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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 2 avril 2025, n° 22/16062

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Mike Elliott Marketing (SARL)

Défendeur :

Enav (SAS), Hypercacher Manin (SAS), Hypercacher Ourcq (SARL), Hypercacher Villette (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohee

Avocats :

Me Nadjar, Me Baechlin, Me Matteoda, Me Schwab, Me Belain

TJ Paris, 3e ch. sect. 2, du 8 juill. 20…

8 juillet 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [M] [O] se présente comme un entrepreneur français à la tête d'un réseau de distribution de produits casher à destination de la communauté juive.

Il indique avoir, à ce titre, déposé plusieurs marques :

la marque semi-figurative « HADAR » déposée à l'INPI le 8 septembre 1998 sous le n° 98748794 pour désigner des produits des classes 29, 30 et 32, expirée depuis 2008,

la marque verbale de l'Union européenne « HADAR » déposée le 30 juillet 2007 sous le n°6150429 pour désigner les produits suivants en classe :

29 : « Viande, poisson, volaille et gibier; extraits de viande; fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits; gelées, confitures, compotes; 'ufs, lait et produits laitiers; huiles et graisses comestibles. »

30 : « Thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou; Farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles; Miel, sirop de mélasse; Levure, poudre pour faire lever; Sel, moutarde; Vinaigre, sauces (condiments); Épices; Glace à rafraîchir ».

32 : « Bières; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques; boissons de fruits et jus de fruits; sirops et autres préparations pour faire des boissons. »

la marque verbale française « HADAR » déposée à l'INPI le 5 avril 2018 sous le N° 4443446 pour désigner des produits des classes 33, 43 et 45.

La société Mike Elliott Marketing exerçant sous le nom commercial CPK indique être spécialisée depuis 1986 dans la création, la production et la distribution de produits alimentaires casher (sous surveillance rabbinique) et notamment les produits commercialisés sous ces marques.

Les magasins sous enseigne Hypercacher exercent, depuis le début des années 1990, une activité de supermarché spécialisé dans la commercialisation de produits casher, cette enseigne étant exploitée par différentes sociétés parmi lesquelles notamment les sociétés Hypercacher Manin, Ourcq Distribution et Hypercacher Villette, (ci-après les sociétés Hypercacher).

La société Enav indique distribuer en France depuis 1988 des produits d'alimentation casher et s'approvisionner notamment auprès de la société de droit israélien Afifit-Hadar depuis 1998 et fournir les sociétés Hypercacher depuis 2016.

M. [O] expose avoir constaté, en 2019, la distribution par les magasins Hypercacher Manin, Ourcq Distribution et Hypercacher Villette de crackers, bretzels et divers gâteaux reproduisant, selon lui la marque « HADAR ».

Préalablement autorisé par ordonnance du 6 mars 2019, il a fait procéder à une saisie-contrefaçon en date du 7 mars 2019 dans les locaux de la société Hypercacher Manin.

Une seconde saisie-contrefaçon, autorisée par ordonnance du 11 mars 2019, a été diligentée le 14 mars 2019 dans les locaux de la société Enav à [Localité 9].

C'est dans ce contexte que, par acte du 3 avril 2019, M. [O] et la société Mike Elliott Marketing ont fait assigner les sociétés Hypercacher Manin, Ourcq Distribution, Hypercacher Villette et Enav devant le tribunal judiciaire de Paris afin notamment de faire cesser les actes de contrefaçon allégués de ses marques.

Par ordonnance du 2 octobre 2020, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a rendu la décision suivante :

dit n'y avoir lieu de rejeter les écritures notifiées pour M. [M] [O] et la société MIKE ELLIOTT MARKETING le 8 septembre 2020 ;

rejette les écritures notifiées pour M. [M] [O] et la société MIKE ELLIOTT MARKETING le 16 septembre 2020 ;

ordonne aux sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION, HYPERCACHER VILLETTE et ENAV SELECTION d'avoir à produire chacune, et ce avant le 6 novembre 2020, une attestation de son commissaire aux comptes ou tout document comptable se rapportant à l'état des ventes effectuées, au prix de vente public unitaire, au chiffre d'affaires global, à la marge bénéficiaire et à l'état des stocks de produits crackers, gâteaux, bretzels portant la marque HADAR en hébreu ou en français, depuis l'année 2014,

réserve les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

rappelle l'affaire à l'audience dématérialisée du 10 décembre 2020 à 10 heures pour conclusions au fond des Demandeurs.

Par ordonnance du 16 avril 2021, dont appel, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :

déboute [M] [O] et la société MIKE ELLIOTT MARKETING de leur demande de production de pièces sous astreinte ;

condamne [M] [O] et la société MIKE ELLIOTT MARKETING in solidum à verser à chacune des parties défenderesses ' soit les sociétés HYPERCACHER ensemble et ENAV ' la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamne [M] [O] et la société MIKE ELLIOTT MARKETING in solidum aux dépens de l'incident ;

renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du 20 mai 2021 pour les conclusions au fond des demandeurs, lesquelles devront être notifiées avant le 14 mai 2021.

Par jugement contradictoire rendu le 8 juillet 2022, dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :

déclare irrecevable la demande tendant à voir annuler l'assignation ;

déclare irrecevables les demandes fondées sur la marque verbale française « HADAR » n°6150429, expirée ;

déclare la société MIKE ELLIOTT MARKETING recevable en ses demandes fondées sur la contrefaçon de la marque verbale de l'Union européenne n°6150429 ;

déclare irrecevable la demande aux fins de voir constater la forclusion par tolérance de l'usage de la marque verbale de l'Union européenne n°6150429 ;

déclare irrecevable la demande visant à voir constater la déchéance partielle des droits d'[M] [O] sur la marque verbale de l'Union européenne n°6150429 pour les autres produits que les crackers, bretzels et gâteaux ;

prononce la déchéance partielle des droits d'[M] [O] pour défaut d'usage sérieux de sa marque de l'Union européenne n°6150429 pour les crackers, gâteaux et bretzels ;

dit que le présent jugement une fois devenu définitif sera inscrit au registre européen des marques à l'initiative de la partie la plus diligente ;

rejette la demande de nullité de la marque de l'Union européenne n°6150429 pour fraude ;

rejette la demande de nullité de la marque de l'Union européenne n°6150429 pour déceptivité;

rejette la demande d'annulation des procès-verbaux de saisie-contrefaçon des 7 et 14 mars 2019 ;

déboute [M] [O] et la société MIKE ELLIOTT MARKETING de leurs demandes fondées sur la contrefaçon de la marque de l'Union européenne n°6150429 ;

déboute la société MIKE ELLIOTT MARKETING de leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale ;

dit sans objet la demande de garantie formée par les sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION et HYPERCACHER VILLETTE ;

condamne in solidum la société MIKE ELLIOTT MARKETING et [M] [O] à payer à la société ENAV SELECTION la somme de 13 000 euros en réparation du préjudice subis du fait de l'abus de procédure ;

condamne in solidum la société MIKE ELLIOTT MARKETING et [M] [O] à payer aux sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION et HYPERCACHER VILLETTE ensemble, la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subis du fait de l'abus de procédure ;

condamne in solidum la société MIKE ELLIOTT MARKETING et [M] [O] à payer à la société ENAV la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

condamne in solidum la société MIKE ELLIOTT MARKETING et [M] [O] à payer aux sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION et HYPERCACHER VILLETTE la somme globale de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamne in solidum la société MIKE ELLIOTT MARKETING et [M] [O] aux dépens qui pourront être recouvrés au profit de Maître MATTEODA conformément aux dispositions de l'article 699 de code de procédure civile ;

ordonne l'exécution provisoire.

M. [O] et la société Mike Elliott Marketing ont interjeté appel de l'ordonnance du juge de la mise en état du 16 avril 2021 et du jugement rendu le 8 juillet 2022, le 13 septembre 2022.

Par ordonnance rendue le 4 juin 2024, le conseiller de la mise en état a statué en ces termes :

Déclare irrecevables les parties suivantes, répondant à l'appel incident, des conclusions notifiées par M. [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing le 12 janvier 2024 :

la partie intitulée « A titre liminaire » (pages 37 à 42 incluse),

la sous-partie intitulée « A. Sur le rejet de la demande de nullité de la marque HADAR 0065150429 et la confirmation du jugement sur ce point » (pages 62 à 73 incluse desdites conclusions) ;

Rejette la demande de M. [M] [O] et de la société Mike Elliott Marketing de condamnation pour procédure abusive ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'instance au fond.

Suite au recours en déféré présenté par M. [O] et la société Mike Elliott Marketing le 17 juin 2024 contre cette ordonnance, la cour, par arrêt du 9 octobre 2024 a rendu la décision suivante :

Infirme l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle a :

Rejeté la demande de M. [M] [O] et de la société Mike Elliott Marketing de condamnation pour procédure abusive ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;

Dit que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'instance au fond.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevables dans leur intégralité les conclusions notifiées le 12 janvier 2024 par M. [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing ;

Déboute M. [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Dit que les dépens suivront le sort des dépens de l'instance au fond,

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 7 janvier 2025, saisi d'un incident aux fins de radiation, le conseiller de la mise en état a statué en ces termes :

Donnons acte aux sociétés ENAV, HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION et HYPERCACHER VILLETTE de leur désistement d'incident,

Disons ce désistement parfait et constatons l'extinction de l'instance née de l'incident,

Réservons le sort des dépens,

Disons n'avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Disons que l'affaire est renvoyée à l'audience de mise en état du 21 janvier 2025 pour clôture et rappelons que l'affaire doit être plaidée sur le fond le 11 février 2025.

Vu les dernières conclusions n°5 remises au greffe et notifiées par RPVA le 29 janvier 2025 par M. [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing, appelants et intimés incidents, qui demandent à la cour, de :

RECEVOIR Monsieur [M] [O] et la société MIKE ELLIOTT MARKETING en leurs appels et les déclarer bien fondées,

SUR L'ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT DU 16 AVRIL 2021

INFIRMER l'ordonnance de la mise en état du 16 avril 2021 en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau :

DEBOUTER les sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION, HYPERCACHER VILLETTE et ENAV de leurs demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER solidairement / ou in solidum les sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION, HYPERCACHER VILLETTE et ENAV à verser à Monsieur [M] [O] et à la société MIKE ELLIOTT MARKETING la somme de 5.000 euros chacun en application des dispositions de l'article 700 du CPC,

2. SUR LE JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS DU 8 JUILLET 2022 (RG 19/04149)

DEBOUTER les sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION, HYPERCACHER VILLETTE et ENAV de leurs demandes, fins et conclusions,

CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Paris en date du 8 juillet 2022 en ce qu'il a :

DECLARE irrecevable la demande tendant à voir annuler l'assignation,

DECLARE la société MIKE ELLIOTT MARKETING recevable en ses demandes fondées sur la contrefaçon de la marque verbale de l'Union européenne n° 6150429,

DECLARE irrecevable la demande aux fins de voir constater la forclusion par tolérance de l'usage de la marque verbale de l'Union européenne n° 6150429,

DECLARE irrecevable la demande visant à voir constater la déchéance partielle des droits d'[M] [O] sur la marque verbale de l'union européenne n° 6150429 pour les autres produits que les crackers, bretzels et gâteaux,

REJETTE la demande de nullité de la marque de l'union européenne n° 6150429 pour fraude,

REJETTE la demande nullité de la marque de l'union européenne n° 6150429 pour déceptivité,

REJETTE la demande d'annulation des procès-verbaux de saisie contrefaçon des 7 et 14 mars 2019,

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Paris en date du 8 juillet 2022 en ce qu'il a :

PRONONCE la déchéance partielle des droits d'[M] [O] pour défaut d'usage sérieux de sa marque de l'union européenne n° 6150429 pour les crackers, gâteaux et bretzels,

DIT que le présent jugement une fois devenu définitif sera inscrit au registre européen des marques à l'initiative de la partie la plus diligente,

DEBOUTE Monsieur [M] [O] et la société Mike Elliott marketing de leurs demandes fondées sur la contrefaçon de la marque de l'union européenne n° 6150429,

DEBOUTE la société Mike Elliott marketing de leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale,

CONDAMNE in solidum la société Mike Elliott marketing et [M] [O] à payer à la société Enav Sélection la somme de 13.000 ' en réparation du préjudice subi du fait de l'abus de procédure,

CONDAMNE in solidum la société Mike Elliott marketing et [M] [O] à payer aux sociétés Hypercacher Manin, Ourcq Distribution et Hypercacher Villette ensemble, la somme de 5000 ' en réparation du préjudice subi du fait de l'abus de procédure,

CONDAMNE in solidum la société Mike Elliott marketing et [M] [O] à payer à la société Enav la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la société Mike Elliott marketing et [M] [O] à payer aux sociétés Hypercacher Manin, Ourcq Distribution et Hypercacher Villette ensemble, la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la société Mike Elliott marketing et [M] [O] aux dépens qui pourront être recouvrés au profit de Maître Matteoda conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau :

JUGER Monsieur [M] [O] et la société MIKE ELLIOTT MARKETING recevables

en leurs demandes et les déclarer bien fondées,

JUGER que la commercialisation par les sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION, HYPERCACHER VILLETTE et ENAV, des produits crackers, gâteaux, bretzels' portant la marque verbale HADAR en hébreu et/ou en français est constitutive de contrefaçon de la marque communautaire « HADAR» déposée à l'EUIPO sous le numéro 006150429

En conséquence,

INTERDIRE aux sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION, HYPERCACHER VILLETTE et ENAV de poursuivre ces agissements par la fabrication, offre à la vente, vente, importation, exportation, promotion de tous produits en classes 29, 30 et 32, notamment gâteaux, crackers, bretzels ' comportant la mention HADAR ne provenant pas de la société MIKE ELLIOTT MARKETING en hébreu et /ou en français, sur le territoire européen,

Et ce sous astreinte de 1000 euros par infraction, c'est-à-dire par paquet de produit fabriqué, vendu, exporté, importé, promu ou commercialisé, cette astreinte prenant effet dans un délai de 48 heures à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

ORDONNER aux sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION, HYPERCACHER VILLETTE et ENAV de justifier dans les quinze (15) jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir, de leurs réseaux de distribution respectifs pour de tels produits HADAR et du rappel de ces produits de l'ensemble de ces réseaux commerciaux, sous astreinte de 20.000 euros par défendeur et par infraction ;

ORDONNER aux sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION, HYPERCACHER VILLETTE et ENAV de procéder à la destruction, sous contrôle d'huissier, de l'intégralité des stocks restants, de tout article et de tout document, comportant le signe « HADAR » contrefaisant, en hébreu et /ou en français, ne provenant pas de la société MIKE ELLIOTT MARKETING , dans un délai de trente (30) jours suivant la signification de l'arrêt, ainsi que celle des stocks rappelés dans un délai de trois (3) mois suivant la signification de l'arrêt, destructions dont il devra être justifié aux appelants dans les mêmes délais, sous astreinte de 20.000 euros par défendeur et par infraction ;

CONDAMNER solidairement et/ ou in solidum les sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION, HYPERCACHER VILLETTE et ENAV à régler à Monsieur [M] [O] la somme de 200.000 euros en réparation de l'atteinte portée à sa marque verbale HADAR, en ce compris son préjudice moral, au titre des actes de contrefaçon de la marque communautaire HADAR numéro 006150429, 108

CONDAMNER solidairement et/ ou in solidum les sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION, HYPERCACHER VILLETTE et ENAV à régler à la société MIKE ELLIOTT MARKETING la somme de 336.519, 64 euros en réparation de son préjudice commercial au titre des actes de contrefaçon de la marque communautaire HADAR numéro 006150429,

CONDAMNER solidairement et/ ou in solidum les sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION, HYPERCACHER VILLETTE et ENAV à régler à la société MIKE ELLIOTT MARKETING la somme de 1.079.555, 48 euros en réparation de son préjudice commercial au titre des faits distincts de concurrence déloyale,

CONDAMNER solidairement et/ ou in solidum les sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION, HYPERCACHER VILLETTE et ENAV à régler à la société MIKE ELLIOTT MARKETING la somme de 250.000 euros en réparation de son préjudice moral,

ORDONNER la publication du jugement à intervenir, dans trois organes de presse, au choix de Monsieur [M] [O] et de la société MIKE ELLIOTT MARKETING aux frais des sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION, HYPERCACHER VILLETTE et ENAV, à concurrence de 8.000 euros par insertion, ainsi que l'affichage à l'entrée chaque société intimée,

CONDAMNER solidairement / ou in solidum chacune des sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION, HYPERCACHER VILLETTE et ENAV à verser à Monsieur [M] [O] et à la société MIKE ELLIOTT MARKETING la somme de 80.000 euros chacun en application des dispositions de l'article 700 du CPC pour la procédure d'appel,

CONDAMNER solidairement / ou in solidum chacune des sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION, HYPERCACHER VILLETTE et ENAV à verser à Monsieur [M] [O] et à la société MIKE ELLIOTT MARKETING la somme de 80.000 euros chacun en application des dispositions de l'article 700 du CPC, pour la procédure de première instance.

CONDAMNER solidairement / ou in solidum chacune des sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION, HYPERCACHER VILLETTE et ENAV aux entiers dépens en ceux compris les frais liés aux opérations de saisies-contrefaçon, dont distraction au profit de Maitre Aurélie [O], en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

DIRE qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par les intimées.

Vu les dernières conclusions n°4 remises au greffe et notifiées par RPVA le 31 janvier 2025 par les sociétés Hypercacher Manin, Ourcq Distribution et Hypercacher Villette, intimées et appelantes incidentes , qui demandent à la cour, de:

JUGER les sociétés HYPERCACHER MANIN, HYPERCACHER VILLETTE, OURCQ DISTRIBUTION bien fondées dans leurs prétentions et y faire droit. En conséquence,

1°) SUR L'ORDONNANCE DU 16 AVRIL2021

CONFIRMER l'ordonnance déférée dans toutes ses dispositions.

2°) SUR LE JUGEMENT DU 08 JUILLET 2022

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a :

DECLARE irrecevables les demandes fondées sur la marque verbale française «HADAR » n°6150429, expirée ;

PRONONCE la déchéance partielle des droits d'[M] [O] pour défaut d'usage sérieux de sa marque de l'Union européenne n°6150429 pour les crackers, gâteaux et bretzels ;

DIT que le présent jugement une fois devenu définitif sera inscrit au registre européen des marques à l'initiative de la partie la plus diligente ;

DEBOUTE [M] [O] et la société MIKE ELLIOTT MARKETING de leurs demandes fondées sur la contrefaçon de la marque de l'Union européenne n°6150429 ;

DEBOUTE la société MIKE ELLIOTT MARKETING de leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale ;

CONDAMNE in solidum la société MIKE ELLIOTT MARKETING et [M] [O] à payer aux sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION et HYPERCACHER VILLETTE ensemble, la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subis du fait de l'abus de procédure;

CONDAMNE in solidum la société MIKE ELLIOTT MARKETING et [M] [O] à payer aux sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION et HYPERCACHER VILLETTE la somme globale de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE l'exécution provisoire.

INFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a :

DECLARE la société MIKE ELLIOTT MARKETING recevable en ses demandes fondées sur la contrefaçon de la marque verbale de l'Union européenne n°6150429 ;

REJETTE la demande de nullité de la marque de l'Union européenne n°6150429 pour fraude ;

REJETTE la demande de nullité de la marque de l'Union européenne n°6150429 pour déceptivité

REJETTE la demande d'annulation des procès-verbaux de saisie- contrefaçon des 7 et 14 mars 2019 ;

STATUER DE NOUVEAU,

A TITRE PRINCIPAL

JUGER irrecevable la société Mike Elliott Marketing en son action en contrefaçon dirigée à l'encontre des sociétés HYPERCACHER MANIN, HYPERCACHER VILLETTE, OURCQ DISTRIBUTION;

JUGER que l'autorisation de procéder à la saisie-contrefaçon a été obtenue par Monsieur [M] [O] dans des conditions abusives ;

JUGER nulle la saisie contrefaçon subséquente du 7 mars 2019, cette nullité privant ainsi les constats et descriptions effectués par l'huissier de leur valeur probante ;

PRONONCER la nullité de la marque de l'Union Européenne HADAR n°006150429 pour dépôt effectué de mauvaise foi,

PRONONCER la nullité de la marque de l'Union Européenne HADAR n°006150429 pour déceptivité,

A TITRE SUBSIDIAIRE,

JUGER que les actes de contrefaçon reprochés aux sociétés HYPERCACHER MANIN, HYPERCACHER VILLETTE, OURCQ DISTRIBUTION, tenant à la commercialisation de crackers et bretzels portant la marque HADAR ne sont pas constitués.

JUGER que les actes de contrefaçon reprochés aux sociétés HYPERCACHER MANIN, HYPERCACHER VILLETTE, OURCQ DISTRIBUTION, tenant à la prétendue commercialisation de gâteaux portant la marque verbale HADAR ne sont pas constitués ;

JUGER qu'il n'existe pas de risque de confusion entre les deux signes litigieux ;

En conséquence

DEBOUTER Monsieur [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing de l'ensemble de leurs demandes fins et prétentions fondées sur la contrefaçon de marques ;

JUGER la demande formulée au titre de la concurrence déloyale infondée ;

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing de l'ensemble de leurs demandes fins et prétentions fondées sur la concurrence déloyale ;

JUGER que Monsieur [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing ne démontrent pas avoir subi de préjudice au titre de la contrefaçon de marques et au titre de la concurrence déloyale,

En conséquence,

REJETER l'ensemble des demandes indemnitaires et complémentaires formulées par Monsieur [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing;

A TITRE TRÈS SUBSIDIAIRE,

CONDAMNER la société ENAV à garantir les sociétés HYPERCACHER MANIN, HYPERCACHER VILLETTE, OURCQ DISTRIBUTION de toute éventuelle condamnation, notamment en principal, accessoires, intérêts, article 700 du code de Procédure Civile et des dépens qui pourraient être prononcées à leur encontre au profit de Monsieur [M] [O] et/ou de la société Mike Elliott Marketing.

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

DEBOUTER Monsieur [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions.

CONDAMNER solidairement Monsieur [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing à verser à chacune des sociétés HYPERCACHER MANIN, HYPERCACHER VILLETTE, OURCQ DISTRIBUTION la somme de 80.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER solidairement Monsieur [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing à prendre à leur charge le coût des frais de l'exécution forcée de la décision à intervenir, en ce inclus les droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement (ancien article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996).

CONDAMNER solidairement Monsieur [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H AVOCATS, en la personne de Maître Audrey SCHWAB, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions n°3 remises au greffe et notifiées par RPVA le 29 janvier 2025 par la société Enav intimée et appelante incidente, qui demande à la cour, de:

JUGER la société ENAV bien fondée dans ses prétentions et y faire droit. En conséquence,

1°) SUR L'ORDONNANCE DU 16 AVRIL2021

CONFIRMER l'ordonnance déférée dans toutes ses dispositions ;

2°) SUR LE JUGEMENT DU 8 JUILLET 2022

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a :

DECLARE irrecevables les demandes fondées sur la marque verbale française « HADAR» n°6150429, expirée ;

PRONONCE la déchéance partielle des droits d'[M] [O] pour défaut d'usage sérieux de la marque de l'Union européenne n°6150429 pour les crackers, gâteaux et bretzels ;

DIT que le présent jugement une fois devenu définitif sera inscrit au registre européen des marques à l'initiative de la partie la plus diligente ;

DEBOUTE [M] [O] et la société MIKE ELLIOTT MARKETING de leurs demandes fondées sur la contrefaçon de la marque de l'Union européenne n°6150429 ;

DEBOUTE la société MIKE ELLIOTT MARKETING de leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale ;

CONDAMNE in solidum la société MIKE ELLIOTT MARKETING et [M] [O] à payer à la société ENAV ensemble, la somme de 13 000 euros en réparation du préjudice subis du fait de l'abus de procédure ;

CONDAMNE in solidum la société MIKE ELLIOTT MARKETING et [M] [O] à payer à la Société ENAV la somme globale de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE l'exécution provisoire.

INFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a :

DECLARE la société MIKE ELLIOTT MARKETING recevable en ses demandes fondées sur la contrefaçon de la marque verbale de l'Union européenne n°6150429 ;

REJETTE la demande de nullité de la marque de l'Union européenne n°6150429 pour fraude ;

REJETTE la demande de nullité de la marque de l'Union européenne n°6150429 pour déceptivité

REJETTE la demande d'annulation des procès-verbaux de saisie- contrefaçon des 7 et 14 mars 2019 ;

STATUER DE NOUVEAU,

A TITRE PRINCIPAL

JUGER irrecevable la société Mike Elliott Marketing en son action en contrefaçon dirigée à l'encontre de la société ENAV;

JUGER que l'autorisation de procéder à la saisie-contrefaçon a été obtenue par Monsieur [M] [O] dans des conditions abusives ;

JUGER nulle la saisie contrefaçon subséquente du 7 mars 2019, cette nullité privant ainsi les constats et descriptions effectués par l'huissier de leur valeur probante ;

PRONONCER la nullité de la marque de l'Union Européenne HADAR n°006150429 pour dépôt effectué de mauvaise foi ;

PRONONCER la nullité de la marque de l'Union Européenne HADAR n°006150429 pour déceptivité ;

A TITRE SUBSIDIAIRE,

JUGER que les actes de contrefaçon reprochés à la société ENAV, tenant à la commercialisation de crackers et bretzels portant la marque HADAR ne sont pas constitués ;

JUGER que les actes de contrefaçon reprochés à la société ENAV, tenant à la prétendue commercialisation de gâteaux portant la marque verbale HADAR ne sont pas constitués ;

JUGER qu'il n'existe pas de risque de confusion entre les deux signes litigieux ;

En conséquence

DEBOUTER Monsieur [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing de l'ensemble de leurs demandes fins et prétentions fondées sur la contrefaçon de marques ;

JUGER la demande formulée au titre de la concurrence déloyale infondée ;

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing de l'ensemble de leurs demandes fins et prétentions fondées sur la concurrence déloyale ;

JUGER que Monsieur [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing ne démontrent pas avoir subi de préjudice au titre de la contrefaçon de marques et au titre de la concurrence déloyale,

En conséquence,

REJETER l'ensemble des demandes indemnitaires et complémentaires formulées par Monsieur [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing;

A TITRE TRÈS SUBSIDIAIRE,

DEBOUTER les Sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION et HYPERCACHER VILETTE de leurs demandes de garantie dirigée à l'encontre de la société ENAV,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

DEBOUTER Monsieur [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions ;

CONDAMNER solidairement Monsieur [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing à verser à la société ENAV la somme de 80.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER solidairement Monsieur [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par Maître BAECHLIN, en application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNER solidairement Monsieur [M] [O] et la société Mike Elliott Marketing à prendre à leur charge le coût des frais de l'exécution forcée de la décision à intervenir, en ce inclus les droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement (ancien article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996).

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 février 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 16 avril 2021

M. [O] et la société Mike Elliott Marketing soutiennent que les documents communiqués par les intimées suite à la première d'ordonnance d'incident ne permettaient pas de garantir l'authenticité des indications fournies et ne répondaient pas aux exigences de cette dernière, soulignant qu'ils ne constituent ni de véritables documents comptables ni une attestation émanant d'un commissaire aux comptes, de sorte qu'ils étaient bien fondés à solliciter une nouvelle communication de pièces et que le juge de la mise en état ne pouvait les condamner au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Hypercacher estiment que ce deuxième incident de communication de pièces portait en réalité sur les mêmes pièces qui avaient déjà été sollicitées et communiquées et dont elles soutiennent la valeur probante, rappelant le comportement dilatoire de leurs adversaires tout au long de l'instance, de sorte que c'est à juste titre que le juge de la mise en état les a déboutés de leur demande et les a condamnés au paiement d'une indemnité de procédure.

La société Enav, pour sa part, souligne que le conseil des appelants, avant ce nouvel incident, n'avait jamais sollicité la communication de pièces comptables complémentaires ; que les documents comptables déjà communiqués sont sincères et réguliers, étant signés par son gérant, M. [C] [K], sur papier à en-tête et revêtus du tampon officiel de la société. En complément, elle ajoute avoir produit une attestation de son expert-comptable certifiant la sincérité des documents déjà versés aux débats.

C'est par de justes motifs en fait et en droit approuvés par la cour que le juge de la mise en état a considéré que les communications opérées par les sociétés Hypercacher et Enav correspondaient aux termes de la première ordonnance d'incident et que la force probante de ces documents relevait d'un examen du fond dans le cadre de l'appréciation du préjudice prétendument subi et qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à cette nouvelle demande de communication de pièces.

En outre, dans la mesure où M. [O] et la société Mike Elliott Marketing, demandeurs à l'incident, se sont vus débouter de leur demande et ont ainsi succombé dans leurs prétentions, et tenant compte de l'équité et de la situation économique des parties, c'est à juste titre que le juge de la mise en état les a condamnés à verser une indemnité de procédure à leurs adversaires.

L'ordonnance déférée est en conséquence confirmée de ces chefs.

Sur les chefs non contestés du jugement

Le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a :

déclaré irrecevable la demande tendant à voir annuler l'assignation ;

déclaré irrecevables les demandes fondées sur la marque verbale française « HADAR » n°6150429, expirée ;

déclaré irrecevable la demande aux fins de voir constater la forclusion par tolérance de l'usage de la marque verbale de l'Union européenne n°6150429.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Mike Elliot Marketing

Les sociétés Hypercacher et Enav soutiennent que la société Mike Elliot Marketing est irrecevable à agir en contrefaçon s'agissant d'une licenciée non exclusive qui ne peut agir que par voie d'intervention et non conjointement aux côtés du titulaire de la marque et seulement pour obtenir le préjudice qui lui est propre, outre qu'elle ne justifie d'aucun contrat de licence. Elles ajoutent que la société Mike Elliott Marketing ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui allégué par M. [O]. Elles concluent en conséquence à l'irrecevabilité de son action. Les intimées soutiennent en outre que les marques invoquées couvrent uniquement des produits et non des services, aucune d'entre elles n'ayant été déposée dans la classe 35, qui concerne la distribution de produits. Elles en déduisent que la société Mike Elliott Marketing ne saurait invoquer ces marques pour fonder une action en contrefaçon relative à son activité de distribution.

La société Mike Elliot Marketing conteste cette fin de non-recevoir soulignant exploiter les marques en cause et bénéficier d'une licence exclusive, quoique non écrite, et être en conséquence recevable à agir aux côtés du propriétaire de la marque, ne revendiquant que l'indemnisation de son propre préjudice.

L'article 22 du Règlement sur la marque de l'Union européenne, (UE) 2017/1001 (RMUE) dispose que « La marque communautaire peut faire l'objet de licences pour tout ou partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée et pour tout ou partie de la Communauté. Les licences peuvent être exclusives ou non exclusives (...) Sans préjudice des stipulations du contrat de licence, le licencié ne peut engager une procédure relative à la contrefaçon d'une marque communautaire qu'avec le consentement du titulaire de celle-ci.

Toutefois, le titulaire d'une licence exclusive peut engager une telle procédure si, après mise en demeure, le titulaire de la marque n'agit pas lui-même en contrefaçon dans un délai approprié. (...) [4.] Tout licencié est recevable à intervenir dans la procédure en contrefaçon engagée par le titulaire de la marque communautaire afin d'obtenir réparation du préjudice qui lui est propre. [5.] Sur requête d'une des parties, l'octroi ou le transfert d'une licence de marque communautaire est inscrit au registre et publié ».

L'article 23 du même règlement, prévoit que : « [1.] Les actes juridiques concernant la marque communautaire visés aux articles 17, 19 et 22 ne sont opposables aux tiers dans tous les États membres qu'après leur inscription au registre. Toutefois, avant son inscription, un tel acte est opposable aux tiers qui ont acquis des droits sur la marque après la date de cet acte mais qui avaient connaissance de celui-ci lors de l'acquisition de ces droits. (...) ».

Celui-ci doit être interprété en ce sens que le licencié peut agir en contrefaçon de la marque communautaire faisant l'objet de la licence bien que cette dernière n'ait pas été inscrite au registre (CJUE, 4 févr. 2016, aff. C-163/15, Hassan).

En outre, en vertu de l'article L. 714-7 du code de la propriété intellectuelle: 'Toute transmission ou modification des droits attachés à une marque doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite au Registre national des marques.

Toutefois, avant son inscription, un acte est opposable aux tiers qui ont acquis des droits après la date de cet acte mais qui avaient connaissance de celui-ci lors de l'acquisition de ces droits.

Le licencié, partie à un contrat de licence non inscrit sur le Registre national ou international des marques, est également recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par le titulaire de la marque afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre.'

La cour approuve les premiers juges qui ont retenu que, malgré l'absence de contrat de licence signé entre M. [O] et la société Mike Elliott Marketing, les pièces versées aux débats établissaient que cette dernière exploitait la marque HADAR dans le cadre d'une licence verbale, et que dans la mesure où elle agit aux côtés du titulaire de la marque et que l'article L.714-7 ne précise pas la forme que doit revêtir l'intervention, elle est recevable en ses demandes fondées sur la contrefaçon s'agissant des produits limitativement énumérés.

Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé de ce chef.

Sur la demande de déchéance de la marque de l'Union européenne n°6150429 pour défaut d'usage sérieux

Les appelants soutiennent d'abord que les sociétés Hypercacher et Enav ne justifient pas d'un intérêt à agir pour soulever la déchéance de la marque HADAR, faute pour elles de pouvoir se réserver l'usage de ce signe, en raison du dépôt de la marque HADAR par M. [O] en France.

Ils ajoutent apporter la preuve d'une exploitation continue et sérieuse de la marque HADAR de l'Union européenne n°6150429, déposée le 30 juillet 2007 et enregistrée le 14 février 2012 pour désigner des produits relevant des classes 29, 30 et 32, pour des produits crackers, bretzels et gâteaux sur la période de référence 2014-2019 et critiquent les premiers juges qui ont, selon eux, omis d'examiner de nombreuses preuves d'usages qu'ils leur avaient soumises. Ils précisent verser à ce titre de nombreuses preuves et notamment des historiques de ventes, catalogues, factures, fiches de référencement, publicité démontrant la commercialisation de produits alimentaires, notamment des gâteaux, boîtes de thon, bonbons et snacks salés sous la marque contestée. Ils précisent que ces documents attestent pour certains d'un usage modifié de la marque n'en altérant pas le caractère distinctif ou associés à d'autres marques leur appartenant, HADAR figurant toujours comme marque principale.

Les sociétés Hypercacher et Enav soutiennent être recevables à opposer la déchéance de la marque HADAR pour les produits qui leur sont opposés, s'agissant d'un moyen de défense dans l'action en contrefaçon qui leur est intentée.

Les sociétés Hypercacher considèrent par ailleurs que les éléments produits par M. [O] ne suffisent pas à établir un usage sérieux ininterrompu de la marque durant la période pertinente, soit entre octobre 2014 et octobre 2019. Elles relèvent que les preuves fournies se limitent à quelques factures établies sur quatre années, ne portant que sur deux références de produits mentionnant la marque HADAR, à savoir le thon à l'huile d'olive et les bonbons, sans justifier de l'exploitation de la marque pour l'ensemble des produits couverts par son enregistrement. En outre, elles soulignent l'absence de pièces probantes concernant les autres produits visés dans le libellé de la marque et la présence d'éléments non datés ou non pertinents, certains reproduisant un usage modifié du signe HADAR associé à la marque SNACKITOS. Par ailleurs, elles relèvent que certaines pièces ne comportent aucun produit marqué HADAR et que les publications produites ne couvrent pas la période continue de cinq ans en cause. Elles ajoutent enfin que l'usage de la marque HADAR n'est pas établi dans une partie substantielle de l'Union européenne et que les preuves versées concernant les snacks salés ne sauraient être retenues, ces produits n'étant pas visés dans l'enregistrement de la marque. En conséquence, elles concluent à la déchéance de la marque HADAR n°6150429 pour défaut d'usage sérieux en ce qui concerne les crackers, gâteaux et bretzels.

La société Enav fait valoir que M. [O] ne rapporte pas la preuve d'un usage sérieux et continu de sa marque durant la période considérée, les éléments produits étant imprécis et insuffisants. Elle ajoute que l'usage argué de la marque n'est ni conforme à sa fonction essentielle, ni pertinent au regard des classes de produits concernées, qu'il est dérisoire et ne couvre pas une partie substantielle du territoire de l'Union européenne.

Sur la recevabilité de l'action en déchéance

En vertu de l'article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, la déchéance peut être demandée en justice par toutes personne intéressée.

Puis selon l'article 70 du code de procédure civile, « les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. »

Il résulte de la combinaison de ces textes que la partie poursuivie en contrefaçon a intérêt à se défendre en formant une demande reconventionnelle en déchéance pour les produits et services invoqués et pour ceux relevant du même secteur d'activité. (Cass com 26 janvier 2022, 20-12.508).

En l'espèce, la marque de l'Union Européenne n° 615 0429 a été déposée notamment pour désigner en classe 30 les produits suivants: « Thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou; Farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles; Miel, sirop de mélasse; Levure, poudre pour faire lever; Sel, moutarde; Vinaigre, sauces (condiments); Épices; Glace à rafraîchir ».

M. [O] et la société Mike Elliott Marketing reprochent, dans la présente instance, aux intimées la commercialisation des produits « crackers, gâteaux, bretzels » qui relèvent de la classe 30, s'agissant de préparations faites de céréales.

En conséquence, il convient de retenir que les sociétés intimées, poursuivies pour faits de contrefaçon de marque ont intérêt à se défendre en formant une demande reconventionnelle en déchéance pour les produits invoqués, soit les crackers, gâteaux et bretzels, de sorte que la fin de non-recevoir soulevée sur ce point par M. [O] et la société Mike Elliott Marketing doit être rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé de l'action en déchéance

Et, en vertu des articles 18 et 58 du Règlement de l'Union européenne 2017/1001, « Dans un délai de cinq ans à compter de l'enregistrement, la marque de l'Union européenne n'a pas fait l'objet par le titulaire d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque de l'Union européenne est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage.

Constituent également un usage au sens du premier alinéa:

a) l'usage de la marque de l'Union européenne sous une forme qui diffère par des éléments

n'altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée, que la marque soit ou non aussi enregistrée sous la forme utilisée au nom du titulaire;

b) l'apposition de la marque de l'Union européenne sur les produits ou sur leur conditionnement dans l'Union dans le seul but de l'exportation.

2. L'usage de la marque de l'Union européenne avec le consentement du titulaire est considéré comme fait par le titulaire » et '1. Le titulaire de la marque de l'Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon:

a)si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu'il n'existe pas de justes motifs pour le non-usage; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits si, entre l'expiration de cette période et la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, la marque a fait l'objet d'un commencement ou d'une reprise d'usage sérieux; cependant, le commencement ou la reprise d'usage fait dans un délai de trois mois avant la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, ce délai commençant à courir au plus tôt à l'expiration de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage, n'est pas pris en considération lorsque des préparatifs pour le commencement ou la reprise de l'usage interviennent seulement après que le titulaire a appris que la demande ou la demande reconventionnelle pourrait être présentée'.

La cour rappelle qu'une marque fait l'objet d'un usage sérieux lorsqu'elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l'exclusion d'usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. L'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque doit reposer sur l'ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l'exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l'étendue et la fréquence de l'usage de la marque.

La cour rappelle en outre que l'usage de la marque peut être minime, à condition qu'il ne soit ni sporadique ni symbolique car destiné au seul maintien des droits sur la marque, et que le caractère sérieux doit être apprécié au regard du secteur économique en cause.

Par ailleurs, la CJUE (19 décembre 2012 C-149/11 - Leno Merken) a dit pour droit que, pour apprécier l'exigence de l'usage sérieux dans la Communauté d'une marque au sens de cette disposition, il convient de faire abstraction des frontières des Etats membres.

Et, dans son arrêt du 7 novembre 2019 (T-380/18, Intas Pharmaceuticals Ltd), le TUE a rappelé [80] «premièrement, que l'étendue territoriale n'est qu'un facteur parmi d'autres devant être pris en compte pour apprécier le caractère sérieux de l'usage d'une marque de l'Union européenne et, deuxièmement, qu'une règle de minimis pour établir si ce facteur est rempli ne peut pas être établie. En effet, il n'est pas nécessaire que l'usage d'une marque de l'Union européenne soit géographiquement étendu pour être qualifié de sérieux, dans la mesure où une telle qualification dépend des caractéristiques des produits ou des services concernés sur le marché correspondant et, plus généralement, de l'ensemble des faits et des circonstances propres à démontrer que l'exploitation commerciale de cette marque permet de créer ou de conserver les parts de marché pour les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C-149/11, EU:C:2012:816, point 55). D'ailleurs, afin de qualifier de sérieux l'usage d'une marque de l'Union européenne, il n'est pas exigé que cette dernière soit utilisée sur une partie substantielle du territoire de l'Union. En outre, la possibilité que la marque en question ait été utilisée sur le territoire d'un seul État membre ne doit pas être exclue, dans la mesure où il convient de faire abstraction des frontières des États membres et de tenir compte des caractéristiques des produits ou services concernés.»

La cour rappelle encore que pour examiner le caractère sérieux de l'usage de la marque contestée, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, et notamment l'ancienneté de l'usage, de sorte que les pièces antérieures à la période concernée ne peuvent, par principe, être écartées des débats.

Il n'est pas contesté par les parties que la période de référence à prendre en compte pour l'examen de la déchéance des marques est comprise entre le 3 octobre 2014 et le 3 octobre 2019.

Il appartient, en conséquence, au titulaire de la marque, de démontrer qu'il a été fait un usage sérieux de cette marque sur cette période sur une partie du territoire européen, par lui ou avec son consentement, pour les produits pour lesquels cette marque est enregistrée et au cas présent, les crackers, gâteaux et bretzels, seuls en cause.

A cet égard, les premiers juges, après avoir listé et analysé l'ensemble des pièces produites par M. [O] et la société Mike Elliott Marketing, ont retenu qu'elles étaient insuffisantes pour justifier d'un usage sérieux pour désigner les produits crackers, gâteaux et bretzels au regard des quantités dont la commercialisation est justifiée sur la période de référence, relevant également que la majorité des pièces versées, lorsqu'elles sont datées, portent sur des produits autres que ceux qui sont opposées, soit principalement des boîtes de thon et des confiseries.

Les appelants critiquent le jugement en soutenant que « certaines pièces prépondérantes » n'auraient pas été prises en considération, sans toutefois préciser clairement parmi les pièces telles que soumises aux premiers juges, celles dont l'examen aurait été omis et indiquent verser de nouvelles pièces à hauteur d'appel.

La cour constate d'abord que les pièces qui lui ont été communiquées, d'une part, en version papier et, d'autre part, en version dématérialisée ne sont pas les mêmes, les factures ou certains clichés ou documents étant différents.

De plus, alors que les premiers juges ont précisément relevé que M. [O] et la société Mike Elliott Marketing ne justifiaient pas d'un usage sérieux, la cour constate que, dans leurs conclusions, les appelants n'ont pas pris la peine de chiffrer les quantités de produits commercialisés en cause, se contentant de renvoyer la cour à l'examen des pièces listées, sans produire un quelconque document de synthèse ou analytique de ces pièces qui, pour certaines, portent sur des milliers de pages non annotées.

Sur ce, la cour a néanmoins procédé à l'examen des pièces communiquées en version papier qui semblent correspondre à leur intitulé tel que mentionné sur le bordereau de pièces communiquées à leurs adversaires (les nombres, dates et numéros de factures n'étant cependant pas repris) tel que suit en reprenant d'abord cet intitulé et, puis décrivant leur contenu réel.

Il doit également être ajouté que de très nombreuses pièces font référence à la commercialisation de produits qui ne sont pas en cause dans la présente instance, tels les bonbons, la purée ou le thon, et qui ne sont donc pas reprises.

Il ressort ainsi des pièces ayant trait aux seuls produits crackers, bretzels et gâteaux dont l'usage est reproché dans la présente instance en contrefaçon, les éléments suivants :

- 2 et 3 : « Tarif de vente de l'année 2019 comportant les produits HADAR » et « Tarif pessah de vente de l'année 2013 comportant les produits HADAR » ; il s'agit de deux catalogues édités par la Centrale des produits cacher (CPK, nom commercial de la société Mike Elliott) la pièce 2 n'étant pas datée, présentant parmi plusieurs centaines de produits, un paquet de biscuit palmiers, une page portant sur des apéritifs salés (« snackitos »), quatre cakes au chocolat et trois paquets de gâteaux de type congolais portant une étiquette HADAR ;

- 4: « Calendrier des années 2013 /2014, et 2017/ 2018 comportant des publicités des produits de la marque HADAR » ; dans ces documents sont insérés pour l'un, une page et pour l'autre, deux pages de publicité pour un paquet de 12 Palmiers feuilletés et de gâteaux de type moelleux type cake, financiers, brownies présentés sous le signe « HADAR Bakery », calendrier dont on ignore les conditions de diffusion;

- 5 et 6 : « Photos des produits portant la marque HADAR dont crackers, gâteaux et bretzels » et « un sac plastique présentant la marque HADAR avec l'illustration de gâteaux » ; il s'agit d'une affiche publicitaire et d'un sac plastique non datés présentant sous le signe HADAR un paquet de 12 palmiers feuilletés aux côtés de plusieurs autres produits ;

- 9 : « Journal Actualité Juive du 30 Mars 2017 avec publicité pour les produits portant la marque HADAR » ; soit une publicité extraite de ce journal dans lequel est insérée la photographie d'un paquet de gâteaux type congolais à la noix de coco portant le terme HADAR ;

- 10 : « Journal HAGUESHER du 29 aout 2018 avec publicité pour les produits portant la marque HADAR », soit un article dans lequel est insérée une publicité pour des produits vendus

sous la marque « mémé Hélène » ;

- 11 : « Journal HAGUESHER du 17 Septembre 2018 avec publicité pour les produits portant la marque HADAR », dans lequel apparaît le signe « HADAR Bakery » dans une publicité générale des produits commercialisés par l'enseigne CPK;

- 12 : « Echantillon de factures des produits sous la marque HADAR du 14.12.2015 au 04.01.2019 » ; soit 9 factures (une facture est produite en double exemplaire) attestant de la commercialisation de divers produits par la société CPK Mike Elliott Marketing sur lesquelles figurent en en-tête divers signes dont la marque HADAR, les seules lignes surlignées ne portant pas cependant sur des crackers, bretzels et gâteaux ;

- 28 : « Factures des produits HADAR achetés par Hypercacher », il s'agit de factures pour l'essentiel datées de de 2008 à 2011, soit hors de la période de référence, à l'exception d'une facture datée de 2019 faisant état de l'achat de quelques paquets de chips ou de crackers sous ce signe;

- 29: « Factures des produits HADAR vendus en Italie, Grèce, Espagne, Belgique, Angleterre, Allemagne » ; soit quelques factures en date de 2017 et 2019 attestant de la commercialisation en quantités très limitées essentiellement de biscuits de type palmiers à destination de l'Allemagne, l'Espagne ou de la Belgique ;

- 31 : « Référencement de la marque HADAR pour les apéritifs » ; document non daté ;

- 32 : « Référencement de la marque HADAR pour les crackers » ; document non daté ;

- 34 : « Référencement de la marque HADAR pour les gâteaux » ; document non daté ;

- 50 : « Historique des ventes de produits HADAR » ; ce document est constitué d'un listing comportant plus de 1600 pages, non certifié et non annoté, portant sur la commercialisation de divers produits dont certaines références ne sont visées dans aucun tarif de vente, sur une période comprise entre le 1er octobre 2014 et le 30 septembre 2019 ;

- 59 : « Attestation de l'expert-comptable de la société CPK » ; soit un document mentionnant le chiffre d'affaires global de la société Mike Elliott sur la période 2016-2019 ;

- 60 : « Prix spécial du jury Kd'or pour les produits Hadar » ; soit un document attestant non pas de l'obtention d'un prix pour les produits HADAR, mais pour les seuls bonbons commercialisés sous ce signe;

- 67 : « Publicités et promotions datés des produits HADAR, dont gâteaux, bretzels et crackers depuis 2016 par les magasins FAMILY KASH » ; soit de très nombreuses pages reproduisant des captures d'écran de publicités et de photographies d'une grande variété de produits, mentionnant certaines références de produits HADAR notamment de gâteaux, dont les conditions de captation ne sont pas précisées ;

- 68 : « Photos datées (pub facebook) des rayons des magasin revendeurs des produits HADAR, dont gâteaux, bretzels et crackers depuis 2016 », soit une compilation d'extraits de pages facebook, illustrant certains produits de la gamme HADAR dont les produits en cause avec des photographies parfois peu lisibles dont les conditions de diffusion et de captation ne sont pas précisées ;

- 69 : « Attestations des magasin revendeurs des produits HADAR au consommateur final notamment pour les produits gâteaux, crackers et bretzels » ; soit deux attestations rédigées le 8 décembre 2022 par deux gérants de magasin casher, dont M. [F] [O], qui ne précise pas ses éventuels liens de parenté avec l'appelant, confirmant commercialiser des produits HADAR et notamment les produits en cause, sans précision toutefois des quantités et des références ;

- 70 : « Publicités datées envoyées aux clients nouvel arrivage produits HADAR de 2014 à 2019 » ; soit une compilation de captures d'écran dont les conditions de recueil ne sont pas précisées, reproduisant des photographies de divers produits HADAR dont certaines portant sur les produits en cause ;

- 71 : « Constat d'huissier constatant l'historique des ventes de produits HADAR pour les gâteaux, crackers, bretzels et autres de 2014 à 2019 », soit un procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 8 décembre 2022 tendant au constat, à la demande de la société CPK Mike Elliott Marketing, de l'historique des ventes de produits « HADAR 01 » en présence de M. « Elliott » , document comportant 1135 pages ;

- 72 : « Photos des produits HADAR issus du constat d'huissier » ; soit une série de clichés photographiques, la cour relevant que, dans le constat, il n'est pas mentionné par l'huissier de justice, la prise de clichés photographiques ;

- 73 : « Capture d'écran du site CPK pour les produits HADAR » ; soit des captures d'écran datées du 15 décembre 2022, soit près de trois ans après la période pertinente concernée ;

- 74 : « Produits HADAR vendus chez Carrefour » ; soit une capture d'écran en date 12 décembre 2022, également largement postérieure à la période considérée ;

- 75 : « Attestation de l'expert-comptable sur le CA et marges brutes réalisées pour les produits Hadar » ; soit un document rédigé par l'expert-comptable de la société Mike Elliott le 13 décembre 2022 attestant « après avoir examiné les documents établis sous la responsabilité de la société MIKE ELIOTT MARKETING que le chiffre d'affaires et la marge réalisés sur les produits de la gamme HADAR s'élèvent à 1.704. 587' et 605.912' » sur la période comprise entre le 1er octobre 2014 et le 30 septembre 2019, sans autres précisions, s'agissant notamment des volumes de vente des produits en cause ;

- 76 : « Capture d'écran du site https://hadarfoods.com/ + Instagram et autres plateformes » ; soit des captures d'écran en date de décembre 2022 dont les conditions de recueil ne sont pas précisées, représentant divers produits HADAR.

Ainsi, alors que les intimées mettent en doute à juste titre la valeur probante des historiques de vente des produits qui ne sont certifiés par aucun professionnel du chiffre, les appelants se sont contentés, comme en première instance, de produire pour la France 9 factures sur 5 ans, soit deux datées des 14 et 16 décembre 2015, deux datées du 5 janvier 2016, trois datées des 9 mai, 15 novembre et 5 décembre 2018 et deux datées des 4 et 14 janvier 2019 dont les produits surlignés portent sur des produits HADAR non concernés par le présent litige ( thon, bonbons, purée) et sur des snacks salés en quantités limitées (quelques dizaines de paquets) et quelques factures concernant des ventes à destination de pays européens portant sur des quantités limitées, comme il a été vu.

Par ailleurs, s'agissant précisément de l'historique des ventes produit en pièce 50 qui comporte plus de 1600 pages, censé attester de la commercialisation massive et continue de ces produits, la cour a pu constater de nombreuses incohérences ; à titre d'exemple, est mentionnée la commercialisation de « gaufres » sous la marque HADAR pour des articles référencés 136 à 140 qui correspondent, dans le catalogue des tarifs versé en pièce 2, à des gaufres commercialisées sous d'autres signes. Il en est de même des pains grillés suédois présentés comme étant commercialisés sous la marque HADAR avec une référence 114 qui correspond, dans le catalogue, à des pains grillés commercialisés sous une autre marque, ainsi que pour des moelleux nature HADAR avec un code 557 correspondant, dans ce même catalogue, à des moelleux commercialisés sous la marque Mémé Hélène. Ces mêmes erreurs se retrouvent s'agissant des biscuits fourrés au chocolat référencés 1167 et 1168 qui sur le catalogue sont commercialisés sous la marque Mémé Hélène.

De même, dans les listings tels qu'annexés au procès-verbal de constat versé en pièce 71 et qui comporte 1.135 pages, est également mentionnée la commercialisation de produits HADAR dont il n'est pas trouvé trace des références sur le catalogue de prix ou de produits mentionnés vendus sous la marque HADAR mais qui correspondent, dans le catalogue des tarifs, à des produits commercialisés sous d'autres marques : à titre d'exemples, les biscuits Petit Bateau Fraise (référence 799) dont il est mentionné la commercialisation pour 21 708 paquets, ou encore des moelleux aux amandes (référence 560) vendus en réalité sous la marque « Mémé Hélène », des sachets « kerpentine » vendus (référence 496) toujours sous la marque « Mémé Hélène ».

La cour retient en conséquence, au vu de ces incohérences manifestes et répétées au sein de l'ensemble des éléments listés et analysés, que ces documents, appréciés individuellement et globalement, ne présentent pas de valeur probante suffisante.

Aussi, la cour retient, comme les premiers juges, que ces éléments sont insuffisants pour justifier, eu égard au secteur économique concerné, d'un usage sérieux de la marque HADAR, dans la vie des affaires, pour les produits crackers, gâteaux et bretzels qui se réduisent, sur la période de référence, tout au plus à la vente de quantités plus que limitées, alors que ces denrées alimentaires portent sur des produits de grande consommation.

Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance partielle des droits de M. [O] sur la marque HADAR pour ces trois produits et a débouté M. [O] et la société Mike Elliott de l'ensemble de leurs demandes formées au titre de la contrefaçon.

Sur la demande de nullité de la marque de l'Union européenne HADAR n°6150429 pour fraude

M. [O] et la société Mike Elliott Marketing contestent la recevabilité de l'action des sociétés Hypercacher et Enav, faute de disposer de droits privatifs sur la marque HADAR, rappelant qu'elles ne peuvent invoquer une prétendue fraude aux droits d'une société tierce qui n'est pas partie à la procédure.

Sur le fond, ils rappellent que la nullité d'une marque pour fraude suppose la démonstration d'un usage antérieur du signe litigieux sur le marché concerné et que les sociétés Hypercacher et Enav ne rapportent pas la preuve que la marque HADAR a été mise sur le marché casher français avant le dépôt par M. [O] de sa propre marque française en 1998. Ils relèvent qu'en tout état de cause, la société Afifit, prétendue titulaire de droits sur le signe HADAR, ce qu'ils contestent, n'a jamais intenté la moindre action contre eux. Enfin, ils contestent l'argument de la mauvaise foi en affirmant que la connaissance d'un usage antérieur ne suffit pas à caractériser la fraude.

Les sociétés Hypercacher et Enav rappellent que les parties en litige opèrent sur un marché restreint et identique, à savoir la distribution de produits casher en France et en Israël et insistent sur la connaissance approfondie du marché casher par M. [O], en raison de son activité ancienne de distributeur et de ses relations commerciales avec des sociétés israéliennes. Elles soutiennent ainsi que M. [O] ne pouvait ignorer l'existence de la marque HADAR, détenue par la société Afifit Hadar depuis au moins 1994, ainsi que son usage antérieur par la société Enav, qui distribue les produits Afifit Hadar en France depuis 1998. Dès lors, elles estiment que le dépôt de la marque HADAR n°6150429 par M. [O] le 30 juillet 2007 a été effectué de mauvaise foi dans une intention frauduleuse, visant à priver la société Enav de la possibilité de poursuivre la distribution en France et en Europe des produits HADAR de la société Afifit Hadar. Elles ajoutent que la marque HADAR bénéficie d'une reconnaissance mondiale et qu'elle est directement associée à la certification casher délivrée par l'autorité rabbinique de [Localité 10], que M. [O] a acheté des produits Afifit Hadar en 2004 et que, dès 2006, cette société a refusé de lui concéder la distribution de ses produits en France, cette chronologie démontrant, selon elles, que M. [O] avait une connaissance effective de l'usage antérieur du signe HADAR et de son exploitation commerciale par la société Enav en France dès 1998. Elles soulignent ainsi que le dépôt de la marque a été effectué en fraude des droits de la société Afifit Hadar, avec pour seul objectif d'évincer un concurrent légitime du marché français et européen et de s'octroyer un monopole indu sur ce marché de niche. Elles soutiennent leur intérêt à agir en annulation de cette marque pour fraude, en raison de leurs intérêts sciemment méconnus par M. [O].

Sur la recevabilité à agir des sociétés Hypercacher et Enav

En vertu de l'article 59, paragraphe 1 du règlement UE 2017/1001 relatif aux causes de nullité absolue, «la nullité d'une marque de l'Union est déclarée (...) sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon,

a) lorsqu'elle a été enregistrée contrairement aux dispositions de l'article 7;

b) lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque. (...)»

Comme l'ont relevé les premiers juges, la demande d'annulation de la marque EP n°6150429 n'est pas présentée sur le fondement de la violation d'un droit antérieur de la société Afifit Hadar en application de l'article 8 du règlement UE 2017/1001, mais sur le fondement l'article 59 tel que ci-dessus reproduit, s'agissant de la mauvaise foi du déposant.

Aussi, l'argument selon lequel seul le titulaire du droit antérieur a qualité pour solliciter l'annulation de la marque est inopérant.

La fin de non-recevoir soulevée sur ce point par M. [O] et la société Mike Elliot Marketing doit par conséquent être écartée.

Sur le bien-fondé de la demande

En application du principe fraus omnia corrumpit, un dépôt de marque est frauduleux lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité présente ou ultérieure ; la fraude est caractérisée dès lors que le dépôt a été opéré pour détourner le droit des marques de sa finalité, non pour distinguer des produits et services en identifiant leur origine mais pour priver des concurrents du déposant ou tous les opérateurs d'un même secteur d'un signe nécessaire à leur activité ; le caractère frauduleux du dépôt s'apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve de la fraude pesant sur celui qui l'allègue.

Dans son arrêt du 11 juin 2009, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que la mauvaise foi du demandeur doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, et notamment de :

« i) la connaissance établie ou présumée de l'usage de signes similaires par des tiers : en d'autres termes, le demandeur sait ou doit savoir qu'un tiers utilise antérieurement au dépôt, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l'enregistrement est demandé;

ii) l'intention du demandeur d'empêcher le tiers de continuer à utiliser un tel signe, et ainsi d'éliminer la concurrence sur le marché ;

iii) la protection reconnue à ce tiers par le droit national ».

Elle a considéré toutefois, que la circonstance que le demandeur sait ou doit savoir qu'un tiers utilise un tel signe ne suffit pas, à elle seule, pour établir l'existence de la mauvaise foi de ce demandeur et qu'il convient en outre, de prendre en considération l'intention dudit demandeur au moment du dépôt de la demande d'enregistrement d'une marque. (Aff. C-529/07 Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG c/ Franz Hauswirth GmbH).

En outre, dans son arrêt du 12 septembre 2019 (n°C-104/18 Koton Ma'azacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO), la CJUE a précisé :

46 (') la cause de nullité absolue visée à l'article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 s'applique lorsqu'il ressort d'indices pertinents et concordants que le titulaire d'une marque de l'Union européenne a introduit la demande d'enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence mais avec l'intention de porter atteinte, d'une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l'intention d'obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d'une marque, notamment de la fonction essentielle d'indication d'origine rappelée au point 45 du présent arrêt. (')

En l'espèce, les appelants ne contestent pas avoir connu l'existence de la marque HADAR exploitée en Israël par la société Afifit- Hadar avant le dépôt de leurs marques.

Cependant, cette seule connaissance ne peut suffire à caractériser la mauvaise foi du déposant.

Ainsi, il n'est pas démontré par les intimées qu'elles ont commencé à exploiter cette marque en France ou sur le territoire de l'Union avant que M. [O] ne procède à son dépôt le 8 septembre 1998, la seule facture d'achat de quelques produits par la société Enav auprès de la société Afifit en juillet 1998 ne permettant pas d'attester de leur commercialisation dès cette date.

De plus, si ces dépôts ont été réalisés en France en 1998 et, pour l'Union Européenne, le 30 juillet 2007, il n'est pas contesté que cette marque a été exploitée dans la vie des affaires pour certains produits visés au dépôt par les appelants, et que M. [O] n'a intenté la présente instance en contrefaçon que bien postérieurement à ce dépôt, en 2019, alors que la société Enav indique commercialiser des produits de la société Afifit Hadar depuis de nombreuses années, cette dernière n'ayant au demeurant nullement entendu faire valoir ses éventuels droits dans la présente instance.

Il n'est ainsi pas établi par les sociétés intimées que M. [O] ait procédé aux dépôts de ces marques avec l'intention de porter atteinte, d'une manière non conforme aux usages honnêtes du commerce, à leurs intérêts, ou avec l'intention d'obtenir un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d'une marque.

Pour ces motifs ainsi que ceux justement retenus par le tribunal, il convient de débouter les sociétés Hypercacher et Enav de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de la marque n° 006150429 pour dépôt frauduleux.

Sur la demande de nullité de la marque de l'Union européenne HADAR n°6150429 pour déceptivité

Les sociétés Hypercacher et Enav rappellent que M. [O] commercialise des produits casher destinés à un public averti et particulièrement sensible aux garanties de certification rabbinique. Elles rappellent que la marque HADAR, représentée par le signe hébreu «'''», est associée, au sein de la communauté juive, à la certification casher délivrée par l'autorité rabbinique de [Localité 10], de sorte que le dépôt du signe HADAR en tant que marque par M. [O] est de nature à induire en erreur le consommateur sur l'origine des produits et ce d'autant que seule la société Afifit Hadar bénéficie de cette certification rabbinique. Elles ajoutent que le dépôt et l'exploitation de la marque HADAR par M. [O] constituent une tromperie sur la qualité casher des produits ainsi que sur leur provenance. Elles précisent que l'Office Israélien des Marques a refusé l'enregistrement du terme HADAR à titre de marque internationale en raison du risque de confusion, considérant que le mot « HADAR » est une translittération du terme hébreu signifiant « gloire » et qu'il est également couramment associé aux agrumes, de sorte que le dépôt litigieux est également de nature à tromper le public sur la composition des produits concernés, en leur laissant penser qu'ils contiennent des agrumes ou des arômes d'agrumes, alors que tel n'est pas le cas.

M. [O] et la société Mike Elliott Marketing estiment qu'il n'est pas démontré que la marque HADAR est associée par la communauté juive à la garantie de certification cacher de l'autorité rabbinique de [Localité 10] et que leur marque n'est nullement de nature à tromper le public s'agissant de la nature, de la qualité ou de la provenance géographique des produits concernés. Ils rappellent que le terme HADAR possède plusieurs significations en hébreu et ne se limite pas à une référence à la cacherout. En conséquence, selon eux, il n'existe aucun risque réel de tromperie pour le consommateur moyen, outre qu'il n'est pas juridiquement concevable de mêler des considérations religieuses au droit des marques, surtout si celle-ci sont prétendues reconnues sur un marché étranger.

En vertu de l'article 7 du règlement CE n°207/2009 applicable à la cause s'agissant d'une marque déposée le 22 mars 2010, relatif aux motifs absolus de refus :

« 1. Sont refusés à l'enregistrement :

a) le signes qui ne sont pas conformes à l'article 4;

b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ;

c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci ;

d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce; (...)

g) les marques qui sont de nature à tromper le public, par exemple sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service; ».

La cour rappelle que la validité de la marque doit être appréciée au jour de son dépôt, soit le 30 juillet 2007, au regard des produits qu'elle désigne, soit les produits des classes 29, 30 et 32 tels que déjà mentionnés et de la perception qu'en a le public pertinent, soit le grand public s'agissant de produits alimentaires de grande consommation, indépendamment de toute considération religieuse.

Ainsi, le fait que terme HADAR soit représenté par le signe hébreu « ''' », associé, au sein de la communauté juive, à la certification casher selon les normes cacherout et que l'utilisation de ce signe, pour des produits qui ne seraient pas certifiés casher, constituerait en Israël un acte litigieux est étranger à la problématique de la validité de la marque européenne au regard des critères déjà exposés.

De même, le fait que le terme HADAR serait dépourvu de caractère distinctif s'agissant d'un terme laudatif, le mot HADAR étant la translittération du mot hébreu signifiant « gloire », ou descriptif car il suggère la présence d'agrumes en hébreu, n'est, à nouveau, pas pertinent pour apprécier la validité de cette marque visant uniquement le territoire européen, les intimées ne démontrant nullement que le consommateur européen moyen des produits concernés normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ferait une telle lecture ou analyse de ce signe.

En conséquence, pour l'ensemble de ces motifs ainsi que ceux relevés par le tribunal, il convient de débouter les sociétés Hypercacher et Enav de leur demande d'annulation de la marque fondée sur son caractère déceptif, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

Sur la demande d'annulation des procès-verbaux de saisie-contrefaçon des 7 et 14 mars 2019

M. [O] a été autorisé à faire réaliser une saisie-contrefaçon au sein des locaux de la société Hypercacher Manin par une ordonnance sur requête rendue le 6 mars 2019, puis, au sein du siège social de la société Enav, par une ordonnance sur requête du 11 mars 2019.

Les sociétés Hypercacher demandent l'annulation des procès-verbaux de saisie-contrefaçon réalisés les 7 et 14 mars 2019, soutenant que l'ordonnance du 6 mars 2019 a été obtenue par M. [O] dans des conditions déloyales et abusives car ce dernier a présenté, de manière trompeuse, les faits du litige dans sa requête, invoquant « une marque française verbale française HADAR, déposée à l'INPI le 30 juillet 2007 sous le numéro 6150429 ainsi qu'à l'EUIPO », désignant « les produits des classes 29, 30, 32, 33, 43 et 45 de la classification internationale » alors que cette marque était expirée. Elles en concluent que l'ordonnance du 6 mars 2019 a été accordée à M. [O] sur le fondement d'une marque inexistante, et que la saisie-contrefaçon effectuée dans les locaux de la société Hypercacher Manin est entachée d'irrégularité.

La société Enav soutient que l'ordonnance du 11 mars 2019 a également été obtenue de manière abusive, la requête étant fondée sur la marque française n° 6150429 qui n'était plus en vigueur à cette date, ainsi que sur une interprétation erronée de l'étendue de la protection conférée par la marque de l'Union européenne et que, par conséquent, toute saisie-contrefaçon fondée sur cette marque française doit être déclarée nulle. Elle relève également que M. [O] a prétendu que sa marque communautaire HADAR, enregistrée à l'EUIPO sous le numéro 0065150429, couvrait les produits des classes 29, 30, 32, 33, 43 et 45 et incluait, en classe 30, des biscuits, gâteaux et biscottes. Or, selon la société Enav, le document produit par M. [O] aux débats mentionne uniquement les classes de produits 29, 30 et 32. De plus, en classe 30, la marque vise exclusivement des « farines et préparations faites de céréales », et non des biscuits, gâteaux ou biscottes. Elle conclut que la marque invoquée ne protège ni les biscuits salés ni les crackers, et que l'autorisation de procéder à la saisie-contrefaçon a été obtenue dans des conditions abusives. Elle sollicite en conséquence l'annulation des opérations de saisie effectuées le 14 mars 2019.

M. [O] et la société Mike Elliott Marketing répliquent qu'ils ont dûment justifié de titres régulièrement déposés dans les classes correspondant aux produits allégués de contrefaçon. Ils soutiennent que les opérations de saisie-contrefaçon ont été effectuées conformément aux règles en vigueur et notamment sur une marque de l'UE valide et opposable et sollicitent le rejet de la demande d'annulation des procès-verbaux de saisie.

Sur la validité de l'ordonnance autorisant la saisie- contrefaçon

L'article L.716-7 du code de la propriété intellectuelle dispose : 'La contrefaçon peut être prouvée par tous moyens.

A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou services prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits et services prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers.

La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou fournir les services prétendus contrefaisants.

Elle peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou la saisie annulée.

A défaut pour le demandeur de s'être pourvu au fond, par la voie civile ou pénale, dans un délai fixé par voie réglementaire, l'intégralité de la saisie, y compris la description, est annulée à la demande du saisi, sans que celui-ci ait à motiver sa demande et sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés.'

La cour rappelle que l'absence de contradictoire et le caractère intrusif de la mesure de saisie-contrefaçon requièrent que le requérant fasse une présentation loyale des faits et porte donc à la connaissance du juge, l'ensemble des éléments de droit et de faits utiles, afin de lui permettre de porter une appréciation éclairée sur la demande qui lui est soumise et d'ordonner une mesure proportionnée, au regard des intérêts nécessairement divergents en présence.

C'est par de justes motifs en fait et en droit, adoptés par la cour, que les premiers juges ont retenu que si, dans sa requête présentée le 6 mars 2019, M. [O] a mentionné la marque française n°6150429 qui n'était plus en vigueur à cette date, il était également fait référence à la marque de l'UE qui était en vigueur, déposée pour désigner en classe 30 notamment les « préparations à base de céréales, pain, pâtisseries », les produits argués de contrefaçons, soit les crackers, devant être considérés comme entrant dans cette catégorie.

Aussi, comme l'a retenu le tribunal, nonobstant la référence à une marque expirée, le juge des requêtes a pu constater la validité de la marque de l'UE déposée dans une classe intégrant les crackers argués de contrefaçon et ainsi pu valablement porter une appréciation éclairée sur la demande et ainsi autoriser la saisie-contrefaçon.

Sur les conditions d'exécution de la saisie-contrefaçon

Le jugement n'est pas utilement critiqué en ce qu'il a été constaté que l'huissier de justice s'était présenté au siège de la société Enav à 16h20 et qu'il a ensuite mentionné « après avoir exposé le but de ma mission à M. [C] [K], celui-ci m'indique qu'il va contacter son conseil. Au bout d'une dizaine de minutes, il m'indique que je peux effectuer ma mission », et en a justement déduit que, dans ces conditions, le temps laissé à la partie saisie pour prendre connaissance de l'ordonnance a été suffisant et jugé les opérations de saisie-contrefaçon valides, le jugement critiqué étant confirmé de ce chef.

Sur les demandes de la société Mike Elliott Marketing fondées sur la concurrence déloyale

La société Mike Elliott Marketing soutient qu'en choisissant de commercialiser les mêmes gammes de produits que ceux qu'elle offre à la vente sous la marque HADAR les sociétés Hypercacher et Enav, ont créé un risque de confusion auprès des consommateurs, ont porté atteinte à son activité commerciale et ont capté sa clientèle générant un manque à gagner, leur permettant de réaliser des économies en terme d'investissements publicitaires et promotionnels, outre le discrédit jeté sur ses produits, eu égard aux prix bas auxquels sont commercialisés ces produits concurrents.

Les sociétés Hypercacher et Enav contestent avoir commis le moindre acte de concurrence déloyale. Elles rappellent en substance que le seul fait de commercialiser une même gamme de produits ne suffit pas à caractériser une faute distincte de la contrefaçon déjà alléguée et ce d'autant qu'elles contestent avoir proposé à la vente de tels produits sous ce même signe.

Sur ce, la cour rappelle que sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, les comportements fautifs car contraires aux usages dans la vie des affaires, notamment ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit.

Cette notion doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un produit qui ne fait pas ou ne fait plus l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d`un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit.

L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment, le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété du produit copié.

Le seul fait de commercialiser des produits identiques ou similaires à ceux distribués par un concurrent qui ne font pas l'objet de droits de propriété intellectuelle relève de la liberté du commerce et n'est pas fautif, dès lors que cela n'est pas accompagné de man'uvres déloyales constitutives d'une faute telle que la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

En outre, si l'action en concurrence déloyale peut se fonder sur des faits matériellement identiques à ceux allégués au soutien d'une action en contrefaçon rejetée pour défaut de constitution d'un droit privatif ou pour inopposabilité du droit privatif aux tiers, il convient de relever qu'en l'espèce, dans la mesure où il a été établi qu'il n'était pas justifié d'une exploitation du signe HADAR par les appelants pour la commercialisation de crackers, bretzels et gâteaux, que les sociétés intimées démontrent que la société Enav notamment commercialise de longue date, depuis 1998, des produits provenant de la société Afifit Hadar, qui exploite la marque en Israël depuis 1995, la société Mike Elliott ne peut utilement se prévaloir de la vente de ces produits par les intimées pour justifier de l'existence de faits de concurrence déloyale commis à son détriment et ce alors que la quasi-intégralité des produits en cause n'est pas commercialisée sous le signe HADAR mais sous le signe suivant correspondant à la marque exploitée par la société Afifit Hadar depuis 1995 (signe exploité depuis au moins 1971 en Israël) :

Il n'est ainsi démontré aucune man'uvre déloyale susceptible de générer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine des produits en cause.

En conséquence, il convient de débouter la société Mike Elliott Marketing de sa demande fondée sur la concurrence déloyale, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

Sur les demandes reconventionnelles au titre de la procédure abusive

La société Enav soutient que l'action engagée par M. [O] et la société Mike Elliott Marketing est infondée et lui a causé un préjudice financier et moral, en raison du déréférencement de ses produits provenant de la société Afifit Hadar par les magasins Hypercacher.

Les sociétés Hypercacher dénoncent une volonté manifeste de M. [O] de les empêcher de commercialiser les produits HADAR, alors qu'il ne bénéficie d'aucun monopole sur ces produits. Elles exposent que la procédure engagée les a contraintes à déréférencer les produits provenant de la société Afifit Hadar distribués par la société Enav et que la société Hypercacher Manin a subi une saisie-contrefaçon abusive durant ses heures d'ouverture. Elles sollicitent la somme de 13.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'abus de procédure.

M. [O] et la société Mike Elliott Marketing contestent ces demandes en faisant valoir qu'ils ont agi en justice pour défendre leurs droits et qu'aucun abus ne peut leur être reproché.

Sur ce, la cour rappelle que l'accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que le fait d'agir en justice ou d'exercer une voie de recours légalement ouverte est susceptible de constituer un abus. Or, ni les sociétés Hypercacher, ni la société Enav ne démontrent la faute commise par M. [O] et la société Mike Elliott qui aurait fait dégénérer en abus leur droit d'agir en justice, les intéressés ayant pu légitimement se méprendre sur l'étendue de leurs droits, s'agissant de marques déposées depuis de nombreuses années.

Elles ne justifient pas en outre de l'existence d'un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, si les sociétés intimées mettent en avant avoir dû procéder au déréférencement des produits provenant de la société Afifit- Hadar suite à la procédure introduite par M. [O] et la société Mike Elliott, aucune pièce ne justifie, d'une part, de ce déréférencement et, d'autre part, de la perte subie en conséquence notamment par la société Enav qui importait ces produits.

En conséquence, les demandes formulées sur ce point par les sociétés intimées doivent être rejetées et le jugement infirmé de ce chef.

Sur la garantie de la société Enav

Dans la mesure où aucune condamnation n'a été prononcée contre les sociétés Hypercacher, leur appel en garantie formé contre la société Enav est sans objet.

Sur les autres demandes

M. [O] et la société Mike Elliott, parties perdantes, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Maître Audrey Schwab et Maître Jeanne Baechlin, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Enfin, l'équité et la situation des parties commandent de condamner in solidum M. [O] et la société Mike Elliot Marketing à verser, d'une part, à la société Enav et, d'autre part, aux sociétés Hypercacher, une somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Confirme l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 16 avril 2021 en toutes ses dispositions ;

Confirme le jugement rendu le 8 juillet 2022 sauf en ce qu'il a :

condamné in solidum la société MIKE ELLIOTT MARKETING et [M] [O] à payer à la société ENAV SELECTION la somme de 13 000 euros en réparation du préjudice subis du fait de l'abus de procédure ;

- condamné in solidum la société MIKE ELLIOTT MARKETING et [M] [O] à payer aux sociétés HYPERCACHER MANIN, OURCQ DISTRIBUTION et HYPERCACHER VILLETTE ensemble, la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subis du fait de l'abus de procédure ;

L'infirme de ce chefs,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la société Enav et les sociétés Hypercacher Manin, Ourcq Distribution et Hypercacher Villette de leurs demandes reconventionnelles de dommages et intérêts pour abus de procédure,

Condamne in solidum M. [O] et la société Mike Elliott Marketing aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés par Maître Audrey Schwab et Maître Jeanne Baechlin, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [O] et la société Mike Elliott Marketing à verser à la société Enav une somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [O] et la société Mike Elliott Marketing à verser aux sociétés Hypercacher Manin, Ourcq Distribution et Hypercacher Villette, une somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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