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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 4 avril 2025, n° 23/02550

NÎMES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

Mme Vareilles, M. Maitral

Avoués :

Me Ninotta, Me Pericchi

Avocats :

Me Gabet, Me Saban, Cabinet Philippe Petit et Associés

TGI Privas, du 15 juin 2023, n° 22/01543

15 juin 2023

EXPOSÉ

Vu l'appel interjeté le 25 juillet 2023 par Monsieur [G] [J] à l'encontre du jugement rendu le 15 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Privas dans l'instance n° RG 22/01543 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 23 octobre 2023 par Monsieur [G] [J], appelant, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 16 janvier 2024 par la société commune de [Localité 1], intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l'ordonnance du 6 mars 2025 de clôture de la procédure à effet différé au 13 mars 2025.

***

La commune de [Localité 1] est le cessionnaire d'un fonds de commerce comprenant une licence de débit de boissons, selon acte notarié du 30 novembre 2020.

Un projet de transfert et d'agrandissement de ce commerce a été étudié par la commune, avec un déplacement dans de nouveaux locaux et l'ajout d'une activité de bar-restauration, donnant lieu à une étude de faisabilité réalisée par la CCI de l'Ardèche en juin 2019.

Monsieur [G] [J] a candidaté au projet lancé par la commune de [Localité 1] et a signé le 7 janvier 2021 un contrat avec l'agence immobilière Api Serrières, agissant en qualité de mandataire du bailleur. Le contrat prévoyait que Monsieur [G] [J] pouvait disposer, dans l'attente de l'entrée en jouissance des nouveaux locaux, des anciens locaux du commerce, dans lesquels il a démarré son activité en février 2021.

Les travaux des nouveaux locaux ont pris du retard, et les relations entre Monsieur [G] [J] et la commune ont donné lieu à de nombreux échanges, jusqu'à la rupture du lien contractuel à l'initiative de la commune de [Localité 1] par courrier recommandé du17 novembre 2021.

***

Par exploit du 1er juin 2022, Monsieur [G] [J] a fait assigner la commune de Saint-Désirat en requalification des relations contractuelles en bail commercial et en indemnisation pour rupture du contrat devant le tribunal judiciaire de Privas.

***

Par jugement du 15 juin 2023, le tribunal judiciaire de Privas a statué et :

« Déboute Monsieur [G] [J] de1'ensemble de ses demandes ;

Condamne Monsieur [G] [J] à payer à la commune de [Localité 1] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [G] [J] au paiement des dépens. ».

***

Monsieur [G] [J] a relevé appel le 25 juillet 2023 de ce jugement pour le voir infirmer, annuler, ou réformer en toutes ses dispositions.

***

Dans ses dernières conclusions, Monsieur [G] [J], appelant, demande à la cour, au visa des articles L.142-2, L.144-1, L.145-1 et suivants du code de commerce, des articles 1719 et suivants du code civil, et de l'article 700 du code de procédure civile, de :

« Infirmer le jugement rendu le 15 juin 2023 par le tribunal judicaire de Privas dans toutes ses dispositions ;

Et statuant de nouveau ;

Qualifier le lien contractuel entre la commune de [Localité 1] et Monsieur [J] de bail commercial ;

En conséquence,

Condamner la commune de [Localité 1] à verser à Monsieur [J] les sommes de :

- 29 042,19 euros à titre de remboursement des frais engagés en lieu et place du propriétaire du local ;

- 75 339,23 euros au titre de la perte de revenus et des bénéfices en année 01

- 149 985 euros au titre de salaires non perçus en années 2 et 3 ;

- 97 281,23 euros au titre des bénéfices non réalisés en années 2 et 3 ;

- 80 000 euros à titre d'indemnité d'éviction ;

- 10 000,00 euros à titre d'indemnisation de son préjudice moral ;

- 5 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la commune de [Localité 1] aux entiers dépens de l'instance ; ».

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [G] [J], appelant, expose que le contrat signé par les parties le 7 janvier 2021 est un bail commercial et qu'il n'est jamais fait état de la reprise d'une quelconque clientèle ou d'un matériel d'exploitation, les aménagements et les mises en conformité étant à la charge exclusive du locataire.

Il réfute l'argumentation de la commune relative à la validité de ce bail car la commune a mandaté une agence, bien qu'elle le conteste, a remis les clés, a assuré l'entretien de quelques appareils et est restée en discussion avec lui sans jamais discuter le contrat conclu. Monsieur [J] soutient par conséquent que la commune a ratifié ce contrat au sens de l'article 1998 alinéa 2 du code civil et qu'une location peut porter sur une chose future.

Il fait valoir qu'il n'existe aucun contrat de location-gérance signé et que les conditions de la location-gérance ne sont pas remplies puisqu'il n'y avait pas de clientèle ni de chiffre d'affaires, le précédent fonds ' qui avait un chiffre d'affaires dérisoire - étant fermé depuis novembre 2020. L'appelant fait état de l'étude de faisabilité de la CCI qui mettait l'accent sur la constitution d'une nouvelle clientèle. Il ajoute que le local n'avait pas le matériel nécessaire pour exercer toutes les activités demandées et se réfère à une délibération du conseil municipal du 3 mai 2022, ainsi qu'à celle du 22 juillet 2022 dans lesquelles il est confirmé que le local doit être exploité par un bail commercial et que l'acquéreur devra investir 50 000 euros pour équiper le local de tout le matériel nécessaire à la vente et à la restauration. Monsieur [J] relève enfin que le contrat de location-gérance allégué n'a pas été publié.

Partant donc du principe que les parties étaient liées par un contrat de bail commercial, Monsieur [J] considère que la commune a manqué à toutes ses obligations, notamment d'une délivrance conforme. Il précise qu'il a dû emménager dans des locaux vétustes en attendant la fin des travaux et que les désordres dans ce local se sont accumulés. Alors que le bail commercial prévoyait une activité de bar et d'épicerie, Monsieur [J] prétend qu'il n'existait aucun matériel pour exploiter ce type d'activité et que le matériel présent pour les activités d'épicerie et de restaurant était vétuste et inadapté.

Il considère en outre que la commune a illégalement mis un terme au bail commercial le 17 novembre 2021, de sorte qu'il y a lieu de lui rembourser les frais qu'il a indûment engagés, de l'indemniser du chiffre d'affaires qu'il n'a pu réaliser, de lui payer une indemnité d'éviction et de l'indemniser de son préjudice moral

Dans ses dernières conclusions, la commune de [Localité 1], intimée, demande à la cour, au visa de l'article L.2122-22 du code général des collectivités territoriales, de l'article 1133 du code civil, de l'article 12 du code de procédure civile, et des articles L.144-1 du code de commerce, de :

« - Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Privas le 15 juin 2023

Et :

- Débouter Monsieur [G] [J] de l'ensemble de ses demandes

- Condamner Monsieur [G] [J] à payer à la commune de [Localité 1] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Monsieur [G] [J] au paiement des dépens

Y ajoutant, en cause d'appel :

- Condamner Monsieur [G] [J] à régler à la commune de [Localité 1] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance. ».

Au soutien de ses prétentions, la commune de [Localité 1], intimée, fait valoir que le contrat formalisé le 7 janvier 2021 est nul car l'agent immobilier ne disposait pas d'un mandat écrit et que les règles relatives à la représentation d'une collectivité locale ne permettent pas à un mandataire immobilier de signer lui-même un contrat engageant la commune. Elle indique que seul le maire, sur délégation donnée par le conseil municipal, peut représenter la commune pour signer ce type de contrat. Elle relève que le contrat signé le 7 janvier 2021 portait sur des locaux qui n'existaient pas encore et que le consentement de la commune est entaché d'une erreur substantielle.

La commune affirme en effet qu'elle n'a donné son consentement qu'à un contrat de location-gérance et n'a jamais renoncé à ses droits sur le fonds de commerce, sauf s'il était vendu.

Elle reconnaît avoir sollicité l'agence immobilière pour qu'elle formalise la période transitoire avant le transfert du fonds dans les nouveaux locaux, précise que le bail commercial n'était envisagé que dans l'hypothèse du rachat du fonds par le preneur, ce qui a été finalement le cas après le départ de Monsieur [J].

La commune prétend donc avoir accepté une location-gérance ' quand bien même il n'y ait eu aucun écrit - après la fermeture du précédent fonds de commerce en novembre 2020 pendant un peu plus de 2 mois, ce qui n'a pu entraîner une perte de clientèle, celle-ci ayant baissé uniquement les derniers mois en raison des soucis de santé du précédent exploitant. Cette location-gérance devait dans un premier temps s'exercer dans les anciens locaux, puis la commune devait déménager le fonds dans un local neuf lorsque celui-ci serait terminé.

La commune conteste la demande de remboursement des investissements annoncés par Monsieur [J], les matériels n'ayant pas été retrouvés dans le local après son départ.

Elle indique que le matériel destiné à la restauration concernait les nouveaux locaux et que la panne de climatisation a été réparée.

Elle estime que l'absence d'activité tabac relève de causes qui ne lui sont pas imputables.

Elle rappelle que la commune n'a sollicité aucune redevance ni loyer pendant l'intégralité de l'exercice de Monsieur [J] et que l'absence de publicité du contrat ne rend pas la location-gérance nulle.

Elle conteste toutes les demandes en paiement de Monsieur [J], faisant valoir que l'étude de faisabilité de la CCI porte sur l'exploitation des nouveaux locaux, que l'appelant ne fournit aucun document comptable, ni aucune pièce justificative au titre d'une prétendue indemnité d'éviction.

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur la nullité du contrat de bail commercial

Il est produit un bail commercial signé le 7 janvier 2021 par le bailleur représenté par l'Agence pour l'Immobilier (API) et Monsieur [J], preneur.

Ce bail porte sur des locaux situés [Adresse 3] à [Localité 1]. Il est spécifié que le local devra être affecté à l'usage commercial, que le local est destiné à usage d'épicerie et de restaurant, de bar et de tabac.

Il est conclu pour une durée de 3 ans, avec reconduction tacite tous les 3 ans et ce jusqu'à 9 ans.

Il se réfère aux dispositions des articles L.145-18, L.145-21, L.145-38 du code de commerce

Il est stipulé des conditions particulières , à savoir que :

« les locaux loués dans le présent bail sont en cours de travaux à la date de signature dudit bail.

A titre provisoire, le PRENEUR sera installé dans un autre local sis [Adresse 3], jusqu'à la fin de ces travaux, moyennant un loyer et des charges identiques à ceux des présentes.

Le locataire aura la jouissance de la licence 4 appartenant à la mairie pour exercer son activité de boisson qui sera restituée dès la fin du bail.

Un état des lieux sera réalisé à la prise de possession du local définitif.

Une gratuité de loyer est consentie pour un montant d'un mois et demi de loyer en échange de la jouissance d'un local commercial ».

Monsieur [J] a ouvert son commerce le 1er février 2021 dans les anciens locaux.

La déclaration d'achèvement et de conformité des nouveaux locaux est datée du 6 août 2021.

Il est admis que Monsieur [J] n'a pas payé de loyer au titre de l'occupation des anciens locaux et qu'il n'a jamais intégré les nouveaux locaux. La commune de [Localité 1] a mis fin à leur relation contractuelle par courrier recommandé du 17 novembre 2021.

La commune de [Localité 1] produit au soutien de son argumentation relative à la nullité du contrat un arrêt rendu par la cour de cassation le 2 décembre 2015, soit avant la réforme issue de l'ordonnance d2016-131 du 10 février 2016. Or la jurisprudence a évolué depuis lors.

En effet, selon la chambre mixte de la cour de cassation, il résulte désormais que la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général, tandis que la nullité est relative lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde d'un intérêt privé.

Cass. Chambre mixte 24 février 2017 n°1520411

Depuis lors, il a été jugé que « que, selon les articles 1 et 6 de la loi n 70-9 du 2 janvier 1970, dans leur rédaction issue de la loi n 94-624 du 24 juillet 1994, applicable en la cause, les conventions conclues avec les personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives, notamment, à la gestion immobilière, doivent être rédigées par écrit ; que, suivant l'article 64, alinéa 2, du décret n 72-678 du 20 juillet 1972, le titulaire de la carte professionnelle "gestion immobilière" doit détenir, à moins qu'il ne représente la personne morale qu'il administre, un mandat écrit qui précise l'étendue de ses pouvoirs et qui l'autorise expressément à recevoir des biens, sommes ou valeurs, à l'occasion de la gestion dont il est chargé ; que la Cour de cassation jugeait jusqu'à présent que ces dispositions, qui sont d'ordre public, sont prescrites à peine de nullité absolue, excluant toute possibilité de confirmation du mandat comme de ratification ultérieure de la gestion (1 Civ., 22 mars 2012, pourvoi n° 15-20.411, Bull. 2012, I, n 72 ; 1 Civ., 2 décembre 2015, pourvoi n° 14-17.211, en cours de publication) ; Que, toutefois, l'évolution du droit des obligations résultant de l'ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016, d'après laquelle la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général et relative lorsque cette règle a pour objet la sauvegarde d'un intérêt privé, a conduit la Cour de cassation à apprécier différemment l'objectif poursuivi par certaines des prescriptions formelles que doit respecter le mandat de l'agent immobilier et à décider que, lorsqu'elles visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire, leur méconnaissance est sanctionnée par une nullité relative (Ch. mixte, 24 février 2017, pourvoi n 15-20.411, en cours de publication) ; que, dans les rapports entre les parties au mandat, le non-respect de son formalisme légal, qui a pour objet la sauvegarde des intérêts privés du mandant, entraîne une nullité relative, laquelle peut être couverte par la ratification ultérieure des actes de gestion accomplis sans mandat' »

Cass, 1ère Civ. 20 septembre 2017 n°16-12.906

En l'espèce, il n'est produit aucun mandat de la part de la commune et le contrat de bail ne se réfère à aucun mandat écrit, l'agence immobilière se limitant à énoncer qu'elle représente la commune.

La nullité du contrat est invoquée par la commune en défense à la prétention de Monsieur [J]. Il ne s'agit donc pas de sauvegarder les intérêts privés du mandant à l'égard de l'agence immobilière, son mandataire mais l'intérêt général de la commune, de sorte que l'exception de nullité concerne un cas de nullité absolue.

Dès lors, la ratification ne peut tenir en échec la règle impérative du mandat écrit et Monsieur [J] ne peut fonder ses prétentions sur l'acte sous seing privé du 7 janvier 2021.

Sur les relations contractuelles liées entre les parties

Selon l'article L.144-1 du code de commerce, « Nonobstant toute clause contraire, tout contrat ou convention par lequel le propriétaire ou l'exploitant d'un fonds de commerce ou d'un établissement artisanal en concède totalement ou partiellement la location à un gérant qui l'exploite à ses risques et périls est régi par les dispositions du présent chapitre. »

L'article L.144-2 alinéa 1 précise que « le locataire-gérant a la qualité de commerçant. Il est soumis à toutes les obligations qui en découlent. »

La location-gérance suppose que le loueur procure au locataire la jouissance d'un fonds de commerce, ce qui nécessite la préexistence d'une clientèle réelle et indépendante. Dès lors que la clientèle constitue l'élément en l'absence duquel il ne saurait y avoir de fonds de commerce, la cessation d'activité, à la suite notamment d'un évènement touchant la personne de l'exploitant (maladie, décès...) ou qui lui est extérieur (guerre, catastrophe naturelle...), est susceptible de provoquer la disparition du fonds lui-même. Tout est question d'espèce selon la cour de cassation et le paramètre habituellement retenu porte sur la durée de l'interruption. Si elle est brève, la cessation d'activité n'emportera pas disparition de la clientèle. En effet, la reprise de l'activité verra le retour de la clientèle et la valeur du fonds ne devrait pas en être altérée (pour une durée de six mois, V. not. Civ. 3e, 10 nov. 2009, Civ. 3e, 15 sept. 2010, n° 09-68.521.

La commune de [Localité 1] a acquis le fonds de commerce de Madame [L] par acte notarié du 30 novembre 2020. Il est établi qu'il existait une clientèle à cette date, l'acte faisant référence au chiffre d'affaires de la partie de l'exercice accompli du 1er juillet 2020 au 31 octobre 2020 pour un montant de 14 456 euros et au résultat d'exploitation sur la même période d'un montant de 1 270 euros.

Monsieur [J] a ouvert le commerce le 1er février 2021, lequel n'a connu que deux mois de fermeture. Il ne disposait d'aucune clientèle autonome et il a bénéficié de la clientèle du fonds qui n'a pu disparaître en un si court laps de temps, peu important qu'il s'agisse d'une clientèle modeste. En effet, la commune de [Localité 1] n'accueille aucun autre commerce et la clientèle de Madame [L] avait naturellement vocation à retourner au commerce ouvert par Monsieur [J] le 1er février 2021.

Monsieur [G] [J] est inscrit au RCS d'Aubenas depuis le 12 février 2021 et a donc la qualité de commerçant.

Il est admis que la commune n'a réclamé aucune redevance à Monsieur [J] en contrepartie de la jouissance de locaux qu'elle reconnait vétustes, dans l'attente de la délivrance de nouveaux locaux en cours de travaux.

Enfin, ainsi que le relève le jugement déféré, le contrat de location-gérance n'est soumis à aucune condition de forme pour être valide. S'il doit être publié, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, le défaut de respect de cette obligation n'est pas sanctionné par la nullité dans les rapports entre les parties.

Il résulte de ce qui précède que les parties étaient liées par un contrat de location-gérance ainsi que l'a retenu le jugement déféré.

Monsieur [J] invoque divers manquements contractuels de la part de la commune de [Localité 1].

Sur le manquement à l'obligation de délivrance

Les obligations du loueur consistent essentiellement, conformément à l'article 1719 du code civil, à délivrer la chose louée, entretenir cette chose et faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

Monsieur [J] fait état de l'absence de délivrance des locaux neufs tandis que les désordres dans le local vétuste de l'ancien commerce se sont accumulés. Il relate une chaleur suffocante l'été, un froid difficile à supporter l'hiver et des infiltrations d'eau réduisant sa surface d'exploitation.

Cependant les infiltrations d'eau ne sont pas justifiées par la production d'une quelconque pièce et il en est de même sur le manque allégué de chaleur l'hiver. La panne de climatisation n'est pas contestée par la commune de [Localité 1] qui a rappelé avoir installé 2 climatisations en dépannage. L'une d'entre elles étant également tombée en panne, la commune a pris l'attache de l'installateur qui devait intervenir incessamment. Monsieur [J] n'indique pas la suite donnée à cette intervention programmée.

Les biens délivrés sont identiques au fonds de commerce exploité par Madame [L], cédé à la commune qui accorde une location-gérance à Monsieur [J].

Il y a eu un état des lieux du matériel mis à disposition par la mairie pour l'activité du commerce qui a été signé sans réserves.

Le commerce multi-services exploité par Mme [L] portait sur les activités d'épicerie, bureau de tabac, dépôt de pain, bouteilles de gaz, pressing, relais colis, presse, loto, Française des Jeux et petit café accompagné d'une licence II (cf étude de la CCI).

Le débit de tabac n'a pu être exploité par Monsieur [J] car le service des douanes exigeait un contrat de location-gérance écrit et les assurances un certain nombre d'équipements de sécurité, remboursé par l'administration des douanes à condition que la facture soit un débitant de tabac en exercice.

Monsieur [J] n'a pas signé le projet de contrat de location-gérance établi par la mairie et n'a pas acheté les équipements de sécurité requis. Il ressort des pièces produites par les parties qu'il souhaitait faire financer ces dépenses par la commune, ce qui ôtait toute possibilité de remboursement de leur coût.

Le défaut d'exploitation du débit de tabac lui incombe ainsi exclusivement.

Les nouvelles activités de débit de boissons avec licence IV et de restauration étaient prévues dans le nouveau commerce avec une surface de commerce passant de 100 m2 à 230 m2 de plain-pied. Monsieur [J] était en pourparlers avec la commune sur les modalités d'exploitation de ce nouveau commerce et il n'était pas tranché s'il devait acheter le fonds de commerce ou signer un contrat de location-gérance.

Il s'ensuit que le loueur a satisfait à son obligation de délivrance du fonds de commerce tel qu'exploité par Madame [L] à Monsieur [J], lequel ne peut se prévaloir de nouvelles activités à mettre en place dans les nouveaux locaux.

Sur le manquement à l'obligation d'entretien

En vertu de l'article 1719, 2o, du code civil, le loueur est tenu d'entretenir le fonds de commerce en état de servir à l'exploitation.

Il est certain que le local mis à disposition par la commune était vétuste mais le loueur avait prévu de longue date de remédier à cette vétusté par le transfert du fonds dans de nouveaux locaux dont l'achèvement des travaux accusait un certain retard.

Pendant ce temps, le locataire a pu exercer une activité commerciale dans les locaux précédemment exploités par Madame [L] et a été dispensé du paiement d'une redevance.

Aucun manquement fautif ne peut donc être imputé à la commune de [Localité 1].

Sur la résiliation du contrat et ses conséquences

Le contrat de location-gérance doit être qualifié d'indéterminé puisqu'aucun terme n'avait été convenu entre les parties.

Tout comme la formation du contrat de location-gérance, la cessation de cette convention n'obéit à aucune règle de forme et elle peut être faite unilatéralement, à condition de respecter un délai de préavis raisonnable.

En l'espèce, la rupture du lien contractuel est intervenue à l'initiative de la commune de [Localité 1] par courrier recommandé du 17 novembre 2021.

Elle est motivée par l'absence de signature du contrat de location-gérance pour le 2 novembre 2021 car « il était en effet impératif de transmettre le contrat au Service des douanes pour éviter la fermeture définitive du débit de tabac ».

Le délai de préavis a été fixé à un mois « conformément aux usages en la matière et à la durée de la relation contractuelle (moins de 11 mois), ce qui est raisonnable et n'est d'ailleurs pas discuté. Monsieur [J] se fonde en effet uniquement sur les dispositions relatives aux baux commerciaux pour contester la rupture du contrat. Or le statut des baux commerciaux est inapplicable à l'espèce.

La garantie d'éviction due par le loueur couvre, selon le droit commun, les agissements des tiers qui troublent la jouissance du locataire-gérant et le protège contre l'éviction dont il peut être victime. En l'espèce, aucun trouble n'a été commis par un tiers et le statut des baux commerciaux est inapplicable à l'espèce. Surabondamment, il sera relevé que Monsieur [J] n'a acquis aucun fonds de commerce'

Ainsi que le retient le jugement déféré, les objectifs de revenus, de chiffre d'affaires et de résultat comptable définis par la CCI n'étaient établis qu'à titre indicatif sans engagement de la commune à ce que son locataire-gérant réalise de tels chiffres. Monsieur [J] ne produit aucune pièce comptable démontrant la réalité de son activité sur les quelques mois de l'exploitation de son commerce et n'établit donc pas la réalité d'un quelconque préjudice.

En ce qui concerne la demande de remboursement des frais engagés par Monsieur [J] qui ne repose sur aucun fondement en l'absence de faute commise par la commune, la cour relève, à l'instar des premiers juges, que la somme de 29 402,19 euros inclut un projet de mise en sécurité de 11 000 euros qui n'a pas été réalisé, des dépenses courantes de fonctionnement, la location puis l'achat d'un véhicule qui n'est pas nécessité par une exploitation sédentaire, ledit véhicule n'ayant de toute façon pas été restitué au loueur.

La demande en réparation d'un préjudice moral suppose la démonstration d'une faute commise par la commune, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Sur les frais de l'instance :

Monsieur [J], qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à la commune de [Localité 1] une somme équitablement arbitrée à 2 500 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle allouée en équité en première instance.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [G] [J] à payer à la commune de [Localité 1] une somme de 2 500 ' par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [G] [J] aux dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

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