CA Bordeaux, 1re ch. civ., 2 avril 2025, n° 21/05430
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
GFA (Sté)
Défendeur :
GFA (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Poirel
Conseillers :
M. Vallée, M. Breard
Avocats :
Me Cooper, Me Biais, SCP Laydeker - Sammarcelli - Mousseau
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE.
Le 18 avril 1988 les époux [B] et leurs cinq enfants ont constitué entre eux un groupement foncier agricole (GFA), qui a donné à bail rural l'ensemble de ses parcelles de terre à la société civile [17] [O] [B], géré par le fils afin que ce dernier poursuive l'exploitation des [17] familiales.
Un prêt hypothécaire de trésorerie a été souscrit par les [17] [B], le GFA s'est porté caution hypothécaire de ce prêt [15] d'un montant de 350 000 euros au visa d'une délibération de l'assemblée générale du GFA du 20 mai 2004.
Par acte d'huissier du 18 août 2017, Mmes [M] [B] épouse [S], [G] [B] épouse [A] et [V] [B] épouse [J] ont fait assigner le GFA [B], M. [O] [B] et Me [D] [W], notaire associé, aux fins, notamment, d'obtenir leur condamnation in solidum à leur payer chacune 24 698,08 euros de préjudice financier, 5 000 euros de préjudice moral en raison du caractère prétendument faux de la délibération.
Par jugement contradictoire du 19 août 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action des demanderesses ;
- rejeté le surplus des demandes des parties ;
- condamné Mmes [M], [G] et [V] [B] aux entiers dépens de l'instance.
Mmes [M], [G] et [V] [B] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 1er octobre 2021, en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action des demanderesses ;
- rejeté le surplus des demandes des parties ;
- condamné Mmes [M], [G] et [V] [B] aux entiers dépens de l'instance.
Par dernières conclusions déposées le 27 février 2024, Mmes [M], [G] et [V] [B] demandent à la cour de :
- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré les s'urs [B] prescrites en leurs demandes ;
- juger que les demandes formulées par Mmes [M], [G] et [V] [B] ne sont pas prescrites, et par suite, sont recevables.
Statuant à nouveau :
À titre principal :
- juger inopposable à Mmes [M], [G] et [V] [B] le cautionnement hypothécaire consenti par le GFA en juin 2004 au profit de la [15] en raison de la fraude commise par M. [O] [B] à leurs droits.
À titre subsidiaire :
- juger nul et de nul effet à l'égard de Mmes [M], [G] et [V] [B] du cautionnement hypothécaire consenti par le GFA en juin 2004 au profit de la [15] en raison des man'uvres dolosives commises par M. [O] [B] pour obtenir ce cautionnement hypothécaire.
À titre infiniment subsidiaire :
- juger qu'à raison du faux qu'il a commis, M. [O] [B] a engagé sa responsabilité délictuelle sur le fondement des dispositions de l'article 1382 ancien du code civil à l'égard de Mmes [M], [G] et [V] [B].
En toutes hypothèses :
- condamner M. [O] [B] à rembourser à Mmes [M], [G] et [V] [B] les sommes qu'elles ont chacune indûment versées à la [14], soit la somme de 24 698,08 euros chacune, en conséquence de l'inopposabilité du cautionnement hypothécaire ou de sa nullité ou à défaut au constat de sa faute délictuelle ;
- condamner également M. [O] [B] à payer à Mmes [M], [G] et [V] [B] la somme de 5 000 euros chacune à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral qu'elles ont respectivement subi à cause de la fraude qu'il a commise à leur préjudice ;
- condamner Me [W], in solidum avec M. [O] [B], à payer à Mmes [M], [G] et [V] [B] la somme de 24 698,08 euros chacune en réparation de leurs préjudices financiers et la somme de 5 000 euros chacune en réparation de leurs préjudices moraux, à raison de la faute délictuelle par elle commise en ne respectant pas son devoir de vigilance, faute qui a contribué à la réalisation des préjudices subis par ces dernières ;
- condamner enfin M. [O] [B] in solidum avec Me [W] à payer à Mmes [M], [G] et [V] [B] une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance d'appel.
Par dernières conclusions déposées le 27 mars 2024, Mme [W] demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 19 août 2021 en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action des demanderesses ;
- rejeté le surplus des demandes des parties ;
- condamne Mmes [M], [G] et [V] [B] aux entiers dépens.
Y ajoutant :
- condamner toute partie succombante à verser à Me [W] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner toute partie succombante aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP Laydeker Sammarcelli Mousseau, avocats, sur ses affirmations de droit.
Si par extraordinaire, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 19 août 2021 devait être réformé et l'action des demanderesses jugée recevable :
- débouter Mmes [M], [G] et [V] [B] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions.
A titre subsidiaire :
- condamner M. [O] [B] à garantir et relever indemne Me [W] de toutes condamnations pouvant intervenir à son encontre.
En tout état de cause :
- condamner toute partie succombante à verser à Me [W] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner toute partie succombante aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP Laydeker Sammarcelli, avocats, sur ses affirmations de droit.
Par dernières conclusions déposées le 9 mars 2022, M. [O] [B] et le GFA [B] demandent à la cour de :
À titre principal :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 19 août 2021 en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action des demanderesses, rejeté le surplus des demandes des parties et condamné Mmes [M], [G] et [V] [B] aux entiers dépens de l'instance.
Y ajoutant :
- condamner Mmes [M], [G] et [V] [B] à verser à M. [O] [B] et au GFA [B] la somme de 3 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mmes [M], [G] et [V] [B] aux entiers dépens.
À titre subsidiaire :
- dire que la caution hypothécaire consentie par le GFA [B] pour garantir le prêt souscrit par la SARL « [17] [B] » est valable et opposable aux appelantes.
En conséquence :
- débouter Mmes [M], [G] et [V] [B] de leurs actions en inopposabilité et en invalidité ;
- débouter Mmes [M], [G] et [V] [B] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions.
À titre infiniment subsidiaire :
- dire que les appelantes sont mal fondées en leur action engagée sur la responsabilité délictuelle en l'absence de toute faute de M. [O] [B] et de tout préjudice ;
- dire que le préjudice allégué s'analyse comme une perte de chance, pour Mmes [M], [G] et [V] [B], de n'avoir pas pu s'opposer à l'engagement de caution hypothécaire consenti par le GFA [B] pour garantir le prêt souscrit par la SARL « [17] [B] » ;
- dire que cette perte de chance est inexistante.
En conséquence :
- débouter Mmes [M], [G] et [V] [B] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions.
En tout état de cause :
- débouter la SCP [W] de ses demandes formulées à l'encontre de M. [O] [B] ;
- condamner Mmes [M], [G] et [V] [B] à verser à M. [O] [B] et au GFA [B] la somme de 3 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mmes [M], [G] et [V] [B] aux entiers dépens.
L'affaire, initialement fixée à l'audience rapporteur du 26 février 2024, a été renvoyée à l'audience rapporteur du 21 octobre 2024.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 7 octobre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
I Sur la prescription de l'action à l'encontre de M. [O] [B].
Les appelantes reprochent aux premiers juges de ne pas avoir retenu, en application de l'article 2224 du code civil, que le délai de prescription ne débutait qu'au jour à partir duquel elles ont eu connaissance de l'existence du faux commis par M. [O] [B].
Elles affirment que la délivrance de l'assignation interruptive du 18 août 2017 est intervenue moins de 5 ans après cet événement, n'ayant eu connaissance du cautionnement hypothécaire souscrit et du faux concomitant qu'au 10 juin 2016, jour où leur notaire a récupéré la copie du prêt souscrit et le cautionnement du GFA [B] y afférent, comprenant la délibération de l'assemblée générale falsifiée de ce dernier en date du 20 mai 2004.
Elles contestent avoir eu connaissance du faux dès le mois de février 2016 comme l'a mentionné le jugement attaqué, n'ayant découvert selon leurs dires que le seul cautionnement hypothécaire du GFA à cette époque.
De plus, elles estiment que même si le mois de février 2016 était retenu comme point de départ, le délai de prescription expirerait au mois de février 2021 et donc que leur action est recevable.
Elles estiment que l'argumentaire tiré de la connaissance du faux avant février 2016 n'est pas fondé, notamment en ce qu'elles n'ont pas été avisées de l'existence du prêt par les organes de la procédure collective ou par la banque, et quand bien même cela aurait été le cas, cela ne serait pas survenu avant 2014, soit moins de 5 ans avant l'assignation. Mmes [S], [A] et [J], nées [B], relèvent que le jugement attaqué a encore mentionné que la disqualification de l'acte notarié constitue une contestation de sa force probante dans les termes de l'article 1319 du code civil, procédure non mise en place et prescrite.
Elles ajoutent ne pas avoir voulu remettre en cause l'acte notarié lui-même, mais seulement obtenir réparation de la fraude leur frère et de la légèreté blâmable du notaire instrumentaire.
Elles indiquent ne pas avoir conclu à une action en inscription en faux ou la nullité de l'action de cautionnement hypothécaire au visa de l'article 319 du code civil, mais uniquement recouru à l'article 1383 du code civil applicable en invoquant la négligence de Me [W] lors du cautionnement objet du litige.
Elles mettent en avant que cette action n'est pas davantage prescrite, la prescription étant soumise également à l'article 2224 du code civil précité, n'ayant découvert le faux perpétré que le 10 juin 2016 et n'ayant pas été convoquée ou informée en leur qualité de membres du GFA [B].
Elles en déduisent que leur action est recevable.
M. [B] et le GFA [B] arguent de ce que la prescription de l'action adverse est acquise, reprenant à leur compte la motivation des premiers juges en ce sens, ainsi que les articles 122 à 124 du code de procédure civile en plus du 2224 du code civil précité.
Ils avancent que l'action est prescrite depuis le 18 juin 2013, que l'assignation, délivrée le 18 août 2017 est tardive en ce qu'aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu auparavant.
Ils soutiennent surtout que les appelantes étaient informées de ce prêt, de la situation du GFA, de ce que la société commerciale a réglé les loyers à ce dernier pendant toutes ces années, ainsi que des difficultés financières de la société [17] [B] dès 2015.
De même, ils remettent en cause que les intéressées n'aient pas été destinataires de l'information de la caution donnée par le GFA dès 2004 et remarquent qu'en application de l'article 1855 du code civil, il leur appartenait de s'informer sur la situation du GFA.
Ils en déduisent que les intéressées ne sauraient se prévaloir de leur propre turpitude.
Maître [W] entend pour sa part que la prescription soit retenue, celle-ci ayant expiré selon ses dires le 18 juin 2013 en l'absence d'acte interruptif de prescription.
Cette partie intimée se prévaut de ce que le GFA [B] est une structure familiale dont les appelantes sont associées et en tire comme conséquences, au vu des relations existantes, que ses adversaires ne pouvaient ignorer l'acte de cautionnement du prêt objet du présent litige.
Elle dénonce également la défaillance de la partie adverse à assumer son rôle d'associé au sein du GFA [B], notamment en utilisant son droit d'information et de communication des pièces sociales qui leur aurait permis de découvrir l'existence de l'engagement objet du présent litige.
Elle estime que les appelantes ont renoncé à ce droit et ne saurait se prévaloir de leur ignorance pour échapper à la prescription.
***
En vertu de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
L'article 1855 du code civil ajoute que 'Les associés ont le droit d'obtenir, au moins une fois par an, communication des livres et des documents sociaux, et de poser par écrit des questions sur la gestion sociale auxquelles il devra être répondu par écrit dans le délai d'un mois.'
En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
La cour constate en premier lieu qu'il n'est pas remis en cause par les consorts [S], [A] et [J], toutes nées [B], qu'elles sont non seulement associées du GFA [B], mais également qu'elles n'ont jamais à ce titre contesté la gestion du groupement ou sollicité la moindre information à ce titre.
Il n'est pas davantage contesté que le procès verbal d'assemblée générale du 20 mai 2004 est faux en ce que les intéressées n'ont jamais été consultées ou convoquées pour être consultées sur l'engagement de caution précité.
Or, s'agissant d'un faux, il est justifié de ce que cet acte n'a pas été porté à leur connaissance, faute de quoi celui-ci n'aurait eu aucune utilité à être présenté au notaire instrumentaire et qu'il a naturellement été passé sous silence lors de la signature du prêt le mois suivant alors qu'il pouvait encore être régularisé par une nouvelle assemblée générale.
Il appartient donc aux intimés, qui soutiennent que les appelantes ont eu connaissance de cette garantie, d'établir la date à laquelle elles ont eu connaissance non de l'emprunt de la société [17] [B], ou de la garantie donnée par le GFA [B], mais de ce qu'elles devaient souscrire à cette dernière en leur qualité d'associées.
Les intimés n'allèguent d'ailleurs pas que le cautionnement litigieux soit apparu dans la comptabilité du GFA [B] et qu'à ce titre les consorts [S], [A] et [J] aient été en capacité de réclamer toute explication à propos de ce dernier.
En l'espèce, aucun élément ne permet de justifier que les appelantes ait eu connaissance du faux commis à leur égard avant l'année 2015 et la procédure collective de la société commerciale finalement liquidée, étant relevé qu'il n'est même versé aux débats les éléments de comptabilité du GFA [B] permettant aux appelantes de connaître l'existence, l'étendue et les conséquences financière de l'engagement de garantie contesté.
Il apparaît qu'il ne s'est pas écoulé un délai de 5 ans entre l'ouverture de la procédure collective de la société [17] [B] et l'assignation initiant le présent litige.
De même, s'agissant de la responsabilité de Me [W], la cour relève qu'il n'est pas contesté que les appelantes n'ont jamais sollicité la nullité de l'acte de prêt ou de cautionnement hypothécaire et qu'à ce titre, leur action ne saurait relever d'un régime de prescription autre que celui de l'article 2224 du code civil précité.
Au surplus, n'ayant pas davantage eu connaissance des faits invoqués au soutien de la mise en cause de la responsabilité du notaire moins de 5 ans avant l'assignation, le délai n'est pas non plus écoulé à l'égard de celui-ci.
Il résulte de ces seules énonciations que la prescription de l'action n'est pas établie et que la décision attaquée sera infirmée.
II Sur l'absence de mise en cause du mandataire liquidateur de la société [17] [B].
Les appelantes s'opposent, comme retenu par la décision attaquée, à ce qu'il soit nécessaire pour elles d'attraire le mandataire liquidateur de la société [17] [B] et d'effectuer une déclaration de créance.
Elles rappellent que M. [B] n'a pas vu sa responsabilité invoquée en qualité de dirigeant de la société bénéficiaire du prêt, mais seulement à titre personnel en raison de la falsification du procès-verbal d'assemblée générale du GFA [B]. Elles notent que l'intéressé est en tout état de cause sorti de ses pouvoirs de gestion s'agissant d'une infraction pénale et que seule sa responsabilité personnelle peut être engagée.
M. [B] et le GFA [B] concluent pour leur part, au visa de l'article 331 du code de procédure civile, L.622-21, L.622-22 du code de commerce applicables aux faits d'espèce, à ce que le premier était le dirigeant de la société [17] [B] et que cette société a fait l'objet d'une liquidation judiciaire suite au jugement du 27 juillet 2015 rendu par le tribunal de commerce de Libourne, procédure qui n'a été clôturée que le 10 décembre 2018.
Ils estiment qu'à ce titre la créance adverse devait être déclarée à cette procédure collective et que le mandataire judiciaire doit être mis en cause, notamment en ce que le prêt litigieux l'a été au profit non d'un des intimés, mais de la société liquidée dont M. [B] était le gérant.
A titre superfétatoire, ils soutiennent que l'action contre M. [B] ne peut aboutir en l'absence de faute ayant engagé sa responsabilité, notamment en ce qu'il a été fait une procuration valable pour engager la garantie du GFA [B].
***
L'article 331 du code de procédure civile dispose 'Un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal.
Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.
Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense.'
Il ressort des prétentions rappelées ci-avant que les appelantes, qui n'ont jamais varié à ce titre, ont toujours invoqué une faute personnelle de la part de leur frère, M. [B], sans que sa qualité de gérant de la société [17] [B] ait été ne serait-ce qu'invoquée.
A ce titre, Mmes [S], [A] et [J], nées [B], n'avaient pas à mettre en cause le liquidateur de la société emprunteuse ou à déclarer leur créance, ayant fait le choix de n'invoquer que la responsabilité personnelle de M. [B].
L'argument sera donc rejeté et l'action déclarée recevable à ce titre.
III Sur la responsabilité de M. [B].
Mmes [S], [A] et [J], nées [B], invoquent en premier lieu que la falsification par M. [B] de la délibération d'assemblée générale du GFA [B] en date du 20 mai 2004 rend cet acte inopposable à leur égard.
Elles soulignent que l'intéressé a reconnu avoir imité leur signature à leur insu, alors que l'article 20 des statuts du GFA stipule que l'accord de l'ensemble des membres associés de cette personne morale est indispensable pour la constitution d'une hypothèque.
Elles remettent en cause le fait que leur frère ait imité leur signature avec leur accord, du fait de l'urgence des signatures et de leur éloignement géographique.
Surtout, elles déduisent de ce faux l'inopposabilité à leur égard du cautionnement hypothécaire et le fait que la quotité disponible leur revenant à chacune dans le cadre de la vente des terres par le GFA en juillet 2016 ne doit pas être amputée du montant de la créance détenue par la banque à l'égard du GFA.
Elles considèrent que seul M. [B] doit supporter la charge du remboursement de l'hypothèque, soit un montant de 157.398,89 '.
Elles soulignent que les parcelles concernées ont été vendues moyennant la somme de 404.363 ', dont il a été déduit le remboursement de l'hypothèque s'élevant au montant de 157.398,59 ', laissant une somme à partager de 246.964,11 '.
Elles soutiennent que le partage du prix a engendré une perte pour chacune d'entre elle d'un montant de 24.698,08 ', montant qu'elles réclament.
En outre, elles indiquent avoir subi au vu du comportement de leur frère un préjudice moral, celui-ci ayant fraudé leurs droits et ayant créé par son comportement une dissension familiale, préjudice évalué par leurs soins à un montant de 5.000 '.
Elles contestent que l'acceptation de leur part du remboursement de la caution hypothécaire à la banque et la répartition du prix puisse valoir reconnaissance de la fraude, s'agissant d'une infraction pénale et n'ayant jamais eu l'intention de renoncer à agir à l'encontre de leur frère.
Elles ajoutent ne pas avoir eu le choix en signant les procès verbaux d'assemblée générale, ne pouvant s'opposer à la demande de remboursement formulée par la banque en application de la théorie du mandat apparent les privant de soulever la nullité du cautionnement objet du présent litige, ni à la répartition égalitaire qui en est découlée, mais à propos de laquelle elles ont émis toutes réserves.
Elles s'opposent également à ce qu'il soit retenu un mandat implicite au profit de leur frère pour signer l'acte litigieux, ainsi que l'acte de cautionnement.
Elles rappellent que le seul élément allant en ce sens sont les conclusions d'interventions volontaires de leurs parents lors de l'instance devant les premiers juges, alors que leur père est décédé au préalable le [Date décès 9] 2020 et que leur mère était placée sous curatelle à la personne et tutelles aux biens par jugement en date du 26 septembre 2019. Elles observent en outre que les intervenants étaient dépourvus d'intérêt à agir, les demandes n'étant dirigées que contre leur frère et Maître [W].
Surtout, elles se prévalent qu'elles n'ont jamais donné pouvoir de gérer seul le GFA [B] à M. [B] et qu'elles souhaitaient être consultées en cas de d'hypothèque des terres du groupement, alors qu'en tout état de cause le mandat doit être spécial en cette hypothèse. Elles notent qu'il n'est pas davantage justifié des circonstances qui auraient empêché leur adversaire de leur faire signer la délibération en cause.
De même, elles dénient que la gestion d'affaires prévues aux articles 1372 à 1375 applicables du code civil puisse être invoquée par les intimés, faute qu'il soit établi qu'il ait été impossible de réunir les associés pour se prononcer sur la question objet du litige ou qu'il soit justifié de la réunion des conditions d'utilité et d'opportunité posées par la jurisprudence.
Elles soulignent que seule la garantie donnée explique la vente des parcelles du GFA, ce qui a en outre privé leurs parents des revenus de location en leur qualité d'usufruitier des parts sociales de cette personne morale.
A titre subsidiaire, elles invoquent la nullité de l'acte de cautionnement hypothécaire du fait des manoeuvres dolosives de M. [B] pour obtenir cette garantie, en vertu des articles 1116 et suivants du code civil applicables lors des faits.
Elles rappellent que leur frère a signé l'acte de cautionnement en imitant leur signature sur le procès-verbal d'assemblée générale fourni à cette fin, ce en sachant qu'il n'obtiendrait pas leur consentement à la souscription du prêt sans justifier de l'intérêt pour le GFA à une telle opération.
Elles ajoutent que l'intérêt du groupement n'est pas avéré en l'absence de preuve du paiement des loyers par la société [17] [B], les éléments versés ne permettant pas de vérifier ce point selon leurs dires. Elles dénoncent encore le fait que l'usage des fonds empruntés ne soit pas justifié, la construction du hangar mise en avant ayant été selon elles réalisées en 1991 et qu'il n'est mentionné au contrat qu'une consolidation de concours court terme, soit un besoin de fonds de roulement, sans qu'il soit expliqué la raison de ce dernier besoin.
A titre infiniment subsidiaire, elles invoquent la responsabilité délictuelle de M. [B], arguant de l'article 1382 du code civil applicable, en ce qu'il a usé de manoeuvres frauduleuses pour engager le GFA comme caution hypothécaire du prêt souscrit par la société [17] [B].
La falsification de leurs signatures constitue à leurs yeux une faute de la part de M. [B], faute de quoi le prêt n'aurait pas pu être obtenu, alors qu'il s'agit d'une infraction pénale qui a fait l'objet d'un aveu de la part de l'intéressé.
Elles rappellent avoir subi un préjudice suite à ces agissements énoncés ci-avant et que le lien de causalité entre la faute et leurs dommages résulte de la perte financière liée à la vente des biens du GFA du 27 juillet 2016 découlant de la fausse délibération d'assemblée générale ayant engagée le groupement, ainsi que les dissensions familiales qui en ont résulté.
M. [B] et le GFA [B] concluent pour leur part au débouté des demandes adverses.
Pour cela, ils indiquent tout d'abord que l'inopposabilité de l'acte soulevé n'est pas fondée. Ils soulignent que les appelantes ont donné leur accord à la vente des parcelles détenues par le GFA [B], conséquence de l'engagement hypothécaire objet du présent litige, et reçu leur part du prix à ce titre, reconnaissant ainsi la validité et l'opposabilité à elles-mêmes de l'acte de cautionnement contesté.
Ils notent en ce sens qu'aucune opposition ou réserve n'ont été émises par la partie appelante.
De même, le consentement des intéressées n'a pas été vicié, en ce que le fait de ménager leurs parents ou d'être contraintes à rembourser la banque ne constituent pas des éléments caractérisant un dol comme allégué, alors qu'elles étaient informées de la situation.
Ils mettent en avant, tout comme Maître [W], la confusion de leurs adversaires entre la validité du mandat de gérance confié à Mme [B], mères des appelantes et de M. [B], et les conditions dans lesquelles doit s'exprimer la volonté des associés dans le cas d'un cautionnement hypothécaire.
S'agissant du dol, ils estiment qu'il existe un mandat implicite de la part de l'ensemble des associés pour signer en leur lieu et place le cautionnement objet du litige, alors qu'il existe selon eux en outre une impossibilité morale pour M. [B] à se constituer une preuve d'un tel document au sens de l'article 1348, devenu 1360, du code civil.
Ils se prévalent là encore de ce que les appelantes ont validé l'opération suite à la vente des parcelles précitées et qu'elles ne sauraient se prévaloir également d'une nullité de ce fait, ce que Maître [W] soutient également.
A titre infiniment subsidiaire, ils affirment que M. [B] n'a commis aucune faute délictuelle, car s'il admet avoir signé en lieu et place de ses soeurs la délibération en date du 20 mai 2004, il ne l'a fait que dans le but de souscrire un prêt accepté par la gérance et dans l'intérêt du GFA [B].
Outre que le prêt était selon ses dires conditionné par la garantie de ce groupement, ils avancent que les appelantes ne résidaient pas à proximité de l'exploitation et s'en désintéressaient, ce qui explique une telle initiative.
Ils avancent encore que M. [B] avait reçu un mandat implicite de ses soeurs pour signer les actes relatifs au groupement, ce que ses parents confirmeraient dans leurs écritures.
Ils ajoutent que l'intéressé a donc agi selon les règles du mandat, subsidiairement de la gestion d'affaires, pour contracter un acte validé par la gérante et sauvegarder les intérêts du GFA [B], du fait de sa dépendance avec l'activité de la société [17] [B].
Ils notent que le prêt a été remboursé pendant 11 ans sans difficulté, permettant de dégager des revenus notamment aux usufruitiers, donc dans l'intérêt de tous.
Ils se prévalent également de l'absence de préjudice de la partie adverse, en ce qu'il existait un intérêt manifeste pour le GFA à souscrire le prêt litigieux, l'activité de la société [17] [B] constituant sa seule source de revenus du fait des loyers versés par cette dernière au titre du bail rural conclu et perçu par les usufruitiers des parts du groupement.
Ils versent en ce sens les avis d'imposition des intéressés pour établir la perception des revenus fonciers entre 2001 et 2016 et une attestation de la société la compagnie fiduciaire du 15 juin 2020 en ce sens.
Ils soulignent que M. [O] [B], père des appelantes et de M. [B], était associé au sein des deux sociétés concernées par le présent litige et que c'est ce dernier qui a pris les décisions relatives à l'emprunt et à sa garantie.
Ils arguent encore que la société [17] [B] a financé la construction d'un hangar de 600m², financé pour partie par des fonds propres à cette société, lequel a profité au GFA [B] lors de la liquidation, ce qui a permis selon eux de régler une grande partie de la garantie mise en oeuvre par la banque.
Cet élément, ajouté à la poursuite de l'activité pendant 12 ans montrerait à leurs yeux l'intérêt de la poursuite de l'activité et qu'il n'existe pas de préjudice ou de perte de chance pour les appelantes.
***
L'article 12 du code de procédure civile énonce que ' Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.
Le litige né, les parties peuvent aussi, dans les mêmes matières et sous la même condition, conférer au juge mission de statuer comme amiable compositeur, sous réserve d'appel si elles n'y ont pas spécialement renoncé.'
Il résulte de l'article 1382, devenu 1240, du code civil que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
La cour constate que les appelantes sollicitent la reconnaissance de l'inopposabilité ou la nullité de la délibération de l'assemblée générale du GFA [B] en date du 20 mai 2004 (pièce 4 de M. [B] et du GFA [B]) et des actes subséquents de garantie donnés par cette personne morale.
Néanmoins, il sera observé que tant l'inopposabilité que la nullité sont propres à cet acte, alors que les appelantes ont entendu lui donner effet à l'égard de la banque prêteuse, laquelle n'est pas au surplus partie à la présente instance, alors qu'elle verrait ses droits remis en cause si ces prétentions étaient admises.
Les consorts [S], [A] et [J], nées [B], en ce qu'elles sollicitent l'indemnisation de leurs préjudices du fait de l'application de cette convention ont implicitement mais nécessairement, et ce en parfaite connaissance de cause, renoncé à la remise en cause de cet acte.
En revanche, il est exact qu'elles ne sauraient avoir renoncé à la responsabilité personnelle de M. [B], leur frère, en ce que la non remise en cause de la vente des parcelles de terre et la répartition du prix entre associés ne saurait valoir renonciation, même implicite, à voir son comportement sanctionné.
De surcroît, en ce que M. [B] admet avoir imité la signature de ses soeurs, sans verser le moindre justificatif quant à la nécessité pour le GFA [B] à signer un tel cautionnement hypothécaire pour préserver ses intérêts immédiats, ou du fait d'un éloignement quelconque des appelantes, ces arguments ne sauraient être retenus.
Sur la question du mandat implicite, il appartient à la partie qui s'en prévaut de l'établir. Or, s'agissant d'un mandat spécial relevant de l'article 1988 alinéa 2 du code civil, M. [B] doit justifier qu'il a reçu de ses trois soeurs pouvoir de cautionner l'hypothèque, ce qu'il échoue à faire en l'absence encore une fois de la moindre pièce en ce sens, lui-même admettant avoir imité les signatures des intéressées lors de l'acte précité du 20 mai 2004.
M. [B] ou le GFA [B] ne sauraient davantage se prévaloir d'une gestion d'affaire, faute d'établir à la fois l'opportunité et l'utilité de celle-ci, en particulier en ce qu'elle revient, comme le soulignent les appelantes à contourner l'article 20 des statuts du GFA exigeant qu'en cas de constitution d'une hypothèque sur les biens de celui-ci, l'accord de l'ensemble des associés soit recueilli (pièce 2 page 19 des appelantes).
De même, en ce qu'en cas d'arrêt de son activité par la société [17] [B], celle-ci pouvait se voir substituer un autre preneur des parcelles appartenant au GFA [B], il n'existait, comme le relèvent exactement les appelantes, aucune nécessité pour celui-ci à souscrire à la garantie objet du présent litige sans que les associés aient donné leur accord.
Il s'ensuit que ces arguments seront également rejetés.
M. [B] a donc bien, en signant au lieu et place de ses soeurs la délibération précitée du 20 mai 2004, commis une faute engageant sa responsabilité personnelle s'agissant sans conteste d'une fraude aux prérogatives de celles-ci en leur qualité d'associées du GFA [B].
Néanmoins, il appartient aux requérantes d'établir le dommage qui est résulté de cette faute.
A ce titre, notamment en ce qu'il n'est pas remis en cause devant la cour que si au final le cautionnement hypothécaire a bien engendré une dette pour le GFA [B], il est également avéré que ce dernier, en ce qu'il a permis le paiement des loyers et la récupération d'un hangar, comme l'allèguent M. [B] et ce groupement, que le propriétaire des terres vendues a pu bénéficier de règlements pendant la durée du paiement du prêt objet du présent litige.
En effet, il n'est pas établi que l'attestation de M. [Z] en date du 15 juin 2020 (pièce 14 de M. [B] et du GFA [B]) mentionnant que la société [17] [B] était à jour de ses loyers à l'égard du GFA [B] ou que ce dernier ait bien bénéficié gratuitement du hangar réglé par la même société (pièce 12 de cette même partie) soient inexactes.
Or, les appelantes ne démontrent pas par conséquent que le lien de causalité entre la poursuite de l'activité, effectuée grâce au crédit objet du litige, ait engendré une diminution du montant qui leur a été versé au final suite à la vente des parcelles de terres suite à l'acte de vente du 27 juillet 2016.
La prétention quant au préjudice matériel subi n'est donc pas fondée.
En revanche, en ce qu'il n'a pu résulter du fait du comportement de M. [B] que des dissensions importantes au sein de la famille concernée, ce qui résulte de la lecture des conclusions d'intervention volontaires des parents des appelantes et de leurs soeurs (pièce 28 de cette partie), ne peut que justifier la demande faite au titre du préjudice moral.
Ce dernier sera exactement évalué, au vu de ces éléments, à la somme de 2.000 ' pour chacune des appelantes.
IV Sur la responsabilité de Maître [W].
Les appelantes soutiennent que Me [W] a engagé sa responsabilité délictuelle en ce qu'il lui appartenait de d'assurer l'efficacité des actes rédigés par ses soins, en l'occurrence le prêt en date du 17 juin 2004 souscrit par la société [17] [B] le 17 juin 2004.
Elles arguent que ce document, qui prévoit en outre le cautionnement hypothécaire du GFA [B], au vu de la délibération précitée du 20 mai 2004, est à l'origine de la vente des terres précitées et des préjudices allégués par les consorts [S], [A] et [J] nées [B], mentionnés ci-avant.
Elles précisent que ces éléments étaient insuffisants pour vérifier que l'ensemble des associés du GFA [B] avait consenti au cautionnement objet du litige et donc aux vérifications nécessaires pour assurer la protection des droits de l'ensemble des parties.
Cette situation leur permet, selon leurs dires, de solliciter la condamnation in solidum de Me [W] aux sommes auxquelles est tenu M. [B] à leur égard.
Elles notent que Maître [C] a affirmé par courriel du 8 août 2016 que la partie adverse est consciente de la situation, ce qui établit à leurs yeux la responsabilité délictuelle de celle-ci sur le fondement de l'article 1383 du code civil applicable.
De plus, elles avancent que le contrat de cautionnement hypothécaire est un acte solennel dont le monopole est confié aux notaires et qui devait faire l'objet d'une particulière vigilance à ce titre.
Ainsi, elles estiment que Me [W], au vu du manque de formalisme de la délibération précitée, devait solliciter une copie des pièces d'identité des signataires afin de vérifier l'authenticité de la délibération, les convocations des associés à l'assemblée générale, l'ordre du jour et son objet ou le procès verbal de délibération. De même, le fait de la dénomination du document en 'délibération', alors qu'il aurait dû être mentionné pouvoir ou procuration et qu'il n'ait pas été mentionné les présents ou qui a alors signé, ou le montant du cautionnement, aurait également dû attirer son attention et engendrer des vérifications supplémentaires.
Il importe peu à leurs yeux que le notaire n'ait pas eu connaissance de la falsification des signatures arguée par leurs soins, ses agissements ayant contribué à couvrir ceux de leur frère.
Elles rappellent en ce sens que le notaire avait connaissance du faux le 8 août 2016, donc lors de la vente des parcelles de terres par le GFA [B] qui leur a causé préjudice, sans que leur adversaire vérifie notamment le montant de l'engagement, qui représentait 80% de l'actif, ce qui constitue selon elles une légèreté blâmable.
Elles remettent en cause toute remise en cause du devoir de vigilance adverse en ce que la gérante avait donné pouvoir pour se faire représenter à l'acte du 17 juin 2004 en ce que celui-ci confond le consentement des associés du GFA et la représentation du GFA à l'acte, alors que le premier aurait dû être unanime.
Elles remarquent que la simple comparaison entre les écritures apposées à la délibération remise en cause du 20 mai 2004 et le procès-verbal du 17 juin 2004 par M. [B] en sa qualité de gérant de la société [17] [B] également annexée au prêt hypothécaire montre selon leurs dires qu'il s'agit de la même écriture et que le notaire ne pouvait se dispenser de toute vérification complémentaire.
Elles en déduisent que Maître [W] a contribué à la réalisation de leur préjudice, puisque sans sa faute, l'acte de prêt hypothécaire n'aurait jamais été passé, ce qui fonde sa condamnation in solidum.
Maître [W] entend quant à elle rappelé que l'article 1382, devenu 1240 du code civil, exige, pour que sa responsabilité puisse être retenue, qu'il soit rapporté une faute, un préjudice et un lien de causalité entre ces deux éléments, ce qu'elle conteste.
Sur la question de la faute, elle relève que les déclarations faites par son client sont sous sa seule responsabilité, n'être donc tenue d'opérer un contrôle sur celle-ci que si elle a un doute quant à la véracité de celles-ci.
Elle soutient qu'aucun élément ne permettait de remettre en doute la véracité du consentement des associés du GFA [B], le document précité en date du 20 mai 2004 étant signé de l'ensemble des associés, a été certifié conforme à l'original par la gérante, mère des appelantes.
Elle précise que l'objet de la délibération était indiqué, à savoir donner tout pouvoir à la gérante pour signer les actes nécessaires au GFA [B] pour se porter caution hypothécaire de la société [17] [B].
Elle note que la procuration jointe à l'acte de prêt précise la nature, le montant et les modalités de remboursement du prêt concerné pour lequel la gérante a engagé le GFA, démontrant la connaissance par l'intéressée de la nature, du montant et les modalités de remboursement de l'engagement, montrant le consentement de l'intéressée.
Elle en déduit qu'elle n'avait aucune raison de douter du pouvoir donné et souligne que la délibération est une forme valable pour les associés aux fins d'exprimer leur accord à une telle opération.
Elle insiste sur le fait que les appelantes ont en outre consenti à la vente des biens du GFA pour faire face aux demandes de la prêteuse au titre du cautionnement hypothécaire, au versement des fonds concernés à ce créancier et au partage du solde du prix de vente entre les associés, sans exiger de retenue.
Elle estime donc que les intéressées ont ratifié a posteriori l'engagement pris par le mandataire du GFA, quand bien même cet engagement aurait été donné de manière irrégulière et à leur insu.
Elle se prévaut également de ce que Mmes [S], [A] et [J], nées [B], ont admis que la fraude alléguée résulte uniquement du comportement de leur frère, qu'elle ne saurait être responsable des manoeuvres de celui-ci qui ne lui ont été révélées que lors de la présente procédure, ignorant l'étendue des griefs au préalable et n'ayant eu connaissance que d'un différend au sein de la famille.
Elle argue de ce que la faute de son client est de nature à exclure sa propre responsabilité et qu'il n'existait aucun élément lui laissant penser qu'une fraude existait lors de l'acte du 17 juin 2004.
De même, elle observe qu'il n'est formulé aucun grief à l'encontre de la gestion du GFA par les appelantes, alors que leur mère était la gérante et qu'il leur appartenait de s'intéresser à cette gestion en qualité d'associées et de mettre en cause la représentante légale, ce qu'elles n'ont pas fait.
Elle s'oppose aux affirmations selon lesquelles elle aurait dissimulé des informations sollicitées par Mmes [S], [A] et [J], nées [B], par l'intermédiaire de Maître [C], ces dernières ayant été informées avant la vente des terres du GFA des conditions de celle-ci avant sa signature.
Elle considère que seule une perte de chance pourrait lui être opposée au titre de l'absence d'opposition de sa part à l'engagement du GFA [B] en qualité de caution hypothécaire à l'acte du 17 juin 2004, mais que la probabilité pour les appelantes s'y opposent est quasi nulle selon elle.
En effet, outre le désintérêt pour la gestion du GFA [B] de la part des intéressées, Me [W] met en avant qu'il existait non seulement une confiance au sein du GFA du fait des relations familiales, mais également du fait de l'économie de l'opération qui concernait différentes entités détenues en réalité par leur famille, en particulier en ce que l'activité de la société [17] [B] constituait la principale source de revenus du GFA, ce qui explique l'intérêt de celui-ci au cautionnement litigieux.
Elle remarque que le prêt a donc permis non seulement la poursuite de l'activité agricole de la société [17] [B], mais également le versement du loyer, la construction du hangar susmentionné qui a permis de régler une grande partie de la garantie mise en oeuvre par la banque.
Il n'existe donc pas de préjudice financier de son fait selon ses dires, alors que le préjudice moral résulte des seules manoeuvres de M. [B] auxquelles elle est étrangère, ce qui empêche l'existence de tout lien de causalité avec sa propre intervention à l'acte litigieux.
***
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, précité.
L'article 9 du code de procédure civile indique que 'Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.'
La cour observe en premier lieu que le document intitulé 'Délibération' daté du 20 mai 2004 et annexé au contrat en date du 17 juin 2004 comporte toutes les signatures des associés du GFA, quand bien même certaines d'entre elles auraient été imitées (pièce 17 des appelantes). Il s'agit, comme l'a parfaitement relevé la partie intimée, d'une possibilité offerte aux associés d'exprimer leur consentement à l'opération litigieuse.
Il résulte de cette seule constatation que Maître [W] a pu légitimement déduire que les associés avaient unanimement souscrit à l'opération objet du présent litige. Aussi, en ce que ces mentions n'apparaissaient pas dans la délibération précitée et critiquée l'officier ministériel ne saurait se voir reproché de n'avoir pas douté de leur sincérité.
Mieux, en ce que la procuration donnée par la gérante mentionne non seulement le montant, mais également les conditions de l'emprunt, tout lecteur normalement diligent est amené à penser que ces conditions avaient été rappelées lors de la délibération précitée (pièce 16 des appelantes). Il existait donc là encore une apparence d'accord sur ce point pour Maître [W].
Ces éléments, ajoutés au caractère familial de l'opération du fait des associés communs aux personnes morales emprunteuses et cautionnant, n'ont pu que conférer non seulement une apparence de régularité, mais surtout une confiance dans l'exactitude des pièces transmises au notaire rédacteur de l'acte.
Ainsi, quand bien même il existerait une ressemblance dans l'écriture ayant rédigé la mention 'certifié conforme à l'original', celle-ci n'aurait rien de choquant, M. [B] ayant pu préparer les documents aux fins de les faire signer par sa mère, en sa qualité de gérante, laquelle n'a d'ailleurs pas remis en cause sa propre signature.
Surtout, la cour observe que le faux, admis matériellement par M. [B] lui-même, s'il avait pour but de contourner l'accord de ses soeurs, avait pour principal objectif que le notaire rédacteur de l'acte se voit présenter un dossier complet sans qu'il puisse lui être fait part du moindre désaccord sur l'importance de l'engagement, objection dont se prévalent dans les faits les appelantes.
La manoeuvre frauduleuse avait donc pour but premier de tromper la vigilance du notaire instrumentaire afin de lui faire croire que l'opération avait été consentie par l'ensemble des associés du GFA [B], notaire qui est donc victime de cet agissement en ce qu'il a été adapté aux exigences de son intervention au vu des documents fournis, et donc à son devoir de vigilance.
En ce qui concerne le courrier en date du 8 août 2016 (pièce 21 des appelantes), en ce que Maître [C] se contente de mentionner que Maître [W] a 'conscience de la situation', un tel élément ne saurait valoir comme preuve de reconnaissance d'une responsabilité, cet écrit pouvant, comme le retient exactement l'intimée, de la connaissance d'une difficulté liée à la situation de la part du notaire et non qu'il y a lieu d'indemniser les appelantes.
En outre, dès lors que l'engagement du GFA [B] était régulier en la forme, il existait un intérêt évident en terme économique pour les actionnaires de la famille [B], intérêt qui n'a pu que participer à convaincre Maître [W] de l'accord familial qui ressortait de la délibération en date du 20 mai 2004 précitée.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'y a pas eu de contravention à son devoir de vigilance de la part de Maître [W] et que la demande tendant à voir sa responsabilité engagée doit être rejetée.
IV Sur les demandes annexes.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
L'équité exige que M. [B] soit condamné à verser à Mmes [S], [A] et [J], nées [B], ensemble, une somme de 3.000 ' en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure.
La même équité commande que M. [B] et le GFA [B] soient condamnés in solidum à verser à Maître [W] la somme de 2.000 ' en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure.
Aux termes de l'article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement M. [B] et le GFA [B], qui succombent au principal, supporteront in solidum la charge des entiers dépens, dont distraction au profit des conseils en ayant fait la demande, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Infirme la décision rendue par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 19 août 2021;
Statuant à nouveau,
Déclare recevables Mmes [S], [A] et [J], nées [B], en leurs demandes ;
Condamne M. [B] à verser à Mmes [S], [A] et [J], nées [B], la somme de 2.000 ', chacune, au titre de leur préjudice moral suite à la faute délictuelle de l'intéressé ;
Rejette les demandes supplémentaires ou contraires des parties ;
Y ajoutant,
Condamne M. [B] à verser à Mmes [S], [A] et [J], nées [B], ensemble, la somme de 3.000 ' en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [B] et le GFA [B] à verser à Maître [W] la somme de 2.000 ' en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [B] et le GFA [B] aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit des conseils en ayant fait la demande.
Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.