CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 3 avril 2025, n° 21/04620
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chalbos
Conseillers :
Mme Vignon, Mme Martin
Avocats :
Me Cherfils, Me Crespin, Me Bellucci
EXPOSE DU LITIGE
La société [5] est une SASU créée le 6 juin 2018 par M. [E] [F], associé unique, pour promouvoir sur le territoire français des produits spécifiques de type plancher en aluminium.
M. [E] [F], exerçant les fonctions de directeur général, a nommé M. [Y] [R], président de la SAS [5].
Des difficultés de collaboration vont rapidement apparaître entre les parties et par courrier du 23 mars 2020, M. [R] a informé M. [F] de sa décision de le révoquer de ses fonctions de directeur général.
M. [F] lui a répondu, par courrier du 9 avril 2020, qu'au regard des statuts, il n'avait pas qualité pour prendre une telle décision, le mettant par ailleurs en demeure de répondre des irrégularités qui lui étaient reprochées dans le cadre de sa gestion et lui signifiant la mise en place de la procédure de révocation de ses fonctions de président, à défaut de réponse de sa part, sous huitaine.
Le 30 avril 2020, par procès-verbal de décisions de l'associé unique, la révocation de M. [R] de ses fonctions de président de la SASU [5] a été formalisée.
Par acte du 13 août 2020, M. [Y] [R] a fait assigner M. [E] [F] et la société [5] devant le tribunal de commerce de Nice aux fins notamment de:
- dire et juger que M. [Y] [R] est actionnaire de la SASU [5] à hauteur de 1.500 actions,
- annuler le procès-verbal de décisions de l'associé unique établi par M. [E] [F] en date du 30 avril 2020 au nom de la SASU [5],
- prononcer la réintégration de M. [Y] [R] en qualité de président de la SASU [5],
- condamner M. [E] [F] au paiement de la somme de 10.000 ' en réparation du préjudice subi par M. [Y] [R] du fait de la révocation abusive de ses fonctions de président.
Par jugement en date du 11 janvier 2021, le tribunal de commerce de Nice a:
- dit que M. [E] [F] est l'unique actionnaire de la SASU [5],
- dit qu'aucune décision de l'associé unique de la SAS [5] ne constate une augmentation de capital de la SAS [5],
- dit, qu'en conséquence, M. [Y] [R] n'est pas actionnaire de la SASU [5],
- dit que le procès-verbal de décisions de l'associé unique établi par M. [E] [F] en date du 30 avril 2020 au nom de la SASU [5] est régulier,
- dit que la révocation de M. [Y] [R] de ses fonctions de président de la SASU [5] n'est pas abusive,
- débouté en conséquence M. [Y] [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de M. [E] [F] en paiement de dommages et intérêts au titre de fautes de gestion commises,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- condamné M. [Y] [R] à payer à M. [E] [F] et la société [5] la somme de 3.000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [Y] [R] aux dépens, liquidés à la somme de 84,48 '.
Le tribunal a retenu, à cet effet, que:
- M. [Y] [R] considère être associé depuis le 8 août 2018, date à laquelle Mme [W], qui avait elle-même acquis 1.500 actions de la société SASU [5] le 7 août 2018, lui a cédé l'intégralité de ses parts,
- le régime juridique de la SASU est celui des SAS sous réserve de quelques particularités liées pour l'essentiel à la réunion de toutes les actions entre les mains de l'associé unique,
- il appartient donc à cet associé unique de se prononcer sous forme de décision unilatérale dans tous les cas où la loi impose une décision collective des associés de la SAS,
- au regard des articles 9, 10 et 13 des statuts de la société, l'augmentation de capital revendiquée par M. [Y] [R] aurait dû faire l'objet d'une décision collective des associés et donc de l'associé unique,
- or, l'intéressé ne produit aucune décision de l'associé unique de la société autorisant et actant l'augmentation du capital,
- M. [Y] [R] ne peut donc qu'être débouté de ses demandes, étant souligné que la décision de révocation de ses fonctions de président a été prise régulièrement au regard des statuts et n'est donc pas abusive,
- la demande reconventionnelle de M. [E] [F] tendant à la condamnation de M. [Y] [R] au paiement de la somme de 40.000 ' à titre de dédommagement des fautes de gestion qu'il aurait commises, est irrecevable comme ne présentant pas un lien suffisant avec les demandes initiales de M. [Y] [R].
Par déclaration en date du 29 mars 2021, M. [Y] [R] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 22 décembre 2021, M. [Y] [R] demande à la cour de:
Vu les articles 1353 et 1359 du code civil,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a:
* dit que M. [E] [F] est l'unique actionnaire de la SASU [5],
* dit qu'aucune décision de l'associé unique de la SAS [5] ne constate une augmentation de capital de la SAS [5],
* dit, qu'en conséquence, M. [Y] [R] n'est pas actionnaire de la SASU [5],
* dit que le procès-verbal de décisions de l'associé unique établi par M. [E] [F] en date du 30 avril 2020 au nom de la SASU [5]est régulier,
* dit que la révocation de M. [Y] [R] de ses fonctions de président de la SASU [5] n'est pas abusive,
* débouté en conséquence M. [Y] [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
* rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
* condamné M. [Y] [R] à payer à M. [E] [F] et la société [5] la somme de 3.000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné M. [Y] [R] aux dépens,.
Et statuant à nouveau,
- recevoir M. [Y] [R] en ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
Sur les demandes principales,
- dire et juger que M. [Y] [R] est actionnaire de la SAS [5] à hauteur de 1.500 actions,
En conséquence,
- annuler les décisions contenues dans le procès-verbal de décisions de l'associé unique établi par M. [E] [F] en date du 30 avril 2020 au nom de la SAS [5], et par voie de conséquence prononcer la réintégration de M. [Y] [R] en sa qualité de président de la SAS [5],
- annuler les décisions contenues dans le procès-verbal de décisions de l'associé unique établi par M. [E] [F] en date du 15 juillet 2020 au nom de la SAS [5], et par voie de conséquence, annuler le transfert du siège social de la SAS [5] au [Adresse 3],
- condamner M. [E] [F] au paiement de la somme de 25.000 ' en réparation du préjudice subi par M. [Y] [R] du fait de la révocation abusive de ses fonctions de président,
Sur l'appel incident de la société [5],
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de M. [E] [F] en paiement de dommages et intérêts au titre de fautes de gestion commises,
Subsidiairement, si la cour devait juger recevable la demande reconventionnelle,
- débouter M. [E] [F] de sa demande en paiement de la somme de 40.000 ' à titre de dommages et intérêts en ce qu'elle est infondée et injustifiée,
En tout état de cause,
- débouter M. [E] [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [E] [F] au paiement de la somme de 8.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [E] [F] aux dépens de la présente procédure, ceux d'appel distraits au profit de la SELARL Lexavoue Aix-en-Provence, avocats associés aux offres de droit.
La SASU [5], société par actions simplifiée unipersonnelle, et M. [E] [F], suivant leurs dernières conclusions déposées et signifiées le 28 septembre 2021, demandent à la cour de:
Confirmer le jugement de première instance du 11 janvier 2021 et
- confirmer:
* que M. [E] [F] a toujours été et reste le seul associé de la SASU [5] conformément aux statuts de la société du 6 juin 2018,
* qu'il n'y a jamais eu aucune cession d'actions régulièrement opérée, ni aucun enregistrement consécutif,
* que M. [Y] [R] est à l'origine de nombreuses fautes de gestion dans le cadre de ses fonctions de président,
* que M. [Y] [R] a tenté de s'approprier les parts dans la société, au mépris des dispositions légales en la matière,
* que M. [Y] [R] ne fonde sa prétendue qualité d'associé de la SASU [5], que sur la base de ces opérations frauduleuses,
* que M. [Y] [R] ne justifie donc pas de la qualité d'associé de la SASU [5],
Par conséquent,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a:
* dit que M. [E] [F] est l'unique actionnaire de la SASU [5],
* dit qu'aucune décision de l'associé unique de la SAS [5] ne constate une augmentation de capital de la SAS [5],
* dit, qu'en conséquence, M. [Y] [R] n'est pas actionnaire de la SASU [5],
* dit que le procès-verbal de décisions de l'associé unique établi par M. [E] [F] en date du 30 avril 2020 au nom de la SASU [5] est régulier,
* dit que la révocation de M. [Y] [R] de ses fonctions de président de la SASU [5] n'est pas abusive,
* débouté en conséquence M. [Y] [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
* condamné M. [Y] [R] à payer à M. [E] [F] et la société [5] la somme de 3.000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné M. [Y] [R] aux dépens.
- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré la demande de M. [E] [F] irrecevable et condamner M. [Y] [R] à la somme de 40.000 ' à titre de dommages et intérêts,
- condamner M. [Y] [R] au paiement de la somme de 10.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 14 janvier 2025.
MOTIFS
Sur la qualité d'associé de M. [Y] [R] et l'absence de qualité d'associé unique de M. [E] [F]
M. [Y] [R] expose que la qualité d'actionnaire est réalisée par l'attestation d'inscription fournie par la société émettrice ou par l'enregistrement comptable des titres au nom de l'actionnaire ou l'intermédiaire inscrit pour son compte.
Il soutient que la transmission des titres obéit à un régime particulier qui se décompose en trois temps:
- l'ordre de mouvement indiquant le nom du bénéficiaire,
- l'inscription de la transaction sur le registre des mouvements,
- l'inscription dans le compte d'actionnaire de la titularité des titres,
l'ensemble de ces informations faisant preuve de la réalité du transfert de propriété des actions, étant précisé qu'aucune obligation de modification des statuts n'est imposée pour la société par actions simplifiée à capital variable.
Il soutient qu'il démontre que M. [F] n'est pas l'actionnaire unique de la société [5] en ce qu'il est bien détenteur de 1.500 actions et est donc fondé à se prévaloir de la qualité d'associé de cette société, ainsi qu'il en ressort:
- des ordres de mouvement indiquant le nom des bénéficiaires ( Mme [W] et lui-même),
- du versement sur le compte bancaire de la société [5] du montant relatif à l'augmentation de capital,
- de l'inscription dans le compte d'actionnaire de la société [5] de la titularité des titres,
- des échanges intervenus entre les parties pendant deux années, durant lesquelles M. [F] l'a toujours considéré comme associé de la société.
Les parties intimées contestent formellement la qualité d'associé de M. [Y] [R], aux motifs que celui-ci est dans l'incapacité de justifier des éléments suivants:
- un procès-verbal d'assemblée générale actant d'une augmentation de capital, prévoyant qu'il lui soit attribué 1.500 actions nominatives,
- la signature dudit procès-verbal par l'associé unique, M. [F], conformément à l'article 10 des statuts qui prévoit que l'agrément de l'associé unique est nécessaire pour tout augmentation de capital,
- le justificatif d'un transfert à son nom correspondant,
- le justificatif d'enregistrement de cette cession, avec modification des statuts et Kbis de la société.
Elles relatent qu'en sa qualité d'associé unique, M. [F] n'a jamais été informé des opérations dont se prévaut l'appelant et qui comme l'indiquent les documents produits ne comportent que les signatures de M. [R] et d'une tierce personne, Mme [W]. Elles ajoutent que tout projet de cession de parts doit faire l'objet d'une convocation à l'assemblée des actionnaires, en l'espèce une convocation de l'actionnaire unique, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
En vertu de l'article L 227-5 du code de code de commerce relatif aux sociétés par actions simplifiées , les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée.
L'article L 227-9 du même code dispose que les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient.
Toutefois, les attributions dévolues aux assemblées générales extraordinaires et ordinaires des sociétés anonymes, en matière d'augmentation, d'amortissement ou de réduction de capital, de fusion, de scission, de dissolution, de transformation en une société d'une autre forme, de nomination de commissaires aux comptes, de comptes annuels et de bénéfices sont, dans les conditions prévues par les statuts, exercées collectivement par les associés.
Dans les sociétés ne comprenant qu'un seul associé, le rapport de gestion, les comptes annuels et le cas échéant les comptes consolidés sont arrêtés par le président. L'associé unique approuve les comptes, après rapport du commissaire aux comptes s'il en existe un, dans le délai de six mois à compter de la clôture de l'exercice.L'associé unique ne peut déléguer ses pouvoirs. Ses décisions sont répertoriées dans un registre. Lorsque l'associé unique, personne physique, assume personnellement la présidence de la société, le dépôt, dans le même délai, au registre du commerce et des sociétés de l'inventaire et des comptes annuels dûment signés vaut approbation des comptes sans que l'associé unique ait à porter au registre prévu à la phrase précédente le récépissé délivré par le greffe du tribunal de commerce.
Les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé.
Il n'est pas contesté, en l'espèce, que la société [5] est une société par actions simplifiée unipersonnelle qui a été créée le 6 juin 2018. Il s'agit d'une société commerciale équivalente à la société par actions simplifiée mais ne comptant qu'un associé unique.
En effet, à la lecture des statuts constitutifs de ladite société, le capital social s'élève à 1.500 ', divisé en 1.500 actions de 1 ' dont M. [E] [F] est le seul détenteur ( article 8 des statuts).
Le régime juridique des SASU suit celui des SAS, sous réserve de certaines particularités liées pour l'essentiel au fait que l'intégralité des pouvoirs appartient à l'associé unique, qui exerce donc tous les pouvoirs dévolus à la collectivité des associés. Cet associé prend seul toutes les décisions dans les cas où la loi impose une décision collective des associés dans les SAS, décisions qui sont ensuite écrites dans un procès-verbal de décisions de l'associé unique.
L'article 9 des statuts de la SASU [5] stipule que ' Le capital social peut-être augmenté ou réduit dans les conditions prévues par la loi par les actionnaires statuant dans les conditions de l'article 13 ci-après' .
L'article 10 intitulé ' Clauses particulières relatives au transfert des actions et autres agréments ' prévoient que ' Toute cession d'actions à titre gratuit ou onéreux, à des tiers ou entre actionnaires, doit être préalablement agréée dans les conditions ci-après (...) Le projet de cession est notifié au président par acte extra-judiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il contient l'indication des nom, prénom et adresse du cessionnaire s'il s'agit d'une personne physique et sa dénomination sociale, sa forme, son capital social, son siège social, son immatriculation au registre du commerce, l'organe qui la représente et son actionnariat s'il s'agit d'une personne morale, le nombre des actions dont la cession est envisagée et le prix offert. Dans le délai de 60 jours à partir de la notification, le président convoque l'assemblée des actionnaires en assemblée générale extraordinaire pour qu'elle délibère sur le projet de cession des actions (...)'.
Enfin, conformément à l'article 13 ' Décisions des actionnaires' , ' Les décisions collectives des associés sont prises en assemblée, ce qui implique une réunion physique des actionnaires en un même lieu, ou par consultation par correspondance( ...)'.
Il résulte de ces dispositions que toute cession de parts ou augmentation du capital de la SASU [5] doit faire l'objet d'une décision collective des actionnaires et par voie de conséquence, de l'associé unique, M. [E] [F].
En l'occurrence, M. [Y] [R] est dans l'incapacité de rapporter la preuve de l'existence d'un procès-verbal de décisions de l'associé unique, M. [E] [F], actant d'une augmentation de capital et prévoyant que lui soient attribuées 1.500 actions nominatives, ni davantage d'une convocation de l'actionnaire unique, M. [F] afin de statuer sur le projet de cession, ni encore de l'enregistrement de cette cession avec modification des statuts et du Kbis de la société lesquels sont inchangés à ce jour.
L'appelant prétend que cette modification du capital aurait été décidée lors de l'assemblée générale du 27 juillet 2018 alors que la lecture du procès-verbal de décisions de l'associé unique du 27 juillet 2018 révèle que M. [F] a uniquement décidé de sa propre nomination aux fonctions de directeur général de la SASU [5]. Il se prévaut également d'écritures comptables ou encore d'échanges de mails, éléments qui en toute hypothèse ne sauraient pallier l'absence de décision de l'associé unique pour cette opération, étant souligné que ces documents ne comportent que les seules signatures de M. [R] et d'une tierce personne, Mme [W], mais ne reflètent à aucun moment un quelconque accord de l'associé unique, qui n'en a manifestement pas été informé.
C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu que M. [Y] [R] n'a jamais eu la qualité d'associé de la SASU [5].
Sur la régularité du procès-verbal de révocation des fonctions de président de M. [Y] [R] et la légalité de la procédure de révocation de ce dernier de ses fonctions de président
M. [Y] [R] estime que dès lors que M. [E] [F] n'est pas associé unique de la SAS [5], la révocation de ses fonctions de président ne pouvait être prise qu'en assemblée générale sur décision de l'ensemble des associés, de sorte que l'annulation des décisions contenues dans le procès-verbal de l'associé unique établi par l'intimé en date du 30 avril 2020 est encourue.
Celui-ci conclut, en outre, au caractère abusif de sa révocation en ce que M. [E] [F] ne lui a pas laissé le temps de répondre, dans le délai fixé dans son courrier, aux accusations qu'il portait à son encontre:
- il n'a réceptionné que le 15 mai 2020 le courrier recommandé du 9 avril 2020,
- la décision de révocation a été prise le 30 avril 2020 sans qu'il ait eu le temps d'apporter une réponse.
Les intimés rappellent que la procédure suivie en vue de la révocation est parfaitement régulière au regard notamment des statuts de la SASU [5], que l'intéressé a été mis en demeure, par courrier du 9 avril 2020, de répondre de ses fautes de gestion, un délai de huit jours lui étant imparti pour ce faire, de sorte que la révocation intervenue par procès-verbal de décisions d'associé unique du 30 avril 2020 est valable, ladite révocation ayant été publiée au journal d'annonces légales et cette modification a été enregistrée au Kbis. Ils ajoutent que la révocation du président dépend du pouvoir discrétionnaire des associés et ne nécessite pas davantage de formalités. S'agissant du caractère abusif de cette révocation, ils font valoir que l'appelant a accusé réception du courrier par mail du 22 avril 2020 et en connaissait la teneur depuis cette date.
Sur le premier moyen avancé par l'appelant, il ressort des développements qui précèdent que M. [E] [F] étant l'unique associé de la SASU [5], la décision de révocation de l'intéressé de ses fonctions de président relevait d'une décision collective des actionnaires et par voie de conséquence, de son associé unique.
Pour le surplus, il y a lieu de relever, à la lecture des statuts, que la révocation éventuelle du président dépend du pouvoir discrétionnaire des associés et n'est soumise à aucune formalité particulière.
Il ressort des pièces produites que M. [E] [F] a adressé à l'intimé une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 avril 2020, lui faisant part de différentes fautes de gestion relevées et lui donnant un délai de huit jours pour apporter des explications.
Si M. [Y] [R] déclare n'avoir réceptionné ce courrier que le 15 mai 2020, il n'en demeure pas moins M. [F] avait transmis copie de ce courrier à l'intéressé par mail, qui en a accusé réception le 22 avril 2020 en ces termes ' J'ai pris connaissance de votre courrier dont l'original n'est pas encore arrivé au siège de la société. Mon avocat ne manquera pas de vous répondre dans les plus brefs délais.'
Il est établi que le procès-verbal de révocation de M. [Y] [R] de ses fonctions de président de la SASU [5] a été dressé le 30 avril 2020, le délai qui lui avait été imparti dans la mise en demeure ayant bien été respecté.
Par voie de conséquence, cette décision a été prise régulièrement par un procès-verbal de décision de l'associé unique et ne présente aucun caractère abusif.
Enfin, l'appelant n'est pas davantage fondé à réclamer la nullité du procès-verbal de l'associé unique en date du 15 juillet 2020 décidant notamment du changement de siège social de la société afin de le transférer à [Localité 6], en invoquant sa qualité d'associé de la SASU [5], que précisément il n'a pas.
Sur l'appel incident de M. [E] [F] et de la SASU [5]
Sur la recevabilité de la demande reconventionnelles en dommages et intérêts présentée par M. [F]
En application de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
En l'espèce, M. [Y] [R] a introduit la présente instance aux fins d'une part, de se voir reconnaître la qualité d'actionnaire de la SASU [5] et d'autre part, d'annuler le procès-verbal de décision de l'associé unique du 30 avril 2020 le révoquant de ses fonctions de président avec les conséquences qui en découlent, à savoir sa réintégration, dans la société, en qualité de président.
Les prétentions originaires formulées par l'appelant, qui consistent notamment à remettre en cause sa révocation de ses fonctions de président de la SASU [5], ont bien un lien direct avec la demande reconventionnelle présentée par les intimés, tenant à l'allocation de dommages et intérêts au titre des fautes de gestion reprochées à M. [R] dans la mise en demeure du 9 avril 2020 et à l'origine de sa révocation de ses fonctions de président par décision de l'associé unique du 30 avril 2020.
Le jugement entrepris ce qu'il a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle des intimés doit être infirmé.
Sur le bien fondé de la demande reconventionnelle de M. [E] [F] et de la SASU [5]
Il ressort de la mise en demeure du 9 avril 2020 que ces derniers reprochent à M. [R]:
- le fait que M. [F], domicilié, en Suède, n'a que des retours sporadiques de sa gestion et n'a pas de visibilité sur les dépenses engagées, plus particulièrement leur intérêt pour l'objet social de la société,
- de ne pas présenter les comptes annuels et résultat sociaux à l'associé unique au mépris des dispositions de l'article 15 des statuts,
- de se rembourser certaines dépenses personnelles, sans lien avec l'activité sociale, sur les comptes de la SASU [5],
- d'avoir coupé les accès internet de M. [F] au compte bancaire professionnel de la société et au site [8] sur lequel sont hébergés les noms de domaines des sociétés de M.[F].
Il est communiqué le dépôt de plainte du 29 juin 2020 de M. [F] entre les mains du procureur de la République de [Localité 7] faisant part de différentes fautes de gestion qui auraient été commises par l'intéressé et chiffrant les facturations indues et matériels détournés à la somme de 13.200 ' et la valeur des sites web et e-mails professionnels dont l'usage lui a été enlevé à 42.000 '.
Il convient en premier lieu de relever le caractère particulièrement flou de certains griefs tels que formulés dans la mise en demeure tenant aux retours sporadiques de la gestion du président ou l'absence de visibilité des dépenses engagées, de même que l'existence de remboursements de dépenses personnelles sans préciser de quelles dépenses il s'agit.
La plainte adressée au procureur de la République, outre qu'il n'est pas indiqué les suites qui y ont été apportées, n'apporte pas davantage d'information.
S'agissant de l'absence d'approbation des comptes dans les délais légaux, il est justifié par l'appelant que le délai d'approbation des comptes clôturant au 31 décembre 2019 a été fixé en principe au 30 juin 2020 mais a fait l'objet d'un report de trois mois en raison de la pandémie liée à la COVID.
En cause d'appel et pour justifier des remboursements de dépenses personnelles de M. [R], les intimés se contentent de verser en pièce 13 une multitude de factures et justificatifs de frais sans aucune explication, ni tableau synthétique permettant d'apprécier si de tels éléments concernent effectivement des dépenses pouvant être qualifiées de personnelles au profit de l'appelant, étant souligné:
- certains justificatifs sont notamment des doublons,
- d'autres sont afférents à des livraison en Suède ou sont au nom de M. [F],
- d'autres ont manifestement traits à des dépenses relatives à la gestion et au développement de la société ( frais d'indemnités kilométriques, de péage, parking, repas pour un rendez-vous avec un client, frais de téléphonie ou postaux).
Quant au grief tiré de la coupure aux accès internet de M. [F], ce dernier ne produit, au soutien de sa demande, que des pièces en langue anglaise non traduites et qui ne démontrent rien.
En considération de l'ensemble de ces éléments, les intimés échouent à rapporter la preuve d'une faute de gestion commise par M. [R]. Leur demande de dommages et intérêts formée à son encontre ne peut qu'entrer en voie de rejet.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nice sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de M. [E] [F] en paiement de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau sur ce point,
Déclare recevable la demande reconventionnelle de M. [E] [F] et de la SASU [5] en paiement de dommages et intérêts au titre des fautes de gestion commises par M. [Y] [R] ,
Déboute, en revanche, M. [E] [F] et de la SASU [5] de leur demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts au titre des fautes de gestion commises par M. [Y] [R] ,
Y ajoutant
Condamne M. [Y] [R] à payer à M. [E] [F] et de la SASU [5] la somme de 4.000 ' sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [Y] [R] aux dépens de la procédure d'appel.