CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 4 avril 2025, n° 22/15660
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Adour Gestion Informatique (SAS)
Défendeur :
Adapei (Association)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ardisson
Conseillers :
Mme L'eleu de La Simone, Mme Guillemain
Avocats :
Me Laurent, Me Catana, Me Bernabe
FAITS ET PROCEDURE
Selon contrat prenant effet à la date du 1er avril 1983, l'association ADAPEI a confié à la SAS Adour Gestion Informatique (la société AGI) l'entretien, le dépannage, l'assistance technique et la mise à jour régulière d'un logiciel informatique. Il était stipulé que le contrat était renouvelable par tacite reconduction, sauf annulation par l'une des parties au plus tard au mois de novembre de chaque année.
Le 2 janvier 2019, la société AGI a émis une facture d'un montant de 24.570,17 ' afférente à la période du 1er janvier au 31 décembre 2019 du contrat de maintenance annuel.
L'association ADAPEI ayant souhaité renégocier les termes du contrat, la société AGI lui a transmis, par courriel du 3 avril 2019, une proposition portant sur un avoir consécutif à la rupture du contrat couvrant la période des mois d'avril à décembre, ainsi qu'un devis en vue de la conclusion d'un nouveau contrat incluant la suppression de certaines options. Toutefois, l'association ADAPEI n'a pas accepté ce devis.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 31 mai 2019, l'association ADAPEI a indiqué à la société AGI qu'elle maintenait sa volonté de renégocier le contrat pour l'avenir et qu'à défaut de retour sous quinzaine, elle serait en mesure de lui imposer sa résiliation.
Par l'intermédiaire de son conseil, la société AGI a adressé un courrier à l'association ADAPEI, le 11 juillet 2019, pour lui indiquer qu'elle avait appris que cette dernière avait fait le choix d'un nouveau prestataire, et qu'elle entendait être indemnisée de son préjudice consécutif à la rupture brutale d'une relation commerciale établie.
Par courrier du 22 juillet 2019, la société AGI a sollicité auprès de l'association ADAPEI le règlement de la totalité de la facture émise pour l'année 2019.
Suivant exploit du 10 mars 2020, la société AGI fait assigner l'association ADAPEI devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, afin d'obtenir sa condamnation à lui régler la somme de 8.751,02 ' correspondant au montant facturé au titre de l'exécution du contrat entre le 1er janvier et le 10 mai 2019, ainsi que la somme de 61.047 ' à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la brutalité de la rupture de la relation commerciale ; subsidiairement, elle sollicitait le paiement du règlement intégral de sa facture à hauteur de 24.570,17 '.
Par jugement en date du 5 mai 2022, le tribunal a :
- Condamné l'association ADAPEI à payer à la société AGI la somme de 8.751,02 ' au titre de l'exécution partielle du contrat de maintenance,
- Constaté que la rupture du contrat de maintenance était imputable à la société AGI,
- Débouté la société AGI de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande subsidiaire en paiement de l'intégralité de la facture émise au titre de l'année 2019,
- Débouté l'association ADAPEI de ses demandes de dommages et intérêts,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- Dit que chacune des parties conserverait la charge de ses propres dépens,
- Rappelé que l'exécution provisoire était de droit.
La société AGI a formé appel du jugement, par déclaration du 1er septembre 2022.
Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats, le 24 février 2023, l'association ADAPEI a interjeté un appel incident.
Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 31 octobre 2024, la SAS Adour Gestion Informatique demande à la Cour, au visa des articles 1134 ancien du code civil et L. 442-1, II, alinéa 1er, , du code de commerce, de :
"A titre principal,
' Réformer le jugement du Tribunal Judiciaire de Bordeaux en date du 5 mai 2022 en ce qu'il a constaté que la rupture du contrat de maintenance était imputable à la société ADOUR GESTION INFORMATIQUE, débouté la société ADOUR GESTION INFORMATIQUE de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 61.047 EUR au titre du préjudice résultant de la rupture brutale d'une relation commerciale établie et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
' Condamner l'ADAPEI à payer à la société ADOUR GESTION INFORMATIQUE la somme de 61.047 EUR à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la brutalité de la relation commerciale établie,
' Confirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Bordeaux en date du 5 mai 2022 en ce qu'il a condamné l'ADAPEI à payer à la société ADOUR GESTION INFORMATIQUE la somme de 8.751,02 EUR,
A titre subsidiaire,
' Réformer le jugement du Tribunal Judiciaire de Bordeaux en date du 5 mai 2022 en ce qu'il a constaté que la rupture du contrat de maintenance était imputable à la société ADOUR GESTION INFORMATIQUE, débouté la société ADOUR GESTION INFORMATIQUE sa demande subsidiaire en paiement de sa facture de 2019 et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
' Condamner l'ADAPEI à payer à la société ADOUR GESTION INFORMATIQUE la somme de 24.570,17 EUR, outre intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation,
En tout état de cause,
' Débouter l'ADAPEI de l'ensemble de son appel incident et de ses demandes, fins et conclusions,
' Confirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Bordeaux en date du 5 mai 2022 en ce qu'il a débouté l'ADAPEI de sa demande de condamnation à des dommages et intérêts formulée à l'encontre de la société ADOUR GESTION INFORMATIQUE,
' Condamner l'ADAPEI à payer à la société ADOUR GESTION INFORMATIQUE la somme de 4.000 EUR sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
' Condamner l'ADAPEI au paiement des entiers dépens."
Dans ses dernières conclusions, transmises par voie électronique, le 24 février 2023, l'association ADAPEI des Landes demande à la Cour, sur le fondement des articles 1227, 1228, 1229 et 1231-1 du code civil, de :
"Déclarer recevable l'appel incident de l'association ADAPEI
Confirmer le jugement du Tribunal de Judiciaire de Bordeaux du 5 mai 2022 en ce qu'il a
- Ecarté l'application l'article L142-1 II alinéa 1er du Code de Commerce à l'association ADAPEI Des Landes, dans la mesure où elle n'exerce pas d'activités de production, de distribution ou de services, qu'elle n'accomplit pas d'acte de commerce, qu'elle n'entretient donc pas de relations commerciales établies au sens de cet article,
- CONSTATE que la rupture du contrat de maintenance est imputable à la SAS ADOUR GESTION INFOMATIQUE,
- DÉBOUTE la SAS ADOUR GESTION INFOMATIQUE de sa demande en dommages et intérêts dirigée contre l'association ADAPEI et de sa demande subsidiaire en paiement de l'intégralité de la facture 2019,
Infirmer le jugement du Tribunal de Judiciaire de Bordeaux du 5 mai 2022 en ce qu'il a
- CONDAMNE l'association ADAPEI à payer à la SAS ADOUR GESTION INFOMATIQUE la somme de 8 751,02 euros au titre de l'exécution partielle du contrat de maintenance,
- DÉBOUTE l'association ADAPEI de ses demandes en dommages et intérêts,
- DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties,
- DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
- DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens,
STATUANT A NOUVEAU
- Débouter la société AGI de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Limiter le montant des prestations dues à la société AGI sur la période du 1er janvier au 10 mai 2019 à la somme de 2607,42' HT, soit 3128,90' TTC, correspondant aux prestations réellement réalisées donc déduction faite des prestations non réalisées par la société AGI car devenues sans objet et pourtant facturées :
Plus de gestion de réseau VPN,
Plus de gestion des firewall,
Plus de gestion du réseau wifi,
Plus de contrat pour la comptabilité
- Condamner la société AGI à verser à l'association ADAPEI DES Landes la somme de 44.980,84' décomposée comme suite :
o 39.980,84' à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,
o 5.000' à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral compte tenu des circonstances entourant la rupture du contrat,
- Vu les créances réciproques, Ordonner la compensation entre les sommes dues par l'association ADAPEI DES Landes (3128,90' TTC) et celles dues par la société AGI au titre de la réparation du préjudice subi (44.980,84') et de la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire (8.751,02'), à due concurrence
En conséquence,
' Condamner la société AGI à payer à l'association ADAPEI DES Landes la somme de 50.602,96', avec intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
' Sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile, condamner la S.A.S AGI "ADOUR GESTION INFORMATIQUE" aux entiers dépens de première instance et d'appel;
' Sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, condamner la S.A.S AGI "ADOUR GESTION INFORMATIQUE" à payer à l'association ADAPEI Des landes la somme de 4.000,00 '."
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 novembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la rupture brutale d'une relation commerciale établie
Enoncé des moyens
La société AGI prétend que l'association ADAPEI s'est rendue responsable d'une rupture brutale d'une relation établie, au sens de l'article L. 442-1, II, alinéa 1er, du code de commerce. Elle soutient que ces dispositions sont applicables aux associations, indépendamment de leur statut juridique, dès lors qu'elles exercent une activité de production, de distribution ou de services, ce qui est le cas de l'association ADAPEI, qui produit et fournit des services. Elle expose que toute intervention technique de sa part a été rendue impossible à compter du jour où sa cliente a fait appel à un concurrent, la société Actuelburo, à laquelle elle a communiqué, à réception d'un mail du 10 mai 2019, le mot de passe administrateur du domaine ; elle poursuit en expliquant que l'association ADAPEI a cessé de solliciter ses services à compter de cette date, et qu'elle a conclu avec la société Actuelburo un contrat d'infogérance, le 7 mai 2019, ce qui impliquait sa volonté de rompre la relation commerciale. Elle demande à être indemnisée de son préjudice en tenant compte de la marge brute escomptée durant un délai de préavis de dix-huit mois, eu égard à la durée importante de cette relation, soit trente-six mois.
L'association ADAPEI réplique que l'article L. 442-1, II, alinéa 1er, du code de commerce n'est pas applicable, dans la mesure où, selon ses statuts, elle a pour but de soutenir les personnes atteintes de handicap, et qu'elle n'exerce ainsi aucune activité commerciale. Elle ajoute qu'elle a proposé à plusieurs reprises à la société AGI de renégocier le contrat, en raison de l'évolution de ses besoins, mais que celle-ci a pris acte d'une prétendue rupture, par courrier du 11 juillet 2019, sans y donner de suite. Elle conteste ainsi avoir résilié le contrat litigieux. Elle réplique que le contrat d'infogérance conclu avec la société Actuelburo, à laquelle elle avait confié la mission de réaliser un audit, a pour objet des prestations différentes. Elle prétend que la durée de préavis, invoquée par la société AGI, est en tout état de cause manifestement excessive, au regard de l'importance de son chiffre d'affaires impliquant l'absence de lien de dépendance économique, tout en objectant que l'évaluation du préjudice doit reposer uniquement sur la marge sur coûts variables.
Réponse de la Cour
Selon l'article L. 442-1, II du code de commerce, dans sa version issue l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, applicable au jour de la rupture du contrat, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.
Ce texte précise qu'en cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois.
Enfin, ces dispositions ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.
- Sur l'existence d'une relation commerciale établie
Le régime juridique d'une association, comme le caractère non lucratif de son activité, ne sont pas de nature à l'exclure du champ d'application l'article L. 442-1, II du code de commerce, dès lors qu'elle procède à une activité de production, de distribution ou de services, pourvu qu'elle ait entretenu une relation commerciale établie avec le demandeur à l'action.
En l'occurrence, les statuts de l'association ADAPEI prévoient que celle-ci a pour buts notamment de mettre en 'uvre tous les moyens nécessaires pour la défense morale et matérielle des personnes handicapées mentales et de rassembler, aider et soutenir les familles ayant un enfant adolescent ou adulte handicapé mental (article 3). Ils précisent que ses modalités d'action consistent essentiellement à créer et gérer des établissements médico-éducatifs (article 4).
Malgré ce qui est soutenu l'association ADAPEI exerce ainsi une activité de services et, selon ses explications, elle a réalisé un chiffre d'affaires de l'ordre de 90.000 ' sur les sept dernières années. En passant commande auprès de la société AGI de prestations en vue d'assurer la maintenance de son parc informatique, pour les besoins de son activité, moyennant une rémunération, elle a noué avec son partenaire une relation commerciale.
Contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, il y a donc lieu de dire que les dispositions de l'article L. 442-1, II du code de commerce sont applicables dans le cadre du présent litige.
Une relation commerciale établie présente un caractère suivi, stable et habituel et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux, ce qui implique, notamment qu'elle ne soit pas entachée par des incidents susceptibles de remettre en cause sa stabilité, voire sa régularité.
Il est constant que la relation était, par ailleurs, établie depuis seize ans, le contrat conclu en 2003 entre les parties ayant été tacitement reconduit jusqu'à sa rupture, en 2019.
- Sur l'imputabilité de la rupture
Il résulte des échanges entre les parties que l'association ADAPEI a souhaité renégocier le contrat et que la société AGI y a répondu favorablement, le 3 avril 2019, en lui soumettant un devis en vue de conclure une nouvelle convention incluant la suppression de certaines options.
L'association ADAPEI explique qu'elle n'a pas accepté, pour autant, les conditions qui figuraient dans le devis.
Elle reconnaît, par ailleurs, qu'elle a fait appel à la société Actuelburo, au cours du mois d'avril 2019, afin de réaliser un audit, ce qui est attesté par le directeur commercial de cette société, lequel explique qu'il a sollicité la communication du mot de passe administrateur auprès de "l'ancien prestataire du client", afin de mener à bien ses travaux ; de fait, par mail du 10 mai 2019, le représentant de la société Actuelburo a adressé une mise en demeure la société AGI de lui communiquer le mot de passe, à laquelle celle-ci a satisfait. La société intimée admet également qu'elle a signé avec la société Actuelburo un contrat d'infogérance, le 7 mai 2019, et un contrat portant sur la messagerie Office 365, le 20 mai suivant.
Néanmoins, en dépit de ce qu'elle affirme, la société AGI ne démontre pas qu'elle aurait été dans l'impossibilité d'assurer ses prestations à compter de l'intervention de la société Actuelburo. Ainsi, à défaut d'être corroborées par d'autres éléments de preuve, les attestations qui émanent de ses salariés, du fait de leur lien de subordination avec leur employeur, ne suffisent pas à établir que le changement du mot de passe du serveur principal aurait fait échec à toute connexion.
Il n'est pas prouvé non plus que le contrat d'infogérance conclu avec la société Actuelburo avait le même objet que le contrat précédent, la société AGI ne fournissant à ce sujet aucune explication utile, et, comme le fait valoir l'association ADAPEI, il n'est pas illogique non plus que la société Actuelburo évoque dans son attestation "l'ancien prestataire du client", dans la mesure où celle-ci a été établie en juillet 2020, soit plusieurs mois après la date de l'assignation.
Ces circonstances ne sont donc pas révélatrices de la volonté de l'association ADAPEI de rompre la relation avec la société AGI.
L'association ADAPEI justifie, au contraire, qu'elle a adressé ultérieurement un courrier recommandé à la société AGI, le 31 mai 2019, dans lequel elle lui rappelait sa volonté de renégocier le contrat pour l'avenir, tout en précisant qu'elle était dans l'attente d'un rendez-vous à cet effet. Elle précisait, dans cette lettre, qu'elle serait en mesure d'imposer à la société AGI la résiliation du contrat, à défaut de réponse de sa part sous quinzaine. Elle s'est néanmoins abstenue de lui notifier cette résiliation, dans l'attente d'une réponse de la société AGI, dans la mesure où celle-ci lui avait indiqué par retour de courrier, le 17 juin 2019, qu'elle ne manquerait pas de revenir vers elle dans les meilleurs délais.
Or, la société AGI n'a donné aucune suite à cette proposition, et elle a finalement indiqué prendre acte, par courrier du 11 juillet 2019, de la rupture du contrat, qu'elle considérait être à l'initiative de l'association ADAPEI, au motif que celle-ci avait fait le choix d'un nouveau prestataire, en sollicitant l'indemnisation de son préjudice consécutif à la rupture brutale d'une relation commerciale établie.
C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que la société AGI avait pris acte de la résiliation du contrat sans motif valable, et que la rupture de la relation lui était imputable.
Le jugement sera, dès lors, confirmé en ce qu'il a débouté la société AGI de sa demande d'indemnisation.
Sur la demande en paiement de la facture des prestations de l'année 2019
Enoncé des moyens
Subsidiairement, la société AGI fait valoir que l'association ADAPEI lui reste redevable du montant de la facture relative à ses prestations du 1er janvier au 31 décembre 2019, au motif qu'elle a rompu le contrat, alors que celui-ci, qui était renouvelable annuellement, pouvait être dénoncé seulement "au plus tard au mois de novembre de chaque année". Elle fait valoir qu'elle a réalisé, en tout état de cause, les prestations lui incombant jusqu'à la réception du mail de la société Actuelburo en date du 10 mai 2019.
L'association ADAPEI prétend, pour sa part, que le contrat doit être résilié aux torts de la société AGI, dans la mesure où cette dernière a pris l'initiative de rompre le contrat, sans autre justification. Elle ajoute que l'audit réalisé par la société Actuelburo a mis en évidence de nombreux dysfonctionnements du système, des risques d'atteinte à la sécurité ainsi que des défauts de conseils du prestataire, constitutifs de manquements graves à ses obligations contractuelles. Elle estime, en conséquence, ne pas être redevable des prestations facturées après le 10 mai 2019. Quant aux prestations réalisées avant cette date, depuis le 1er janvier 2019, elle considère que leur montant doit être ramené à 3.128,90 ' TTC, le surplus des prestations facturé étant sans objet.
Réponse de la Cour
L'article 1224 du code civil dispose que « La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.» Selon l'article 1229 du même code, la résolution met fin au contrat.
Il résulte des développements précédents qu'aux termes du courrier du 3 avril 2019 la société AGI a accepté de mettre fin au contrat souscrit en 1983, en faisant parvenir à l'association ADAPEI une nouvelle offre de prestations, et qu'elle a mis fin ultérieurement à la relation commerciale le 11 juillet 2019, après avoir pris acte de la résiliation du contrat au jour du 10 mai 2019, date à laquelle elle a cessé de réaliser des prestations pour sa cliente. La société AGI n'est donc pas fondée à reprocher à l'association ADAPEI d'avoir résilié le contrat, avant la date d'échéance prévue pour son renouvellement, et ne peut ainsi légitimement prétendre obtenir le paiement des prestations qu'elle a facturées au-delà du terme du contrat. Le jugement sera, dès lors, confirmé du chef du rejet de sa demande en paiement des prestations facturées après le 10 mai 2019.
L'association ADAPEI explique, pour sa part, qu'elle a entendu renégocier avec la société AGI les prestations prévues au contrat, afin qu'elles correspondent mieux à ses besoins et supprimer les prestations devenues sans objet. Les négociations n'ayant pas abouti, elle ne saurait légitimement imputer a posteriori des manquements contractuels à son cocontractant, pour refuser de s'acquitter des prestations facturées avant la résiliation du contrat, durant la période du 1er janvier au 10 mai 2019. Par ailleurs, dans la mesure où le montant des prestations était fixé sur la base du contrat alors en cours d'exécution, il n'y a pas lieu de déduire le montant des prestations prétendument devenues sans objet. Il convient, par conséquent, de confirmer le chef de condamnation prononcée à l'encontre de l'association ADAPEI au paiement de la somme de 8.751,02 ' correspondant aux prestations facturées par la société AGI, durant la période du 1er janvier au 10 mai 2019.
Sur la demande de dommages et intérêts de l'association ADAPEI
Enoncé des moyens
L'association ADAPEI prétend qu'elle a été contrainte d'engager des frais supplémentaires, en raison des manquements contractuels de la société AGI, consistant en l'ajout de RAM sans utilité et des dépenses liées au logiciel comptable, pour une somme totale de 39.980,84 ', dont elle demande à être indemnisée. Elle ajoute qu'elle a subi un préjudice moral compte tenu des circonstances entourant la rupture du contrat.
La société AGI réplique qu'elle n'a jamais été destinataire de la moindre réclamation au sujet des prétendus dysfonctionnements. Elle fait valoir que l'attestation de la société Actuelburo produite par l'intimée, qui est un concurrent direct, est insuffisante à établir la réalité des manquements contractuels qui lui sont reprochés.
Réponse de la Cour
En application de l'article 1231-1 du code civil, « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.»
Force est de constater que l'association ADAPEI, qui explique que ses besoins en matière informatique avaient évolué et qu'elle souhaitait ainsi voir adapter le contrat, ne produit aucun courrier justifiant qu'elle se serait plainte auprès de la société AGI de quelconques dysfonctionnements ni d'un manquement à son devoir de conseil, avant la résiliation du contrat.
Ainsi que l'a relevé le premier juge, l'attestation du représentant de la société Actuelburo, chargée initialement de réaliser un audit, avec laquelle l'association ADAPEI entretient une relation contractuelle dans le cadre d'un contrat d'infogérance, ne permet pas, à défaut d'être corroborée par d'autres éléments, de caractériser les manquements allégués.
C'est à juste titre également que le tribunal a estimé que l'association ADAPEI ne justifiait d'aucun préjudice moral spécifique dès lors que les négociations pour conclure un nouveau contrat avaient échoué et que la rupture de la relation lui avait permis de retrouver sa liberté contractuelle.
Le jugement sera ainsi confirmé, en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts de l'association ADAPEI.
Sur la restitution des sommes versées en exécution du jugement
Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de l'association ADAPEI portant sur le remboursement de la somme versée à la société AGI en exécution du jugement, celle-ci succombant en cause d'appel. Il sera rappelé qu'un arrêt, infirmatif, constitue en tout état de cause le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, ce qui rend la demande sans objet.
Sur les autres demandes
La société AGI succombant au recours, le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
Statuant de ces chefs en cause d'appel, la cour la condamnera aux dépens, ainsi qu'à payer à l'association ADAPEI une somme de 3.000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la SAS Adour Gestion Informatique aux dépens de l'appel,
CONDAMNE la SAS Adour Gestion Informatique à payer à l'association ADAPEI la somme de 3.000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de l'association ADAPEI portant sur le remboursement de la somme versée à la SAS Adour Gestion Informatique en exécution du jugement.