CA Poitiers, 2e ch., 8 avril 2025, n° 22/02468
POITIERS
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Marquer
Président :
M. Pascot
Conseiller :
M. Lecler
Avoué :
Me Gallet
Avocats :
Me de Langlade, SCP Gallet-Allerit-Wagner, Me Leroy
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Monsieur [K] [F] et Madame [X] [R], couple marié, ont constitué l'exploitation agricole à responsabilité limitée Les Ecuries de [Adresse 7] (Les Ecuries) le 1er juillet 2008 ayant pour activité agricole l'élevage d'équidés ainsi que l'élevage canin.
Par acte sous seing privé du 20 juillet 2009, Monsieur [F] a consenti aux Ecuries un bail à ferme portant sur une parcelle d'une superficie de 1ha 56a 90ca située [Adresse 5] sur la commune de [Localité 8] et cadastrée section B sous le numéro [Cadastre 4].
Par acte authentique du 10 décembre 2013, Monsieur [F] a consenti un bail rural à long terme pour une durée de 18 années entières et consécutives commençant rétroactivement le 1er novembre 2013 aux Ecuries sur un ensemble immobilier situé à [Localité 8] comprenant une maison à usage professionnel et d'habitation et un bâtiment d'exploitation d'environ 400 m2 comprenant des stabulations pour chevaux et un chenil.
Par requête en date du 8 juin 2017, Monsieur [F] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Saintes aux fins d'obtenir la résiliation du bail à long terme du 10 décembre 2013.
Par notes d'audience en date du 27 septembre 2018, le tribunal paritaire des baux ruraux de Saintes a constaté ' l'accord suivant intervenu entre les parties : l'earl Les écuries de [Adresse 7] et Mme [F] née [R] acceptent la résiliation du bail rural objet du présent litige soit la parcelle et les immeubles cadastrés section B n° [Cadastre 4] [Adresse 5], commune de Plassay (17 250). En contrepartie, Monsieur [F] renonce à toutes créances au titre des fermages dûs en vertu de ce bail, que ce soit antérieurement ou postérieurement à la procédure collective.'
Par procès-verbal dressé les 17 et 19 octobre 2018, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Morin-Renard, huissiers de justice, a constaté la remise des clés du bâti.
Par jugement en date du 9 janvier 2019, le tribunal judiciaire de Saintes a prononcé le divorce de Monsieur [F] et Madame [R].
Par acte d'huissier de justice en date du 29 juillet 2020, il a été constaté que les chevaux de l'Ecurie étaient toujours présents sur la parcelle cadastrée B n°[Cadastre 4].
Le 19 novembre 2020, Monsieur [F] a mis en demeure Les Ecuries de libérer la parcelle B [Cadastre 4] occupée par ses chevaux.
Par courrier du 4 décembre 2020, Les Ecuries ont déclaré occuper légalement cette parcelle suivant un bail à ferme du 20 juillet 2009 et enregistré le 29 janvier 2014.
Le 7 juin 2021, Monsieur [F] a de nouveau mis en demeure Les Ecuries de libérer les lieux.
Le 10 septembre 2021, Monsieur [F] a attrait Les Ecuries devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Saintes.
A l'audience, Monsieur [F] a demandé :
- de débouter Les Ecuries de [Adresse 7] de ses demandes,
- de dire et juger que Les Ecuries de [Adresse 7] étaient occupantes sans droit ni titre de la parcelle cadastrée section B [Cadastre 4] [Adresse 5], commune de [Localité 8],
- d'ordonner aux Ecuries de libérer les lieux sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir et qu'à défaut il serait procédé à leur expulsion avec si nécessaire le concours de la force publique,
- de condamner Les Ecuries à lui payer une indemnité d'occupation due depuis le 27 novembre 2018 dont le montant serait fixé par la juridiction,
- de condamner Les Ecuries à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de son préjudice de jouissance.
A l'audience, Les Ecuries ont demandé le rejet de l'intégralité des demandes de Monsieur [F].
Par jugement en date du 22 septembre 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Saintes a :
- déclaré recevables les demandes présentées par Monsieur [F],
- déclaré Les Ecuries occupantes sans droit ni titre de la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 4] - [Adresse 5] - commune de [Localité 8],
- ordonné l'expulsion des Ecuries ainsi que de tous occupants de leur chef de la parcelle section B n° [Cadastre 4] - [Adresse 5] - commune de [Localité 8] et au besoin avec l'assistance de la force publique sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8e jour suivant la notification du présent jugement,
- fixé à la somme annuelle de 3.000 euros à compter du 1er novembre 2018 le montant de l'indemnité d'occupation dont étaient redevables Les Ecuries à l'égard de Monsieur [F],
- débouté Monsieur [F] de sa demande d'indemnité au titre du trouble de jouissance,
- déboute Les Ecuries de l'intégralité de leurs demandes,
- condamné Les Ecuries à payer à Monsieur [F] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné Les Ecuries aux dépens qui comprendraient le coût du constat d'huissier du 29 juillet 2020 soit la somme de 205,99 euros.
Le 5 octobre 2022, Les Ecuries ont relevé appel de cette décision en intimant Monsieur [F].
Dans leurs conclusions en date du 26 février 2025 à 10 heures 36, soutenues oralement lors de l'audience, Les Ecuries ont demandé :
- d'infirmer en tout point le jugement déféré ;
Et statuant à nouveau,
- de dire qu'elles étaient titulaires d'un bail rural sur la parcelle située sur la commune de [Localité 8], lieu dit [Adresse 5] et cadastrée section B sous le numéro [Cadastre 4] d'une contenance de 1ha 56a 90ca depuis le 20 juillet 2009 ;
- de dire que ce bail n'avait pas été résilié par le bail de 2013 ;
A titre subsidiaire,
- de dire qu'elles étaient titulaires d'un bail rural verbal portant sur la parcelle située sur la commune de [Localité 8], lieudit [Adresse 5] et cadastrée section B sous le numéro [Cadastre 4] d'une contenance de 1ha 56a 90ca ;
En tout état de cause,
- d'annuler le montant de l'indemnité d'occupation mise à sa charge et dire à titre subsidiaire qu'elle s'élevait à la somme de 172,59 euros,
en conséquence,
- d'ordonner le remboursement des sommes qui eussent pu être versées en vertu de l'exécution provisoire de la décision, en principal, intérêts, frais et accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement, et ce au besoin à titre de dommages-intérêts ;
Dans tous les cas,
- condamner Monsieur [F] à leur verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts;
- condamner Monsieur [F] à leur rembourser la somme de 2.544,01 euros ;
- condamner Monsieur [F] à leur payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.
Dans ses conclusions en date du 6 mars 2024, soutenues oralement à l'audience, Monsieur [F] a demandé de :
- de débouter Les Ecuries de l'ensemble de ses demandes ;
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- constater que Monsieur [F] avait établi un chèque d'un montant de 2.544,01 euros libellé à l'ordre de la Carpa, lequel avait été transmis par voie « officielle » par son conseil au conseil des Ecuries,
Y ajoutant,
- condamner Les Ecuries à lui payer une indemnité de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
- condamner les Ecuries en tous les dépens en cause d'appel, en ce compris le coût du procès-verbal de constat dressé par la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Morin-Renard du 29 juillet 2020, pour 205,99 euros.
MOTIVATION
C'est à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat qu'il appartient d'en rapporter la preuve.
La novation ne se présume pas, et doit résulter d'actes qui en établissent la volonté de manière claire et non équivoque.
Selon l'article L. 411-1, alinéa 5 du code rural et de la pêche maritime, la preuve de l'existence d'un contrat de bail rural peut être apportée par tous moyens.
Selon l'article L. 416-2 du code rural et de la pêche maritime, entré en vigueur le 14 juillet 2006, alinéa 1,
Un bail rural peut, à tout moment, être converti par accord des parties en bail à long terme soit par transformation du bail initial, soit par conclusion d'un nouveau bail. Lorsque cette conversion n'implique aucune autre modification des conditions du bail que l'allongement de sa durée et que le bailleur s'engage à ne demander aucune majoration du prix du bail en fonction de cette conversion, le refus du preneur le prive du bénéfice des dispositions des articles L. 411-35 et L. 411-46.
Par acte sous seing privé du 20 juillet 2009, Monsieur [F] a consenti aux Ecuries un bail à ferme portant sur une parcelle d'une superficie de 1ha 56a 90ca située [Adresse 5] sur la commune de [Localité 8] et cadastrée section B sous le numéro [Cadastre 4], pour un fermage annule de 156 euros.
Ce contrat ne comporte pas de description de la parcelle donnée à bail.
Par acte authentique du 10 décembre 2013, Monsieur [F] a consenti un bail rural à long terme pour une durée de 18 années entières et consécutives commençant rétroactivement le 1er novembre 2013 à l'earl Les écuries de [Adresse 7] sur un ensemble immobilier situé à [Localité 8] comprenant une maison à usage professionnel et d'habitation et un bâtiment d'exploitation d'environ 400 m2 comprenant des stabulations pour chevaux et un chenil, cadastré section B [Cadastre 4] d'une superficie de 1 ha 56 a 90 ca.
Pour s'opposer à leur expulsion de cette parcelle, les Ecuries affirment disposer d'un droit d'occupation sur les terrains de la parcelle cadastrée B [Cadastre 4] en vertu du bail du 20 juillet 2009.
Les Ecuries soutiennent que l'enregistrement du bail en date du 20 juillet 2009, réalisé au service de la publicité foncière le 29 janvier 2014, témoigne de la volonté des parties de le faire perdurer même après la conclusion du second bail le 10 décembre 2013.
Elle avance encore que ces deux baux ne porteraient pas sur le même objet, puisque le premier porterait sur les seuls terrains de la parcelle cadastrée B [Cadastre 4], tandis que le second ne porterait que les immeubles et bâtis sis sur cette même parcelle, en se contentant de décrire ces seuls bâtiments, sans évoquer la parcelle en nature de sol les entourant.
Elle remarque ainsi que le bail de 2009 avait prévu un fermage de 156 euros, tandis que le bail de 2013 avait prévu un fermage de 7000 euros pour la maison, uniquement dans ses parties à usage d'habitation et un fermage de 7000 euros pour la partie à usage professionnel de la maison et pour le bâtiment d'exploitation.
Elle observe que sa comptabilité, notamment à partir de 2014, met en évidence la poursuite du paiement du fermage afférent au premier bail, ainsi que le paiement concomitant du fermage afférent au second bail.
Et elle en déduit que l'accord entre parties formalisé par la note d'audience du 27 septembre 2018 n'a porté que sur la résiliation du second bail du 10 décembre 2013.
Encore, la preneuse soutient que la poursuite de son activité agricole et dans les lieux qu'elle occupe postérieurement à l'accord susdit du 27 septembre 2018 caractérise l'accord des parties sur la formation d'un contrat de bail rural verbal, non sans rappeler la poursuite du paiement du fermage y afférent par inscription au crédit du compte courant d'associé de Monsieur [F].
Mais de première part, l'enregistrement auprès du service de la publicité foncière du bail en date du 20 juillet 2009, quand bien même celui-ci est-il intervenu le 29 janvier 2014, est insuffisant à caractériser une intention des parties de le faire perdurer, nonobstant la conclusion du nouveau bail du 10 décembre 2013.
Cette intention est d'autant moins caractérisée que le service de la publicité foncière ne garde aucune trace de l'auteur de la demande de publication, ainsi que l'indique elle-même l'appelante (page 14 de ses écritures).
Car Monsieur [F] dénie être l'auteur de cette demande de publication, et affirme que ce sont les Ecuries qui en sont à l'origine.
De deuxième part, le contrat de bail du 10 décembre 2013 indique porter sur un ensemble immobilier sis, [Adresse 1], comprenant une maison à usage professionnel et d'habitation, et un bâtiment d'exploitation d'environ 400 m2, comprenant des stabulations pour chevaux et un chenil, l'ensemble étant cadastré section B n°[Cadastre 4] lieu dit [Adresse 5], pour une contenance totale de 1 ha 56 a 90 ca.
Ainsi, il y aura lieu de relever que le nouveau bail porte sur la même contenance que le bail initial, et porte sur la même désignation cadastrale.
Dès lors, contrairement aux affirmations des Ecuries, ce nouveau bail ne se borne pas aux seuls bâtiments sis sur la parcelle cadastrée B n°[Cadastre 4], mais porte aussi sur l'ensemble des terres entourant ces bâtiments.
Et il importe peu que ce second bail se borne à décrire les bâtiments à usage d'habitation et professionnel, sans décrire les parcelles l'entourant, puisqu'il indique expressément la contenance sur laquelle il porte et désigne la parcelle qui en est l'objet.
Au surplus, ce bail énonce être consenti et accepté pour une durée de 18 ans consécutifs, commençant rétroactivement le 1er novembre 2013.
Il s'en déduira que portant exactement sur la même parcelle que le premier bail, le second bail doit s'analyser comme une conversion de celui-ci en un bail à long terme, par conclusion d'un nouveau bail, en application de l'article L. 416-2 alinéa 1 susdit du code rural et de la pêche maritime.
Dès lors, le second bail est venu se substituer et remplacer le premier bail, qui ainsi a perdu toute existence de droit.
Les Ecuries sont donc malhabiles à invoquer une quelconque survivance juridique de ce premier bail.
Dans le même sens, la circonstance que les Ecuries continuent à acquitter un paiement correspondant au fermage revalorisé du premier bail par paiement sur le compte courant d'associé de Monsieur [K], notamment à partir de l'année 2014, ainsi qu'il en ressort de ses grands livres comptables, notamment pour les exercices 2014 et 2020, alors que ce dernier dénie être à l'origine de cette inscription, soutient ne pas avoir accès à la comptabilité des Ecuries, ne procède d'aucun écrit de sa part notamment postérieur au bail du 10 décembre 2013, et n'a fait l'objet d'aucune approbation en assemblée générale, n'est pas de nature à infléchir cette analyse.
En effet, si l'appelante soutient que Monsieur [F] a initié ce mode de règlement afférent au bail en date du 20 juillet 2019, elle précise elle-même (page 18 de ses écritures) qu'à cette date, l'intéressé était alors gérant des Ecuries, et ce jusqu'au 23 décembre 2009.
Dès lors, les écritures comptables ainsi passées, après que Monsieur [F] a perdu la qualité de gérant des Ecuries, ne sont pas de nature à traduire une quelconque volonté de sa part de faire perdurer le bail initial.
De troisième part, il ressort tant des écritures de leurs conseils respectifs des 19 juillet 2018 et 31 juillet 2018, mais encore des notes de l'audience tenue le 27 septembre 2018 devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Saintes que les parties ont accepté 'la résiliation du bail rural objet du présent litige soit la parcelle et les immeubles cadastrés section B n° [Cadastre 4] [Adresse 5], commune de Plassay (17 250)'.
L'accord des parties a ainsi porté sur la résiliation du bail relativement à la fois sur la parcelle et sur les immeubles cadastrés section B [Cadastre 4], de telle sorte que la résiliation a également porté sur la partie de la ladite parcelle en nature de terre, et non pas sur le seul bâti qui y était implanté.
Des diverses attestations de témoins versées par la preneuse, peut tout au plus se déduire que celle-ci a continué à exercer une activité agricole sur la partie en nature de terre de la parcelle en litige.
Mais ni la mise à disposition de cette parcelle par le bailleur, ni la rencontre des volontés des parties sur une contrepartie onéreuse ne sont suffisamment caractérisées, en rappelant que la poursuite, par les Ecuries, du paiement d'une somme correspondant au fermage prévu dans le bail de 2009, dans des conditions similaires à celles déjà décrites plus haut, ne peut pas valoir acceptation claire et non équivoque de celui-ci par Monsieur [F].
Ainsi, le seul maintien de la preneuse dans les lieux postérieurement à cet accord, même si celle-ci a de sa propre initiative continué à payer le montant d'un fermage correspondant au fermage actualisé tel que prévu dans le bail de 2009, ne caractérise aucun accord verbal des parties quant à la formation d'un nouveau contrat de bail rural.
Du tout, il sera déduit que depuis l'accord des parties en date du 27 septembre 2018 portant résiliation du bail, les Ecuries ne disposent plus d'aucun droit d'occupation sur la parcelle litigieuse.
Il y aura donc lieu de l'en déclarer occupante sans droit ni titre, d'ordonner son expulsion de la dite parcelle, au besoin avec l'assistance de la force publique, tandis que la persistance de son occupation rendra nécessaire de l'assortir d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement déféré, qui sera confirmé de ces chefs.
Sur le préjudice de jouissance du bailleur
Selon l'article 446-2 du code de procédure civile, alinéa 2, afférent à la procédure orale, applicable au litige,
Lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions et moyens par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat, les conclusions doivent formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions. Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les écritures précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le juge ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
Dans les motifs de ses écritures (page 43), Monsieur [F] demande la condamnation des Ecuries à lui payer une indemnité de 5000 euros en réparation de son préjudice de jouissance.
Mais il n'a formé aucune demande à ce titre dans le dispositif de ses écritures.
Surabondamment, pas plus à hauteur de cour que devant le premier juge, Monsieur [F] ne rapporte la preuve qu'il ait essuyé un préjudice de jouissance, distinct de l'indemnité d'occupation sus examinée.
Il y aura donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le bailleur de demande d'indemnité au titre d'un préjudice de jouissance.
Sur l'indemnité d'occupation
Il appartient à celui qui affirme avoir essuyé un préjudice d'en rapporter la preuve.
Le premier juge a fixé à la somme annuelle de 3000 euros à compter du 1er novembre 2018 le montant de l'indemnité d'occupation dont sont redevables Les Ecuries à l'égard de Monsieur [F], notamment en considération de la non-restitution de la parcelle malgré l'accord du 27 septembre 2018 et la poursuite de son occupation, revendiquée par la preneuse, notamment comme résultant du constat d'huissier du 29 juillet 2020.
Les Ecuries demandent l'infirmation du jugement de ce chef.
Elles soutiennent qu'un tel montant ne repose sur aucun fondement légal ou réglementaire, ni ne correspond à l'arrêté préfectoral en vigueur.
Au regard de cet arrêté du 22 septembre 2022, fixant pour la zone concernée les fermages pour les prés dans une fourchette de 100 à 160 euros l'hectare, et au regard de la surface de la parcelle en litige de 1 ha 56 a 90 ca, elle demande de fixer celle-ci à un total de 172,59 euros, soit à raison de 110 euros par hectare, à comparer aux 1912 euros par hectare résultant de l'indemnité retenue par le premier juge.
Elle ajoute que ce quantum initial est excessif à raison de la surface de la parcelle, et ne repose sur aucun élément factuel ou conjoncturel.
De fait, la cour constate que le bailleur ne verse aucun élément de nature à justifier du quantum de son préjudice, sauf à se référer à la sagesse des assesseurs composant le tribunal paritaire, connaisseurs particulièrement aiguisés du territoire et de ses pratiques, en sollicitant la confirmation du jugement.
Au regard des éléments produits par les parties, notamment en considération de ce que la poursuite de l'occupation de la partie de la parcelle en nature de terre en obère la jouissance dans son intégralité, il y aura lieu de fixer l'indemnité d'occupation due au bailleur par la preneuse à 600 euros par an à compter du 1er novembre 2018, et le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande indemnitaire de la preneuse
Il appartient à celui qui soutient avoir subi un préjudice de le démontrer.
En rappelant avoir libéré la parcelle depuis le 23 septembre 2022, date à laquelle elle a eu connaissance du jugement déféré, et avoir adressé au conseil de son adversaire un chèque de 16 250 euros en exécution du jugement déféré, Les Ecuries déplorent que nonobstant, Monsieur [F] leur a délivré un commandement de saisie de vente le 15 décembre 2022, en leur demandant de quitter les lieux et de sollicitant une indemnité de 15 000 euros, à raison de 200 euros par jour de retard.
Elles considèrent que l'acharnement et la malveillance particulière dont Monsieur [F] fait preuve à leur égard doit conduire à la condamnation de ce dernier à leur verser 5000 euros à titre de dommages-intérêts.
Elles observent encore qu'elles ont ainsi opéré un trop versé de 2544,01 euros par rapport aux causes du jugement déféré, puisque le bailleur n'aurait dû recevoir que 13 705,99 euros, soit :
- 12 000 euros au titre des 4 années d'indemnité d'occupation ;
- 205,99 euros au titre du coût du constat d'huissier ;
- 1500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.
Elles demandent restitution du trop versé, en observant que leur adversaire s'est bien gardé de les avertir qu'il avait reçu un paiement supérieur aux causes du jugement déféré.
Mais d'une part, Les Ecuries ne démontrent pas le préjudice dont elles auraient personnellement souffert ensuite de la délivrance des commandements de quitter les lieux et aux fins de saisie-vente qui lui ont été délivrés le 15 décembre 2022, alors qu'elles avaient déjà libéré la partie de la parcelle en litige.
Elles ne démontrent pas plus leur préjudice personnel résultant, ensuite de leur propre paiement par excès, du silence gardé par le réceptionnaire des fonds quant à l'existence de ce trop versé.
IL y aura donc lieu de débouter les Ecuries de leur demande indemnitaire.
Et d'autre part, Monsieur [F] justifie que son propre conseil a adressé au conseil des Ecuries le 29 février 2024 un chèque Carpa d'un montant de 2544,01 euros, correspondant exactement au montant du trop-perçu en exécution du jugement déféré.
Il y aura donc lieu de débouter Les Ecuries de leur demande en restitution de la somme de 2544,01 euros.
A toutes fins, il y aura lieu de rappeler que le présent arrêt vaudra titre de restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré.
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Il y aura lieu de débouter Les Ecuries de leur demande au titre des frais irrépétibles de première instance, et de les condamner aux dépens de première instance, comprenant le coût du constat d'huissier du 29 juillet 2020 à raison de 205,99 euros, et à payer à Monsieur [F] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance : le jugement sera confirmé de ces chefs.
Toujours succombantes à hauteur d'appel, Les Ecuries seront condamnées aux dépens d'appel et à payer à Monsieur [F] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé à la somme annuelle de 3000 euros à compter du 1er novembre 2018 le montant de l'indemnité d'occupation dont était redevable l'exploitation agricole à responsabilité limitée Les Ecuries de [Localité 8] à l'égard de Monsieur [K] [F] ;
Infirme le jugement déféré de ce seul chef ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
Fixe à la somme annuelle de 600 euros à compter du 1er novembre 2018 le montant de l'indemnité d'occupation dont est redevable l'exploitation agricole à responsabilité limitée Les Ecuries de [Localité 8] à l'égard de Monsieur [K] [F] ;
Déboute l'exploitation agricole à responsabilité limitée Les Ecuries de [Adresse 7] de toutes ses autres demandes ;
Rappelle que le présent arrêt vaut titre de restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré ;
Condamne l'exploitation agricole à responsabilité limitée Les Ecuries de [Localité 8] aux entiers dépens d'appel et à payer à Monsieur [K] [F] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.