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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 4 avril 2025, n° 23/00948

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Esthetic & Minceur (SAS)

Défendeur :

Europ'esthetic Advanced Technonoly (SAS), Ama Beco Medical Aesthetic SL (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

Mme Vareilles, M. Maitral

Avocats :

Me Ferri, Me Faupin, Me Lamy, Me Lacroix, Me Dubourd

TJ Carpentras, du 17 janv. 2023, n° 22/0…

17 janvier 2023

EXPOSÉ

Vu l'appel interjeté le 14 mars 2023 par la SAS Esthetic & minceur à l'encontre du jugement rendu le 17 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Carpentras dans l'instance n° RG 22/00496 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 27 octobre 2023 par la SAS Esthetic & minceur, appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 5 mars 2025 par la SAS Europ'Esthetic, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 20 septembre 2023 par AMA Beco Medical Aesthetic SL, intimée et société de droit espagnol, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l'ordonnance du 16 décembre 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 6 mars 2025 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 18 mars 2025 par la SAS Europ'Esthetic Advanced technology, devenue la SAS TC Europ'Innov, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les conclusions remises par voie électronique le 18 mars 2025 par la société Europ'Esthetic devenue la société TC Europ'innov, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l'ordonnance de rabat de l'ordonnance de clôture du 20 mars 2025 fixant la clôture au 20 mars 2025 ;

Vu la note en délibérés de la société Europ'Esthetic devenue la société TC Europ'innov;

Vu la note en délibérés de la SAS Esthetic & minceur ;

***

Le 5 juin 2019, Mme [Z] [K] a souscrit un contrat d'adhésion auprès de la société Esthetic & minceur pour un montant de 1.299 euros correspondant à des soins de cryolipolyse.

La société Europ'Esthetic devenue la société TC Europ'innov est le distributeur des appareils de cryolipolyse en France, fabriqués par la société espagnole Beco Medical Aesthetic SL, ci-après la société Beco Medical.

***

Le 20 juin 2019, à l'occasion d'une séance de cryolipolyse, Mme [Z] [K] a subi des brûlures ayant entrainé une prise en charge médicale.

Ces brûlures au troisième degré ont entraîné des lésions étendues au niveau du nombril s'étendant sur 17 cm de large et 7 cm de haut et sous le nombril s'étendant sur 19 cm de large et 8 cm de haut.

Le 8 janvier 2020, une provision de 2.000 euros a été versée par la société Axeria Iard, assureur de la société Esthetic & minceur à Mme [Z] [K].

Par ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Carpentras du 30 septembre 2020, un expert judiciaire a été désigné pour évaluer le préjudice subi par la victime qui déposera son rapport le 17 janvier 2022.

Par ordonnance du 10 février 2021, le juge des référés a rendu communes et opposables les opérations d'expertise aux sociétés Beco Medical et Europ'Esthetic.

***

Parallèlement, une procédure a été initiée devant le tribunal de commerce d'Avignon à l'initiative de la société Esthetic & minceur (n° R23/00941) qui a assigné les sociétés Beco Medical Aesthetic et Europ'esthetic devenue TC Europ'innov, respectivement fabricant et fournisseur de l'appareil litigieux, aux fins de voir prononcer la résolution de la vente du matériel ayant servi à la séance de cryolipolyse.

***

Par actes des 17 et 23 mars 2022, Mme [Z] [K] a fait assigner la société Esthetic & minceur, la compagnie d'assurances Axeria et la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse devant le tribunal judiciaire de Carpentras, aux fins de les voir condamner à la dédommager de ses préjudices sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Les sociétés Beco Medical Aesthetic et Europ'Esthetic ont été appelées à la cause par la société Esthetic & minceur par deux assignations en intervention forcée distinctes, respectivement le 4 juillet 2022 et le 2 août 2022.

***

Par jugement du 17 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Carpentras a statué et :

« Dit recevable l'appel en cause des sociétés Beco Medical Aesthetic S.L. et Europ'Esthetic ;

Déclare responsable la société SAS Esthetic et minceur du préjudice subi par Madame [Z] [K] et dit que la compagnie d'assurances SA Axeria Iard est tenue de la garantir ;

Chiffre le préjudice corporel subi par Madame [Z] [K] à la somme globale de 38.892,86 euros ;

Condamne in solidum les sociétés Esthetic et minceur et la SA Axeria Iard à verser à Madame [Z] [K], et après déduction de la provision déjà allouée de 2.000 euros et de la créance de la CPAM de 9151,80 euros, le solde de 27.741,06 euros, avec intérêts aux taux légal à compter de la présente décision, décomposé comme suit :

- frais divers : 2246,06 euros,

- déficit fonctionnel temporaire : 6.195 euros,

- souffrances endurées : 8.000 euros,

- préjudice esthetique temporaire : 5.000 euros,

- préjudice esthétique dé nitif : 5.300 euros ;

- préjudice d'agrément : 3.000 euros ;

Déboute Madame [Z] [K] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice sexuel ;

Condamne in solidum la société SAS Esthetic et minceur et la SA Axeria Iard à payer à la Caisse primaire d'assurance-maladie la somme de 9.151,80 euros pour les soins engagés pour Madame [Z] [K] à l'issue de l'accident du 20 juin 2019 ;

Condamne in solidum la société SAS Esthetic et minceur et la SA Axeria Iard à payer à la Caisse primaire d'assurance-maladie la somme de 1.114 euros correspondant aux frais de gestion sur le fondement des dispositions de l'ordonnance n° 96-51 du 14 janvier 1996 ;

Déboute la SAS Esthetic et minceur de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Esthetic et minceur et la SA Axeria Iard à régler à Madame [Z] [K] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procedure civile ;

Condamne la société SAS Esthetic et minceur et la SA Axeria Iard à payer à la Caisse primaire d'assurance-maladie la somme de 1.500 euros au titre de 1'article 700 du code de procédure civile ».

***

La société Esthetic & minceur a relevé appel le 14 mars 2023 de ce jugement pour le voir infirmer, annuler ou à tout le moins réformer en ce qu'il a :

- Débouté la société Esthetic et minceur de sa demande d'appel en garantie contre les sociétés Beco Medical Aesthetic SL et Europ'Esthetic,

- Débouté la société Esthetic et minceur de sa demande au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

***

Dans ses dernières conclusions, la société Esthetic & minceur, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants du code civil, des articles 1245 à 1247 du code civil, des articles 1615 et suivants du code civil, des articles 1641 et suivants du code civil , des articles R. 5211-21 et suivants du code de la santé publique, de l'arrêté du 15 mars 2010 fixant les conditions de mise en 'uvre des exigences essentielles applicables aux dispositifs médicaux, pris en application de l'article R.5211-24 du code de la santé publique, de la directive 2006/42/CE du 17 mai 2006 relative aux machines et modifiant la directive 95/16/CE, et de la directive 93/42/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, relative aux dispositifs médicaux, de :

« Recevoir la société Esthetic et minceur en son appel, le dire bien fondé et y faisant droit,

Débouter les sociétés Beco Medical et Europ'Esthetic de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

Réformer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société Esthetic et minceur de son appel en garantie à l'encontre des sociétés Beco Medical et Europ'Esthetic.

En conséquence,

Condamner les sociétés Beco Medical et Europ'Esthetic à relever et garantir la société Esthetic et minceur des condamnations prononcées à son égard.

Les condamner à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les condamner aux entiers dépens, de première instance et d'appel. ».

Au soutien de ses prétentions, la société Esthetic & minceur, appelante, expose que le recours en garantie est recevable dès lors qu'il n'existe aucune litispendance puisqu'il est sollicité, dans le cadre de la présente instance, de la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre en raison du préjudice subi par sa cliente et dans l'autre instance la résolution de la vente du matériel et la condamnation des frais annexes.

La société Esthetic & minceur explique que l'appareil présentait outre une défectuosité, un caractère de dangerosité exposant les personnes ; ce défaut de sécurité constituant une inexécution grave du contrat, devant entraîner la résolution de la vente.

Elle précise qu'outre le fait qu'il n'a été délivré avec l'appareil aucun document attestant de sa conformité que ce dernier, utilisé le 20 juin 2019, présentait des défectuosités au niveau des températures qui seront constatées par un huissier de justice. Elle explique que, par la suite, les pinces ont été changées par la société Beco medical après un rapport d'intervention, empêchant ainsi toute expertise contradictoire.

Elle affirme que l'origine des préjudices subis n'est pas à rechercher dans la mauvaise utilisation de l'appareil par l'opérateur et que, si tel était le cas, les intimées engageraient néanmoins leurs responsabilités au titre de leur obligation de délivrance qui s'applique aux accessoires de la chose, à savoir les pinces, pour l'usage desquelles il n'a été délivré aucune formation ou document d'information.

Sur la base de l'article R 5211-21 du Code de la santé publique et d'un arrêt de la cour de cassation, elle fait valoir que le matériel livré s'avère être un dispositif médical et, qu'à ce titre, la responsabilité du fabricant d'un produit médical défectueux est engagée dès lors qu'il a causé un préjudice ou n'était pas en mesure d'offrir les garanties de sécurité auxquelles pouvaient s'attendre les utilisateurs.

De plus, elle estime qu'en lui vendant un appareil dans le cadre de son activité dans le domaine esthétique, ne pouvant être utilisé que par un médecin, ces entreprises ont nécessairement commis une faute engageant leur responsabilité.

En conséquence, elle affirme que la résolution de la vente entraîne l'obligation solidaire pour Beco medical et Europ'esthtic, à venir récupérer à leurs frais la machine et leur condamnation à rembourser le prix de vente soit la somme de 21 960 euros.

Suite à la communication d'un extrait Kbis de la société TC Europ-Innov, la SAS Esthetic & minceur a indiqué, par une note en délibéré qu'elle a été autorisée de produire par la cour le jour de l'audience, que l'ensemble de ses demandes étaient dirigées contre la société TC Europ-Innov et non Europ'Esthetic.

***

Dans ses dernières conclusions, la société Europ'Esthetic, intimée, demande à la cour de :

« Statuant sur l'appel d'un jugement rendu le 17 janvier 2023 par le tribunal judiciaire

de Carpentras

- Juger que l'action civile engagée par la société Esthetic minceur devant le tribunal judiciaire de Carpentras, faisant l'objet du présent appel est irrecevable

En conséquence :

- Confirmer la décision en première instance en ce qu'elle a débouté la société Europ'Esthetic de toutes ses demandes, au motif de cette irrecevabilité

Subsidiairement, sur le fond,

- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Carpentras rendu le 17 janvier 2023, et à ce titre

Vu les articles 1603, 1604 et 1641 du code civil,

- Juger que la SAS Europ'Esthetic n'a nullement manqué à ses obligations, notamment de délivrance conforme, ni à son obligation de garantie.

En conséquence,

- Débouter la société Esthetic minceur de sa demande visant à être garantie au titre des condamnations pouvant être prononcées contre elle comme suite à l'action de Madame [Z] [K].

- Condamner la société Esthetic et minceur à payer et porter à la SAS Europ'Esthetic la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel »

Au soutien de ses prétentions, Europ'Esthetic expose que la demande formulée devant le tribunal judiciaire d'Esthetic & minceur à la garantir de toutes condamnations susceptibles d'intervenir à son encontre au bénéfice de sa cliente, Mme [Z] [K], est irrecevable puisqu'elle a été formulée dans le cadre d'une instance portée devant le tribunal de commerce d'Avignon.

Elle estime ensuite, en premier lieu, que la livraison est conforme dès lors qu'un appareil a été livré avec 5 applicateurs dont 1 offert, la différence du numéro de série des pinces relevée par l'huissier de justice et celui du rapport d'intervention du fabricant étant sans incidence sur la commande.

En deuxième lieu, elle précise qu'aucune preuve n'a été apportée, par le demandeur, concernant un dysfonctionnement de l'appareil ayant entrainé des brûlures et justifiant la mise en 'uvre de la garantie. Elle affirme, par ailleurs, qu'une brûlure est susceptible d'intervenir pour une autre cause qu'un dysfonctionnement de l'appareil qui a fait l'objet d'une vérification par la société Beco medical group puis d'un retour après révision et une mise à niveau à la dernière version. Elle fait valoir que les attestations fournies par l'appelant pour établir un dysfonctionnement ne sont pas probantes.

En troisième lieu, elle explique que la loi ne prévoit pas que seul un médecin puisse utiliser un appareil de cryolipolyse, et que l'appelant entretient une confusion en se référant au code de la santé publique et un arrêt de la cour de cassation du 31 janvier 2023 dès lors qu'il s'agit d'un appareil de cryolipolyse, pouvant être utilisé par des centres esthétiques, et non de cryothérapie, réservé aux professions médicales.

Elle rappelle que la non-conformité ou la prétendue mauvaise fabrication d'une machine ne peut résulter par voie de présomption d'un rapport administratif.

Elle indique que, suite à la décision intervenue dans une autre instance, Esthetic & minceur a été condamnée à indemniser sa cliente qui sera prise en charge par l'assureur du centre esthétique.

***

Dans ses dernières conclusions, la société Europ'Esthetic, devenue TC Europ'Innov intimée, demande à la cour de :

« - Vu le changement de dénomination sociale de la société Europ'Esthetic devenue TC Europ'Innov

- Ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture

- Admettre les présentes écritures

- Juger que l'action civile engagée par la société Esthetic Minceur devant le tribunal judiciaire de Carpentras, faisant l'objet du présent appel est irrecevable

En conséquence :

- Confirmer la décision en première instance en ce qu'elle a débouté la société Esthetic Minceur de toutes ses demandes, au motif de cette irrecevabilité

Subsidiairement, sur le fond,

- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Carpentras, et à ce titre

Vu les articles 1603, 1604 et 1641 du code civil,

- Juger que la société Europ'Estheetic devenue TC Europ'Innov n'a nullement manqué à ses obligations, notamment de délivrance conforme, ni à son obligation de garantie.

En conséquence,

- Débouter la société Esthetic Minceur de sa demande visant à être garantie au titre des condamnations pouvant être prononcées contre elle comme suite à l'action de Madame [Z] [K].

- Condamner la société EstheticMinceur à payer et porter à la société Europ'Esthetic devenue TC Europ'Innov la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner la même aux entiers dépens d'appel ».

L'argumentation développée est identique à celle des dernières conclusions de la société Europ'Esthetic.

***

Dans ses dernières conclusions, la société de droit espagnol Beco Medical, intimée, demande à la cour de :

« Rejeter comme injuste et mal fondé l'appel de la société Esthetic minceur

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Carpentras le 17 janvier 2023

Condamner la société Esthetic minceur à porter et payer à la société Beco Medical Aesthetic la somme de 3000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner la même aux entiers dépens ».

Au soutien de ses prétentions, la société Beco Medical, intimée, expose que ni l'absence de livraison du bien acheté ni la délivrance d'un bien ne correspondant pas à celui acheté n'est établi par le constat d'huissier.

Elle estime ensuite que l'appelante aurait dû faire expertiser le bien et que le défaut de conformité n'est pas prouvé par le constat de l'huissier qui n'utilise pas un matériel adapté pour faire ses mesures et ne précise pas le type de programme en cours sur la machine. Elle explique, qu'en revanche, le diagnostic qu'elle a opéré sur l'appareil n'a révélé aucune anomalie et que la brûlure est due à une mauvaise manipulation de la part de la cliente.

***

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur la procédure :

Selon l'article 100 du code de procédure civile « si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d'office ».

En l'espèce, une action a été engagée devant le tribunal de commerce d'Avignon le 24 décembre 2019 par la société Esthetic & minceur tendant à la résolution de la vente soit les restitutions réciproques du matériel et de la somme de 21 960 euros. A cette occasion, elle avait également sollicité la condamnation des sociétés intimées à la relever et garantir de toute condamnation en réparation des préjudices de Mme [Z] [K].

Une seconde action a été intentée les 17 et 23 mars 2022 par Mme [Z] [K] en réparation de son préjudice corporel. A cette occasion, la société Esthetic & minceur a sollicité la condamnation des intimés « à prendre en charge la condamnation qui sera prononcée » au titre de la responsabilité du fabricant et du fournisseur.

Il apparaît ainsi que, contrairement à ce qu'indique la société Europ'Esthetic devenue la société TC Europ'innov, la société Esthetic & minceur n'a pas initié 2 procédures identiques avec des demandes identiques mais qu'elle a fait valoir, à l'occasion d'une action en réparation du préjudice corporel dirigée contre elle, qu'elle n'était pas responsable du préjudice survenu en raison d'un dysfonctionnement de la machine.

Par conséquent, il n'y a pas lieu de prononcer l'irrecevabilité de « l'action civile engagée par la société ESTHETIC MINCEUR devant le Tribunal Judiciaire de CARPENTRAS ».

Au surplus, il sera indiqué que la présente cour d'appel est saisie des deux appels de la société Esthetic & minceur, l'un se fondant sur la résolution de la vente exclusivement (dossier RG 23/948) et l'autre relatif à la présente décision en appel en garantie suite à une condamnation en réparation du préjudice.

Sur le fond :

Selon l'article 1615 du code civil « l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel ».

En l'espèce, il résulte de la facture du 4 juin 2019 que la société Esthetic & minceur a réceptionné, le même jour, un appareil « Cryo cool max comprenant 2 x Applicateurs 120 mm 2 x Applicateurs 150 mm 1 x Applicateur 200 mm Option : 2 Applicateurs 100 mm Applicateur Cryolypolyse 200 mm pour Cryo Cool Med Pack Cabine Cryo Start Box 1 Box + 30 lingettes + 1 L Gel phyto ».

Il ressort également de la facturation qu'il a été offert « une installation et formation sur site », ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par l'appelant dans son courrier du 26 juin 2019 adressé au fabricant et dans lequel il est indiqué qu'elle a bien « effectué une formation sur l'utilisation de l'appareil ».

L'attestation de Mme [T] [G] du 7 novembre 2019, employée du centre esthétique, qui indique que le bien est livré « sans son emballage d'origine » et qui a eu « l'impression que les pièces à mains ne correspondaient pas avec l'appareil » ne permet pas d'établir une absence de conformité.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que, dans le cadre de son obligation de garantie, un rapatriement de l'appareil a été effectué auprès du fabricant qui a restitué la machine à sa cliente.

Dès lors, il a bien été livré une chose et ses accessoires, en état de fonctionnement, remplissant les qualités attendues par l'acquéreur qui a, par ailleurs, bénéficié d'une formation pour son utilisation.

Selon l'article 1645 du code civil « si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ».

En l'espèce, pour invoquer l'existence d'un vice caché, l'appelant produit un constat d'huissier du 25 juin 2019 dans lequel sont mentionnés des relevés de température à l'aide d'un appareil laser GM 550. Il est indiqué que l'huissier relève un écart entre la température des pinces et celle indiquée sur le moniteur de contrôle, la température de la pince 200 mm atteignant alors ' 16 degrés Celsius.

Cependant, il sera souligné outre le caractère non contradictoire du constat que ce dernier ne détaille pas le fonctionnement des programmes en cours lors des relevés effectués et notamment s'il est prévu, au moment de ces relevés, que les pinces soient alors appliquées sur le corps humain. De même, il n'est fourni aucune information sur l'étalonnage de l'appareil laser avant les prises de températures et il n'est pas justifié que le laser GM 550 soit adapté au regard des matériaux dont est composé l'appareil de cryolipolyse.

C'est donc à juste titre que la société Europ'Esthetic devenue TC Europ'Innov fait valoir que ce constat d'huissier est dépourvu de toute valeur probante.

De même, le fait que les numéros de série des pinces tels que relevés par l'huissier et ceux mentionnés dans le rapport d'intervention du fabricant, non contradictoire, du 14 octobre 2019 ne sont pas identiques, ne permet pas d'établir un vice caché, le document mentionnant par ailleurs que la machine « a été remise entièrement à neuf, celle de l'ultime version, et un applicateur de 150 mm et 200 mm ont été remplacés gratuitement par deux neufs ».

Enfin, l'attestation du 29 septembre 2023 de M. [N] [V], gérant de la société Keros technology qui a commercialisé l'appareil Cryo cool max dans les années 2019 et 2020 et déclare avoir cessé sa distribution en raison des « dysfonctionnements » et des « nombreux problèmes de fiabilité et de sécurité » ne permet pas d'en déduire que l'appareil livré à la société appelante comportait un vice caché.

Par conséquent, faute de rapporter cette preuve, la société Esthetic & minceur sera déboutée de sa demande sur ce fondement.

Selon l'article 1245 du code civil, « le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime ».

Selon l'article 1245-3 du même code « un produit est défectueux au sens du présent chapitre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation ».

Selon l'article 1245-8 du code civil « le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ».

En l'espèce, il résulte du certificat médical du 20 juin 2019 que Mme [Z] [K] a subi une « brûlure 3e degré évaluée à 9% de la surface corporelle sur l'abdomen ».

En premier lieu, contrairement à ce qu'invoque l'appelante, il n'est pas établi que la manipulation de l'appareil de cryolipolyse nécessite une qualification en médecine au regard de l'arrêt de la cour de cassation du 31 janvier 2023, puisque si la juridiction retient que ce type de machine, livrée aux centres esthétiques, est réservée aux médecins, dès lors qu'il s'agit d'un refroidissement accru des adipocytes constitutif d'une cryothérapie, il est mentionné que l'appareil de cryolipolyse en question n'était pas bridé. Or, en l'espèce, il n'est pas rapporté la preuve que l'appareil réceptionné par Esthetic & minceur n'était pas bridé et pouvait être assimilé, en conséquence, à de la cryothérapie.

En second lieu, pour établir le caractère défectueux du produit, outre les pièces déjà mentionnées, l'appelante verse un rapport de la haute Autorité de la Santé du mois de juillet 2018 destinée à évaluer « les complications de l'acte de cryolipolyse à visée esthétique », évaluation basée « sur la recherche des complications de la technique dans de multiples sources, en France et à l'étranger, principalement ».

Il ressort des conclusions du document que « sur la base des différentes données recueillies et analysées au cours de cette évaluation, en particulier les complications graves ou sévères (brûlure, hernie, hyperplasie paradoxale notamment), il peut être conclu que la pratique des actes de cryolipolyse présente une suspicion de danger grave pour la santé humaine en l'absence actuelle de mise en 'uvre de mesures de protection de la santé des personnes consistant au minimum d'une part, à assurer un niveau homogène de sécurité et de qualité des appareils de cryolipolise utilisés et d'autre part à prévoir une qualification et une formation du professionnel qui réalise cette technique.

Il est donc nécessaire d'encadrer cette pratique en fixant des conditions de réalisation des actes de cryolipolyse. Par ailleurs, dès à présent, une information préalable des personnes, écrite et détaillée, sur les effets indésirables possibles de cette technique d'esthétique est à mettre en place » (page 6- 7).

Il sera néanmoins relevé que, parmi les signalements consécutifs à des effets secondaires de l'utilisation de la machine répertoriés dans le rapport, et notamment les brûlures, il n'est pas fait mention de la machine litigieuse et de son fabricant.

Il sera également relevé que, s'il n'est pas contestable que l'origine du dommage causé à Mme [Z] [K] est consécutif à une séance de cryolipolyse, il n'est pas établi qu'il est survenu sur l'appareil litigieux ou un appareil distribué par la société Europ'Esthetic devenue TC Europ'innov et fabriqué par la société AMA Beco Medical Aesthetic.

Par ailleurs, il n'est pas démontré que le matériel litigieux a présenté un défaut, en l'absence de tout élément probant, ou que la série commercialisée serait à l'origine de « dysfonctionnements » ainsi que le déclare M. [N] [V], de manière insuffisamment circonstanciée et précise, dans son attestation du 29 septembre 2023.

Par conséquent, les demandes de la société Esthetic & minceur seront rejetées et la décision de première instance sera confirmée.

Sur les frais de l'instance :

La société Esthetic & minceur, qui succombe, devra supporter les dépens de première instance et d'appel et payer à Europ'Esthetic devenue TC Europ'innov une somme équitablement arbitrée à 3 000 euros et celle de 2 000 euros à AMA Beco medical Aesthetic SL en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Rejette la demande tendant à déclarer irrecevable l'action civile engagée par la société Esthetic & minceur devant le tribunal judiciaire de Carpentras ;

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Carpentras du 17 janvier 2023 en toutes ses dispositions ;

Dit que la société Esthetic & minceur supportera les dépens de première instance et d'appel et payera la somme de 3 000 euros à Europ'Esthetic devenue TC Europ'innov et celle de 2 000 euros à AMA Beco medical Aesthetic SL par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

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