CA Aix-en-Provence, ch. 4-6, 4 avril 2025, n° 21/06549
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 04 AVRIL 2025
N° 2025/86
Rôle N° RG 21/06549 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHMBQ
[I] [V] épouse [S]
[D] [S]
C/
[H] [U] [X]
[Y] [G]
Copie exécutoire délivrée
le :04/04/2025
à :
Me Marion MENABE de la SELARL MENABE-AMILL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Me Pierre GUASTALLA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
M. [Y] [G]
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS en date du 13 Avril 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00291.
APPELANTS
Madame [I] [V] épouse [S], demeurant [Adresse 11]
représentée par Me Marion MENABE de la SELARL MENABE-AMILL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Monsieur [D] [S], demeurant [Adresse 11]
représenté par Me Marion MENABE de la SELARL MENABE-AMILL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMES
Madame [H] [U] [X] En sa qualité d'héritière de Madame [B] [R] veuve [F] décédée le 8 août 2021 à [Localité 8], demeurant [Adresse 4]
ayant constitué Me Pierre GUASTALLA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat postulant présent à l'audience et ayant pour avocat plaidant,Me Virginie LISFRANC-GALESNE, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [Y] [G] en sa qualité d'héritier de Madame [B] [R] veuve [F] décédée le 8 août 2021 à [Localité 8], demeurant [Adresse 2]
Défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été appelée le 04 Février 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller
Madame Raphaelle BOVE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Avril 2025.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Avril 2025
Signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre et Madame Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
[1] Mme [B] [R] veuve [F], née le 24 février 1922, a embauché Mme'[I] [V] épouse [S] suivant contrat de travail à durée indéterminée du 3'octobre'1998, à effet au 1er octobre 1998, en qualité d'employée de maison puis, le 1er juillet 1999, M. [D] [S], en qualité de jardinier, suivant contrat de travail à durée indéterminée, le tout pour travailler au sein de sa propriété de [Localité 10] où elle résidait du printemps à l'automne et où le couple salarié était logé.
[2] Mme [B] [R] veuve [F] et M. [Y] [G], né le 8 juin 1939, se sont liés par un PACS le 23 septembre 2013. Suivant ordonnance du 27 juin 2019, le juge des tutelles de [Localité 6] a habilité Mme'[H] [X] à représenter de manière générale sa mère, Mme [B] [R] veuve [F], pour l'ensemble des actes relatifs aux biens ainsi que pour l'ensemble des actes relatifs à la personne pendant une durée de 10'ans.
[3] Le 7 août 2019, Mme [H] [X] écrivait à la salariée en ces termes':
«'En septembre 2018, lorsque vous avez demandé à M. [G] si votre fils [A] [O] pouvait occuper pendant trois ans gratuitement le petit appartement du [Adresse 3], vous aviez déjà commencé à l'installer, sans rien demander à personne. M. [G] vous a alors répondu que vous deviez me le demander à moi, car ma mère m'a donné il y a longtemps ces petits appartements, lui n'ayant aucune autorité pour vous répondre, étant pacsé sous le régime de la séparation des biens. Vous m'avez alors enfin posé la question. Je vous ai répondu non très clairement, que ces petits appartements qui venaient d'être refaits à neuf, étaient destinés à être vendus et que je voulais les conserver en excellent état pour ce faire. Vous vous êtes alors arrangée avec votre amie [C] [M], une garde-malade de ma mère qui venait à l'occasion se reposer dans le studio du [Adresse 1] et vous y avez installé votre fils sans rien me dire. Ce n'est que fin mai, que j'ai appris par hasard, qu'il occupait ce studio depuis la rentrée 2018 et qu'il était souvent vu avec une fille. En résumé, non seulement votre fils occupe le studio du 39 sans droit ni titre, sans rien payer, même pas EDF, ni les charges, mais aussi, je viens de constater dans les factures de ma mère, que vous avez fait installer CANAL+, internet et une box, tout cela à la charge de ma mère, car vous avez fait un système de prélèvements mensuels en utilisant les coordonnées bancaires de ma mère. Tout cela de votre propre chef, ma mère étant dans l'incapacité d'autoriser quoi que ce soit, c'est pourquoi j'ai demandé et obtenu une habilitation familiale pour gérer ses affaires. Tout ceci est très grave. Je vous demande donc instamment de libérer ce studio du [Adresse 1] à [Localité 7] dans les plus brefs délais et s'il y a des dégradations, je les ferai constater par un état des lieux. Tout était neuf, même le mobilier, le linge de maison et les équipements sanitaires. Je vous demanderai aussi de rembourser le prix des abonnements que vous avec indûment pris au nom de ma mère, et qu'elle règle chaque mois sans le savoir depuis la rentrée 2018. (en plus elle a presque totalement perdu la vue).'»
[4] La salariée répondait ainsi le 23 août 2019':
«'En main votre courrier du 7 août 2019 au terme duquel vous indiquez que notre fils [T] [O] occuperait sans droit ni titre un studio situé [Adresse 1] à [Localité 9]. Je tiens à préciser par écrit ce que je vous ai déjà indiqué à plusieurs reprises. [T] a eu son bac en juin'2018 et Mme [F] votre mère qui a toujours considéré [T] comme une sorte de «'petit-fils'» lui avait promis qu'il pourrait occuper le studio parisien pour ses études. Dans ces circonstances, Mme votre mère a proposé à [T] d'occuper le studio lorsqu'il devait débuter ses études d'ingénieur du son à l'école SAE d'[Localité 5]. Ce n'est que suite aux sollicitations de votre mère et parce qu'elle y tenait que nous avons accepté l'emménagement de [T]. Vous indiquez que les charges courantes liées à l'appartement sont débitées sur le compte de votre mère et que nous aurions falsifiés les documents. J'attire votre attention sur le fait que les prélèvements sont en cours depuis 2017 et qu'ils ont été mis en place par la demande de Mme et M. [G], quand mon amie [C] [M] occupait le studio. Votre mère n'a pas désiré changer la manière de procéder et nous n'avons rien mis en place. Les propos que vous tenez à notre encontre sont parfaitement mensongers et vous le savez. Je vous informe par la présente que [T] [O] quittera l'appartement en dépit de la volonté exprimée pendant des années par votre mère et ce dès le mois de septembre 2019. Ensuite, je vous rappelle que le salaire de mon époux est depuis sept ans de 2'566,50'' nets de même que le mien. Pour preuve les règlements par chèque effectués de manière trimestrielle pendant ces sept années qui correspondent à nos salaires. Nous avons sollicité à plusieurs reprises la mise en adéquation de nos fiches de paies et du salaire réel mais pour des raisons propres à votre mère qui ne souhaitait pas payer plus de charges nous n'avons vu nos fiches de payes modifiées. Cela nous pose un réel préjudice concernant notre retraite, mais nous avions peur de perdre notre emploi. Ceci étant précisé, le salaire est un élément essentiel du contrat et seul fait foi les règlements par chèques correspondants à nos payes. Vous ne pouvez modifier notre salaire sans notre accord. Or, le salaire du mois de juillet n'a toujours pas été payé en raison d'un rejet à la banque. Nous restons dans l'attente du paiement de nos salaires. Ensuite, vous nous avez adressé des chèques d'environ 1'200'' ce qui est parfaitement illégal. Nous refusons la modification de notre contrat de travail en diminution de notre salaire. Dans ces circonstances, si nos payes ne sont pas régularisées sous huit jours, nous contacterons l'inspection du travail et envisagerons une saisine du conseil de prud'hommes en référé. Je note de surcroît que vous n'avez agi de la sorte qu'avec nous depuis la désignation au titre de l'habilitation familiale puisque les infirmières ont vu leur salaire régularisé à la hausse ainsi que le salarié parisien.'»
[5] Sollicitant la résiliation judiciaire de leur contrat de travail, Mme [I] [V] épouse [S] et M. [D] [S] ont saisi les 30 octobre 2019 et 4 novembre 2019 le conseil de prud'hommes de Fréjus, section activités diverses, lequel, par jugement rendu le 13 avril 2021, a':
ordonné la jonction du dossier RG n° 19/192 avec le dossier RG n° 19/291';
débouté Mme [I] [V] épouse [S] de l'intégralité de ses demandes';
débouté M. [D] [S] de l'intégralité de ses demandes';
débouté Mme [H] [X], représentante de Mme [B] [F], de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles';
condamné Mme [I] [V] épouse [S] et M. [D] [S] aux entiers dépens.
[6] Cette décision a été notifiée le 22 avril 2021 à Mme [I] [V] épouse [S] et à M.'[D] [S] qui en ont interjeté appel suivant déclaration du 30 avril 2021. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 10 janvier 2025.
[7] Le 12 juillet 2021, Mme [I] [V] épouse [S] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur par lettre ainsi rédigée':
«'Je vous informe par la présente de ma volonté de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail sans délai. Je vous rappelle que je ne suis pas payée de l'intégralité de mon salaire depuis le 1er juillet 2019, que je n'ai pas été déclaré(e) auprès des organismes sociaux tout au long de mon contrat de travail, et subis ainsi les conséquences de travail dissimulé depuis le début de mes fonctions, En outre, depuis que je suis sous votre subordination, mes conditions de travail sont extrêmement difficiles, compte tenu du conflit qui nous oppose, et j'ai bien compris que vous faites tout ce qui est en votre pouvoir afin que je parte, sans me prévenir notamment que vous avez souhaité mettre la maison en location et vous permettez de donner mon numéro de portable aux agences qui me contactent afin d'effectuer des visites alors même que je ne suis pas prévenue. Il m'est de plus en plus difficile d'obtenir des instructions précises de votre part concernant ma prestation de travail. Ces manquements graves que vous avez commis ne me permettent plus de poursuivre mon contrat.'»
[8] Par lettre du même 12 juillet 2021, M. [D] [S] prenait acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur en ces termes':
«'Je vous informe par la présente de ma volonté de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail sans délai. Je vous rappelle que je ne suis pas payé de l'intégralité de mon salaire depuis le 1er juillet 2019, que je n'ai pas été déclaré(e) auprès des organismes sociaux tout au long de mon contrat de travail, et subis ainsi les conséquences de travail dissimulé depuis le début de mes fonctions. En outre, depuis cette date, et donc depuis que je suis sous vos directives, il m'est devenu impossible d'accomplir sereinement ma prestation de travail. En effet, vous ne me donnez pas les moyens financiers afin de pouvoir faire l'acquisition des produits nécessaires à l'entretien du domaine. En outre, vous n'hésitez pas à m'interdire d'utiliser le Karcher afin de nettoyer l'intégralité des terrasses de la propriété, me contraignant ainsi à le faire à la main. De même, vous ne souhaitez pas que j'utilise des produits désherbants sur les jardins, et m'indiquez procéder à un désherbage manuel, ce qui est un travail colossal, et qui n'a jamais été le mien pendant toutes ces années de travail auprès de votre mère. Manifestement, vous cherchez par tous les moyens à me faire partir de mon emploi. Ces manquements graves qui vous avez commis ne me permettent plus de poursuivre mon contrat.'»
[9] Mme [B] [R] veuve [F] est décédée le 8 août 2021 laissant pour lui succéder sa fille unique issue d'une première union, Mme [H] [X], et M. [Y] [G], son compagnon, légataire universel de la quotité disponible.
[10] Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 13 mai 2022 aux termes desquelles Mme [I] [V] épouse [S] et M. [D] [S] demandent à la cour de':
infirmer en tous points le jugement entrepris en ce qu'il a':
débouté Mme de l'intégralité de ses demandes [']';
débouté M. de l'intégralité de ses demandes [']';
condamné Mme et M. aux entiers dépens';
dire que la rémunération totale mensuelle de':
Mme s'élève à la somme de 2'566,50'' nets';
M. s'élève à la somme de 2'566,50'' nets';
dire que l'employeur n'a pas payé l'intégralité des salaires dus à Mme et M. depuis le 1er'juillet 2019';
dire que l'employeur n'a pas déclaré les salariés auprès des organismes sociaux, et ce tout au long de la relation de travail';
dire que l'employeur a commis ainsi des actes de travail dissimulé';
dire que l'employeur ne leur permet pas d'exécuter leur contrat de travail';
dire que ces manquements graves commis par l'employeur légitiment les prises d'acte de la rupture des contrats de travail notifiées le 19 juillet 2021';
dire que la prise d'acte de Mme s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse';
dire que la prise d'acte de M. s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse';
dire qu'ils n'ont pas été payés de leur solde de tout compte, à savoir la somme de 2'896,79'' nets pour Mme et la somme de 2'625,63'' nets pour M.';
condamner solidairement et in solidum Mme [H] [X] et M. [Y] [G], en leur qualité d'héritiers de Mme [B] [F], à payer à Mme les sommes suivantes':
rappel de salaires depuis le 1er juillet 2019 jusqu'au 30 novembre 2020 soit 1'281,83'' nets x 24'mois et 19'jours'= 31'575,22'' nets';
congés payés afférents': 3'157,52''';
rappel de salaire correspondant à son solde de tout compte d'un montant de 2'896,79'''nets';
dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail suite à la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur': 53'312''';
indemnité conventionnelle de licenciement pour 22'ans d'ancienneté et 9,5'mois, soit la somme de 22'528,75'', (pendant les 10 premières années': ¿ de mois de salaire par année d'ancienneté, soit 8'330'', et à partir de la 11e année jusqu'à la 22e année d'ancienneté, 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté, soit 1'110'''x'12 = 13'320'' et 9,5'mois durant la 22e année prorata 878,75'', soit au total la somme de 22'528,75'')';
indemnité compensatrice de préavis': 6'664''';
congés payés afférents au préavis': 666,40''';
indemnité compensatrice de congés payés': à parfaire';
indemnité forfaitaire pour travail dissimulé': 19'992''';
dommages et intérêts pour préjudice moral subi du fait du défaut de paiement des cotisations par l'employeur': 100'000''';
condamner solidairement et in solidum Mme [H] [X] et M. [Y] [G], en leur qualité d'héritiers de Mme [B] [F], à payer à M. les sommes suivantes':
rappel de salaires depuis le 1er juillet 2019 jusqu'au 19 juillet 2021 = 1'374,22'' x'24'mois et 19'jours': 33'851,62'' nets';
congés payés afférents': 3'385,16''';
rappel de salaire correspondant à son solde de tout compte d'un montant de 2'896,79'''nets';
dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail suite à la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur': 53'312''';
indemnité conventionnelle de licenciement pour 22'ans et 19'jours d'ancienneté, soit la somme de 21'708,58'', (pendant les 10 premières années': ¿ de mois de salaire par année d'ancienneté, soit 8'330'', et à partir de la 11e année jusqu'à la 22e année d'ancienneté, 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté, soit 1'110'' x 12 = 13'320'' et 19'jours durant la 22e année prorata 58,58'', soit au total la somme de 21'708,58'')';
indemnité compensatrice de préavis': 6'664''';
congés payés afférents au préavis': 666,40''';
indemnité compensatrice de congés payés': à parfaire';
indemnité forfaitaire pour travail dissimulé': 19'992''';
dommages et intérêts pour préjudice moral subi du fait du défaut de paiement des cotisations par l'employeur': 100'000''';
dire que les sommes mentionnées ci-dessus seront majorées des intérêts au taux légal à compter de la présente requête';
condamner solidairement et in solidum Mme [H] [X] et M. [Y] [G], en leur qualité d'héritiers de Mme [B] [F], à procéder à la rectification de l'intégralité des bulletins de salaire, et ce depuis le 1er octobre 1998, avec la régularisation du paiement de cotisations y afférant, et ce sous astreinte de 100'' par jour de retard, à compter de l'arrêt';
condamner solidairement et in solidum Mme [H] [X] et M. [Y] [G], en leur qualité d'héritiers de Mme [B] [F], à leur payer la somme de 5'000'' au titre des frais irrépétibles';
dire dans l'hypothèse où à défaut de règlement des condamnations prononcées par l'arrêt, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n°'96/1080 (tarif huissier) devront être supportées par le débiteur en sus de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
[11] Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 9 décembre 2024 aux termes desquelles Mme [H] [X] demande à la cour de':
sur les salaires,
débouter les salariés de leur demande au titre du solde de tout compte tenant le paiement effectué directement par le notaire en janvier 2022';
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les salariés de leur demande en fixation du salaire';
débouter les salariés de leur demande de rappel de salaire et congés payés y afférents depuis juillet 2019';
débouter les salariés de leur demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé';
débouter les salariés de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi du fait du non-paiement des cotisations retraite';
débouter les salariés de leur demande de rectification des bulletins de paie et à titre subsidiaire dire que la rectification des bulletins de paie doit être faite à compter du 1er'janvier 2016 et peut faire l'objet d'un seul bulletin de paie';
sur la rupture,
dire que la rupture s'analyse en une démission';
débouter les salariés de leurs demandes d'indemnités de rupture'et à titre subsidiaire, limiter à 3'mois de salaire le montant des dommages et intérêts pour rupture abusive';
condamner les salariés à lui payer la somme de 5'000'' au titre des frais irrépétibles.
[12] M. [Y] [G], bien que régulièrement intimé, n'a pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur les demandes de rappel de salaire
[13] La salariée sollicite un rappel de salaire du 1er juillet 2019 au 30 novembre 2020 d'un montant de 31'575,22'' nets, soit 1'281,83'' nets x 24'mois et 19'jours, outre la somme de 3'157,52'' au titre des congés payés y afférents. Le salarié réclame quant à lui un rappel de salaire du 1er juillet 2019 au 19 juillet 2021 d'un montant de 33'851,62'' nets, soit 1'374,22'' x 24'mois et 19'jours, outre la somme de 3'385,16'' au titre des congés payés y afférents. Ils soutiennent qu'ils étaient tous deux rémunérés par chèque à hauteur de 2'566,50'' nets par mois, bien au-delà de la somme mentionnée sur leurs bulletins de salaire mais que depuis le 1er juillet, Mme [H] [X] ne les a plus rémunérés qu'à hauteur de 1'284,67'' nets pour Mme et de 1'192,28'' pour M. Ils produisent leurs relevés bancaires des années 2017, 2018 et 2019 ainsi qu'une attestation de M.'[Y] [G] ainsi rédigée le 28 octobre 2019':
«'Je soussigné M. [Y] [G] atteste par la présente être le compagnon de Mme'[F] depuis environ 30'ans. M. et Mme [S] ont été engagés par Mme [F] depuis 1998, étant constamment présent aux côtés de Mme [F] depuis toutes ces années, je confirme que depuis 1998, une partie de leur salaire était réglée en espèces, et une partie déclarée. Ces dernières années, ce complément de salaire non-déclaré correspondait environ à la moitié du salaire total pour chacun'; ils percevaient donc une somme totale d'environ 5'130'' par mois, dont la moitié n'était pas déclarée. Ce complément était réglé par Mme [F] et moi-même par chèque à M. et Mme [S] et correspondait à environ 2'560'' par mois, par salarié.'»
Ils produisent encore une deuxième attestation de M. [Y] [G] en italien du 12'mai 2022 avec une traduction libre en français en ces termes':
«'J'atteste et confirme que M. et Mme [S] ont perçu le salaire de 2'566,50'' chacun. Je sais qu'ils perçoivent la moitié de leur salaire selon leur bulletin de paie et le reste est payé en espèces les premières années puis en chèques dans les dernières années. C'était moi, Mme [F] et [L] [W] et parfois nous demandions à Mme [S] de remplir les chèques et vérifiés par Mme [F] et moi avant de leur remettre leurs chèques. J'ai proposé et ils ont accepté que de juin à septembre 2020, j'ai payé ses compliments.'»
[14] Mme [H] [X] répond que la santé de sa mère s'était détériorée, que depuis 1996, sa vue se dégradait progressivement (cataracte) et qu'elle avait perdu l'usage de l''il gauche en 2010, qu'elle ne voyait donc quasiment plus et qu'en juillet 2013, une tumeur cancéreuse a été diagnostiquée qui avait entraîné de nombreuses hospitalisations ainsi qu'un traitement lourd, chimiothérapie, radiothérapie, infiltrations dorsales, et morphine altérant le jugement et la mémoire, le dernier compte-rendu d'hospitalisation de décembre 2016 mentionnant altération de l'état général et anorexie. Ils produisent trois certificats médicaux de son médecin traitant, le Dr [K], indiquant que son état de santé la mettait «'en position difficile pour juger des affaires de la vie courante'» (mars 2017), «'ne lui permettait pas de lire ni de juger des affaires de la vie courante'» (novembre 2018), et «'nécessite une habilitation judiciaire, car elle est incapable de pourvoir seule à ses intérêts'» (janvier 2019). Elle reproche à M. [Y] [G] d'avoir fait en sorte de l'écarter de sa mère et indique qu'elle n'avait pas les clés de l'appartement, qu'elle n'avait pas accès aux papiers et qu'elle ne pouvait voir sa mère qu'en présence d'un tiers. Elle conteste l'attestation de M.'[Y] [G] du 28 octobre 2019 au motif qu'elle est rédigée en français alors que l'intéressait parlerait très mal notre langue et elle produit une seconde attestation du même datée du 10 février 2020 et traduite ainsi par traducteur assermenté':
«'Mme [S] m'a demandé de lui faire une attestation au sujet du montant de leurs salaires. Comme elle a toujours été gentille avec moi, j'ai accepté, mais je ne savais pas qu'elle voulait s'en servir pour aller au tribunal ni qu'elle demanderait autant d'argent. Mme [F] allait de plus en plus mal et au fil du temps elle perdait la vue et elle ne pouvait plus remplir les chèques, puis en 2013, elle a appris qu'elle avait un cancer et nombreuses hospitalisations et soins avec morphine. Puis elle a perdu l''il gauche. Elle a continué à être de moins en moins consciente de ce qui se passait autour d'elle. J'ai fait de mon mieux, mais je ne m'occupais pas vraiment de l'administratif ni des comptes, on ne m'a pas donné de factures, car je ne comprends pas le français écrit. Mme'[S] me disait oralement ou à l'aide de petits papiers avec ses chiffres, ce qu'on lui devait et je signais, pour la nourriture et les petits dépenses, je lui donnais des espèces et des chèques. Je n'étais pas au courant de tous les abonnements pris.'»
[15] La cour retient que la salariée rédigeait la majorité des chèques au moyen desquels son mari et elle étaient rémunérés, que tant Mme [F] que son compagnon n'assuraient aucun contrôle effectif des dépenses qu'ils engageaient ainsi et qui ne correspondaient ni à une prestation de travail particulière, étant relevé que la maison était inoccupée durant l'hiver, ni à une rémunération fixe, mois par mois, mais à des gratifications erratiques à partir desquelles les salariés calculent une moyenne au soutien de leurs demandes. Ainsi, il n'apparaît pas que Mme [F] ait augmenté les salariés par un usage constant mais uniquement qu'elle les a gratifiés de façon irrégulière, étant relevé qu'aucune demande de remboursement n'est formée par les héritiers de l'employeur qui n'ont ni demandé l'annulation de ces paiements ni déposé plainte pour abus de faiblesse ou extorsion. En conséquence, les salariés seront déboutés de leurs demandes de rappel de salaire.
2/ Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de paiement des cotisations
[16] Les salariés sollicitent la somme de 100'000'' chacun à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait du défaut de paiement des cotisations sociales par l'employeur, Mme produit une estimation de retraite faisant état d'un différentiel de 324'' et M. d'un différentiel de 580''. Mais la cour relève que les simulations produites ne précisent nullement les moyennes des salaires bruts pendant les 25 années les plus avantageuses et que les salariés ne chiffrent pas plus le montant des gratifications qu'ils auraient perçues avant 2017. Ainsi, leur préjudice ne concerne que la non-déclaration des gratifications accordées de 2017 au 1er'juillet'2019, soit durant 2'ans et demi, qui n'ont pu affecter que modérément la moyenne de leurs 25 années de cotisations les plus avantageuses. En conséquence, il sera alloué à chacun d'eux la somme de 10'000'' à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des cotisations sociales.
3/ Sur le travail dissimulé
[17] Au vu des éléments relevés précédemment, il n'apparaît pas que Mme [F] ait intentionnellement dissimulée partie de l'emploi des salariés au vu de l'affaiblissement de son état de santé. Dès lors, ces derniers seront déboutés de leur demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
4/ Sur les prises d'acte
[18] Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission, il en est ainsi même si, préalablement à la prise d'acte, le salarié avait engagé une action en résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur. S'il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte.
[19] En l'espèce, les salariés se plaignent à juste raison de l'absence de déclaration des gratifications qui leur étaient servies en sus de leurs salaires. Leur préjudice a été évalué à la somme de 10'000'' de ce chef pour chacun. Par contre, ils ont été déboutés de leurs demandes de rappel de salaire ainsi que d'indemnité pour travail dissimulé. Les demandes de Mme [X] concernant les visites de la maison n'apparaissent pas excéder les tâches confiées à la salariée ni l'entretien des terrasses et le désherbage les missions contractuelles du salarié ni être vexatoires. Le salarié ne rapporte pas plus la preuve d'avoir été empêché de réaliser son travail en raison d'un défaut de fourniture de matériel ou de consommable et la salariée ne justifie pas avoir manqué de consigne pour réaliser le sien. En conséquence, le seul manquement établi à l'encontre de l'employeur tient à un défaut de déclaration aux organismes sociaux de gratifications sans aucune contestation du procédé par les salariés et ce malgré la faiblesse de leur employeur. Au vu de ces éléments, le manquement de l'employeur, qui avait cessé depuis le 1er juillet 2019, n'apparaît pas d'une gravité suffisante pour justifier la rupture de la relation contractuelle et les prises d'acte de la rupture du contrat de travail doivent en conséquence s'analyser en des démissions. Les salariés seront dès lors déboutés de leurs demandes relatives aux indemnités conventionnelles de licenciement, aux indemnités compensatrices de préavis et aux congés payés y afférents ainsi qu'aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
8/ Sur les indemnités compensatrices de congés payés
[20] Les salariés sollicitent des indemnités compensatrices de congés payés qu'ils ne chiffrent pas se contentant de mentionner «'à parfaire'». Cette demande n'est précisée ni en jour de congé ni en argent. Il n'y sera dès lors pas fait droit.
9/ Sur la demande de rappel de solde de tout compte
[21] Les deux salariés sollicitent chacun la somme de 2'896,79'' nets correspondant à un rappel de solde de tout compte. Mais Mme [X] justifie que ces sommes ont été versées directement par le notaire dans le cadre de la succession. En conséquence, les salariés seront déboutés de ce chef de demande.
10/ Sur les autres demandes
[22] Les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
[23] En l'absence de précision chiffrée mois par mois concernant les gratifications non-déclarées depuis le 1er octobre 1998, il n'y a pas lieu de condamner Mme [H] [X] et M.'[Y] [G], à procéder à la rectification de l'intégralité des bulletins de salaire, et ce depuis le 1er'octobre 1998, avec la régularisation du paiement de cotisations y afférant, le préjudice des salariés ayant déjà été réparé de ce chef.
[24] Il convient d'allouer aux salariés la somme de 2'000'' chacun au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les intimés supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel.
[25] Le droit proportionnel de l'article R. 444-55 du code de commerce (ex-article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996) n'est pas dû dans les cas énumérés par le 3° de l'article R.'444-53, soit une créance alimentaire ou née de l'exécution d'un contrat de travail. En conséquence, les salariés seront déboutés de leur demande sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a':
ordonné la jonction du dossier RG n° 19/192 avec le dossier RG n° 19/291';
débouté Mme [H] [X], représentante de Mme [B] [F], de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles.
L'infirme pour le surplus.
Statuant à nouveau,
Dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme [I] [V] épouse [S] produit les effets d'une démission.
Dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [D] [S] produit les effets d'une démission.
Condamne in solidum Mme [H] [X] et M. [Y] [G] à payer Mme [I] [V] épouse [S] les sommes suivantes':
10'000'' à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des cotisations sociales';
''2'000'' au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Condamne in solidum Mme [H] [X] et M. [Y] [G] à payer à M.'[D] [S] les sommes suivantes':
10'000'' à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des cotisations sociales';
''2'000'' au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Dit que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Déboute Mme [I] [V] épouse [S] de ses autres demandes.
Déboute M. [D] [S] de ses autres demandes.
Condamne in solidum Mme [H] [X] et M. [Y] [G] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 04 AVRIL 2025
N° 2025/86
Rôle N° RG 21/06549 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHMBQ
[I] [V] épouse [S]
[D] [S]
C/
[H] [U] [X]
[Y] [G]
Copie exécutoire délivrée
le :04/04/2025
à :
Me Marion MENABE de la SELARL MENABE-AMILL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Me Pierre GUASTALLA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
M. [Y] [G]
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS en date du 13 Avril 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00291.
APPELANTS
Madame [I] [V] épouse [S], demeurant [Adresse 11]
représentée par Me Marion MENABE de la SELARL MENABE-AMILL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Monsieur [D] [S], demeurant [Adresse 11]
représenté par Me Marion MENABE de la SELARL MENABE-AMILL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMES
Madame [H] [U] [X] En sa qualité d'héritière de Madame [B] [R] veuve [F] décédée le 8 août 2021 à [Localité 8], demeurant [Adresse 4]
ayant constitué Me Pierre GUASTALLA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat postulant présent à l'audience et ayant pour avocat plaidant,Me Virginie LISFRANC-GALESNE, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [Y] [G] en sa qualité d'héritier de Madame [B] [R] veuve [F] décédée le 8 août 2021 à [Localité 8], demeurant [Adresse 2]
Défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été appelée le 04 Février 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller
Madame Raphaelle BOVE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Avril 2025.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Avril 2025
Signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre et Madame Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
[1] Mme [B] [R] veuve [F], née le 24 février 1922, a embauché Mme'[I] [V] épouse [S] suivant contrat de travail à durée indéterminée du 3'octobre'1998, à effet au 1er octobre 1998, en qualité d'employée de maison puis, le 1er juillet 1999, M. [D] [S], en qualité de jardinier, suivant contrat de travail à durée indéterminée, le tout pour travailler au sein de sa propriété de [Localité 10] où elle résidait du printemps à l'automne et où le couple salarié était logé.
[2] Mme [B] [R] veuve [F] et M. [Y] [G], né le 8 juin 1939, se sont liés par un PACS le 23 septembre 2013. Suivant ordonnance du 27 juin 2019, le juge des tutelles de [Localité 6] a habilité Mme'[H] [X] à représenter de manière générale sa mère, Mme [B] [R] veuve [F], pour l'ensemble des actes relatifs aux biens ainsi que pour l'ensemble des actes relatifs à la personne pendant une durée de 10'ans.
[3] Le 7 août 2019, Mme [H] [X] écrivait à la salariée en ces termes':
«'En septembre 2018, lorsque vous avez demandé à M. [G] si votre fils [A] [O] pouvait occuper pendant trois ans gratuitement le petit appartement du [Adresse 3], vous aviez déjà commencé à l'installer, sans rien demander à personne. M. [G] vous a alors répondu que vous deviez me le demander à moi, car ma mère m'a donné il y a longtemps ces petits appartements, lui n'ayant aucune autorité pour vous répondre, étant pacsé sous le régime de la séparation des biens. Vous m'avez alors enfin posé la question. Je vous ai répondu non très clairement, que ces petits appartements qui venaient d'être refaits à neuf, étaient destinés à être vendus et que je voulais les conserver en excellent état pour ce faire. Vous vous êtes alors arrangée avec votre amie [C] [M], une garde-malade de ma mère qui venait à l'occasion se reposer dans le studio du [Adresse 1] et vous y avez installé votre fils sans rien me dire. Ce n'est que fin mai, que j'ai appris par hasard, qu'il occupait ce studio depuis la rentrée 2018 et qu'il était souvent vu avec une fille. En résumé, non seulement votre fils occupe le studio du 39 sans droit ni titre, sans rien payer, même pas EDF, ni les charges, mais aussi, je viens de constater dans les factures de ma mère, que vous avez fait installer CANAL+, internet et une box, tout cela à la charge de ma mère, car vous avez fait un système de prélèvements mensuels en utilisant les coordonnées bancaires de ma mère. Tout cela de votre propre chef, ma mère étant dans l'incapacité d'autoriser quoi que ce soit, c'est pourquoi j'ai demandé et obtenu une habilitation familiale pour gérer ses affaires. Tout ceci est très grave. Je vous demande donc instamment de libérer ce studio du [Adresse 1] à [Localité 7] dans les plus brefs délais et s'il y a des dégradations, je les ferai constater par un état des lieux. Tout était neuf, même le mobilier, le linge de maison et les équipements sanitaires. Je vous demanderai aussi de rembourser le prix des abonnements que vous avec indûment pris au nom de ma mère, et qu'elle règle chaque mois sans le savoir depuis la rentrée 2018. (en plus elle a presque totalement perdu la vue).'»
[4] La salariée répondait ainsi le 23 août 2019':
«'En main votre courrier du 7 août 2019 au terme duquel vous indiquez que notre fils [T] [O] occuperait sans droit ni titre un studio situé [Adresse 1] à [Localité 9]. Je tiens à préciser par écrit ce que je vous ai déjà indiqué à plusieurs reprises. [T] a eu son bac en juin'2018 et Mme [F] votre mère qui a toujours considéré [T] comme une sorte de «'petit-fils'» lui avait promis qu'il pourrait occuper le studio parisien pour ses études. Dans ces circonstances, Mme votre mère a proposé à [T] d'occuper le studio lorsqu'il devait débuter ses études d'ingénieur du son à l'école SAE d'[Localité 5]. Ce n'est que suite aux sollicitations de votre mère et parce qu'elle y tenait que nous avons accepté l'emménagement de [T]. Vous indiquez que les charges courantes liées à l'appartement sont débitées sur le compte de votre mère et que nous aurions falsifiés les documents. J'attire votre attention sur le fait que les prélèvements sont en cours depuis 2017 et qu'ils ont été mis en place par la demande de Mme et M. [G], quand mon amie [C] [M] occupait le studio. Votre mère n'a pas désiré changer la manière de procéder et nous n'avons rien mis en place. Les propos que vous tenez à notre encontre sont parfaitement mensongers et vous le savez. Je vous informe par la présente que [T] [O] quittera l'appartement en dépit de la volonté exprimée pendant des années par votre mère et ce dès le mois de septembre 2019. Ensuite, je vous rappelle que le salaire de mon époux est depuis sept ans de 2'566,50'' nets de même que le mien. Pour preuve les règlements par chèque effectués de manière trimestrielle pendant ces sept années qui correspondent à nos salaires. Nous avons sollicité à plusieurs reprises la mise en adéquation de nos fiches de paies et du salaire réel mais pour des raisons propres à votre mère qui ne souhaitait pas payer plus de charges nous n'avons vu nos fiches de payes modifiées. Cela nous pose un réel préjudice concernant notre retraite, mais nous avions peur de perdre notre emploi. Ceci étant précisé, le salaire est un élément essentiel du contrat et seul fait foi les règlements par chèques correspondants à nos payes. Vous ne pouvez modifier notre salaire sans notre accord. Or, le salaire du mois de juillet n'a toujours pas été payé en raison d'un rejet à la banque. Nous restons dans l'attente du paiement de nos salaires. Ensuite, vous nous avez adressé des chèques d'environ 1'200'' ce qui est parfaitement illégal. Nous refusons la modification de notre contrat de travail en diminution de notre salaire. Dans ces circonstances, si nos payes ne sont pas régularisées sous huit jours, nous contacterons l'inspection du travail et envisagerons une saisine du conseil de prud'hommes en référé. Je note de surcroît que vous n'avez agi de la sorte qu'avec nous depuis la désignation au titre de l'habilitation familiale puisque les infirmières ont vu leur salaire régularisé à la hausse ainsi que le salarié parisien.'»
[5] Sollicitant la résiliation judiciaire de leur contrat de travail, Mme [I] [V] épouse [S] et M. [D] [S] ont saisi les 30 octobre 2019 et 4 novembre 2019 le conseil de prud'hommes de Fréjus, section activités diverses, lequel, par jugement rendu le 13 avril 2021, a':
ordonné la jonction du dossier RG n° 19/192 avec le dossier RG n° 19/291';
débouté Mme [I] [V] épouse [S] de l'intégralité de ses demandes';
débouté M. [D] [S] de l'intégralité de ses demandes';
débouté Mme [H] [X], représentante de Mme [B] [F], de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles';
condamné Mme [I] [V] épouse [S] et M. [D] [S] aux entiers dépens.
[6] Cette décision a été notifiée le 22 avril 2021 à Mme [I] [V] épouse [S] et à M.'[D] [S] qui en ont interjeté appel suivant déclaration du 30 avril 2021. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 10 janvier 2025.
[7] Le 12 juillet 2021, Mme [I] [V] épouse [S] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur par lettre ainsi rédigée':
«'Je vous informe par la présente de ma volonté de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail sans délai. Je vous rappelle que je ne suis pas payée de l'intégralité de mon salaire depuis le 1er juillet 2019, que je n'ai pas été déclaré(e) auprès des organismes sociaux tout au long de mon contrat de travail, et subis ainsi les conséquences de travail dissimulé depuis le début de mes fonctions, En outre, depuis que je suis sous votre subordination, mes conditions de travail sont extrêmement difficiles, compte tenu du conflit qui nous oppose, et j'ai bien compris que vous faites tout ce qui est en votre pouvoir afin que je parte, sans me prévenir notamment que vous avez souhaité mettre la maison en location et vous permettez de donner mon numéro de portable aux agences qui me contactent afin d'effectuer des visites alors même que je ne suis pas prévenue. Il m'est de plus en plus difficile d'obtenir des instructions précises de votre part concernant ma prestation de travail. Ces manquements graves que vous avez commis ne me permettent plus de poursuivre mon contrat.'»
[8] Par lettre du même 12 juillet 2021, M. [D] [S] prenait acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur en ces termes':
«'Je vous informe par la présente de ma volonté de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail sans délai. Je vous rappelle que je ne suis pas payé de l'intégralité de mon salaire depuis le 1er juillet 2019, que je n'ai pas été déclaré(e) auprès des organismes sociaux tout au long de mon contrat de travail, et subis ainsi les conséquences de travail dissimulé depuis le début de mes fonctions. En outre, depuis cette date, et donc depuis que je suis sous vos directives, il m'est devenu impossible d'accomplir sereinement ma prestation de travail. En effet, vous ne me donnez pas les moyens financiers afin de pouvoir faire l'acquisition des produits nécessaires à l'entretien du domaine. En outre, vous n'hésitez pas à m'interdire d'utiliser le Karcher afin de nettoyer l'intégralité des terrasses de la propriété, me contraignant ainsi à le faire à la main. De même, vous ne souhaitez pas que j'utilise des produits désherbants sur les jardins, et m'indiquez procéder à un désherbage manuel, ce qui est un travail colossal, et qui n'a jamais été le mien pendant toutes ces années de travail auprès de votre mère. Manifestement, vous cherchez par tous les moyens à me faire partir de mon emploi. Ces manquements graves qui vous avez commis ne me permettent plus de poursuivre mon contrat.'»
[9] Mme [B] [R] veuve [F] est décédée le 8 août 2021 laissant pour lui succéder sa fille unique issue d'une première union, Mme [H] [X], et M. [Y] [G], son compagnon, légataire universel de la quotité disponible.
[10] Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 13 mai 2022 aux termes desquelles Mme [I] [V] épouse [S] et M. [D] [S] demandent à la cour de':
infirmer en tous points le jugement entrepris en ce qu'il a':
débouté Mme de l'intégralité de ses demandes [']';
débouté M. de l'intégralité de ses demandes [']';
condamné Mme et M. aux entiers dépens';
dire que la rémunération totale mensuelle de':
Mme s'élève à la somme de 2'566,50'' nets';
M. s'élève à la somme de 2'566,50'' nets';
dire que l'employeur n'a pas payé l'intégralité des salaires dus à Mme et M. depuis le 1er'juillet 2019';
dire que l'employeur n'a pas déclaré les salariés auprès des organismes sociaux, et ce tout au long de la relation de travail';
dire que l'employeur a commis ainsi des actes de travail dissimulé';
dire que l'employeur ne leur permet pas d'exécuter leur contrat de travail';
dire que ces manquements graves commis par l'employeur légitiment les prises d'acte de la rupture des contrats de travail notifiées le 19 juillet 2021';
dire que la prise d'acte de Mme s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse';
dire que la prise d'acte de M. s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse';
dire qu'ils n'ont pas été payés de leur solde de tout compte, à savoir la somme de 2'896,79'' nets pour Mme et la somme de 2'625,63'' nets pour M.';
condamner solidairement et in solidum Mme [H] [X] et M. [Y] [G], en leur qualité d'héritiers de Mme [B] [F], à payer à Mme les sommes suivantes':
rappel de salaires depuis le 1er juillet 2019 jusqu'au 30 novembre 2020 soit 1'281,83'' nets x 24'mois et 19'jours'= 31'575,22'' nets';
congés payés afférents': 3'157,52''';
rappel de salaire correspondant à son solde de tout compte d'un montant de 2'896,79'''nets';
dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail suite à la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur': 53'312''';
indemnité conventionnelle de licenciement pour 22'ans d'ancienneté et 9,5'mois, soit la somme de 22'528,75'', (pendant les 10 premières années': ¿ de mois de salaire par année d'ancienneté, soit 8'330'', et à partir de la 11e année jusqu'à la 22e année d'ancienneté, 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté, soit 1'110'''x'12 = 13'320'' et 9,5'mois durant la 22e année prorata 878,75'', soit au total la somme de 22'528,75'')';
indemnité compensatrice de préavis': 6'664''';
congés payés afférents au préavis': 666,40''';
indemnité compensatrice de congés payés': à parfaire';
indemnité forfaitaire pour travail dissimulé': 19'992''';
dommages et intérêts pour préjudice moral subi du fait du défaut de paiement des cotisations par l'employeur': 100'000''';
condamner solidairement et in solidum Mme [H] [X] et M. [Y] [G], en leur qualité d'héritiers de Mme [B] [F], à payer à M. les sommes suivantes':
rappel de salaires depuis le 1er juillet 2019 jusqu'au 19 juillet 2021 = 1'374,22'' x'24'mois et 19'jours': 33'851,62'' nets';
congés payés afférents': 3'385,16''';
rappel de salaire correspondant à son solde de tout compte d'un montant de 2'896,79'''nets';
dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail suite à la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur': 53'312''';
indemnité conventionnelle de licenciement pour 22'ans et 19'jours d'ancienneté, soit la somme de 21'708,58'', (pendant les 10 premières années': ¿ de mois de salaire par année d'ancienneté, soit 8'330'', et à partir de la 11e année jusqu'à la 22e année d'ancienneté, 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté, soit 1'110'' x 12 = 13'320'' et 19'jours durant la 22e année prorata 58,58'', soit au total la somme de 21'708,58'')';
indemnité compensatrice de préavis': 6'664''';
congés payés afférents au préavis': 666,40''';
indemnité compensatrice de congés payés': à parfaire';
indemnité forfaitaire pour travail dissimulé': 19'992''';
dommages et intérêts pour préjudice moral subi du fait du défaut de paiement des cotisations par l'employeur': 100'000''';
dire que les sommes mentionnées ci-dessus seront majorées des intérêts au taux légal à compter de la présente requête';
condamner solidairement et in solidum Mme [H] [X] et M. [Y] [G], en leur qualité d'héritiers de Mme [B] [F], à procéder à la rectification de l'intégralité des bulletins de salaire, et ce depuis le 1er octobre 1998, avec la régularisation du paiement de cotisations y afférant, et ce sous astreinte de 100'' par jour de retard, à compter de l'arrêt';
condamner solidairement et in solidum Mme [H] [X] et M. [Y] [G], en leur qualité d'héritiers de Mme [B] [F], à leur payer la somme de 5'000'' au titre des frais irrépétibles';
dire dans l'hypothèse où à défaut de règlement des condamnations prononcées par l'arrêt, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n°'96/1080 (tarif huissier) devront être supportées par le débiteur en sus de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
[11] Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 9 décembre 2024 aux termes desquelles Mme [H] [X] demande à la cour de':
sur les salaires,
débouter les salariés de leur demande au titre du solde de tout compte tenant le paiement effectué directement par le notaire en janvier 2022';
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les salariés de leur demande en fixation du salaire';
débouter les salariés de leur demande de rappel de salaire et congés payés y afférents depuis juillet 2019';
débouter les salariés de leur demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé';
débouter les salariés de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi du fait du non-paiement des cotisations retraite';
débouter les salariés de leur demande de rectification des bulletins de paie et à titre subsidiaire dire que la rectification des bulletins de paie doit être faite à compter du 1er'janvier 2016 et peut faire l'objet d'un seul bulletin de paie';
sur la rupture,
dire que la rupture s'analyse en une démission';
débouter les salariés de leurs demandes d'indemnités de rupture'et à titre subsidiaire, limiter à 3'mois de salaire le montant des dommages et intérêts pour rupture abusive';
condamner les salariés à lui payer la somme de 5'000'' au titre des frais irrépétibles.
[12] M. [Y] [G], bien que régulièrement intimé, n'a pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur les demandes de rappel de salaire
[13] La salariée sollicite un rappel de salaire du 1er juillet 2019 au 30 novembre 2020 d'un montant de 31'575,22'' nets, soit 1'281,83'' nets x 24'mois et 19'jours, outre la somme de 3'157,52'' au titre des congés payés y afférents. Le salarié réclame quant à lui un rappel de salaire du 1er juillet 2019 au 19 juillet 2021 d'un montant de 33'851,62'' nets, soit 1'374,22'' x 24'mois et 19'jours, outre la somme de 3'385,16'' au titre des congés payés y afférents. Ils soutiennent qu'ils étaient tous deux rémunérés par chèque à hauteur de 2'566,50'' nets par mois, bien au-delà de la somme mentionnée sur leurs bulletins de salaire mais que depuis le 1er juillet, Mme [H] [X] ne les a plus rémunérés qu'à hauteur de 1'284,67'' nets pour Mme et de 1'192,28'' pour M. Ils produisent leurs relevés bancaires des années 2017, 2018 et 2019 ainsi qu'une attestation de M.'[Y] [G] ainsi rédigée le 28 octobre 2019':
«'Je soussigné M. [Y] [G] atteste par la présente être le compagnon de Mme'[F] depuis environ 30'ans. M. et Mme [S] ont été engagés par Mme [F] depuis 1998, étant constamment présent aux côtés de Mme [F] depuis toutes ces années, je confirme que depuis 1998, une partie de leur salaire était réglée en espèces, et une partie déclarée. Ces dernières années, ce complément de salaire non-déclaré correspondait environ à la moitié du salaire total pour chacun'; ils percevaient donc une somme totale d'environ 5'130'' par mois, dont la moitié n'était pas déclarée. Ce complément était réglé par Mme [F] et moi-même par chèque à M. et Mme [S] et correspondait à environ 2'560'' par mois, par salarié.'»
Ils produisent encore une deuxième attestation de M. [Y] [G] en italien du 12'mai 2022 avec une traduction libre en français en ces termes':
«'J'atteste et confirme que M. et Mme [S] ont perçu le salaire de 2'566,50'' chacun. Je sais qu'ils perçoivent la moitié de leur salaire selon leur bulletin de paie et le reste est payé en espèces les premières années puis en chèques dans les dernières années. C'était moi, Mme [F] et [L] [W] et parfois nous demandions à Mme [S] de remplir les chèques et vérifiés par Mme [F] et moi avant de leur remettre leurs chèques. J'ai proposé et ils ont accepté que de juin à septembre 2020, j'ai payé ses compliments.'»
[14] Mme [H] [X] répond que la santé de sa mère s'était détériorée, que depuis 1996, sa vue se dégradait progressivement (cataracte) et qu'elle avait perdu l'usage de l''il gauche en 2010, qu'elle ne voyait donc quasiment plus et qu'en juillet 2013, une tumeur cancéreuse a été diagnostiquée qui avait entraîné de nombreuses hospitalisations ainsi qu'un traitement lourd, chimiothérapie, radiothérapie, infiltrations dorsales, et morphine altérant le jugement et la mémoire, le dernier compte-rendu d'hospitalisation de décembre 2016 mentionnant altération de l'état général et anorexie. Ils produisent trois certificats médicaux de son médecin traitant, le Dr [K], indiquant que son état de santé la mettait «'en position difficile pour juger des affaires de la vie courante'» (mars 2017), «'ne lui permettait pas de lire ni de juger des affaires de la vie courante'» (novembre 2018), et «'nécessite une habilitation judiciaire, car elle est incapable de pourvoir seule à ses intérêts'» (janvier 2019). Elle reproche à M. [Y] [G] d'avoir fait en sorte de l'écarter de sa mère et indique qu'elle n'avait pas les clés de l'appartement, qu'elle n'avait pas accès aux papiers et qu'elle ne pouvait voir sa mère qu'en présence d'un tiers. Elle conteste l'attestation de M.'[Y] [G] du 28 octobre 2019 au motif qu'elle est rédigée en français alors que l'intéressait parlerait très mal notre langue et elle produit une seconde attestation du même datée du 10 février 2020 et traduite ainsi par traducteur assermenté':
«'Mme [S] m'a demandé de lui faire une attestation au sujet du montant de leurs salaires. Comme elle a toujours été gentille avec moi, j'ai accepté, mais je ne savais pas qu'elle voulait s'en servir pour aller au tribunal ni qu'elle demanderait autant d'argent. Mme [F] allait de plus en plus mal et au fil du temps elle perdait la vue et elle ne pouvait plus remplir les chèques, puis en 2013, elle a appris qu'elle avait un cancer et nombreuses hospitalisations et soins avec morphine. Puis elle a perdu l''il gauche. Elle a continué à être de moins en moins consciente de ce qui se passait autour d'elle. J'ai fait de mon mieux, mais je ne m'occupais pas vraiment de l'administratif ni des comptes, on ne m'a pas donné de factures, car je ne comprends pas le français écrit. Mme'[S] me disait oralement ou à l'aide de petits papiers avec ses chiffres, ce qu'on lui devait et je signais, pour la nourriture et les petits dépenses, je lui donnais des espèces et des chèques. Je n'étais pas au courant de tous les abonnements pris.'»
[15] La cour retient que la salariée rédigeait la majorité des chèques au moyen desquels son mari et elle étaient rémunérés, que tant Mme [F] que son compagnon n'assuraient aucun contrôle effectif des dépenses qu'ils engageaient ainsi et qui ne correspondaient ni à une prestation de travail particulière, étant relevé que la maison était inoccupée durant l'hiver, ni à une rémunération fixe, mois par mois, mais à des gratifications erratiques à partir desquelles les salariés calculent une moyenne au soutien de leurs demandes. Ainsi, il n'apparaît pas que Mme [F] ait augmenté les salariés par un usage constant mais uniquement qu'elle les a gratifiés de façon irrégulière, étant relevé qu'aucune demande de remboursement n'est formée par les héritiers de l'employeur qui n'ont ni demandé l'annulation de ces paiements ni déposé plainte pour abus de faiblesse ou extorsion. En conséquence, les salariés seront déboutés de leurs demandes de rappel de salaire.
2/ Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de paiement des cotisations
[16] Les salariés sollicitent la somme de 100'000'' chacun à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait du défaut de paiement des cotisations sociales par l'employeur, Mme produit une estimation de retraite faisant état d'un différentiel de 324'' et M. d'un différentiel de 580''. Mais la cour relève que les simulations produites ne précisent nullement les moyennes des salaires bruts pendant les 25 années les plus avantageuses et que les salariés ne chiffrent pas plus le montant des gratifications qu'ils auraient perçues avant 2017. Ainsi, leur préjudice ne concerne que la non-déclaration des gratifications accordées de 2017 au 1er'juillet'2019, soit durant 2'ans et demi, qui n'ont pu affecter que modérément la moyenne de leurs 25 années de cotisations les plus avantageuses. En conséquence, il sera alloué à chacun d'eux la somme de 10'000'' à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des cotisations sociales.
3/ Sur le travail dissimulé
[17] Au vu des éléments relevés précédemment, il n'apparaît pas que Mme [F] ait intentionnellement dissimulée partie de l'emploi des salariés au vu de l'affaiblissement de son état de santé. Dès lors, ces derniers seront déboutés de leur demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
4/ Sur les prises d'acte
[18] Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission, il en est ainsi même si, préalablement à la prise d'acte, le salarié avait engagé une action en résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur. S'il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte.
[19] En l'espèce, les salariés se plaignent à juste raison de l'absence de déclaration des gratifications qui leur étaient servies en sus de leurs salaires. Leur préjudice a été évalué à la somme de 10'000'' de ce chef pour chacun. Par contre, ils ont été déboutés de leurs demandes de rappel de salaire ainsi que d'indemnité pour travail dissimulé. Les demandes de Mme [X] concernant les visites de la maison n'apparaissent pas excéder les tâches confiées à la salariée ni l'entretien des terrasses et le désherbage les missions contractuelles du salarié ni être vexatoires. Le salarié ne rapporte pas plus la preuve d'avoir été empêché de réaliser son travail en raison d'un défaut de fourniture de matériel ou de consommable et la salariée ne justifie pas avoir manqué de consigne pour réaliser le sien. En conséquence, le seul manquement établi à l'encontre de l'employeur tient à un défaut de déclaration aux organismes sociaux de gratifications sans aucune contestation du procédé par les salariés et ce malgré la faiblesse de leur employeur. Au vu de ces éléments, le manquement de l'employeur, qui avait cessé depuis le 1er juillet 2019, n'apparaît pas d'une gravité suffisante pour justifier la rupture de la relation contractuelle et les prises d'acte de la rupture du contrat de travail doivent en conséquence s'analyser en des démissions. Les salariés seront dès lors déboutés de leurs demandes relatives aux indemnités conventionnelles de licenciement, aux indemnités compensatrices de préavis et aux congés payés y afférents ainsi qu'aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
8/ Sur les indemnités compensatrices de congés payés
[20] Les salariés sollicitent des indemnités compensatrices de congés payés qu'ils ne chiffrent pas se contentant de mentionner «'à parfaire'». Cette demande n'est précisée ni en jour de congé ni en argent. Il n'y sera dès lors pas fait droit.
9/ Sur la demande de rappel de solde de tout compte
[21] Les deux salariés sollicitent chacun la somme de 2'896,79'' nets correspondant à un rappel de solde de tout compte. Mais Mme [X] justifie que ces sommes ont été versées directement par le notaire dans le cadre de la succession. En conséquence, les salariés seront déboutés de ce chef de demande.
10/ Sur les autres demandes
[22] Les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
[23] En l'absence de précision chiffrée mois par mois concernant les gratifications non-déclarées depuis le 1er octobre 1998, il n'y a pas lieu de condamner Mme [H] [X] et M.'[Y] [G], à procéder à la rectification de l'intégralité des bulletins de salaire, et ce depuis le 1er'octobre 1998, avec la régularisation du paiement de cotisations y afférant, le préjudice des salariés ayant déjà été réparé de ce chef.
[24] Il convient d'allouer aux salariés la somme de 2'000'' chacun au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les intimés supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel.
[25] Le droit proportionnel de l'article R. 444-55 du code de commerce (ex-article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996) n'est pas dû dans les cas énumérés par le 3° de l'article R.'444-53, soit une créance alimentaire ou née de l'exécution d'un contrat de travail. En conséquence, les salariés seront déboutés de leur demande sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a':
ordonné la jonction du dossier RG n° 19/192 avec le dossier RG n° 19/291';
débouté Mme [H] [X], représentante de Mme [B] [F], de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles.
L'infirme pour le surplus.
Statuant à nouveau,
Dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme [I] [V] épouse [S] produit les effets d'une démission.
Dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [D] [S] produit les effets d'une démission.
Condamne in solidum Mme [H] [X] et M. [Y] [G] à payer Mme [I] [V] épouse [S] les sommes suivantes':
10'000'' à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des cotisations sociales';
''2'000'' au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Condamne in solidum Mme [H] [X] et M. [Y] [G] à payer à M.'[D] [S] les sommes suivantes':
10'000'' à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des cotisations sociales';
''2'000'' au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Dit que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Déboute Mme [I] [V] épouse [S] de ses autres demandes.
Déboute M. [D] [S] de ses autres demandes.
Condamne in solidum Mme [H] [X] et M. [Y] [G] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT