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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 3 avril 2025, n° 24/04313

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

BM Resort (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Grevin

Conseiller :

Mme Mathieu

Conseiller :

Mme Dubaele

Avocats :

Me Buisson, Me Coudert, Me Guyot

T. com. Beauvais, du 5 nov. 2024, n° 202…

5 novembre 2024

DECISION

La SARL BM Resort, ayant pour unique associé la SARL Building Management, l'une et l'autre ayant le même gérant [T] [F], a pour objet social « Solution d'externalisation de la fonction achat dédiée aux entreprises avec fournitures de biens, produits, matériels, marchandises et services généraux en qualité de centrale d'achats. Prestations d'intermédiaire et apporteur d'affaires. »

Par requête en date du 10 septembre 2024, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Beauvais a sollicité du tribunal de commerce de Beauvais l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ou bien d'une mesure d'enquête préalable à l'égard de la SARL BM Resort, demande faisant suite à une ordonnance d'injonction de payer rendue en juin 2024 d'un montant de 31.587 euros à la demande de la société Toyota Kreditbank, laissant apparaitre que ladite société serait en état de cessation des paiements.

Ainsi, par ordonnance en date du 26 septembre 2024, le Président du tribunal de commerce de Beauvais ordonne au greffier de convoquer la SARL BM Resort, ce qui sera chose faite par acte en date du 16 octobre 2024.

Par jugement réputé contradictoire en date du 5 novembre 2024, le tribunal de commerce de Beauvais :

Ouï Monsieur le Procureur de la République en ses réquisitions ;

Ouvre la procédure de redressement judiciaire conformément à l'article L.631-1 et suivants du code de commerce (Livre VI) à l'égard de la SARL BM Resort (') ;

Fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 5 juin 2024, et ce au regard des pièces produites ;

Fixe la durée de la période d'observation à six mois, soit jusqu'au 5 mai 2025 ;

Dit et juge qu'un premier rapport précisant, conformément aux dispositions de l'article L.631-15 du code de commerce, si l'entreprise dispose des capacités financières suffisantes à sa poursuite d'activité, sera déposé au greffe, et fixe comparution des parties pour entendre la lecture dudit rapport et voir statuer ce que de droit sur la poursuite d'activité et le maintien de la période d'observation le 10 décembre 2024 à 14 heures ;

Nomme en qualité de Juge-Commissaire Monsieur Sylvain Pruvost, juge du siège ;

Désigne en qualité de mandataire judiciaire la SELARL [B] Pecou, en la personne de Maître [D] [B] ;

Dit que pour l'application de l'article L.624-1 du code de commerce, le mandataire judiciaire devra établir dans le délai de 12 mois de la publication du présent jugement au BODACC, la liste des créances vérifiées, avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente ;

Commet en qualité de commissaire-priseur la SELARL [N], en la personne de Maître [V] [N] (') pour, en application des articles L.622-6 et R.622-4 du code de commerce, dresser inventaire, réaliser la prisée du patrimoine du débiteur, ainsi que des garanties qui la grève, et sur les indications de l'entreprise répertorier les biens susceptibles de revendication par les tiers ;

Dit et juge que dans les 10 jours du présent jugement et à la diligence du chef d'entreprise, le Comité Social et Economique, et à défaut les salariés, devront désigner au sein de l'entreprise un représentant des salariés dans les conditions des articles L.621-4, L.621-6 et R.621-4 du code de commerce et communiquer ses noms au greffe ;

Ordonne que soit communiqué au greffe, à la diligence du chef d'entreprise, le nom du représentant des salariés désigné et que soit régularisé la liste des créanciers par l'entreprise ;

Fixe le délai de déclaration des créances imparti aux créanciers à deux mois à compter de la publication au BODACC du présent jugement ;

Fixe le délai de dépôt de la liste des créances par le mandataire à 12 mois à compter de la publication au BODACC du présent jugement ;

Ordonne les mesures de publicités prévues par la loi et le décret, l'exécution provisoire du présent jugement, et l'emploi des dépens en frais privilégiés de redressement judiciaire.

Par une déclaration en date 18 novembre 2024, la SARL BM Resort a interjeté appel dudit jugement en toutes ses dispositions et par ordonnance du 26 novembre 2024 elle a été autorisée à assigner les intimés à l'audience des plaidoiries du 13 février 2025.

Par ordonnance du 27 décembre 2024, la première présidente de la cour a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

Dans son assignation à jour fixe du 16 décembre 2024, la SARL BM Resort demande à la cour d'appel d'Amiens, au visa des articles L.631-1 suivants du code de commerce, de :

Infirmer le jugement rendu le 5 novembre 2024 par le tribunal de commerce de Beauvais en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau :

Juger n'y avoir lieu à procédure de redressement judiciaire conformément aux articles L.631-1 et suivants du code de commerce (Livre VI) à l'égard de la SARL BM Resort ;

Juger qu'il n'y avait pas cessation des paiements au 5 juin 2023 et qu'il n'y a pas lieu à période d'observation de 6 mois ;

Mettre fin aux fonctions en qualité de juge-commissaire de Monsieur Sylvain Pruvost, juge du siège ;

Mettre fin aux fonctions en qualité de mandataire judiciaire de la SELARL [B] Pecou en la personne de Maître [D] [B] ;

Mettre fin aux fonctions en qualité de commissaire-priseur de la SELARL [N] en la personne de Maître [V] [N] ;

Juger n'y avoir lieu à déclaration des créances des créanciers ;

Ordonner les mesures de publicité prévues par la loi et le décret ;

Laisser ses dépens à la charge de chacune des parties à l'appel.

Dans son troisième jeu de conclusions en date du 11 février 2025, la SELARL [B] Pecou demande à la cour d'appel d'Amiens, au visa de l'article L.631-1 du code de commerce, de :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Débouter l'appelante de toutes ses demandes, fins, moyens et conclusions ;

Ordonner que les dépens soient passés en frais privilégiés de procédure collective.

Dans son avis en date du 3 février 2025 notifié aux parties le 4 février 2025, le procureur général près la présente cour requiert la confirmation de la décision entreprise en ce que la SARL BM Resort ne rapporte par la preuve qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements et ce que le commissaire de justice délivrant la citation n'a pas trouvé le siège social de la société appelante ce qui interroge sur l'existence d'une véritable activité au siège de celle-ci.

MOTIFS DE LA DECISION :

La SARL BM Resort fait valoir que :

- elle a en leasing environ 30 véhicules mais également de nombreux matériels informatiques et logiciels, affectés à l'usage des sociétés du groupe dont elle fait partie,

- l'état de cessation des paiements doit être prouvé par le demandeur à l'ouverture de la procédure collective et que le seul non-paiement de dettes ne suffit pas,

- la dette d'un montant de 31.000 euros prise en compte par le premier juge pour caractériser l'état de cessation des paiements concerne en réalité la fin du leasing de deux voitures rendues au crédit bailleur la société Toyota France financement, que les comptes sont en cours,

- la somme restant due sera acquittée sans difficulté et ne caractérise donc pas un état de cessation des paiements conformément à l'article L.631-1 du code de commerce.

- elle a bien son activité à son siège social [Adresse 1] à [Localité 7], contrairement à ce qui a été retenu en première instance, argument qui au demeurant est inopérant pour ordonner l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. La SCI Kameled propriété de M. [T] [F] héberge les 32 sociétés du groupe et s'acquitte de plus de 24000 euros de taxe foncière.

La SELARL [B] Pecou fait observer que la SARL BM Resort échoue à démontrer qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements tant au jour de l'ouverture du redressement judiciaire qu'à ce jour.

En effet, si la SARL BM Resort justifie de son actif en produisant ses relevés bancaires, elle ne démontre pas que celui-ci est supérieur à son passif exigible, et elle ne produit pas non plus ses derniers bilans afin de vérifier l'évolution de son activité sur ces dernières années et notamment pas l'état de ses dettes et sa balance âgée.

Il doit être en outre souligné que le passif déclaré qui se compose essentiellement de créances échues, s'établit au 11 février 2025 à la somme de 1.398.055,91 euros, dont 53.585,99 euros à titre privilégié et 1.344.489 euros à titre chirographaire.

En outre, le Commissaire de Justice ayant délivré la citation en vue de l'audience du 5 novembre 2024 n'a pas trouvé la société à son siège, et la SARL BM Resort ne verse au débat aucun élément de nature à prouver qu'il existe une activité au siège, aucune attestation de salariés et/ou fournisseurs qui viendraient effectuer des livraisons à cette adresse.

La cour rappelle qu'aux termes de l'article L.631-1 du code de commerce il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L.631-2 ou L.631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements. La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation et, le cas échéant, à la constitution de deux comités de créanciers, conformément aux dispositions des articles L.626-29 et L.626-30.

Le passif exigible est le passif échu ou à échoir dans un bref délai, tandis que l'actif disponible est celui réalisable immédiatement ou à court terme qui est constitué essentiellement des liquidités figurant dans les comptes financiers et donc de l'existant en caisse et en banque.

Au terme du jugement entrepris du 5 novembre 2024 le premier juge a considéré que l'état de cessation des paiements était présumé dès lors que la société, qui avait été condamnée le 5 juin 2024 aux termes d'une ordonnance d'injonction de payer à régler plus de 31.000 euros à la société Toyota Kreditbank, n'avait, au vu du procès-verbal d'assignation délivré suivant les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, plus aucune activité au siège déclaré tout en n'ayant pas procédé au transfert de celui-ci.

La cour constate de la même façon que l'état de cessation de paiement est non seulement vérifié au jour de jugement mais perdure au jour du présent arrêt.

En effet, la société BM Resort qui se présente comme une société support du groupe Building management-RCPI auquel elle fournit des matériels pris en leasing (véhicules, ordinateurs, logiciels), sans au demeurant produire les conventions de mise à disposition :

- n'a en réalité aucune activité de production, ne déclare aucun actif immobilisé, son siège social n'est manifestement qu'une adresse postale et elle déclare en procédure avoir un établissement d'exploitation au [Adresse 2] à [Localité 7] qui n'est pas déclaré au registre du commerce et des sociétés ;

- au vu de ses relevés bancaires de son compte courant BNP Paribas d'avril à octobre 2024 elle n'a aucun salarié et son compte courant est abondé de manière sporadique par les autres sociétés du groupe notamment Building management, RCPI Ouest, l'Atelier du canal et Cabinet Cleuet, pour payer les mensualités des contrats de crédit-bail et locations de longue durée,

- le compte-courant est constamment débiteur depuis le 30 avril 2024 et n'étant plus abondé suffisamment puis plus du tout depuis juillet 2024 il a atteint un débit de 10.075,34 euros le 31 octobre 2024, les prélèvements de mensualités de crédit-bail étant rejetés de ce fait depuis mai 2024 ;

- les retards de paiement sont récurrents comme le montre le virement de la société Building Management de 39.381,40 euros ayant servi à hauteur de 31.624,64 euros le 15 avril 2024 à régler le solde des échéances de 2023 et comme le démontre également le non-paiement des mensualités de deux contrats de crédit-bail auto tant par le débiteur principal et la caution la société Building management pour des montants de 3144,47 euros et 2002,93 euros qui a entraîné la résiliation des contrats le 29 janvier 2024 et l'exigibilité des sommes de 31.450,70 euros (ayant donné lieu à l'ordonnance d'injonction de payer susvisée) et de 25.007,39 euros, la société créancière Toyota Kreditbank ayant fait appréhender les deux véhicules par commissaire de justice les 7 et 8 août 2024 ;

- d'autres mensualités de contrats de location longue durée sont restées impayées, notamment Lixxbail -résiliation du contrat du 19 avril 2024 (9007,36 euros) et Minolta-factures restées impayées pour 62653,78 euros, ce qui démontre de plus fort que les autres sociétés du groupe au profit desquelles la société BM Support a souscrit ou repris les contrats de crédit-bail et de contrat longue durée ne sont plus en mesure d'en assumer les coûts,

- les créances nées avant le jugement d'ouverture-échues s'élèvent à 610.341,21 euros dont 23.374,99 euros à titre privilégié (amendes et nantissement du fonds de commerce) et 586.966,22 euros à titre chirographaire ;

- aucun règlement des dettes de la société BM Resort n'a été entrepris par les sociétés concernées du groupe depuis le jugement entrepris.

Force est de constater que son passif exigible qui était d'au-moins 31.587 euros au jour du jugement était donc bien supérieur à son actif disponible qui était nul, la situation s'étant aggravée depuis le jugement puisque les dettes exigibles sont à l'heure actuelle d'au-moins 610.341,21 euros et qu'il n'y a aucun actif disponible, si bien que la cour ne peut que confirmer le jugement entrepris.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Ordonne l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de redressement judiciaire.

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