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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 1, 4 avril 2025, n° 23/05381

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Credit Agricole Immobilier Promotion (SAS)

Défendeur :

Sixsides (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Sentucq

Conseillers :

Mme Bret, Mme Girard-Alexandre

Avocats :

Me Guyonnet, Me Gallois, Me Yahmi

TJ Bobigny, hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO…

9 janvier 2023

FAITS ET PROCEDURE

Une promesse de vente a été signée par acte authentique du 4 décembre 2019, aux termes de laquelle la société SCI Sixsides, en qualité de Promettant, s'est engagée à vendre à la société Crédit Agricole Immobilier Promotion (CAIP) le lot n°3 dans un ensemble immobilier situé à [Adresse 9] et [Adresse 4], cadastré Section F n°[Cadastre 1] [Adresse 4] ainsi désigné :

« Droit d'utiliser un terrain avec jouissance privative d'une superficie de 1 300 m2 environ portant le numéro un du plan, délimité en façade de l'[Adresse 7], formant un polygone ayant sur ladite avenue une longueur de 32,03 mètres environ ; sur le côté sud, une profondeur de 30,50 mètres environ et en limite séparative du lot n°2, une longueur de 41,17 mètres environ

Et d'y construire tout bâtiment à usage commercial, professionnel et plus particulièrement une station-service de distribution de produits pétroliers avec ses annexes, après l'obtention des autorisations administratives, à la condition que la surface hors d''uvre de cet immeuble ne puisse dépasser un potentiel de construction maximum de 1 056 m2 hors 'uvre. Précision étant ici faite que le lot n°1 comporte aujourd'hui un bâtiment à usage d'atelier de montage de pièces détachées et de réparation automobile d'une surface utile d'environ 210 m2. Et les vingt-six mille six cent quarante/cent millièmes ( 26 640/1.100.000èmes) de la propriété du sol et des parties communes générales. »

Le Délai était fixé au 5 avril 2021 à seize heures au plus tard. Les prorogations de plein droit ainsi que celles insérées dans les différentes conditions suspensives ne pouvant excéder la date du 5 août 2021.

Le prix était fixé selon les stipulations suivantes :

PRIX-CONDITIONS FINANCIERES

Prix Principal

La vente, en cas de réalisation aura lieu moyennant le prix de QUATRE MILLIONS NEUF CENT MILLE EUROS ( 4 900 000 euros) net vendeur :

« Observation est ici faite que dans l'éventualité où le permis de construire autoriserait plus de 3 615 m2 de surface de plancher constructible telle que le programme immobilier est défini à la condition suspensive ci-après, tous mètres carrés supplémentaires seraient réglés au Promettant devenu Vendeur moyennant le prix de mille trois cent cinquante-cinq euros 1 355 euros par mètre carré supplémentaire.

Paiement du prix

Ledit prix sera payable de la manière suivante :

Pour la somme de soixante mille euros (60 000 euros) elle sera versée par le Bénéficiaire au Promettant et par la comptabilité du Notaire soussigné et Participant au plus tard le 11 décembre 2019

Pour une somme complémentaire de soixante mille euros ( 60 000 euros) elle sera versée par le Bénéficiaire au Promettant par la comptabilité du notaire soussigné et Participant dans les huit (8) jours de la demande de permis de construire et quoi qu'il en soit au plus tard le 1er octobre 2020. Le Bénéficiaire autorise dès à présent lors de la survenance de ces échéances, le Notaire soussigné et Participant à verser sur le compte du Promettant ladite somme de CENT VINGT MILLE EUROS (120 000 euros) qui restera définitivement acquise à ce dernier nonobstant la non-réalisation de l'une des conditions suspensives mentionnées aux présentes.

Pour le surplus soit la somme de QUATRE MILLIONS SEPT CENT QUATRE-VINGT MILLE EUROS ( 4 780 000 euros) comptant le jour de la signature de l'acte authentique de vente constatant la réalisation des Présentes.

INDEMNITE D'IMMOBILISATION-CAUTION

Les Parties conviennent de fixer le montant de l'indemnité d'immobilisation à la somme forfaitaire de CENT VINGT-CINQ MILLE EUROS ( 125 000 euros).

CAUTION

Afin de garantir le versement de l'indemnité d'immobilisation due au Promettant par le Bénéficiaire au cas de non-réalisation sera garanti par la remise au plus tard dans le délai d'un mois suivant le dépôt de la demande de permis de construire, entre les mains du Notaire participant pour le compte du Promettant, d'un engagement de caution solidaire émanant d'un établissement financier ou d'une banque notoirement solvable ayant son siège social en France, ledit établissement ou ladite société devant s'engager par cette caution en renonçant aux bénéfices de division et de discussion, à verser l'indemnité d'immobilisation au Promettant, dans l'hypothèse où toutes les conditions suspensives et essentielles et déterminantes seraient réalisées et que le Bénéficiaire refuse d'acheter.

L'engagement de caution devra pouvoir être mis en jeu jusqu'à la date du 5 octobre 2021.

(')

VERSEMENT SUBSIDIAIRE

Le Bénéficiaire aura la faculté d'effectuer à la comptabilité du notaire participant dans le même délai, le versement d'une somme correspondant au montant de

l'indemnité d'immobilisation en lieu et place de remise d la caution solidaire.

Le sort de l'indemnité d'immobilisation sera le suivant (')

Elle s'imputera purement et simplement à due concurrence sur le prix en cas de réalisation de la vente promise

Elle sera restituée purement et simplement au Bénéficiaire dans tous les cas où la non réalisation de la vente résulterait de la défaillance de la condition essentielle et déterminante ou de l'une quelconque des conditions suspensives énoncées aux présentes et auxquelles le Bénéficiaire n'aurait pas renoncé

Elle sera versée au Promettant et lui restera acquise à titre d'indemnité forfaitaire et non réductible faute par le Bénéficiaire ou ses substitués d'avoir réalisé l'acquisition dans les délais ci-dessus, toutes les conditions suspensives et essentielles et déterminantes ayant été réalisées. (')

Dans l'hypothèse où la somme convenue au titre de l'indemnité d'immobilisation ou la caution solidaire dont il a été question , ne serait pas versée ou remise au notaire dépositaire dans le délai imparti, les présentes seront caduques, sans indemnité de part et d'autre, sans qu'il soit besoin d'aucune formalité, le Promettant acceptant ainsi que la présente promesse de vente soit consentie pour une période gratuite soit sans charge d'indemnité d'immobilisation pour le délai courant à compter de la signature des présentes et jusqu'à la date de remise de la caution ou de la remise du séquestre de l'indemnité d'immobilisation dans les délais fixés ci-dessus. »

Différentes conditions suspensives étaient stipulées dont celles auxquelles seul le Bénéficiaire pourra renoncer tenant notamment à la réalisation, aux frais du bénéficiaire, de rapports de sondages et d'analyses du sol et du sous-sol et le cas échéant de la nappe phréatique dans les trois mois de l'acte relativement à la pollution, aux sujétions particulières imposant des prescriptions techniques inhabituelles de comblement des sols et de confortation.

CONDITIONS SUSPENSIVES AUXQUELLES SEUL LE BENEFICIAIRE POURRA RENONCER

(')

Sondages- études de sols

Deux hypothèses sont prévues par l'acte à compter de la réception des rapports :

« - Ladite condition, suspensive sera considérée comme réalisée si le surcoût engendré par les contraintes et suggestions révélés dans les rapports, n'est pas supérieur à la somme de 200 000 ' hors-taxes.
- Au-delà de cette somme qui restera à la charge du Bénéficiaire, les parties conviennent de se réunir dans le mois de la réception des rapports, en vue d'essayer de s'entendre sur la suite à donner à leurs engagements.

Passé le délai de deux mois, sans que les parties ne se soit entendues, la présente promesse sera caduque sans indemnité, ni de part, ni d'autres, si bon semble aux bénéficiaires.

- Ladite condition suspensive stipulé au profit du bénéficiaire. »

Obtention des autorisations d'urbanisme

(')

B. Permis de construire

« De l'obtention par le Bénéficiaire d'un permis de construire exprès et définitif valant division permettant également le cas échéant, la démolition des constructions existantes et l'édification sur l'assiette foncière, d'un ensemble immobilier à usage d'habitation et d'une surface commerciale, rez-de-chaussée, développant une surface de plancher minimum de 3615 m².
De convention exprès entre les parties, à cet égard, le Bénéficiaire s'oblige à déposer la demande de permis de construire et, le cas échéant, de permis de démolir par l'architecte de son choix au plus tard le 1er octobre 2020. À défaut de respect de cet engagement, la présente promesse sera caduque de plein droit sans indemnité, ni de part ni d'autres. Le promettant acceptant ainsi le caractère gratuit de la présente promesse jusqu'à cette date, à l'exception des sommes jusqu'alors versées lesquelles demeureront acquises au Promettant. »

(')

« Approbation devenue définitive de la révision du PLU permettant la réalisation du projet envisagé » (')

« Décision de l'assemblée générale de copropriété définitive relative à la cession de copropriété

La présente promesse est soumise à la condition suspensive de vote par l'assemblée générale de la copropriété, de la scission de la copropriété, devenue définitive.
Si à la date du dépôt du permis de construire, il n'a pas été voté par l'assemblée générale de copropriété, une scission de copropriété, le délai de dépôt du permis de construire mentionné à la condition suspensive ci-dessus sera prorogé d'autant afin d'obtenir le vote de ladite assemblée générale. Il en sera de même du délai de réalisation de la promesse de vente.

Ladite promesse de vente sera caduque si bon semble aux Bénéficiaires sans indemnité de part ni d'autres si à la date de réalisation des présentes, éventuellement prorogée, ledit vote n'est pas devenu définitif. Les frais inhérents à l'annulation ou à la scission de la copropriété, seront à la charge du bénéficiaire. »

Par courrier du 11 février 2021 le conseil de la SCI Sixsides notifiait au notaire dans la suite de la proposition d'avenant à la promesse unilatérale de vente conclue le 4 décembre 2019 que :

« Le versement de la somme de 60 000 euros est dû au plus tard le 1er octobre 2020

La constitution de l'engagement de caution

L'indication d'une date limite pour déposer le permis de construire

La stipulation selon laquelle l'indemnité d'immobilisation restera acquise au Promettant en l'absence de dépôt d'une demande de permis de construire passé la date limite

Sont autant de conditions sine qua non à la modification de la promesse unilatérale de vente par voie d'avenant, » attirant l'attention du notaire sur le préjudice subi par sa cliente ayant reçu des propositions d'achat qui ne peuvent aboutir du fait de l'inertie de sa cliente.

Par courrier du 9 avril 2021 le conseil de la société Sixtsides mettait en demeure le syndic de copropriété de convoquer une assemblée générale mettant à l'ordre du jour la sortie du lot n°3 de la copropriété, soulignant n'avoir pas été convoqué à la précédente assemblée générale, être tenu d'en soulever la nullité et demandant de mettre à l'ordre du jour le projet de résolution concernant la sortie de la société Sixsides dans un délai de 8 jours à compter de la réception de la lettre.

Plusieurs échanges de courriers et courriels ont eu lieu du mois d'avril 2021 au mois d'octobre 2021 entre la SCI Sixsides et le syndic de copropriété puis le président du conseil syndical, pour voir reconnaître à la SCI Sixsides sa qualité de copropriétaire et son droit à solliciter et à être convoquée aux assemblées générales aux fins de voter la scission de la copropriété du lot n°3 objet de la vente.

Par acte du 5 septembre 2021 la société Sixsides a fait assigner le CAIP devant le Juge des référés du tribunal Judiciaire de Bobigny en paiement d'une provision de 60 000 euros à valoir sur le prix de la promesse de vente.

Au constat qu'il n'appartient pas au juge des référés d'apprécier la nature des obligations respectives des parties et les raisons de leurs manquements éventuels, le Juge des référés, par ordonnance du 13 décembre 2021, a débouté la société Sixtsides de ses demandes.

L'assemblée Générale des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 8] s'est finalement réunie le 16 décembre 2021 en présence du représentant de la SCI Sixsides et a adopté la résolution n°33 Accord de principe d'une scission de notre mot avec la SCI Sixsides en vue de leurs démarches :

« La SCI SS représentée par Maître [Z] [P] souhaite qu'une scission soit effectuée entre son lot et la copropriété. Ce projet a pour but la vente du lot de la SCI 6S à l'EPF afin de proposer la construction d'un immeuble d'habitation selon les projets et choix des pouvoirs publics (éco quartier) La SCI Sixsides procédera à toutes les démarches nécessaires à l'obtention des autorisations des pouvoirs publics pour la réalisation de ce projet, ainsi qu'aux démarches nécessaires à la modification du règlement de copropriété, dont un projet sera ensuite présenté et discuté en assemblée générale. Tous les coûts seront pris en charge par la SCI Sixsides.
Décision de l'assemblée générale : l'assemblée générale, prenant acte de l'information communiquée à savoir l'intention des pouvoirs publics d'acquérir via le EPFIF, la parcelle [F] et le projet d'y construire un immeuble d'habitation, donne son accord, quant aux démarches préalables en vue de la cession de la copropriété et de son corollaire, la mise en conformité du règlement de copropriété. Elle conditionne cependant la possibilité de proposer cette scission par :
'l'engagement formel écrit et définitif de l'acquisition de la parcelle [F], tel qu'indiqué
'l'engagement formel, écrit et définitif de la construction projetée d'un immeuble d'habitation avec ses caractéristiques : nature, nombre de niveaux, étage, sous-sol, Ouverture, côté, résidence, type de séparation, avec la résidence mur en dur ou végétal, description assortie d'un plan » (souligné par la cour).

Par courrier du 13 août 2021 le conseil de la SCI Sixsides écrivait au notaire instrumentaire pour voir mettre en demeure le Crédit Agricole de procéder au paiement de la somme de 60 000 euros dû au plus tard au 1er octobre 2020, constatant que la bénéficiaire n'a pas manifesté sa volonté d'acquérir dans le délai et le préjudice en résultant pour la SCI Sixsides ayant dû renoncer à d'autres proposition d'achat.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 8 octobre 2021, le conseil du Crédit Agricole Immobilier Promotion ( CAIP), au rappel que la scission de la copropriété pour en détacher le lot n°3 constituait une opération préalable indispensable pour établir et déposer le permis de construire et que la SCI n'a accompli strictement aucune des diligences nécessaires pour obtenir la délibération de l'assemblée générale de la copropriété qu'elle était juridiquement seule à pouvoir solliciter , a mis en demeure la SCI Sixsides de restituer au CAIP le versement de la première tranche de prix de 60 000 euros.

Par exploit délivré le 29 octobre 2021 la SAS Crédit Agricole Immobilier Promotion a fait assigner la SCI Sixsides en paiement de la somme de 60 000 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2021 et la somme de 7 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le jugement prononcé le 9 janvier 2023 a en substance :

Débouté la société CAIP de sa demande en paiement,

Condamné la société CAIP à payer à la SCI SIXSIDES la somme de 60 000 euros,

Condamné la société CAIP à payer à la SCI SIXSIDES la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté la société CAIP de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société CAIP aux dépens.

La société SAS Crédit Agricole Immobilier Promotion a interjeté appel selon déclaration reçue au greffe le 20 mars 2023.

Par conclusions signifiées le 1er juillet 2024 complétées à l'audience conformément à l'accord des parties consigné au plumitif, par l'annexion du paragraphe 5 des conclusions d'appel dans leur version notifiée le 13 juin 2025 en suite d'une erreur matérielle affectant ledit paragraphe dans les conclusions notifiées le 1er juillet 2024, la société Crédit Agricole Immobilier Promotion demande à la cour de :

Vu les articles 1188 et 1189 du code civil ;

Vu les articles 1304-5 et 1304-6 du code civil ;

INFIRMER le jugement entrepris du 9 janvier 2023 en toutes ses dispositions ;

CONDAMNER la SCI SIXSIDES à rembourser à la société CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER

- la somme de 60 000 euros au titre du premier acompte, majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 octobre 2021,

- la somme de 60 000 ' au titre du second acompte, majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2023, date de paiement du second acompte ;

DEBOUTER la SCI SIXSIDES de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER la SCI SIXSIDES à payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la SCI SIXSIDES aux entiers dépens, dont distraction au profit du Cabinet RACINE, avocats.

Par conclusions signifiées le 5 juillet 2024 la société SCI Sixsides demande à la cour de :

Vu l'article 1103 du Code civil,

Vu les moyens qui précèdent et les pièces versées aux débats,

CONFIRMER le jugement de 1 ère instance en ce qu'il a :

Débouté la SAS CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER PROMOTION de toutes ses demandes, notamment au titre du remboursement du premier acompte de 60.000 ',

Condamné la SAS CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER PROMOTION, outre entiers dépens, à verser à la SCI SIXSIDES la somme de 60.000 ' et 3.000 ' au titre des frais irrépétibles,

DEBOUTER la SAS CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER PROMOTION de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER la SAS CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER PROMOTION à payer la somme de 6.000 ' au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la SAS CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER PROMOTION aux dépens dont distraction au profit de Me Kamel YAHMI.

La clôture a été prononcée le 11 juillet 2024.

SUR QUOI

LA COUR

La demande en restitution des acomptes et la demande en paiement du second acompte

Le jugement, au rappel des clauses claires, précises et non équivoques de la promesse retient que l'obligation qu'elle stipule est étrangère au jeu des conditions suspensives ou à la commission d'une quelconque faute contractuelle de la part de l'une ou l'autre des parties. Le jugement a donc écarté les articles inopérants 1304-5 et 6 du Code civil et débouté le CAIP de sa demande en paiement. Au constat que le dépôt du permis de construire ne constitue pas une condition du versement mais un repère temporel et que le versement devait intervenir quoiqu'il en soit au plus tard le 1er octobre 2020, le jugement en infère que les parties n'ont pas entendu faire de la réalisation ou non des conditions suspensives une condition de ces versements et a condamné le CAIP à payer la somme de 60 000 euros à la société SIxsides.

Le CAIP critique le jugement qui n'a pas lu les clauses de la promesse les unes par rapport aux autres ni respecté le principe selon lequel la convention dans le doute s'interprète en faveur de celui qui a contracté l'obligation. Il affirme que le Promettant n'était fondé à obtenir le paiement des acomptes ( 120 000 euros) que dans le cas où le bénéficiaire n'aurait pas respecté son engagement de déposer le permis de construire au plus tard le 1er octobre 2020 et qu'en tout état de cause la clause « paiement du prix » même prise isolément ne peut avoir le sens donné par le jugement le « quoiqu'il en soit » ne visant pas à exonérer par anticipation le Promettant de toutes conséquences au cas où il manquerait lui-même à ses propres obligations empêchant le bénéficiaire de déposer le permis de construire et de réaliser la vente. Il ajoute que l'inexécution par le Promettant de son obligation essentielle de demander la scission de son lot à la copropriété pour permettre le dépôt et l'obtention du permis de construire rend sans contre partie pour le bénéficiaire le versement du second acompte de sorte que l'acquisition des 120 000 euros constituerait soit une libéralité, soit une commission occulte accordée par le Bénéficiaire soit une condition potestative entachée de nullité, le Promettant étant débiteur d'une obligation déterminante et gratifié d'une indemnité en cas d'inaction de sa part. Au rappel que le dépôt du dossier de permis de construire était conditionné à la scission préalable de la copropriété du lot n°3 dont l'obtention incombait à la société Sixsides et qu'à défaut de cette scission et des limites séparatives, le terrain objet de la promesse n'a pu être déterminé rendant impossible le dépôt de permis de construire et sans objet la promesse elle-même, elle ajoute que le CAIP n'est pas en dédit mais s'est trouvé dans l'impossibilité de déposer et d'obtenir son permis de construire par le fait du promettant ce qui de plus fort fonde sa demande en restitution de la somme de 120 000 euros.

La société SCI Sixsides, aux visas des articles 1103 et 1192 du Code civil et de la clause Paiement du prix oppose que le CAIP persiste à opérer une confusion volontaire entre le caractère indemnitaire de l'indemnité d'immobilisation ( 125 000 euros) et l'acompte de 120 000 euros à verser qui n'est lié par aucune condition suspensive. Elle souligne qu'étant courtisée par plusieurs promoteurs la SAS CAIP a voulu se démarquer de ses concurrents en présentant une offre financière plus intéressante et que le paiement de la somme de 120 000 euros est le prix de l'exclusivité donnée au CAIP tout en continuant à faire face aux dépenses le temps que la vente se réalise. Elle ajoute que la caducité ne concerne que l'obligation principale de vente et l'indemnité d'immobilisation qui, au demeurant n'a jamais été versée par la CAIP, la somme complémentaire de 60 000 euros devant en toute hypothèse être versée au plus tard le 1er octobre 2020. Elle souligne la mauvaise foi du CAIP qui a obtenu un accord des copropriétaires conditionné au dépôt d'un dossier de permis de construire et à sa transmission à la SCI Sixsides afin que sur cette base puisse être demandée la scission du lot n°3 étant normal que la copropriété souhaite avoir un droit de regard sur les futures constructions.

Réponse de la cour

Selon les articles 1103 et 1194 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et obligent à ce qui y est exprimé.

Les dispositions de l'article 1104 énoncent qu'ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.

Selon l'article 1192 on ne peut interpréter les clauses claires et précises du contrat à peine de dénaturation.

En l'espèce, les parties sont des professionnelles de la vente et de la promotion immobilières.

Aux termes des clauses claires et précises de la promesse de vente, rappelées dans l'exposé des faits, elles ont entendu fixer les modalités de paiement du prix ( page 11/24) par le versement de deux acomptes de 60 000 euros, en date respective du 11 décembre 2019 et du 1er octobre 2020, le solde étant dû à hauteur de 4 780 000 euros comptant le jour de la signature de l'acte authentique dont l'échéance était fixée au 5 avril 2021 précisant : « Le Bénéficiaire autorise dès à présent lors de la survenance de ces échéances, le Notaire soussigné et Participant à verser sur le compte du Promettant ladite somme de CENT VINGT MILLE EUROS (120 000 euros) qui restera définitivement acquise à ce dernier nonobstant la non-réalisation de l'une des conditions suspensives mentionnées aux présentes. »

Cette clause claire et précise laisse au promettant le bénéfice de conserver de manière définitive la somme de 120 000 euros correspondant à une partie du prix, nonobstant la non-réalisation de l'une des conditions suspensives mentionnées à la promesse.

Elle ne contredit pas la stipulation relative à l'indemnité d'immobilisation que les parties ont fixée à 125 000 euros et dont elles ont garanti le paiement par le versement dans le délai d'un mois suivant le dépôt de la demande de permis de construire, d'un engagement de caution solidaire émanant d'un établissement financier ou d'une banque notoirement solvable.

Elle ne saurait être assimilée à une donation déguisée, une commission occulte ou une condition potestative puisqu'elle consiste en un paiement constaté dans un acte authentique qui est la contrepartie des démarches assumées par la société Promettante et justifiées ainsi qu'il a été vu dans l'exposé des faits, pour obtenir la modification du règlement de copropriété et la scission du lot n°3, présenter le projet en vue de discussion en assemblée générale et en assumer les coûts.

Or, ces démarches ont été réalisées par le SCI Sixsides qui a obtenu le vote par l'assemblée générale des copropriétaires lors de l'assemblée générale tenue le 16 décembre 2021 de l'accord quant aux démarches préalable en vue de la cession de la copropriété et de son corollaire et l'accord des copropriétaires pour la mise en conformité du règlement de copropriété aux conditions qui n'étaient autres que celles auxquelles la société CPAI s'était elle-même engagée tenant à l'engagement formel écrit et définitif de l'acquisition de la parcelle [F], et à l'engagement formel, écrit et définitif de la construction projetée d'un immeuble d'habitation avec ses caractéristiques : nature, nombre de niveaux, étage, sous-sol, Ouverture, côté, résidence, type de séparation, avec la résidence mur, en dur ou végétal, description assortie d'un plan.

La scission du lot n°3 a en outre été autorisée lors de l'assemblée générale tenue le 7 mars 2022 aux frais de la SCI Sixsides par le vote de la résolution n°3 dans le cadre de laquelle il a été précisé par le représentant de la SCI Sixsides, les frais très élevés exposés en vue de cette scission.

Enfin la circonstance de l'obtention tardive de l'accord de scission au demeurant non invoquée l'appelante, opposant non pas le retard dans l'exécution de l'obligation d'obtenir une décision définitive de l'assemblée générale mais l'absence de toute diligence, contredite par les présents constatations, serait sans emport dans la mesure où les parties ont stipulé en page 23/24 de la promesse que « ladite promesse de vente sera caduque si bon semble au Bénéficiaire sans indemnité de part ni d'autre si, à la date de réalisation des présentes éventuellement prorogées, ledit vote n'est pas devenu définitif ».

Il s'en suit que la société SAS Crédit Agricole Immobilier Promotion n'est pas fondée en sa demande en restitution de l'acompte et que c'est à bon droit que le tribunal l'a condamnée à payer à la société Sixsides la somme de 60 000 euros correspondant au second acompte dû à l'échéance du 1er octobre 2020.

Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.

Les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la SAS Crédit Agricole Immobilier Promotion à régler à la société SCI Sixsides une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens.

Y ajoutant la SAS Crédit Agricole Immobilier Promotion sera condamnée à régler à la SCI Sixsides une somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ainsi que les dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Crédit Agricole Immobilier Promotion à régler à la SCI Sixsides une somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ainsi que les dépens de l'appel.

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