CA Bourges, 1re ch., 4 avril 2025, n° 24/00332
BOURGES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Arkeos (SARL)
Défendeur :
Arkeos (SARL), BNP Paribas Personal Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Clement
Conseillers :
M. Perinetti, Mme Ciabrini
Avocats :
SELARL Arenes Avocats Conseils, SELARL Alciat-Juris, SCP Rouaud & Associés
EXPOSE
Suivant acte sous seing privé du 26 octobre 2015, M. [L] [U] et Mme [X] [U] née [E] ont commandé auprès de la société Arkeos la livraison et la pose d'une installation photovoltaïque avec pour objectif de revendre l'électricité produite.
Cette installation a été financée par la SA BNP Paribas personal finance suivant offre préalable de prêt acceptée le 26 octobre 2015 pour un montant de 15.000 euros remboursable en 180 mensualités de 122,60 euros au taux nominal fixe de 4,80 % l'an. Les fonds ont été débloqués par l'établissement bancaire le 7 janvier 2016, suite à la production d'un certificat de livraison signé le 8 décembre 2015.
M. et Mme [U] ont fait assigner la SA BNP Paribas personal finance et la société Arkeos devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bourges aux fins de voir, en l'état de leurs dernières demandes,
déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,
prononcer la nullité du contrat de vente conclue avec la société Arkeos, et en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté concerné qu'ils avaient conclu avec la SA BNP Paribas personal finance venant aux droits de la société Sygma banque,
constater que la SA BNP Paribas personal finance venant aux droits de la société Sygma banque avait commis une faute dans le déblocage des fonds et devait être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et de la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées par M. et Mme [U] au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux,
condamner solidairement la société Arkeos et la SA BNP Paribas personal finance venant aux droits de la société Sygma banque à leur verser les sommes de 13.636 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation, 7.057 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par M. et Mme [U] à la SA BNP Paribas personal finance venant aux droits de la société Sygma banque en exécution du prêt souscrit, 5.000 euros au titre du préjudice moral et 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
débouter la SA BNP Paribas personal finance venant aux droits de la société Sygma banque et la société Arkeos de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires,
condamner solidairement la société Arkeos et la SA BNP Paribas personal finance venant aux droits de la société Sygma banque à supporter les dépens de l'instance.
En réplique, la société Arkeos a demandé au tribunal de :
prononcer l'irrecevabilité des demandes de M. et Mme [U] devant le juge des contentieux de la protection qui était matériellement incompétent,
prononcer la prescription de la demande en nullité du contrat de vente concerné conclu le 26 octobre 2015,
débouter M. et Mme [U] de l'intégralité de leurs demandes en condamnation dirigées à l'encontre de la société Arkeos,
débouter les mêmes de leur demande de condamnation solidaire à son encontre avec la SA BNP Paribas personal finance, basée sur les dispositions de l'article L311-33 du code de la consommation,
débouter la SA BNP Paribas personal finance de sa demande tendant à la condamnation de la société Arkeos à lui payer la somme de 15.000 euros correspondant au montant du capital prêté outre 1.600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, compte tenu de sa faute contractuelle,
reconventionnellement, condamner le demandeur à lui payer 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre 1.600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire, écarter l'exécution provisoire en cas de condamnation de la société Arkeos.
La SA BNP Paribas personal finance a pour sa part demandé au tribunal de :
In limine litis,
déclarer que les contrats, de par leur objet, n'étaient pas soumis aux dispositions du code de la consommation, par conséquent se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Bourges,
à tout le moins, débouter M. et Mme [U] de toute demande fondée sur les dispositions du code de la consommation,
Subsidiairement,
déclarer M. et Mme [U] prescrits à invoquer la nullité des contrats et à rechercher la responsabilité du prêteur, et par conséquent, les déclarer irrecevables en leurs demandes,
à tout le moins, déclarer que les contrats de par leur objet, n'étaient pas soumis aux dispositions du code de la consommation, et par conséquent, débouter les mêmes de toutes demandes fondées sur les dispositions du code de la consommation,
Au fond,
débouter M. et Mme [U] de leur demande d'annulation du contrat principal et d'annulation subséquente du contrat de crédit,
par conséquent, les débouter de l'intégralité de leurs demandes,
Subsidiairement, en cas d'annulation des contrats,
débouter les mêmes de leur demande visant à voir la SA BNP Paribas personal finance privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors que celle-ci n'avait pas commis de faute et les débouter de leur demande visant à voir la SA BNP Paribas personal finance privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors qu'ils ne justifiaient pas de l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité à l'égard du prêteur,
par conséquent, condamner solidairement M. et Mme [U] à lui payer la somme de 15.000 euros correspondant au montant du capital prêté, à titre de garantie,
En tout état de cause,
condamner la partie succombante à payer et porter à la SA BNP Paribas personal finance une indemnité de 1.600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance, écarter l'exécution provisoire, à tout le moins, ordonner la consignation des sommes dues sur un compte séquestre jusqu'à la fin de la procédure et l'épuisement des voies de recours, le tiers dépositaire pouvant être Me Laure Reinhard, avocat de la SA BNP Paribas personal finance.
Par jugement contradictoire du 19 janvier 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bourges a :
rejeté l'exception d'incompétence ;
déclaré prescrite et irrecevable la demande en nullité du contrat de vente conclue le 26 octobre 2015 entre M. et Mme [U] et la société Arkeos ;
déclaré prescrite et irrecevable la demande de nullité du contrat de prêt affecté en date du 26 octobre 2015 conclu entre M. et Mme [U] et la société BNP Paribas personal finance venant aux droits de la société Sygma banque ;
déclaré prescrite et irrecevable la demande tendant à la mise en cause de la responsabilité de la SA BNP Paribas personal finance ;
En conséquence,
rejeté la demande formée par M. et Mme [U] au titre de la restitution du capital, des frais et intérêts conventionnels et frais payés à la banque en exécution du prêt souscrit ;
rejeté la demande de M. et Mme [U] au titre du préjudice moral ;
rejeté la demande de la société Arkeos formulée au titre de la résistance abusive ;
rejeté les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties ;
condamné M. et Mme [U] in solidum aux dépens ;
rappelé que l'exécution provisoire était de droit.
Le juge des contentieux de la protection a notamment retenu que l'installation objet du contrat de vente présentait une capacité globale de production modeste, que la revente d'énergie ne constituait pas la profession habituelle des demandeurs, qu'il n'était pas démontré que l'objet principal de l'installation fût la revente d'électricité avec une finalité lucrative, que le contrat de fourniture et d'installation ne pouvait ainsi constituer un acte de commerce ni remettre en cause la qualité de consommateurs reconnue à M. et Mme [U], que le délai de prescription avait commencé de courir dès la signature du contrat de vente, M. et Mme [U] ayant alors disposé de l'ensemble des informations leur permettant d'avoir connaissance des irrégularités éventuelles entachant l'acte, que l'action avait été introduite après expiration du délai quinquennal de prescription, que le défaut de rentabilité du dispositif était apparent dès réception par M. et Mme [U] de la première facture EDF, et qu'il n'était pas établi que l'exigence de rentabilité de l'installation fût entrée dans le champ contractuel.
M. et Mme [U] ont interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 3 avril 2024.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 20 décembre 2024, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'ils développent, M. et Mme [U] demandent à la Cour de :
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il :
REJETTE l'exception d'incompétence ;
REJETTE la demande de la société Arkeos formulée au titre de la résistance abusive.
INFIRMER le jugement entrepris pour le surplus.
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
DECLARER les demandes de M. et Mme [U] recevables et bien fondées ;
PRONONCER la nullité du contrat de vente conclu entre M. et Mme [U] et la société Arkeos ;
CONDAMNER la société Arkeos à procéder, à ses frais, à l'enlèvement de l'installation litigieuse et à la remise en état de l'immeuble, dans le délai de 2 mois à compter de la signification de la décision à intervenir, le tout sous astreinte de 50' par jour de retard à compter de la fin de ce délai de 2 mois ;
CONDAMNER la société Arkeos à restituer la somme de 13 636,00 ' à M. et Mme [U] correspondant au prix de vente du contrat de vente litigieux ;
PRONONCER en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre M. et Mme [U] et la SA BNP Paribas personal finance, venant aux droits de la société Sygma banque ;
DECLARER que la SA BNP Paribas personal finance, venant aux droits de la société Sygma banque, a commis une faute dans le déblocage des fonds au préjudice de M. et Mme [U] devant entraîner la privation de sa créance de restitution ;
CONDAMNER la SA BNP Paribas personal finance, venant aux droits de la société Sygma banque, à verser à M. et Mme [U] l'intégralité des sommes suivantes au titre des fautes commises :
- 13 636,00 ' correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation
de sa créance de restitution ;
- 7 057 ' correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par M. et Mme [U] à la SA BNP Paribas personal finance, venant aux droits de la société Sygma banque, en exécution du prêt souscrit ;
CONDAMNER solidairement et en tout état de cause la société Arkeos et la SA BNP Paribas personal finance, venant aux droits de la société Sygma banque, à verser à M. et Mme [U] l'intégralité des sommes suivantes :
- 5 000,00 ' au titre du préjudice moral ;
- 6 000,00 ' au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
En tout état de cause,
PRONONCER la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la SA BNP Paribas personal finance, venant aux droits de la société Sygma banque ;
CONDAMNER la SA BNP Paribas personal finance, venant aux droits de la société Sygma banque à rembourser à M. et Mme [U] l'ensemble des intérêts versés au titre de l'exécution normale du contrat de prêt jusqu'à parfait paiement ; et LUI ENJOINDRE de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgés desdits intérêts ;
DEBOUTER la SA BNP Paribas personal finance, venant aux droits de la société Sygma banque, et la société Arkeos de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes ;
CONDAMNER solidairement la société Arkeos et la SA BNP Paribas personal finance, venant aux droits de la société Sygma banque, à supporter les entiers frais et dépens de l'instance.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 27 septembre 2024, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, la SA BNP Paribas personal finance demande à la Cour de :
CONFIRMER le jugement rendu le 19 janvier 2024, par le Juge des Contentieux de la Protection près le Tribunal Judiciaire de Bourges en ce qu'il :
' DECLARE prescrite et irrecevable la demande en nullité du contrat de vente conclu le 26 octobre 2015 entre M. et Mme [U] et la société Arkeos
' DECLARE prescrite et irrecevable la demande de nullité du contrat de prêt affecté en date du 26 octobre 2015 et conclu entre M. et Mme [U] et la SA BNP Paribas personal finance venant aux droits de la société Sygma banque
' DECLARE prescrite et irrecevable la demande tendant à la mise en cause de la responsabilité de la SA BNP Paribas personal finance
En conséquence,
' REJETTE la demande formée par M. et Mme [U] au titre de la restitution du capital, des frais et intérêts conventionnels et frais payés à la banque en exécution du prêt souscrit
' REJETTE la demande de M. et Mme [U] au titre du préjudice moral
' CONDAMNE M. et Mme [U] in solidum aux dépens
Y AJOUTANT
Vu les articles 564 du Code de Procédure civile et 2224 du code civil
DECLARER M. et Mme [U] irrecevables en leur demande de déchéance du prêteur de son droit aux intérêts conventionnels en raison du caractère nouveau de la demande et de la prescription
SUBSIDIAIREMENT, en cas de recevabilité
INFIRMER le jugement rendu le 19 janvier 2024, par le Juge des Contentieux de la Protection près le Tribunal Judiciaire de Bourges en ce qu'il a jugé y avoir lieu à faire application des dispositions du code de la consommation
STATUANT A NOUVEAU
DECLARER que les contrats, de par leur objet, ne sont pas soumis aux dispositions du code de la consommation.
Par conséquent
DEBOUTER M. et Mme [U] de toute demande fondée sur les dispositions du code de la consommation
PLUS SUBSIDIAIREMENT,
DEBOUTER M. et Mme [U] de l'intégralité de leurs demandes
ENCORE PLUS SUBSIDIAIREMENT, en cas d'annulation des contrats
DEBOUTER M. et Mme [U] de leur demande visant à voir la SA BNP Paribas personal finance privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors que celle-ci n'a pas commis de faute
DEBOUTER M. et Mme [U] de leur demande visant à voir la SA BNP Paribas personal finance privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors qu'ils ne justifient pas de l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité à l'égard du prêteur
PAR CONSEQUENT,
CONDAMNER SOLIDAIREMENT M. et Mme [U] à porter et payer à la SA BNP Paribas personal finance la somme de 15.000 ', correspondant au montant du capital prêté, outre intérêts au taux légal
JUGER que la SA BNP Paribas personal finance devra rembourser à M. et Mme [U] les échéances versées, au titre du crédit, dont ils devront démontrer le montant, après justification de leur part de la résiliation du contrat conclu avec EDF et de la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente d'énergie.
DEBOUTER M. et Mme [U] de toute autre demande, fin ou prétention
CONDAMNER la société Arkeos à porter et payer à la SA BNP Paribas personal finance la somme de 15.000 ', correspondant au montant du capital prêté, à titre de garantie
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
CONDAMNER la partie succombant à porter et payer à la SA BNP Paribas personal finance une indemnité de 4000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 24 septembre 1024, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, la société Arkeos demande à la Cour de :
INFIRMER le jugement et prononcer l'irrecevabilité des demandes de M. et Mme [U] devant le Juge des contentieux de la protection qui est matériellement incompétent,
CONFIRMER le jugement et prononcer que la demande en nullité du contrat de vente conclu le 26.10.2015 avec la SARL Arkeos est prescrite au sens de l'article 2224 du Code civil,
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté M. et Mme [U] de l'intégralité de leurs demandes en condamnation dirigées à l'encontre de la SARL Arkeos, nullité du contrat de vente, condamnation à leur payer 13636 ' au titre du prix de vente de l'installation, 5000 ' au titre du préjudice moral, 4000 ' sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Reconventionnellement,
INFIRMER le jugement et condamner M. et Mme [U] à payer à la SARL Arkeos la somme de 5000 ' à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre 1600 ' sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER M. et Mme [U] à payer à la SARL Arkeos 2500 ' sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile devant la Cour, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 février 2025.
MOTIFS
Sur l'applicabilité des dispositions du code de la consommation :
Aux termes de l'article L721-3 du code de commerce, en sa version applicable au présent litige, les tribunaux de commerce connaissent :
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
Toutefois, les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l'arbitrage les contestations ci-dessus énumérées.
La SARL Arkeos soulève l'incompétence matérielle du juge des contentieux de la protection pour connaître du présent litige. La SA BNP Paribas personal finance, pour sa part, invoque l'inapplicabilité des dispositions du code de la consommation aux relations contractuelles unissant les parties en présence.
Il n'est pas contesté en l'espèce que M. et Mme [U], qui ne sont pas commerçants de profession, ont fait l'objet d'un démarchage commercial à domicile s'adressant à des particuliers, à la suite duquel ils ont passé commande de la fourniture et de l'installation de 12 panneaux photovoltaïques d'une puissance totale de 3 kWc, destinés à être installés sur le toit de leur habitation.
Même si l'électricité produite par l'installation était destinée à être revendue en totalité à EDF, les circonstances dans lesquelles M. et Mme [U] ont contracté à la suite d'un démarchage, la modeste puissance de l'installation, la modicité du revenu tiré de la revente d'électricité compris entre 701,36 euros et 839,66 euros par an, conduisent à considérer que l'opération ne revêt aucun caractère commercial ou professionnel mais était destinée à un usage personnel, permettant à M. et Mme [U] d'équiper à coût relativement modéré leur domicile d'un système de production d'énergie renouvelable et de couvrir, par la revente de l'électricité produite, une partie du coût de leur propre consommation d'électricité.
Le contrat de vente de l'installation vise expressément les dispositions protectrices du code de la consommation, dont il reproduit plusieurs articles relatifs aux contrats conclus à distance, hors établissement ou à la suite d'une opération de démarchage. Il ne comporte aucune clause attributive de compétence au tribunal de commerce, se bornant à mentionner que tout litige « sera soumis à la juridiction du Tribunal du domicile ou siège du défendeur ou de celui du lieu d'exécution de la prestation au choix du client (article 42 et du Code de procédure civile) ». En outre, ainsi que l'a à juste titre observé le premier juge, il n'est aucunement démontré que l'objet principal de l'installation photovoltaïque ait été la revente d'électricité à fin lucrative.
Le contrat de crédit se réfère également aux dispositions des articles L311-1 et suivants et au chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de la consommation dans leur rédaction alors en vigueur. Il soumet en outre expressément les litiges éventuels au tribunal d'instance, et ne comporte aucune mention d'une destination professionnelle du crédit accordé.
Ces éléments caractérisent la volonté des parties de soumettre les contrats litigieux aux dispositions du code de la consommation.
L'exception d'incompétence soulevée par la SARL Arkeos et la demande de la SA BNP Paribas personal finance tendant à voir écarter l'application des dispositions du code de la consommation seront en conséquence rejetées, et le jugement entrepris sera confirmé en ce sens.
Sur la recevabilité de l'action de M. et Mme [U] :
L'article 2224 du code civil pose pour principe que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Sur la prescription de l'action en nullité pour dol
Aux termes de l'article 1304 ancien du code civil, en sa rédaction applicable au présent litige, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.
Le temps ne court, à l'égard des actes faits par un mineur, que du jour de la majorité ou de l'émancipation ; et à l'égard des actes faits par un majeur protégé, que du jour où il en a eu connaissance, alors qu'il était en situation de les refaire valablement. Il ne court contre les héritiers de la personne en tutelle ou en curatelle que du jour du décès, s'il n'a commencé à courir auparavant.
En l'espèce, M. et Mme [U] indiquent que le dommage qu'ils allèguent avoir subi consiste dans le fait d'avoir été engagés dans une opération désavantageuse sur la base de fausses promesses relatives à la rentabilité de l'installation photovoltaïque et à son autofinancement.
Ils affirment que le vendeur leur a présenté, préalablement à la conclusion du contrat, de nombreux documents commerciaux promettant un important rendement énergétique de nature à leur permettre de réaliser des économies d'énergie et de réduire considérablement le coût de l'installation. Ces documents auraient ensuite été repris par le vendeur sans leur en laisser copie.
Toutefois, aucun document contractuel produit aux débats n'évoque de promesse de rendement de l'installation vendue à M. et Mme [U]. L'existence d'une clause de report à 12 mois de la première échéance mensuelle de remboursement ne saurait à elle seule, contrairement à ce que soutiennent les appelants, renfermer « l'engagement écrit d'un autofinancement de l'opération » en ce qu'elle impliquerait que les acquéreurs ne commencent à rembourser qu'après avoir eu connaissance de leur premier retour sur investissement. En effet, une telle clause peut tout simplement constituer une facilité de paiement de nature à rendre la prestation proposée plus attractive.
Il ne saurait davantage être retenu que l'objectif de rentabilité procède de la nature même de l'installation vendue, dès lors qu'une telle opération peut parfaitement être motivée par des considérations purement écologiques.
Dès lors, M. et Mme [U] ont eu la possibilité de réaliser dès réception de leur première facture de production d'électricité, datée du 6 mai 2017, du volume d'électricité produit et du montant des gains issus de sa revente, et de confronter ces chiffres au montant des échéances de remboursement du crédit souscrit pour financer l'installation photovoltaïque.
Il convient en conséquence de considérer que le délai quinquennal pour agir en nullité au titre d'un dol a expiré le 6 mai 2022. L'action engagée par M. et Mme [U] le 25 octobre 2022 contre la SARL Arkeos sur ce fondement se trouve ainsi irrecevable comme prescrite.
Sur la prescription de l'action en nullité fondée sur l'irrégularité du contrat principal
Il est constant que la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance (voir notamment en ce sens Cass. Civ. 1ère, 24 janvier 2024, n° 22-16.115).
M. et Mme [U] soutiennent que le bon de commande signé le 26 octobre 2015 comporte des carences au regard des dispositions de l'article L121-23 (ancien) du code de la consommation, en ce qu'il ne mentionne pas la désignation précise des caractéristiques des biens ou services ni le délai et les modalités de livraison des biens et des prestations de services commandés.
Au vu de la jurisprudence précédemment citée et de l'absence de qualifications particulières de M. et Mme [U] en matière de crédit à la consommation, comme de manière générale en matière juridique, il doit être considéré que les appelants n'ont pu avoir de connaissance effective des vices susceptibles d'affecter le contrat litigieux avant de consulter un avocat disposant des compétences nécessaires à la détection de carences au sein du contrat en cause au regard des dispositions protectrices du code de la consommation. Il peut au demeurant être observé que la désignation précise des caractéristiques des biens et leurs modalités de financement relèvent de l'appréciation des juges du fond, dont les critères ne peuvent être estimés aisément accessibles aux profanes sans recherches spécifiques. L'argumentation développée par la SA BNP Paribas Personal Finance selon laquelle M. et Mme [U] auraient dû connaître les éventuelles irrégularités du contrat dès sa signature en raison du caractère clair et précis des dispositions légales applicables sera en conséquence écartée.
Dès lors, il convient de considérer que le délai de prescription de l'action en nullité du contrat du fait de son irrégularité n'avait pas expiré au jour de la délivrance de l'acte introductif d'instance.
L'action en nullité du contrat de vente introduite par M. et Mme [U] sera donc jugée recevable, et le jugement entrepris infirmé en ce sens.
Sur la demande en nullité des contrats de vente et de crédit affecté présentée par M. et Mme [U] :
L'article 1134 ancien du code civil, en sa rédaction applicable au présent litige, pose pour principe que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise et doivent être exécutées de bonne foi.
Aux termes de l'article L121-18-1 ancien du code de la consommation, en sa rédaction applicable au présent litige, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l'article L121-17.
Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° du I de l'article L121-17.
L'article L121-17 du même code énonce que
I.-Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L111-1 et L111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;
3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
4° L'information sur l'obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services, de distribution d'eau, de fourniture de gaz ou d'électricité et d'abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l'exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l'article L121-21-5 ;
5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L121-21-8, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
II.-Si le professionnel n'a pas respecté ses obligations d'information concernant les frais supplémentaires mentionnés au I de l'article L113-3-1 et au 3° du I du présent article, le consommateur n'est pas tenu au paiement de ces frais.
III.-La charge de la preuve concernant le respect des obligations d'information mentionnées à la présente sous-section pèse sur le professionnel.
L'article L111-1 ancien du même code dispose qu'avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L113-3 et L113-3-1 ;
3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s'il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles. La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
Le présent article s'applique également aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d'une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l'environnement.
Sur la nullité du contrat de vente et d'installation d'équipements
En l'espèce, M. et Mme [U] affirment que le bon de commande litigieux omet de mentionner la désignation précise des caractéristiques des biens ou services ainsi que le délai et les modalités de livraison des biens et des prestations de services en cause.
Il est constant que l'indication dans le bon de commande d'un délai global pour la livraison et la pose des équipements est insuffisante pour répondre aux exigences de l'article L111-1, 3°, du code de la consommation, dès lors qu'il n'est pas distingué entre le délai de pose des modules et celui de réalisation des prestations à caractère administratif et qu'un tel délai global ne permet pas aux acquéreurs de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aura exécuté ses différentes obligations (voir notamment en ce sens Cass. Civ. 1ère, 15 juin 2022, n° 21-11.747).
Il est par ailleurs admis que la marque du bien ou du service faisant l'objet du contrat de vente ou de fourniture conclu hors établissement constitue une caractéristique essentielle au sens des articles L111-1, L121-17 et L121-18-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et doit à ce titre être indiqué de manière lisible et compréhensible, à peine de nullité dudit contrat (voir notamment en ce sens Cass. Civ. 1ère, 24 janvier 2024, n° 21-20.691).
En l'espèce, le bon de commande produit aux débats décrit l'installation litigieuse comme suit :
« Panneau solaire PHOTOVOLTAIQUE
Puissance installée
Générateur solaire photovoltaïque de marque Systovi ou équivalent en intégration totale composé de :
- Kit d'intégration V-Sys (garantie 20 ans)
- Tuiles solaires monocristallins, certifiés NF en 61215
- Onduleur de marque SMA (garantie 20 ans) ou équivalent
- Câblage électrique avec connecteurs MC4
- Coffret de protection AC et DC avec parafoudre
- Ecran d'étanchéité
- Démarches administratives
Puissance du kit : 3 KWC
prix unitaire HT prix total HT
Nombre de panneaux : 12 1.011,33 ' 12.136 '
Forfait installation 1.500 ' 1.500 '
Total HT 13.363 ' »
Il est précisé à la page suivante que le taux de TVA s'élève à 10 %, soit une somme de 1.364 euros, et le montant commandé TTC à 15.000 euros.
Il en résulte que les dimensions, le poids, la surface occupée ne sont aucunement définis, de même que les dimensions de l'onduleur, les caractéristiques du matériel d'intégration en toiture et la ventilation entre le coût des biens et le coût de la main-d''uvre.
Si la marque du générateur et de l'onduleur est mentionnée, l'indication « ou équivalent » qui lui fait suite offre à la société venderesse la possibilité de livrer et d'installer des équipements d'autres marques, ne pouvant dans ces conditions être utilement comparés à ceux qui figurent au bon de commande. Or la marque du bien vendu en constitue une caractéristique essentielle en ce qu'elle permet au consommateur de procéder à toutes comparaisons jugées opportunes en termes notamment de performance, de sécurité et d'origine des équipements concernés.
Ces carences ne permettent pas de considérer que les biens et services proposés par la SARL Arkeos aient fait l'objet d'une désignation précise dans ce bon de commande.
S'agissant du délai de livraison des biens et des prestations convenus, le bon de commande comporte la mention suivante :
« Vos délais prévisionnels dès la signature de de bon de commande
Délai 90 jours à compter de l'obtention des accords administratifs et techniques pour pose ».
Une telle indication, qui ne distingue pas entre le délai de pose des équipements et celui de réalisation des prestations à caractère administratif, et par surcroît ne permet pas de déterminer au jour de la signature du contrat le point de départ de ce délai ni, partant, le jour de son expiration, n'offre pas aux acquéreurs la possibilité de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aura exécuté ses différentes obligations. Le délai de réalisation des prestations à caractère administratif n'est pas évalué, ni même la date de dépôt des documents nécessaires auprès des administrations concernées mentionnée.
L'adjectif « prévisionnels », impliquant une absence de certitude, apporte un surcroît d'imprécision.
Il doit là encore être considéré que le bon de commande litigieux ne répond pas aux exigences posées par l'article L111-1 3° précité.
La SARL Arkeos soutient que M. et Mme [U] se sont livrés à l'exécution volontaire du contrat litigieux en connaissance du vice qui l'affectait, manifestant ainsi leur volonté expresse et non équivoque d'en couvrir les irrégularités éventuelles. Elle rappelle que l'installation photovoltaïque vendue à M. et Mme [U] est fonctionnelle et produit de l'électricité qu'ils revendent à EDF.
La SA BNP Paribas Personal Finance fait de même valoir que l'installation photovoltaïque litigieuse fonctionne parfaitement, que M. et Mme [U] revendent toujours l'électricité produite sans jamais avoir résilié le contrat qui les lie à EDF, qu'ils ont signé le certificat de livraison ayant permis le déblocage des fonds par le prêteur et ont ensuite exécuté le contrat de crédit sans émettre la moindre contestation concernant la régularité du bon de commande.
S'agissant de l'exécution du contrat par M. et Mme [U], il sera rappelé qu'il est constant qu'il appartient au vendeur et/ou au prêteur de rapporter la preuve de la connaissance qu'auraient eue les acquéreurs du vice affectant le contrat et de l'intention de le réparer (voir notamment en ce sens l'arrêt du 15 juin 2022 précité).
Il a de même été jugé que la volonté des acquéreurs de confirmer l'acte entaché de nullité ne peut se déduire de la signature de documents concomitants à la commande (procès-verbal de réception de travaux sans réserve, enquête de satisfaction de l'installation jugée en tous points satisfaisante, attestation de livraison et d'installation et demande de financement) suivie de l'exécution du contrat, à défaut d'un acte ultérieur révélant leur volonté univoque de ratifier le contrat en toute connaissance de cause (voir le même arrêt).
La reproduction sur le bon de commande des dispositions du code de la consommation est insuffisante à révéler à l'acquéreur les vices affectant ce bon (voir notamment en ce sens l'arrêt du 24 janvier 2024 précité) ni, partant, à caractériser la volonté non équivoque de confirmer le contrat dont la connaissance desdits vices est le préalable nécessaire.
Aucun élément produit aux débats ne vient établir que M. et Mme [U] aient eu connaissance des vices affectant le contrat les liant à la SARL Arkeos avant que leur conseil ne les ait mis en évidence, ni a fortiori qu'ils aient entendu réparer lesdits vices et procéder à la confirmation de l'acte nul en cause. Les dispositions protectrices du code de la consommation étant d'ordre public, une exécution irréprochable par le consommateur de ses obligations contractuelles dans l'ignorance des irrégularités affectant le contrat ne saurait couvrir la nullité reprochée.
L'ensemble de ces irrégularités conduit à prononcer la nullité du contrat de vente souscrit le 26 octobre 2015 par M. et Mme [U] auprès de la SARL Arkeos.
Sur la nullité du contrat de crédit affecté
L'article L311-32 ancien devenu l'article L312-55 du code de la consommation énonce qu'en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Les dispositions du premier alinéa ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.
En l'espèce, l'annulation du contrat de vente d'une installation photovoltaïque conclu entre M. et Mme [U] et la SARL Arkeos entraîne l'annulation de plein droit du contrat de prêt affecté souscrit auprès de la SA BNP Paribas Personal Finance.
Sur les conséquences de l'annulation des contrats
L'annulation d'un contrat entraîne normalement la remise des parties en l'état antérieur à sa conclusion.
Il y a lieu, tout d'abord, de condamner la SARL Arkeos à restituer à M. et Mme [U] la somme qu'elle a perçue en exécution du contrat de vente. La somme TTC figurant au contrat de vente s'élève à hauteur de 15.000 euros, montant dont il est dès lors logique de considérer, au vu notamment de l'historique de compte produit par la SA BNP Paribas personal finance, que la SARL Arkeos se l'est vu verser directement et intégralement par l'organisme bancaire. Toutefois, la demande formée à ce titre par M. et Mme [U] se limite à la somme de 13.636 euros (soit le prix HT de l'installation). La cour ne pouvant statuer ultra petita, la SARL Arkeos sera condamnée à verser à M. et Mme [U] la somme de 13.636 euros conformément à leur demande.
La SARL Arkeos sera par ailleurs condamnée à procéder, à ses frais, à l'enlèvement de l'installation litigieuse et à la remise en état de l'immeuble appartenant à M. et Mme [U], dans le délai de 2 mois à compter de la signification du présent arrêt. Il n'apparaît pas nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte, aucun élément ne permettant en l'état de supposer que la SARL Arkeos ait l'intention de ne pas exécuter les mesures ordonnées par la présente décision.
Il est constant que l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle d'un contrat de vente, emporte pour l'emprunteur l'obligation de rembourser à la banque le capital emprunté, sauf en cas d'absence de livraison du bien vendu ou de faute de la banque dans la remise des fonds prêtés présentant un lien causal avec le préjudice subi par l'emprunteur. Toutefois, l'emprunteur demeure tenu de restituer ce capital, dès lors qu'il n'a subi aucun préjudice causé par la faute de la banque (voir notamment en ce sens Civ 1ère, 11 mars 2020,18-26.189 ; Cass. Civ. 1ère, 2 février 2022, n° 20-17.066).
M. et Mme [U] soutiennent que la SA BNP Paribas Personal Finance aurait commis une faute en procédant au déblocage des fonds sans avoir dûment et préalablement vérifié la conformité du bon de commande et du certificat de livraison aux dispositions du code de la consommation. Ils soulignent les irrégularités multiples affectant le bon de commande, ainsi que le caractère particulièrement ambigu et imprécis du certificat de livraison produit. Il peut au passage être observé que contrairement à ce qui est soutenu par les appelants, dont les conclusions ne reproduisent que partiellement ledit certificat, celui-ci comporte bien la désignation des biens ou services concernés par la mention « solaire photovoltaïque ».
Les anomalies affectant le bon de commande émis par la SARL Arkeos ont été précédemment énoncées. S'agissant du certificat de livraison signé le 8 décembre 2015 par l'un des appelants, il ne peut qu'être observé qu'il ne comporte pas la signature des deux contractants, et que la mention « solaire photovoltaïque » supposée correspondre à la désignation des biens et services vendus ne permet pas de s'assurer de la pleine exécution par le vendeur des prestations convenues (notamment quant au raccordement au réseau et aux démarches administratives nécessaires). Ces éléments auraient dû alerter la SA BNP Paribas Personal Finance et l'inciter à procéder aux vérifications appropriées avant de libérer les fonds.
Bien qu'elle conteste tout comportement fautif de sa part, la libération des fonds par la SA BNP Paribas Personal Finance entre les mains de la SARL Arkeos sur la base d'un certificat de livraison aussi imprécis et d'un bon de commande affecté d'irrégularités formelles flagrantes sans s'assurer que les emprunteurs aient eu une connaissance parfaite de ces anomalies et de leur effet potentiel sur la validité du contrat en cause constitue une faute caractérisée, étant rappelé que la SA BNP Paribas Personal Finance est un professionnel du financement des opérations encadrées par le code de la consommation et que les dispositions édictées par ce dernier visent à protéger les consommateurs lors de la réalisation de telles opérations. L'interdépendance entre le contrat principal et le contrat de crédit affecté doit en effet amener l'organisme prêteur à procéder à une vérification sérieuse de la régularité formelle du contrat principal portant sur l'opération qu'il sera amené à financer en octroyant un crédit accessoire, et à aviser le cas échéant le consommateur de l'éventuelle irrégularité du contrat principal afin que celui-ci puisse le confirmer ou y renoncer en toute connaissance de cause.
Ce comportement fautif de la SA BNP Paribas Personal Finance a causé à M. et Mme [U] un préjudice consistant en la perte d'une chance de ne pas souscrire le contrat principal d'acquisition d'une installation photovoltaïque aux conditions offertes par la SARL Arkeos, ou de contracter à de meilleures conditions avec cette société ou une société tierce s'ils avaient été mis en mesure de procéder à une comparaison détaillée entre le matériel proposé et d'autres équivalents, ainsi qu'aurait dû le permettre le respect par les deux sociétés contractantes des dispositions protectrices du code de la consommation.
Ce préjudice, dont la réparation relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, sera justement indemnisé par l'octroi de dommages-intérêts à hauteur de 500 euros. La faute commise par la banque ne justifie pas, en effet, de la priver entièrement de sa créance de restitution du capital prêté, étant rappelé que M. et Mme [U] bénéficieront de la restitution de la somme versée à la SARL Arkeos par celle-ci, qui est en activité et se trouve in bonis.
L'annulation de la vente conclue entre M. et Mme [U] et la SARL Arkeos et celle du contrat de crédit affecté entraînent l'obligation pour la SA BNP Paribas Personal Finance de restituer à M. et Mme [U] les sommes perçues en exécution de ce dernier au titre du remboursement du capital, dont aucune des parties n'a au demeurant jugé utile de préciser le montant exact étayé par des éléments de calcul et de preuve complets. La confrontation des différentes pièces versées aux débats permet de déterminer que M. et Mme [U], qui ont procédé au remboursement anticipé du crédit consenti, ont versé à la SA BNP Paribas personal finance une somme globale de 17.920,90 euros.
La SA BNP Paribas Personal Finance sera donc condamnée à restituer à M. et Mme [U] l'intégralité des sommes perçues en exécution du contrat de prêt excédant le montant du crédit, soit une somme globale de 2.920,90 euros.
Il sera en outre estimé que M. et Mme [U] ne justifient pas subir de préjudice moral distinct, et doivent donc être déboutés de la demande indemnitaire qu'ils ont formée sur ce fondement.
Les dispositions ci-dessus énoncées privent enfin d'objet les demandes de déchéance de la SA BNP Paribas Personal Finance de son droit aux intérêts contractuels formulées par M. et Mme [U], qui seront rejetées.
Par ailleurs, il n'existe aucun motif de subordonner l'exécution des condamnations prononcées à l'encontre de la SA BNP Paribas Personal Finance à la justification par M. et Mme [U] de la résiliation du contrat de vente de leur production d'électricité conclu avec EDF et/ou de la restitution à cette dernière des sommes perçues au titre de la revente d'énergie. Les rapports qu'entretiennent M. et Mme [U] avec EDF sont en effet indépendants des rapports contractuels les ayant liés à la SA BNP Paribas Personal Finance.
Il n'existe pas davantage de motif de condamner la SARL Arkeos à verser à la SA BNP Paribas personal finance la somme de 15.000 euros « à titre de garantie », l'historique de compte produit par la SA BNP Paribas personal finance elle-même démontrant que M. et Mme [U] ont d'ores et déjà procédé au remboursement anticipé du crédit souscrit.
Sur la demande indemnitaire pour procédure abusive présentée par la SARL Arkeos :
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il est constant que le droit d'agir ou de se défendre en justice ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol.
En l'espèce, l'action initiée par M. et Mme [U] ne répond nullement aux critères sus-énoncés d'une procédure abusivement diligentée à l'encontre de la SARL Arkeos, étant rappelé qu'il est en grande partie fait droit aux prétentions avancées par les appelants par le présent arrêt.
La SARL Arkeos sera donc déboutée de la demande indemnitaire qu'elle a présentée sur ce fondement et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
Sur l'article 700 et les dépens :
L'équité et la prise en considération de l'issue du litige commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner in solidum la SA BNP Paribas Personal Finance et la SARL Arkeos, qui succombent en la majeure partie de leurs prétentions, à verser à M. et Mme [U] la somme de 2.000 euros au titre des frais qu'ils auront exposés en première instance et cause d'appel qui ne seraient pas compris dans les dépens. La SA BNP Paribas Personal Finance et la SARL Arkeos seront par ailleurs déboutées des demandes qu'elles ont formulées sur ce fondement.
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. Au vu de l'issue du litige déterminée par la présente décision, il convient de condamner in solidum la SA BNP Paribas Personal Finance et la SARL Arkeos à supporter la charge des dépens de première instance et d'appel.
Le jugement entrepris sera enfin infirmé de ces chefs.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement rendu le 19 janvier 2024 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bourges, sauf en ce qu'il a :
rejeté l'exception d'incompétence ;
rejeté la demande de la société Arkeos formulée au titre de la résistance abusive ;
Et statuant de nouveau,
DECLARE irrecevable comme prescrite l'action en nullité du contrat de vente pour dol engagée par M. [L] [U] et Mme [X] [E] épouse [U] à l'encontre de la SARL Arkeos ;
DECLARE recevable l'action en nullité du contrat de vente du fait de ses irrégularités au regard des dispositions du code de la consommation introduite par M. [L] [U] et Mme [X] [E] épouse [U] ;
PRONONCE la nullité du contrat de vente conclu le 26 octobre 2015 entre la SARL Arkeos et M. [L] [U] et Mme [X] [E] épouse [U] ;
CONDAMNE la SARL Arkeos à restituer à M. [L] [U] et Mme [X] [E] épouse [U] la somme de 13.636 euros perçue en exécution du contrat de vente annulé ;
CONDAMNE la SARL Arkeos à procéder, à ses frais, à l'enlèvement de l'installation litigieuse et à la remise en état de l'immeuble appartenant à M. [L] [U] et Mme [X] [E] épouse [U], dans le délai de 2 mois à compter de la signification du présent arrêt ;
DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;
CONSTATE l'annulation de plein droit du contrat de crédit affecté conclu le 26 octobre 2015 entre la SA BNP Paribas Personal Finance et M. [L] [U] et Mme [X] [E] épouse [U] ;
CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance à restituer à M. [L] [U] et Mme [X] [E] épouse [U] la somme de 2.920,90 euros indument perçue en exécution du contrat de crédit affecté annulé ;
CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance à verser à M. [L] [U] et Mme [X] [E] épouse [U] une somme de 500 euros en réparation du préjudice consécutif à la perte de chance subie ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE in solidum la SA BNP Paribas Personal Finance et la SARL Arkeos à verser à M. [L] [U] et Mme [X] [E] épouse [U] ensemble la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum la SA BNP Paribas Personal Finance et la SARL Arkeos aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Président, et par V.SERGEANT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.