [V] [P] la somme de 5.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Monsieur [H] [M] à payer les entiers dépens de l'instance ;

- rejeté les demandes de M. [M] présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens.

Cette procédure a été enrôlée sous le numéro RG 21/04622.

Le 5 mai 2022, Mme [V] [P] a déposé des conclusions d'incident devant le magistrat chargé de la mise en état, aux fins de voir, au visa des articles 31 et 914 du code de procédure civile, déclarer irrecevable l'appel formé par M. [M] pour défaut d'intérêt à agir et le voir condamner aux entiers dépens et à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Par un ordonnance du 10 novembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état de la cour d'appel de Toulouse a :

- déclaré recevable l'appel formé par M. [M],

- condamné Mme [V] [P] aux dépens de l'incident.

- débouté Mme [V] [P], M. [H] [M] et la Selarl [I] [N] et associés ès qualités d'administrateur ad hoc de la Sci Résidence Atlantide de leurs demandes respectives au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le magistrat chargé de la mise en état a considéré que M. [M] était partie à la première instance, qu'il avait présenté des demandes qui avaient été déclarées irrecevables par le premier juge et qu'il avait été condamné à payer les dépens et des frais irrépétibles, et qu'il avait donc intérêt à former appel de cette décision.

Par ailleurs, par arrêt du 11 octobre 2022, la cour d'appel de Bordeaux, statuant sur renvoi de cassation (suite à un jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 13 octobre 2016; un arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 28 novembre 2018 ; un arrêt de la Cour de cassation du 17 novembre 2021) dans une instance opposant M. [H] [M] et la Sci Miami d'une part à Mme [V] [P], la Sci Forêt royale et la Scp [T]-Baron-Fourquié prise en la personne Me [R] [T], en qualité de liquidateur amiable de la Sci Forêt royale, d'autre part, s'est dessaisie au profit de la cour d'appel de Toulouse, saisie du litige principal relatif à la résolution de la vente du 30 juin 1988 et à ses conséquences, pour statuer sur la demande de M. [H] [M] et la Sci Miami tendant à la condamnation de Mme [P] à payer à la Sci Forêt royale la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers subis par celle-ci du fait de l'absence de perception de loyers compte tenu de la mise à disposition à titre gratuit d'un droit d'usage et du revirement de Mme [P] concernant la retenue de la somme de 21.900 euros.

Pour statuer ainsi, elle a relevé qu'il était fait état, dans ce cadre, de la vente du lot n°18 d'un immeuble situé [Adresse 8], consentie par la Sci [Adresse 22] le 30 juin 1988 à Mme [P] à qui il est reproché de ne pas avoir payé le prix de vente ni les droits d'enregistrement. Mme [P] demandait le rejet de cette demande en précisant que la vente en cause faisait l'objet d'un contentieux distinct qui l'opposait à M. [M] devant les juridictions toulousaines.

La cour d'appel de Bordeaux a estimé qu'il y a avait un lien de connexité manifeste entre les deux procédures, puisque les appelants soutenaient à l'appui de leur demande de dommages et intérêts, qu'en raison du défaut de paiement du prix de vente par Mme [P], la Sci Forêt royale avait dû retenir la somme de 21.900 euros devant revenir à Mme [P], laquelle avait renié lors d'une AG du 6 mars 2012, l'accord antérieur qu'elle avait donné sur ce point ; qu'en conséquence, il était de l'intérêt d'une bonne justice de faire juger ces demandes ensemble.

La demande dont la cour d'appel de Bordeaux s'était dessaisie a fait l'objet d'un enrôlement devant la cour d'appel de Toulouse sous le numéro RG 24/03618.

Par ordonnance du 6 novembre 2024, le magistrat chargé de la mise en état a joint les procédures enrôlées sous les numéros RG 24/03618 et 21/04622, et dit que ces instances seraient désormais appelées sous le seul numéro 21/04622.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans le dossier 21/04622 :

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 octobre 2024, M. [H] [M], appelant, demande à la cour de :

- accueillir l'appel interjeté par M. [H] [M] le 19 novembre 2021, le juger recevable et bien-fondé,

- débouter Mme [V] [P] de l'intégralité de ses demandes, moyens, fins et prétentions ;

- confirmer le jugement prononcé le 23 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts présentée par Mme [V] [P] pour préjudice moral,

- réformer le jugement prononcé le 23 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse des chefs critiqués dans la déclaration d'appel et les présentes conclusions,

Statuant à nouveau,

- juger recevables et bien-fondées les actions en résolution de la vente du 30 juin 1988 introduites par M. [M] et la Selarl [N] et Associés ès qualités de mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22],

- prononcer la résolution de la vente conclue le 30 juin 1988 entre la Sci Résidence Atlantide et Mme [V] [P] portant sur le lot N° 18 d'un immeuble sis à Toulouse (31) aux [Adresse 6] [Adresse 14] ;

- condamner Mme [V] [P] à payer à la Selarl [N] et Associés ès qualités de mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22] la somme de 185.908,24 euros au titre des loyers indûment perçus en sa qualité de possesseur de mauvaise foi, somme à parfaire jusqu'au prononcé de l'arrêt à intervenir,

- condamner Mme [V] [P] à payer à la Selarl [N] et Associés ès qualités de mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22] la somme de 16.680,95 euros au titre des frais de remise en état du bien immobilier reçu neuf à la suite de l'acte de vente du 30 juin 1988,

- condamner Mme [V] [P] à payer à la Selarl [N] et Associés ès qualités de mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22] la somme de 44.111,76 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité d'avoir pu mettre le bien en location à un prix librement fixé, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir,

- condamner Mme [V] [P] à payer à la Selarl [N] et Associés ès qualités de mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22] la somme de 18.080,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la détention illégitime, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir,

- condamner Mme [V] [P] à payer à M. [H] [M] une indemnité de 5.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [V] [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les sommes versées par M. [M] à la Selarl [N] & Associés ès qualités de mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22] en première instance et en cause d'appel, dont distraction au profit de Maître Paul Trouette en vertu des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il soutient que c'est à tort que le premier juge a retenu la prescription biennale. Il estime que Mme [P] ne rapporte pas la preuve qu'elle est un consommateur, faisant valoir qu'elle a participé aux opérations immobilières d'envergure en sa qualité d'associée de deux sociétés civiles immobilières, et faisant valoir qu'elle a acquis le bien litigieux dans le cadre de son activité professionnelle. Il ajoute que le tribunal a commis une erreur de droit en appliquant à Mme [P] la qualité de consommateur sur la base de dispositions légales qui n'existaient pas au jour de la vente litigieuse, concernant la vente d'un bien en VEFA par un professionnel.

Enfin, il estime qu'en se désistant de ses demandes présentées devant le juge de la mise en état, Mme [P] a renoncé à invoquer la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action.

Il estime que la prescription quinquennale n'a pas vocation à se substituer à la prescription trentenaire.

Il fAIT valoir que la prescription trentenaire n'est pas acquise.

Il fait valoir que M. [M] a qualité à agir, car son action vise à voir le lot litigieux réintégrer le patrimoine de la Sci [Adresse 22], qu'il agit donc afin que ses droits d'associé soient préservés. Il ajoute que l'ordonnance désignant Me [N] comme mandataire ad hoc de la Sci Résidence Atlantide est définitive.

Il invoque le caractère bien fondé de l'action en résolution et des demandes subséquentes.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 mai 2022, la Selarl JJ [N] et Associes, prise en la personne de Me [I] [N], en qualité de mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22], intimée et formant appel incident, demande à la cour de :

En rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

- infirmer la décision du 23 septembre 2021 du tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu'elle a d'une part, déclaré irrecevable les actions introduites par la Selarl JJ [N] ès qualités de mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22] et M. [M] pour cause de prescription et, d'autre part, rejeté l'ensemble des demandes subséquentes à la résolution de la vente,

Statuant à nouveau :

- déclarer recevables les actions introduites par la Selarl JJ [N] ès qualités de mandataire ad'hoc de la Sci [Adresse 22] et M. [M],

- prononcer la résolution de la vente du 30 juin 1988,

- ordonner la restitution à la Sci Résidence Atlantide du lot n°18 sis [Adresse 7],

En conséquence,

- condamner Mme [P] à payer à la Sci [Adresse 22] la somme de 10.000,00 euros au titre de la remise à neuf du lot n°18 sis [Adresse 7],

- condamner Mme [P] à payer à la Sci Résidence Atlantide l'ensemble des loyers qu'elle a perçus depuis le 30 juin 1988 évalués à la somme de 179.994,00 euros,

- condamner Mme [P] à payer à la Sci [Adresse 22] 10.000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner Mme [V] [P] à payer à la Selarl Jj [N] une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

- débouter Mme [P] de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions.

Elle soutient que Mme [P] a saisi le juge de la mise en état du défaut de qualité à agir de M. [M], et ne peut plus le soulever à nouveau devant la cour. Elle fait valoir que le défaut de qualité à agir aurait dû être soulevé avant que soit soulevée la prescription.

Elle soutient qu'elle a intérêt à agir en tant que mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22]. Elle fait valoir que la personnalité morale de la Sci Résidence Atlantide subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci.

Elle soutient que l'action en résolution de la vente n'est pas prescrite, car Mme [P] ne peut pas se prévaloir de la prescription biennale, compte tenu de la finalité professionnelle des opérations immobilières, ni de la prescription quinquennale, ni de la prescription trentenaire.

Elle soutient que la résolution de la vente est fondée, et que les restitutions s'imposent.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 novembre 2024, Mme [V] [P], intimée et appelante incidente, demande à la cour de:

- ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture et fixer cette dernière au jour de l'audience de plaidoirie ;

À défaut,

- ordonner le rejet comme tardives des conclusions et pièces produites par M. [M] le 22 octobre 2024 ;

À titre principal,

- confirmer le jugement rendu le 23 septembre 2021 en ce qu'il a déclaré les actions introduites par la Selarl [I] [N], ès qualités de mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22], et M. [M] irrecevables pour cause de prescription et rejeter l'ensemble des demandes subséquentes à la résolution de la vente,

- confirmer le jugement rendu le 23 septembre 2021 en ce qu'il a condamné M. [M] à payer à Mme [P] la somme de 5.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- réformer le jugement rendu le 23 septembre 2021 en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour préjudice moral,

Statuant à nouveau,

- condamner M. [H] [M] à payer à Mme [P] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour infirmerait le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré les actions introduites par la Selarl [I] [N] ès qualités de mandataire ad hoc de la Sci Résidence Atlantide, et M. [M] irrecevables pour cause de prescription,

- prononcer l'irrecevabilité des demandes de M. [H] [M] pour défaut du droit à agir, prononcer l'irrecevabilité des demandes de la Selarl [I] [N], ès qualités de mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22], pour défaut d'intérêt à agir,

- prononcer le caractère infondé des demandes de la Selarl [I] [N], ès qualités de mandataire ad hoc de la Sci Résidence Atlantide et de M. [M],

- débouter en conséquence la Selarl [I] [N], ès qualités de mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22], et M. [H] [M] de l'intégralité de leurs demandes,

- confirmer le jugement rendu le 23 septembre 2021 en ce qu'il a condamné M. [M] à payer à Mme [P] la somme de 5.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- réformer le jugement rendu le 23 septembre 2021 en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour préjudice moral,

Statuant à nouveau,

- condamner M. [H] [M] à payer à Mme [P] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

En toute hypothèse,

- condamner M. [H] [M] à payer à Mme [P] la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [H] [M] au paiement des entiers dépens.

Elle fait valoir que les fins de non-recevoir peuvent être soulevées en tout état de cause, et qu'ainsi le défaut d'intérêt à agir peut être soulevé après que soit soulevée la prescription.

Sur la prescription des actions du mandataire ad hoc de la Sci Résidence Atlantide et de M. [M], elle fait valoir que le désistement devant le juge de la mise en état ne s'analyse pas en un désistement d'instance valant renonciation à invoquer une fin de non-recevoir. Elle ajoute qu'elle entendait se prévaloir de la prescription devant le juge du fond, et qu'elle ne pouvait se désister de demandes qui ne relevaient pas de la compétence du juge de la mise en état. Elle fait valoir que l'action du professionnel au titre d'une VEFA à l'encontre d'un consommateur est soumise à la prescription biennale. Elle dit avoir acquis le bien à titre personnel, en dehors de toute activité professionnelle. Subsidiairement, elle invoque la prescription quinquennale voire la prescription trentenaire.

Elle soutient que M. [M] n'étant pas le représentant de la Sci [Adresse 22], il n'a pas qualité à agir. Elle fait valoir qu'il pourrait agir en tant qu'ancien associé de la Sci Résidence Atlantide, mais qu'il ne démontre pas un préjudice personnel distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même.

Elle soutient que le mandataire ad hoc ne justifie pas d'un intérêt à agir car la créance dont il se prévaut préexistait à la clôture des opérations de liquidation amiable de la Sci, et car la liquidation est clôturée.

Sur le fond, elle estime que les conditions de l'action en résolution ne sont pas réunies.

Dans le dossier 24/03618 :

Relativement aux points dont la cour d'appel de Bordeaux s'est dessaisie au profit de la cour d'appel de Toulouse,

M. [M] et la Sci Miami, appelants, dans leurs dernières conclusions devant la cour d'appel de Bordeaux déposées le 12 juillet 2022 demandent à la cour de :

- condamner Mme [P] à payer à la Sci Forêt royale la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers subis par cette SCI du fait de l'absence de perception de loyers compte tenu de la mise à disposition à titre gratuit d'un droit d'usage et du revirement de Mme [P] concernant la retenue de 21.900 euros ;

- condamner Mme [P] à payer à M. [M] et à la Sci Miami une indemnité d'un montant de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [P] aux dépens.

Mme [P], intimée, dans ses dernières conclusions devant la cour d'appel de Bordeaux déposées le 19 août 2022, demande notamment à la cour de :

- rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées ;

- déclarer recevable Mme [P] en toutes ses demandes ;

- débouter M. [M] et la Sci Miami de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamner M. [M] à verser à Mme [P] la somme de 12.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La Sci Forêt royale, et la Scp [T]-Baron-Fourquié, prise en la personne de Me [R] [T], en qualité de liquidateur amiable de la Sci Forêt royale, intimées, dans leurs dernières conclusions devant la cour d'appel de Bordeaux déposées le 12 mai 2022 demandent notamment à la cour de :

- donner acte à Me [T], en qualité de liquidateur amiable de la Sci Forêt royale, qu'il s'en remet à l'appréciation de la cour s'agissant des demandes formées par M. [M] et la Sci Miami à l'encontre de Mme [P], et s'agissant des demandes formées le cas échéant par Mme [P] à l'encontre de M. [M] et la Sci Miami ;

- condamner tout succombant au paiement à la Sci Forêt royale de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner tout succombant aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 novembre 2024.

L'affaire a été examinée à l'audience du 25 novembre 2024 à 14h.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la saisine de la cour :

La cour n'est pas saisie du chef du jugement ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de publication de l'assignation au service de la publicité foncière.

La cour est saisie des autres chefs du jugement du 23 septembre 2021, par l'effet de l'appel et de l'appel incident de Mme [P].

Elle est également saisie par l'effet du dessaisissement de la cour d'appel de Bordeaux de la demande de M. [H] [M] et la Sci Miami tendant à la condamnation de Mme [P] à payer à la Sci Forêt royale la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers subis par celle-ci du fait de l'absence de perception de loyers compte tenu de la mise à disposition à titre gratuit d'un droit d'usage et du revirement de Mme [P] concernant la retenue de la somme de 21.900 euros.

Sur la demande de résolution de la vente et les demandes subséquentes :

L'action est une action en résolution de la vente sur le fondement de l'article 1654 du code civil, qui dispose que si l'acheteur ne paye pas le prix, le vendeur peut demander la résolution de la vente.

Sur la recevabilité de l'action de M. [M] et du mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22] en résolution de la vente :

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

Sur la prescription:

Peu importe que Mme [P] invoque en premier lieu la prescription, et que ce ne soit que subsidiairement que Mme [P] invoque le défaut de qualité ou le défaut d'intérêt à agir, s'agissant de fins de non-recevoir qui peuvent être proposées en tout état de cause.

L'action en résolution de la vente qui tend à sanctionner le défaut d'exécution de l'obligation de payer le prix n'est pas une action en revendication mais une action de nature personnelle.

Depuis la loi n°2008 - 561 du 17 juin 2008 réformant la prescription,'L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans'. Ceci était édicté par l'article L 137-2 du code de la consommation, entré en vigueur le 19 juin 2008, devenu article L 218-2 à compter du 1er juillet 2016 et encore en vigueur.

En application des dispositions transitoires de cette loi (article 26), lorsque la loi réduit la durée d'une prescription, la prescription réduite commence à courir, sauf dispositions contraires, du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Par acte authentique de vente en l'état futur d'achèvement du 30 juin 1988 passé par devant la Scp Ginesti Combarieu, notaire, la Sci [Adresse 22] a vendu à Mme [V] [P] le lot numéro 18 de l'immeuble situé [Adresse 9] à 31300 Toulouse moyennant un prix de 140.000 francs soit 27.037,85 euros.

L'article L 137-2, devenu L 218-2 du code de la consommation, texte de portée générale, qui ne distingue pas entre les biens meubles et les biens immeubles, a, en l'absence de dispositions particulières, vocation à s'appliquer à l'action du vendeur d'un immeuble en l'état futur d'achèvement, professionnel de l'immobilier, en paiement du solde du prix de vente.

Au moment du contrat de vente, la Sci Résidence Atlantide était un professionnel de l'immobilier. En effet, elle avait pour objet l'acquisition de terrains à bâtir, la construction sur ces terrains d'immeubles, la vente en totalité ou par lots des immeubles construits, accessoirement la location d'immeubles ou fractions d'immeubles. Il s'agissait d'un promoteur.

La Sci [Adresse 22] a été à l'origine d'un programme immobilier. Elle a acquis un terrain de la Sci Forêt royale. Elle y a édifié un immeuble collectif à usage d'habitation et commercial dont les lots ont été cédés à :

- M. [M] : 3 lots ;

- la Sci Forêt royale : 44 lots ;

- divers acquéreurs : 15 lots ;

- Mme [P] : le lot n°18.

Ce programme rentre dans le cadre de son activité professionnelle.

Se pose la question de savoir si Mme [P] avait la qualité de consommateur au moment du contrat de vente.

La loi n 2014-344 du 17 mars 2014 a introduit dans le code de la consommation un article préliminaire, lequel dispose qu''au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale".

Elle était précédée par la loi n° 2010-737 du 1 juillet 2010, aux termes de laquelle est considéré comme 'emprunteur ou consommateur, toute personne physique qui est en relation avec un prêteur, dans le cadre d'une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle' (L. 311-1 2° du code de la consommation).

Auparavant, la doctrine autorisée définissait le consommateur comme "une personne physique qui se procure ou est susceptible de se procurer un bien de consommation ou un service de même nature, pour ses besoins personnels ou ceux de sa famille, dans un but autre que celui de satisfaire aux besoins d'une entreprise ou d'une profession libérale" ([D] [O], in J-Cl. Concurrence-Consommation, fasc. 800, n 30 ; dans le même sens, MM. [K] et [W] in Droit de la consommation, Dalloz, 8 éd., n° 15-11.)

C'est à Mme [P] d'apporter la preuve de sa qualité de consommateur.

Certes, Mme [P] est une acquéreuse avertie, qualifiée.

Elle était associée minoritaire de la Sci Forêt royale qui a acquis plusieurs lots du même programme. Le fait qu'elle ait indiqué dans ses conclusions devant le premier juge du 12 avril 2021 que 'Dès la séparation consommée, Mme [P] qui est demeurée associée de la Sci Forêt royale et dont les parts composaient son seul patrimoine, s'est vue mettre à l'écart de la gestion de la Sci et pire, s'est aperçue que M. [M] en détournait son actif à son profit personnel' revient pour Mme [P] à reconnaître qu'avant la séparation, elle participait dans une certaine mesure à la gestion de la Sci Forêt royale. D'ailleurs, M. [M] produit s'agissant de la Sci Forêt royale des états des lieux, des contrats de bail, des chèques, comportant la signature de Mme [P]. Lors de la vente du terrain par la Sci Forêt royale à la Sci [Adresse 22] le 3 juin 1988, le vendeur, la Sci Forêt royale, était représenté par Mme [P] agissant au nom et comme mandataire de M. [H] [M], gérant statutaire.

Cette reconnaissance que Mme [P] participait dans une certaine mesure à la gestion de la Sci Forêt royale ne vaut pas pour la Sci [Adresse 22], et aucun élément n'est produit par M. [M] montrant un acte de gestion de Mme [P] concernant cette société. On ne peut pas raisonner par analogie entre la Sci Forêt royale et la Sci [Adresse 22], qui sont deux sociétés distinctes.

Le lot n°18 du programme édifié par la Sci Résidence Atlantide n'a pas été acquis par la Sci Forêt royale, mais par Mme [P] à titre personnel.

Mme [P] était associée minoritaire (à 40 %) dans la Sci [Adresse 22]. Elle n'était pas gérante.

M. [M] fait valoir qu'elle tirait des revenus de son activité d'associée dans différentes Sci. Cependant, il ne démontre pas que des dividendes ont été votés dans le cadre de la Sci Résidence Atlantide.

Certes, Mme [P] avait connaissance des opérations immobilières réalisées par la Sci [Adresse 22], mais ceci ne suffit pas à établir qu'en achetant le lot n°18, elle a agi à des fins qui entraient dans son activité professionnelle.

Elle était décrite dans l'acte de vente comme sans profession.

Le bien a été acquis le 30 juin 1988 pour être mis en location. Mme [P] n'y a jamais habité. Il s'agissait pour Mme [P] d'investir dans l'immobilier locatif. Même si ce bien est mis en location, ça ne suffit pas à caractériser l'exercice à titre professionnel de l'activité de location de biens. Aucun élément ne démontre que Mme [P] exerçait à titre habituel l'activité de location de biens. Le but était pour elle d'acquérir un patrimoine durable. Elle en est toujours propriétaire. La réalisation d'un tel investissement par un particulier ne constitue pas une activité professionnelle.

Mme [P] en acquérant le lot n°18 a donc agi en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité d'ordre professionnel, dans l'unique but de satisfaire à ses propres besoins de consommation privée.

En l'espèce, l'acte authentique de vente est du 30 juin 1988.

Le paiement du prix était échelonné, jusqu'au paiement du solde au jour de la livraison du bien à Mme [P].

Le point de départ de la prescription est donc la livraison du bien, moment où le solde du prix est devenu exigible.

La Selarl [N] a été appelée en intervention forcée le 13 juin 2019 et a formé des demandes à l'égard de Mme [P] par conclusions du 28 janvier 2020. Ceci a régularisé l'action intentée par M. [M] par assignation du 29 juin 2018.

Néanmoins, il est établi qu'il s'est écoulé plus de deux ans entre la livraison du bien et l'assignation du 29 juin 2018.

La prescription biennale est donc acquise.

Sur la renonciation à la prescription :

En vertu de l'article 2251 du code civil en vigueur depuis le 19 juin 2008, la renonciation à la prescription est expresse ou tacite. La renonciation tacite résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription.

Devant le juge de la mise en état, Mme [P] demandait que soit prononcée l'irrecevabilité pour défaut de pouvoir à agir de M. [M], et pour défaut de qualité à agir de M. [M]. Elle s'est désistée de ses demandes par des conclusions devant le juge de la mise en état du 25 septembre 2019.

Ceci ne constitue pas un désistement d'instance. D'ailleurs, dans ses conclusions devant le juge de la mise en état du 25 septembre 2019, Mme [P] lui demandait d'ailleurs de prendre acte de la désignation du mandataire ad hoc et de son appel en cause dans la procédure, et de prendre acte qu'elle réservait son argumentation sur le fond.

En outre, les demandes d'irrecevabilité soulevées devant le juge de la mise en état ne concernaient pas la prescription mais la qualité à agir et l'intérêt à agir de M. [M]. On ne peut donc pas considérer que Mme [P] en se désistant de ses demandes devant le juge de la mise en état a renoncé à se prévaloir de la prescription.

Par ailleurs, une fin de non-recevoir peut être soulevée en tout état de cause : en conséquence, l'irrecevabilité pour cause de prescription peut être soulevée devant le juge du fond, peu important que Mme [P] se soit désistée de ses demandes d'irrecevabilité pour défaut de qualité à agir et d'intérêt à agir formées devant le juge de la mise en état.

Enfin c'est le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 qui a élargi le champ des attributions du juge de la mise en état en lui donnant compétence exclusive pour trancher les fins de non-recevoir. Or, ce décret n'était pas encore en vigueur le 25 septembre 2019. Le juge de la mise en état n'était donc pas compétent pour se prononcer sur l'irrecevabilité de l'action de M. [M].

Il n'y a donc pas lieu de considérer que Mme [P] a renoncé sans équivoque à invoquer la prescription.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les actions introduites par la Selarl JJ [N], prise en la personne de Me [F] [N], en qualité de mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22], et par Monsieur [M], pour cause de prescription.

Sur les demandes subséquentes à la résolution de la vente :

Le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes subséquentes à la résolution de la vente. Ces demandes seront déclarées sans objet.

Sur la demande de M. [M] et de la Sci Miami tendant à condamner Mme [P] à payer à la Sci Forêt royale la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers subis par cette SCI du fait de l'absence de perception de loyers compte tenu de la mise à disposition à titre gratuit d'un droit d'usage et du revirement de Mme [P] concernant la retenue de 21.900 euros :

Il était fait état, dans ce cadre, de la vente du lot n°18 d'un immeuble situé [Adresse 8], consentie par la Sci [Adresse 22] le 30 juin 1988 à Mme [P] à qui il est reproché de ne pas avoir payé le prix de vente ni les droits d'enregistrement.

M. [M] et la Sci Miami précisent en pages 16 et 17 de leurs conclusions devant la cour d'appel de Bordeaux que Mme [P] n'a jamais payé le prix de vente du lot n°18 de l'immeuble sis [Adresse 5], ni les droits d'enregistrement, que du fait de cette absence de paiement, la Sci Forêt royale a été contrainte de retenir une somme de 21.900 euros devant revenir à Mme [P] à la suite de la vente par cette Sci d'un local commercial ; que la retenue de 21.900 euros avait été effectuée d'un commun accord par M. [M] et Mme [P], avant que celle-ci ne prétende le contraire lors de la tenue d'une assemblée générale de la Sci Forêt royale en date du 6 mars 2012 ; que ce préjudice devait être réparé par l'octroi de justes dommages et intérêts, et que Mme [P] devait donc être condamnée à payer à la Sci Forêt royale la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers subis par cette SCI du fait de l'absence de perception de loyers compte tenu de la mise à disposition à titre gratuit d'un droit d'usage et du revirement de Mme [P] concernant la retenue de 21.900 euros.

Dans ses conclusions devant la cour d'appel de Bordeaux, en page 9, Me [T] en qualité de liquidateur de la Sci Forêt royale n'entend pas se prononcer sur les demandes formées par M. [M] et la Sci Miami à l'encontre de Mme [P]. Il s'en remet à l'appréciation de la cour.

Dans ses conclusions devant la cour d'appel de Bordeaux, en page 27, Mme [P] soutient que cette demande est inintelligible, la faute n'étant pas identifiée pas plus que le préjudice et encore moins la somme réclamée ; qu'il semblerait qu'il s'agisse d'une somme que Mme [P] n'aurait pas payée à la Sci [Adresse 22], qui n'est pas partie à l'instance.

Elle ajoute que s'agissant de la somme de 21.900 euros, c'est la Sci Forêt royale qui a été condamnée à la verser à Mme [P] par une décision du tribunal de grande instance de Toulouse du 16 octobre 2012 confirmée par un arrêt du 15 avril 2014 ; que la condamnation de la Sci Forêt royale est la conséquence de ce que M. [M] avait débité le compte courant d'associée de Mme [P], mettant la Sci Forêt royale dans l'impossibilité de la rembourser à son associée ; que M. [M] demande la condamnation de Mme [P] pour le préjudice qu'il subit du fait de ces décisions ; que cette demande indemnitaire est privée de fondement.

Lors de l'assemblée générale de la Sci Forêt royale du 16 mars 2012, la question 8 de Mme [P] était la suivante :

'Solde vente local commercial. Pourquoi n'ai-je pas perçu le solde me revenant suite à la vente du local à la banque populaire en 2006 soit 21.900 euros ''

La réponse apportée était la suivante : 'M. [M] a réalisé une promotion immobilière et a vendu un appartement n°18 à Mme [P]. M. [M] a également acquitté les droits d'enregistrements que Mme [M] n'a jamais payé cf justifs, pour M. [M] cela correspond à sa demande de 21.900 euros non payés à l'époque. La somme avait été retenue d'un commun accord pour régulariser le paiement de son appartement n°18 pour un montant global converti en euros tous frais inclus à 22.280,30 euros. Mme [P] est encore débitrice de 380,30 euros à ce jour.

- Mme [P] découvre cette situation

- M. [M] le conteste.'

Par un arrêt du 15 avril 2014, la cour d'appel de Toulouse a confirmé le jugement du 16 octobre 2012 du tribunal de grande instance de Toulouse ayant condamné la Sci Forêt royale à verser la somme de 21.900 euros à [V] [P] au titre de la vente du local commercial en 2006.

Compte tenu du fait que l'action en résolution de la vente du lot n°18 d'un immeuble situé [Adresse 8], consentie par la Sci [Adresse 22] le 30 juin 1988 à Mme [P], pour non paiement du prix, a été déclarée irrecevable, M. [M] ne peut pas soutenir que c'est en raison du défaut de paiement du prix de vente de cet appartement par Mme [P] que la Sci Forêt royale a dû retenir la somme de 21.900 euros devant revenir à Mme [P].

En conséquence, M. [M] et de la Sci Miami seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers subis par la SCI Forêt royale, dont la cour d'appel de Bordeaux s'est dessaisie au profit de la cour d'appel de Toulouse par arrêt du 11 octobre 2022, faisant suite à un jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 13 octobre 2016.

Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [P] pour procédure abusive :

Mme [P] doit démontrer, sur le fondement de l'article 1382 devenu article 1240 du code civil, l'existence d'une faute, quelle que soit sa gravité, ayant fait dégénérer en abus le droit d'agir en justice.

L'intention de nuire de M. [M] est démontrée, car par le biais de son action, il tente en réalité de remettre en cause la convention de divorce, qui indiquait que chaque époux conservait la propriété de ses biens, le lot n°18 de l'immeuble situé [Adresse 10] étant cité au nombre des biens de Mme [P], et qui stipulait que les époux n'avaient aucune créance l'un contre l'autre.

Le préjudice moral subi par Mme [P] peut être évalué à la somme de 3.000 euros.

Infirmant le jugement dont appel, M. [M] sera condamné à payer à Mme [P] la somme de 3. 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

Sur la demande de dommages et intérêts de la Selarl [F] [N] en qualité de mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22] contre Mme [P] pour résistance abusive :

Complétant le jugement dont appel, la demande de dommages et intérêts de la Selarl [F] [N], prise en la personne de Me [F] [N], en qualité de mandataire ad hoc de la Sci Résidence Atlantide, contre Mme [P] pour résistance abusive sera rejetée.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement dont appel sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [M], partie perdante, sera condamné aux dépens d'appel.

Il sera condamné à payer à Mme [P] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

Il sera débouté de sa demande sur le même fondement.

La Scp [T] - Baron - Fourquie, prise en la personne de Me [T], en qualité de liquidateur amiable de la Sci Forêt royale, et la Sci Miami seront déboutées de leurs demandes sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 23 septembre 2021, sauf en ce qu'il a :

- rejeté l'ensemble des demandes subséquentes à la résolution de la vente ;

- rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour préjudice moral formée par Mme [V] [P] ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, complétant le jugement et y ajoutant,

Déclare sans objet les demandes subséquentes à la résolution de la vente ;

Déboute M. [H] [M] et la Sci Miami de leur demande de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers subis par la SCI Forêt royale, dont la cour d'appel de Bordeaux s'est dessaisie au profit de la cour d'appel de Toulouse par arrêt du 11 octobre 2022, faisant suite à un jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 13 octobre 2016 ;

Condamne M. [H] [M] à payer à Mme [V] [P] la somme de 3. 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

Rejette la demande de dommages et intérêts de la Selarl [F] [N], prise en la personne de Me [F] [N], en qualité de mandataire ad hoc de la Sci [Adresse 22], contre Mme [P] pour résistance abusive ;

Condamne M. [M] aux dépens d'appel ;

Le condamne à payer à Mme [P] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens;

Le déboute de sa demande sur le même fondement ;

Déboute la Scp [T] - Baron - Fourquie, prise en la personne de Me [R] [T], en qualité de liquidateur amiable de la Sci Forêt royale, et la Sci Miami de leurs demandes sur le même fondement.

La greffière Le président

M. POZZOBON M. DEFIX

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