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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. de la famille, 4 avril 2025, n° 22/01275

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 22/01275

4 avril 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre de la famille

ARRET DU 04 AVRIL 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01275 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKZR

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 10 fevrier 2022

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BÉZIERS

N° RG 20/00539

APPELANT :

Monsieur [S] [D]

né le [Date naissance 7] 1969 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 21]

[Localité 3]

Représenté à l'instance par Me Frédéric SIMON de la SCP SIMON FREDERIC, avocat au barreau de BEZIERS, substitué à l'audience par Me Christine AUCHE, avocate au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Madame [L] [D]

née le [Date naissance 6] 1973 à [Localité 19]

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 9]

Représentée à l'instance et à l'audience par Me Sylvie BAR, avocat au barreau de BEZIERS

Ordonnance de clôture du 23 Janvier 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 février 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par le même article, devant la cour composée de :

Mme Karine ANCELY, Conseillère faisant fonction de présidente de chambre

Mme Sandrine FEVRIER, Conseillère

Mme Anne FULLA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Maryne BONGIRAUD, Greffière placée stagiaire en pré-affectation

En présence de Mme [T], élève avocate stagiaire (PPI)

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Karine ANCELY, Conseillère faisant fonction de présidente de chambre, et par Mme Camille MOLINA, greffière.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [G] [D] est décédé le [Date décès 1] 2016 laissant à sa succession son fils M. [S] [D], sa fille Mme [L] [D] et son épouse Mme [E] [C] placée sous mesure de tutelle par jugement du 20 octobre 2016.

Préalablement à son décès, le [Date décès 8] 2016, il a établi un testament authentique reçu par Maître [H] [R], notaire à [Localité 16] et Me [A] [Y], notaire à [Localité 17], aux termes duquel il a'attribué à sa fille la quotité disponible, désigné sa fille comme tutrice de son épouse et dans l'hypothèse où sa fille décéderait, M. [G] [D] le compagnon de sa fille.

Mme [E] [C] est décédée le [Date décès 5] 2018.

Le 18 octobre 2019, Me [B] [J], notaire à [Localité 25], a dressé un procès-verbal de difficultés.

Selon acte du 25 février 2020 M. [S] [D] a fait citer Mme [L] [D] devant le tribunal judiciaire de Béziers aux fins de voir ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de leurs parents.

Par jugement contradictoire du 10 février 2022, le tribunal judiciaire de Béziers a :

- rejeté la demande tendant à l'annulation du testament du [Date décès 8] 2016,

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions de [G] [D], décédé le [Date décès 1] 2016, et [E] [C], décédée le [Date décès 5] 2018,

- attribué à Mme [L] [D] le bien immobilier situé [Adresse 11] à [Localité 9], cadastré section AP numéro [Cadastre 13],

- fixé la valeur dudit bien à la somme de 475 000 euros,

- constaté que M. [S] [D] ne souhaite pas se voir attribuer le bien immobilier situé [Adresse 12] [Localité 15],

- dit, en conséquence, que ledit bien fera l'objet d'une vente volontaire sur une mise à prix de 380 000 euros,

- constaté que les parties n'élèvent aucune contestation s'agissant des terres agricoles situées sur les communes de [Localité 9] et [Localité 24], Mme [L] [D] se voyant ainsi attribuer l'ensemble des terres situées sur la première commune et M. [S] [D] l'ensemble des terres situées sur la seconde commune,

- désigné, en application de l'article 1361 du code de procédure civile, Me [B] [J], notaire, pour dresser l'acte constatant le partage,

- rejeté la demande tendant à ce qu'il soit procédé à la commise d'un notaire et d'un juge,

- rejeté les demandes formées au titre des majorations et pénalités fiscales,

- rejeté les demandes de dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu à une quelconque condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage,

- rappelé que la présente décision est exécutoire par provision.

Par déclaration au greffe du 4 mars 2022, M. [S] [D] a interjeté appel de la décision.

Par ordonnance sur incident contradictoire du 30 mars 2023, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Montpellier a :

- débouté M. [S] [D] de sa demande tendant à être désigné mandataire ad hoc de l'indivision avec pour mission de faire procéder à la vente volontaire par adjudication auprès de la [18] du bien situé [Adresse 12] [Localité 15] sur une mise à prix de 380 000 euros,

- condamné M. [S] [D] à payer à Mme [L] [D] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [S] [D] aux dépens de l'incident.

L'appelant, dans ses conclusions du 5 juin 2023, demande à la cour de':

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Béziers en date du 10 février 2022 en ce qu'il :

1. rejeté l'annulation du testament du [Date décès 8] 2016,

2. attribué à Mme [D] [L] le bien immobilier situé [Adresse 11] à [Localité 9] ; cadastré section AP n°[Cadastre 13] ; fixant sa valeur à la somme de 475 000 euros,

3. ordonné la licitation du bien situé [Adresse 12] [Localité 15] pour une mise à prix de 380 000 euros

- rejeter les prétentions de Mme [L] [D]

Statuant à nouveau sur ces seuls points, il est demandé à la cour de,

1. prononcer l'annulation du testament en date du [Date décès 8] 2016 pour vice du consentement, surabondamment dol, interdiction de recevoir en raison des man'uvres de la bénéficiaire du testament de l'âge, de l'état de santé et de faiblesse ; de ce que Mme [L] [D] est la concubine d'un médecin ayant soigné le testateur,

2. rejeter la demande d'attribution par Mme [L] [D] du bien situé [Adresse 11] à [Localité 9], au motif qu'elle ne justifie pas d'une habitation effective du bien au jour de la demande d'attribution, et qu'elle ne justifiait pas non plus d'une résidence habituelle au jour du décès du défunt,

3. attribuer le bien sur Lignan à M. [D], subsidiairement ordonner la licitation de ce bien sur une mise à prix de 475 000 euros, avec baisse de mise à prix de 10% jusqu'à ce qu'enchères soient prononcées sous la constitution et le dépôt du cahier des charges de la Scp [20],

4. ordonner que la licitation du bien sis [Adresse 12] [Localité 15] pour une mise à prix de 380 000 euros et juger que cette vente sera réalisée dans les locaux de la [18], étant précisé que l'étude de Maître [J] est associée avec un notaire parisien, au sein de la société [F] qui sera chargée de la vente,

5. condamner Mme [L] [D] aux dépens de l'appel outre la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée, dans ses conclusions du 9 août 2022, demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Béziers en date du 10 février 2022, en ce qu'il a :

1. rejeté la demande tendant à l'annulation du testament authentique en date du [Date décès 8] 2016,

2. ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions de [G] [D], décédé le [Date décès 1] 2016, et [E] [C], décédée le [Date décès 5] 2018,

3. attribué à Mme [L] [D] le bien immobilier situé [Adresse 11] à [Localité 9] et cadastré section AP numéro [Cadastre 13],

4. fixé la valeur dudit bien à la somme de 475 000 euros,

5. désigné, en application de l'article 1361 du Code de procédure civile, Me [B] [J], notaire, pour dresser l'acte constatant le partage.

- infirmer le jugement rendu le 10 février 2022 sur les seuls points suivants :

1. attribuer le bien sis [Adresse 12] [Localité 15] à M. [S] [D]. Subsidiairement d'ordonner la licitation de ce bien dans les locaux de la [18] sur une mise à prix de 480 000 euros net vendeur,

2. attribuer à Mme [L] [D] les terres agricoles situées sur les communes de [Localité 9] et [Localité 24] cadastrées respectivement AP [Cadastre 2] et AP [Cadastre 4] ([Localité 9]) et AX [Cadastre 10] ([Localité 24]),

3. condamner M. [S] [D] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 4. condamner M. [S] [D] aux entiers dépens en ce compris les dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 janvier 2025.

SUR CE LA COUR

Sur la demande d'annulation du testament du [Date décès 8] 2016

Moyens des parties

M. [D] souligne que le testament litigieux a été établi 14 jours avant le décès de son père âgé de 83 ans particulièrement affaibli suite à une évolution négative d'un cancer du poumon. Il fonde sa demande de nullité du testament sur l'état de faiblesse constituant un vice du consentement. Il soutient que les traitements de son père en phase terminale de cancer et sa dépendance tant à l'égard de sa fille que de son gendre, médecin et chef du service où il était hospitalisé, ont constitué à l'évidence un état de faiblesse dont sa s'ur a profité. Il insiste sur le vice du consentement pouvant résulter d'un abus de faiblesse et pas seulement de l'insanité d'esprit. Il revient sur le contexte d'hospitalisation de son père dans l'hôpital où le compagnon de sa s'ur, le Docteur [O], était le chef du service de neurologie où se trouvait M. [D], insistant sur le fait que sa s'ur connaissait l'état de faiblesse de son père. Il considère dès lors que la cour doit caractériser le vice du consentement né de cet état de faiblesse.

M. [S] [D] soutient subsidiairement la nullité du testament sur le fondement du dol s'agissant de la man'uvre de Mme [L] [D] d'avoir utilisé la faiblesse de son père pour le convaincre de l'ingratitude de M. [S] [D] alors que cela n'avait jamais été envisagé auparavant par le défunt.

Il estime que la première juridiction a à tort écarté le moyen selon lequel les conditions juridiques de l'interdiction de disposer par personne interposée étaient bien remplies et constituées surabondamment le fondement de l'annulation du testament.

Mme [D] réplique que l'appelant se prévaut d'une disposition pénale relative à l'état de faiblesse sans pour autant avoir déposé plainte. Elle affirme que son père était en pleine possession de ses facultés, capacité confirmée par un certificat médical daté de la veille de la signature du testament est annexée à l'acte authentique. Elle revient sur la volonté de son père exprimant, sans la moindre ambiguïté, sa volonté de tester en sa faveur et en donnant les raisons, et regrettant l'attitude de son fils. Elle revient sur l'attestation produite par la partie adverse attribuée à un cousin germain, M. [N] [X] [C] ( pièce 21 adverse) qui pourtant n'en est pas l'auteur telle qu'elle le démontre par la production de sa pièce 5. Elle rappelle que la charge de la preuve de l'insanité d'esprit du testateur repose sur le demandeur, lequel ne verse aucun élément probant. La seule et unique attestation produite émanant de M. [K], ne démontre aucunement l'existence d'actes concrets caractérisant des pressions exercées en vue d'obtenir la réalisation de l'acte authentique litigieux. Elle décrit le contexte de la sépulture, son frère ayant bafoué ses droits funéraires.

Sur les dispositions testamentaires concernant M. [O], elle fait remarquer qu'il est neurologue de profession, et non pneumologue, qu'il n'a pas donné de soins au défunt pendant la maladie pulmonaire dont ce dernier est décédé, que son père a séjourné au service de neurologie durant deux hospitalisations, soit entre le 12 et le 20 octobre 2015, puis entre le 9 et le [Date décès 1] 2016 en raison du caractère urgent et inopiné de ces deux hospitalisations survenues durant la période hivernale et grippale où les places d'hospitalisation en pneumologie font traditionnellement défaut. Elle ajoute que durant la période d'hospitalisation en service de neurologie, il a été pris en charge par le Docteur [Z], pneumologue. Elle ajoute que son frère savait pertinemment que son père était suivi en service de pneumologie. Elle considère donc parfaitement démontré que M. [O] n'était pas le soignant du défunt et qu'il ne recevait nullement de ce dernier au sens de l'article 902 du Code civil.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 901 du code civil, pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence.

Aux termes de l'article 909 du même code, les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci.

En l'espèce, pour rejeter la demande en nullité du testament présentée par M. [D] qui invoquait la particulière vulnérabilité de son père en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique et d'une déficience psychique, la première juridiction a relevé que le demandeur se contentait de verser deux attestations ne renseignant nullement sur l'insanité d'esprit allégué. Il était également relevé, outre l'absence de preuves de l'insanité d'esprit par le demandeur, que la partie adverse démontrait quant à elle que le testament avait été dressé par leur père devant deux notaires, se déplaçant lui-même en l'étude, que son testament avait été passé en la forme authentique devant ces deux notaires, que ces derniers l'avaient jugé sain d'esprit et pouvant exprimer clairement sa volonté. Il était également relevé que le 28 janvier 2016, soit la veille de la rédaction du testament litigieux, M. [G] [D] avait consulté un médecin qui a attesté qu'il ne présentait pas à cette date d'altération de ses facultés intellectuelles ni de sa lucidité.

La première juridiction a également rejeté l'argument de M. [S] [D] relatif au contexte d'hospitalisation de son père dans le service et sous la surveillance du compagnon de sa s'ur considérant que Mme [L] [D] rapportait la preuve que son père n'avait pas été hospitalisé de manière continue dans le service de neurologie où officiait son compagnon mais seulement pendant 11 jours sur toute la durée de sa prise en charge hospitalière avec une prise en charge de son suivi par un pneumologue n'ayant lui-même remarqué aucune altération de ses facultés.

En cause d'appel, M. [S] [D] soutient que le vice du consentement n'est pas conditionné exclusivement à l'insanité d'esprit mais peut être la résultante d'un abus de faiblesse.

Or, il échoue également à démontrer l'existence d'un abus de faiblesse.

Il produit désormais une seule attestation, celle de M. [K]. En effet, l'autre attestation initialement produite en première instance, celle de M. [N]-[X] [C], est désormais formellement contestée par son auteur. Ainsi, l'intimée produit sa pièce 5 à savoir une attestation datée du 21 janvier 2021 émanant de M. [N]-[X] [C] dénonçant ne pas être l'auteur de l'écrit produit en première instance par M. [S] [D], précisant que la signature apposée en bas du document bien que ressemblante n'est pas la sienne et que l'attestation produite par M. [S] [D] devant le tribunal judiciaire est purement une altération frauduleuse de la vérité.

S'agissant de l'attestation de M. [K] ( pièce 8 ), cousin du défunt, il décrit une demande formulée au mois de janvier 2016 de la part de [G] [D] le sollicitant afin d'obtenir un revolver écrivant «'il avait peur la nuit car il était malade et l'aurait utilisé pour sa défense et celle de son épouse ». L'attestant précise que son cousin « ne lui a jamais parlé mal de son fils et qu'au contraire il était fou de rage contre le nouveau copain de sa fille qu'il l'aurait mise enceinte ». Comme l'a relevé la première juridiction, cette attestation ne renseigne nullement sur l'insanité d'esprit alléguée de M. [G] [D]. Il n'est nullement indiqué que M. [G] [D] souhaitait se donner la mort contrairement à ce qu'affirme l'appelant. De même, cette attestation ne renseigne aucunement sur un éventuel abus de faiblesse commis par la fille ou son concubin, mais fait part d'un sentiment à l'égard d'un membre de sa famille qui aurait été rapporté à M. [K]. Le fait qu'il n'aurait « jamais parlé mal de son fils » à ce cousin n'est pas en contradiction avec la mention apposée dans le testament par M. [G] [D] constatant « l'absence totale d'investissement affectif et moral de mon fils dans la vie familiale ».

Par ailleurs, contrairement aux allégations de l'appelant, M. [G] [D] n'était pas hospitalisé sous la prise en charge du compagnon de sa s'ur, le Dr [O] comme l'a parfaitement retenu la première juridiction au vu des pièces apportées par l'intimée sur ce point.

Dès lors, l'appelant échoue à démontrer tant l'insanité d'esprit que l'abus de faiblesse.

Enfin, sur le subsidiaire de M. [S] [D], c'est par une juste appréciation des faits que la première juridiction a retenu que le testament prévoyait, en ce qui concerne M. [W], qu'il soit simplement désigné tuteur d'[E] [C] en cas d'empêchement de sa fille. Il n'est nullement mentionné une disposition relative aux biens du testateur et à la quotité disponible en faveur de M. [W]. Ainsi les conditions d'application des articles 902, 909 et 911 du code civil ne sont pas remplies.

C'est donc par une juste appréciation des faits et à bon droit, par des motifs pertinents, que la cour adopte et complète que le premier juge a débouté M. [D] de sa demande tendant à voir déclarer le testament dressé le [Date décès 8] 2016 nul et de nul effet.

En conséquence, la décision rendue le 10 février 2022 doit être confirmée sur ce chef.

Sur la demande d'attribution présentée par l'intimée du bien situé [Adresse 11] à [Localité 9] cadastré section AP numéro [Cadastre 13]

Moyens des parties

M. [D] affirme démontrer notamment par une expertise non judiciaire en date du 13 juin 2019 que la partie agricole du domaine n'est plus exploitée et que le tribunal de première instance a méconnu les conditions strictes de l'article 831-2 du Code civil en retenant que la partie adverse rapportait la preuve des liens importants qui la rattacheraient à l'ensemble immobilier alors qu'elle déclare demeurer à d'autres adresses et que l'expert par lui mandaté n'a pas constaté d'occupation par Mme [D] du bien immobilier. Il considère que les conditions cumulatives d'une habitation au moment de la demande et d'une résidence au jour du décès ne sont pas remplies.

M. [S] [D] ajoute que le tribunal a attribué le bien sans fondement légal mais également à une valeur moindre. Il explique que l'ensemble est divisible permettant de retenir une valeur supérieure.

Il demande l'attribution du bien et à titre subsidiaire, la licitation du bien sur une mise à prix de 475'000 euros qui est le plafond bas de l'évaluation avec baisse de mise à prix de 10%.

Mme [L] [D] précise que ce bien constitue une propriété viticole. Elle réplique que l'expertise non contradictoire dont se targue l'appelant a été établie dans le cadre d'une mission privée et relève que l'expert avait été avant tout mandaté pour donner une valeur du bien et n'explique pas en quoi la partie agricole ne serait plus exploitée. Elle estime apporter démonstration inverse et prouver qu'elle a exploité le domaine durant la vie de ses parents ainsi qu'au cours de l'indivision.

Par ailleurs, elle se prévaut de l'article 832 du code civil et de l'arrêté ministériel du 22 août 1975 instituant la limite de superficie pour l'attribution préférentielle dans chaque département pour retenir qu'elle est fondée à solliciter l'attribution de la propriété viticole dont s'agit et considère que l'appelant tente d'égarer la cour en faisant valoir l'article 831-2 du code civil. Elle fait remarquer que M. [S] [D] ne s'explique pas sur l'attribution préférentielle qu'il sollicite lui-même sur ce bien.

S'agissant de la licitation, elle rappelle que la licitation ne doit intervenir qu'en raison d'une absence de patrimoine à partager ou si aucun des copartageants ne souhaite le bien ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 831 du code civil, le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l'attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s'il y a lieu, de toute entreprise, ou partie d'entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d'une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l'exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement. Dans le cas de l'héritier, la condition de participation peut être ou avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants.

S'il y a lieu, la demande d'attribution préférentielle peut porter sur des droits sociaux, sans préjudice de l'application des dispositions légales ou des clauses statutaires sur la continuation d'une société avec le conjoint survivant ou un ou plusieurs héritiers.

L'article 832 énonce que l'attribution préférentielle visée à l'article 831 est de droit pour toute exploitation agricole qui ne dépasse pas les limites de superficie fixées par décret en Conseil d'Etat, si le maintien dans l'indivision n'a pas été ordonné.

En l'espèce, il n'est produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à modifier la décision du premier juge qui, faisant une exacte appréciation des éléments qui étaient produits aux débats, a prononcé sur le fondement des deux articles précités, par des motifs complets et pertinents que la cour adopte et complète, l'attribution préférentielle du bien immobilier situé [Adresse 11] à [Localité 9] à Mme [L] [D].

En effet, alors que l'appelant produit une estimation non contradictoire de l'ensemble immobilier indiquant sans plus de précisions que la partie purement agricole ne serait plus exploitée, l'intimée produit quant à elle pour preuve que le bien dont elle sollicite l'attribution est toujours exploité et qu'elle-même a toujours participé, du temps de ses parents, mais également depuis leur décès, à son exploitation, les éléments suivants':

- des clichés photographiques des vendanges sur différentes années, 1990, 2009, 2019, 2020, 2021 et 2022

- des fiches de solde de cave de la cave coopérative «'terroir en garrigue'» des années 2010, 2017, et 2019

- un contrôle détaillé des apports en caves coopératives « terroirs en garrigue » de 2019

- une note manuscrite rédigée par son père mentionnant la participation de sa fille [U] à l'assemblée générale du 30 juin 2010 de la société coopérative de vinification

- une attestation de M. [M] [I] expliquant qu'[L], alors qu'elle travaillait à [Localité 22] venait tous les week-ends rendre visite à ses parents, que M. [D] planifiait toujours les vendanges en s'assurant que sa fille pourrait se libérer professionnellement ce jour-là, qu'[L] s'est toujours investi dans l'entretien, l'exploitation de la propriété ajoutant que depuis le décès de son père, seule [L] « a repris le flambeau », qu'elle s'est arrêtée de travailler pour pouvoir entièrement se consacrer à l'entretien et à l'exploitation de la propriété dans son ensemble ainsi qu'à la préservation des deux maisons et dépendances

- une attestation du garde champêtre de la commune indiquant que Mme [L] [D] a toujours 'uvré aux côtés de ses parents, à l'entretien et à la conservation de la propriété, que depuis le décès de son père, elle a continué à entretenir sans relâche, ladite propriété dans son ensemble

- l'arrêté ministériel du 22 août 1975 précisant la limite de superficie pour une attribution préférentielle dans chaque département prévoyant pour le département de l'Hérault une limite à 40 hectares, sans qu'il soit contesté que la propriété viticole cadastrée AP [Cadastre 13] se compose d'un cépage Cinsault et représente une surface totale de 0 ha 23 a et 40.

En conséquence, la décision dont appel doit être également confirmée sur ce point et M. [D] débouté de sa demande tendant à se voir attribuer ce bien et à voir prononcer à titre subsidiaire la licitation du bien.

Sur la demande d'attribution présentée par Mme [D] s'agissant des terres agricoles de [Localité 9] et [Localité 24]

Moyens des parties

Mme [D] sollicite l'attribution des terres agricoles situées sur les communes de [Localité 9] et [Localité 24], cadastrées AP [Cadastre 2] et AP [Cadastre 4] et AX[Cadastre 10]. Elle souhaite l'attribution de la totalité des terres agricoles afin de compléter la production viticole existant sur le domaine de [Localité 9]. Elle indique que selon le notaire en charge des successions, ces terrains ont une valeur de 0,30 euros le mètre carré soit 3307,06 euros pour le terrain de [Localité 24] et de 2 796,60 euros pour la terre de [Localité 9].

M. [D] s'oppose à cette demande d'attribution indiquant ignorer la valeur exacte de ses biens.

Réponse de la cour

En application des articles 831 et 832 et des éléments ci-avant développés, Mme [L] [D] est en droit de demander l'attribution préférentielle de ces deux terres agricoles. L'appelant lui oppose uniquement ignorer la valeur de ces terres, sans produire d'estimation de son côté.

Or, selon le notaire en charge des successions ( pièce 59 intimée ), il appert que la valeur de ces terrains est de 0,30 euros le mètre carré.

Dans la mesure où le terrain de [Localité 24] est d'une contenance de 11'024 m² et celui de [Localité 9] de 9 322 m², la valeur peut être respectivement estimée à la somme de 3307,06 euro et 2796,60 euros.

En conséquence, il sera fait droit à cette demande d'attribution préférentielle présentée par Mme [D].

Sur l'attribution à M. [D] du bien sis [Adresse 12] [Localité 15] et sa licitation

Moyens des parties

M. [S] [D] allègue qu'une licitation en l'étude d'un notaire de [Localité 16] pour un bien situé en région parisienne ne peut que conduire à une limitation du nombre des enchérisseurs et donc à une perte de chance de vendre à un prix élevé. Il ajoute que l'étude de Me [J] [F] est aussi titulaire d'une étude à [Localité 23].

Mme [D] fait remarquer que postérieurement à la décision dont appel du 10 février 2022, l'appelant a proposé devant notaire, « de se voir attribuer l'immeuble [Localité 15] et à Mme [D] l'immeuble de [Localité 9], sans soulte de part ni d'autre ».

S'agissant de la licitation et du montant de la mise à prix retenu par la décision du 10 février 2022 à hauteur de 380'000 ', elle fait valoir que ce montant a été retenu au vu d'une seule attestation immobilière produite aux débats datant de 2019. Elle fait valoir que le bien se situe à 12km de [Localité 23], que [Localité 15] se situe le long des célèbres bords de Marne, que la commune est intégrée «'au Grand Paris'» surnommé «'la perle de l'est parisien'», proche du RER A et conjugue tous les équipements et infrastructures d'une ville moderne. Elle ajoute que depuis la crise du covid la valeur du bien a augmenté considérablement tel qu'il en ressort des nouvelles estimations immobilières de mars 2022.

Elle ne s'oppose pas à titre subsidiaire à une licitation dans les locaux de la [18] sur une mise à prix de 480'000 ' nets vendeur.

Réponse de la cour

En l'espèce, la cour constate à l'instar de la première juridiction que M. [D] ne sollicite pas l'attribution de ce bien et que les parties s'accordent subsidiairement sur la licitation amiable de ce bien ainsi que sur la désignation du notaire. Cet accord sera donc repris.

Quant au montant de la mise à prix, la première juridiction a retenu la somme de 380'000 ' « au vu de la seule attestation immobilière produite aux débats et qu'aucune des parties ne conteste'». Cette attestation retenant une fourchette entre 380'000 et 395'000 net vendeur était datée du 11 avril 2019.

En cause d'appel, il est produit deux autres avis de valeur plus récents datés du 29 mars 2022. Il en résulte pour le premier une fourchette de prix comprise entre 480 000 et 490 000 ' net vendeur, et pour l'autre une fourchette de prix comprise entre 470'000 et 480'000 ' nets vendeur.

Ainsi, la mise à prix pour ce bien peut être retenue à la somme de 480'000 '.

En conséquence, la décision dont appel sera infirmée s'agissant du montant de la mise à prix pour retenir celle de 480'000 '.

Sur les dépens

M. [S] [D] qui succombe dans ses demandes en cause d'appel sera condamné aux dépens.

Sur les frais irrépétibles

Il n'est pas inéquitable de condamner M. [D], en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer sur la somme de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées sauf s'agissant du montant de la mise à prix du bien immobilier situé [Adresse 12] [Localité 15] faisant l'objet d'une vente volontaire sur une mise à prix de 380 000 euros ;

Statuant à nouveau,

DIT que le bien situé [Adresse 12] [Localité 15] doit faire objet d'une vente volontaire sur une mise à prix de 480 000 euros ;

Y ajoutant,

DIT que cette vente sera réalisée dans les locaux de la [18], étant précisé que l'étude de Maître [J] est associée avec un notaire parisien, au sein de la société [F] qui sera chargée de la vente ;

ATTRIBUE à Mme [L] [D] les terres agricoles situées sur les communes de [Localité 9] et [Localité 24] cadastrées respectivement AP [Cadastre 2] et AP [Cadastre 4] ([Localité 9]) et AX [Cadastre 10] ([Localité 24])';

CONDAMNE M. [S] [D] aux dépens de l'instance d'appel ;

CONDAMNE M. [S] [D] à payer à Mne [L] [D] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente de chambre,

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