CA Douai, 1re ch. sect. 2, 3 avril 2025, n° 23/02471
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Du Bois De Rupilly (SCI)
Défendeur :
Devestele et Fils (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Courteille
Conseillers :
Mme Galliot, Mme Van Goetsenhoven
Avocats :
Me Le Briquir, Me Ehora, Me Ducloy
EXPOSE DU LITIGE
La SCI de Rupilly (la SCI) a confié à la société SARL Devestele et fils la construction d'une maison individuelle [Adresse 4] à [Localité 5].
Les travaux ont débuté en mai 2017.
La réception avec réserves a été prononcée le 13 décembre 2018.
Un litige est survenu entre les parties sur le montant des sommes dues en règlement des travaux.
Par acte du 19 mai 2020, la société Devestele a fait assigner la SCI devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de la voir condamnée à lui payer la somme de 26 487,28 euros TTC au titre du solde du marché.
Par jugement du 07 mars 2023, le tribunal judiciaire a :
- Condamné la SCI à payer à la société Devestele la somme de 22 803,88 euros au titre du solde du marché de travaux avec intérêts légaux à compter du 25 mars 2020, date de la mise en demeure,
- Débouté la société Devestele de sa demande de condamnation formée à l'encontre de la SCI au titre de résistance abusive,
- Débouté la SCI de sa demande reconventionnelle de condamnation formée à l'encontre de la société Devestele,
- Condamné la SCI à payer à la société Devestele la somme de 1 500 euros sur le fondement des disposition de l'article 700 du code de procédure civile
- L'a condamnée aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 31 mai 2023, la société Devestele a interjeté appel du jugement en ses dispositions ayant :
- Condamné la SCI à payer à la société Devestele la somme de 22 803,88 euros au titre du solde du marché de travaux avec intérêts légaux à compter du 25 mars 2020, date de la mise en demeure,
- Débouté la SCI de sa demande reconventionnelle de condamnation formée à l'encontre de la société Devestele,
- Condamné la SCI à payer à la société Devestele la somme de 1 500 euros sur le fondement des disposition de l'article 700 du code de procédure civile
- L'a condamnée aux dépens.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 29 août 2023, la SCI du Bois de Rupilly demande à la cour au visa des articles 1103, 1104, 1193,s 1217, 1165, 1231-1 et suivants, 1353 du code civil de :
- Infirmer le jugement en ses dispositions frappées d'appel,
Statuant à nouveau,
- Débouter la société Devetsele et fils de l'ensemble de ses demandes,
- Condamner la société Devestele et fils à reprendre les désordres affectant le seuil de la porte d'entrée et les fondations,
- Condamner la société Devestele à verser à la SCI la somme de 27 858 euros au titre de la réparation liée aux retards de travaux ,
- La condamner à payer à la SCI la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle fait valoir que le seul devis à retenir est celui du 27 janvier 2017. Selon elle, la circonstance que les factures présentées par l'entreprise en cours des travaux aient été honorées ne peut s'interpréter comme l'acceptation du deuxième devis du 03 juillet 2007 et ajoute que les mentions manuscrites portées sur ce devis en relation avec les travaux réalisés n'apporte pas la preuve d'un accord des parties, les deux devis ayant été complétés manuscritement. Elle soutient le caractère forfaitaire du marché et conteste également qu'un quelconque accord ait pu être donné sur les travaux supplémentaires dont le paiement est réclamé. Elle indique que la société Devestele ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du prix de sa prestation. A titre reconventionnel, elle estime être fondée à solliciter la condamnation de l'entreprise à reprendre le seuil de l'entrée ayant fait l'objet d'une réserve à la réception. Concernant les fondations, elle fait valoir que l'entreprise a manqué à son obligation de conseil. Enfin, elle expose avoir fait la preuve que la fin des travaux devait intervenir en juillet 2018 et que le retard lui a causé un préjudice consistant en des pertes de loyers.
Par conclusions signifiées par RPVA le 28 novembre 2023, la société Devestele demande de confirmer la décision en toutes ses dispositions et condamne la SCI à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que le seul devis sur lequel un accord est intervenu est celui du 03 juillet 2017 et indique que l'ordre de service du 09 mars qui n'est pas signé par elle ne justifie pas du montant du marché. Elle fait observer que le montant HT et TTC du marché correspondant à celui du devis du 03 juillet 2017 figurait sur toutes les factures avec un décompte des sommes réglées et que ces factures ont été validées par l'architecte justifiant ainsi de ce que le devis du 03 juillet 2017 est celui qui doit être pris en compte. Elle indique que le marché ne peut être qualifié de forfaitaire dès lors qu'une réserve était portée sur le devis concernant les fondations et ajoute justifier des travaux réalisés par les différents comptes rendus de chantier et échanges de correspondances.
Elle conteste le retard de chantier allégué et les demandes en réparations qui n'ont d'autre finalité que de s'opposer au paiement du solde des travaux réalisés.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 09 septembre 2024
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le marché et les demande en paiement du solde des travaux
Il résulte des articles 1103 et 1104 du code civil que les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi.
L'article 1793 du code civil dispose que Lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d''uvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.
La jurisprudence considère que les clauses prévoyant une modification de la masse des travaux et de leur nature font perdre au marché son caractère forfaitaire.(Civ 3 12 mai 1981 pourvoi n° 79-16197)
Deux devis non signés sont produits par les parties ; la SCI revendique le devis daté du 23 janvier 2017 d'un montant de HT de 245 000 euros soit 294 000 euros TTC tandis que la société Devestele invoque un devis du 03 juillet 2017 d'un montant HT de 252 029,63 euros soit 302 435,56 euros TTC.
Faute de documents signés des deux parties, seul l'examen des différents éléments produits est de nature à déterminer sur quelle base est intervenu un accord.
La SCI produit l'ordre de service signé du maître d'ouvrage et de l'architecte le 09 mars 2017 pour un démarrage de chantier " mi-avril 2017 ". Cet ordre de service fait référence à un devis du 23 janvier 2017 d'un montant de 245 000 euros HT, si ce document, qui n'est pas signé de l'entreprise, ne peut justifier d'un engagement de celle-ci, il précise néanmoins que le montant du marché " pourra être encore ajusté à la demande du maître d'ouvrage lors de la signature du marché de travaux définitif ".
Ces mentions ne permettent donc pas d'exclure le devis du 03 juillet 2017 puisqu'elles font état d'une révision du montant du marché.
Ainsi que l'a justement retenu le tribunal, le devis du 23 janvier 2017 et celui du 03 juillet 2017 portent sur des travaux quasi identiques, il existe dans le devis du 03 juillet 2017, une variante concernant les planchers justifiant d'une plus-value.
Ainsi que l'a justement relevé le tribunal, la société Devestele produit les factures réglées par la SCI maître d'ouvrage ; il apparaît que toutes font état du marché en entête avec cette mention :
" Marché HT remise : 252 029,63 euros
Marché TTC 302 435,56 euros "
Les factures reprennent également les règlements intervenus et il n'est pas contesté qu'elles ont été adressées au maître d'ouvrage qui les a réglées.
Il apparaît surtout que la plupart sont visées et approuvées par le maître d''uvre et reprennent un décompte des sommes réglées.
Ont ainsi été réglées les factures suivantes :
- Facture du 14 juin 2017 d'un montant de 75 022,08 euros,
- Facture du 26 septembre 2017 d'un montant de 44 232 euros,
- Facture du 25 octobre 2017 pour 36 480 euros,
- Facture du 18 janvier 2018 d'un montant de 62 700 euros ,
- Facture du 26 mars 2018 d'un montant de 39 900 euros,
- Facture du 27 avril 2018 d'un montant de 22 800 euros,
- Facture du 24 juillet 2018 d'un montant de 13 680 euros
Les mentions figurant sur les factures, correspondent au devis du 03 juillet 2017, et ont été validées par le maître d''uvre qui les a signées.
Il appartient au maître d''uvre de contrôler la bonne exécution du chantier, les comptes et le paiement des factures ; dès lors, les factures validées, qui reprennent comme marché de base le montant de 302 435,56 euros TTC, justifient bien d'un accord entre les parties sur le montant de travaux tel que figurant au devis du 03 juillet 2017 revendiqué par la société Devestele.
Contrairement à ce que soutient la SCI, la preuve du contrat ne résulte pas du seul paiement des factures mais bien des décomptes figurant sur chacune des factures, approuvés par le maître d''uvre.
En conséquence, au regard des règlements effectués par la SCI, il est bien justifié par la société Devestele de ce que le contrat passé avec la SCI état d'un montant HT de 252 029,63 euros et de 302 435,56 euros TTC.
Au vu des règlements effectués, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la SCI à payer au titre du solde du marché la somme de 7 621,48 euros, outre les intérêts.
Sur les demandes au titre des travaux supplémentaires
La société Devestele fonde sa demande sur la facture présentée le 24 juillet 2018, d'un montant de 18 415,20 euros TTC, qui renvoie au devis du 03 juillet 2017.
La SCI reconnaît dans ses écritures avoir accepté par mail du 30 avril 2018, les travaux supplémentaires liés au recours à une grue pour 800 euros HT et la mise en 'uvre de joints noirs pour 1 894 euros HT, elle conteste le surplus des demandes mais conteste les autres frais et travaux invoquant l'absence d'accord et le caractère forfaitaire du marché.
Il apparaît toutefois que le devis du 03 juillet 2017, formant le contrat, comporte la mention suivante : " sous réserve : quantité béton et acier pour poutres/linteau/poteau suivant étude BET ".
De cette mention et du renvoi au devis par la facture du 24 juillet 2018, il se déduit que le marché n'est pas à forfait et que tant la consistance des travaux que le prix à payer était susceptible d'évoluer, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué au titre des travaux supplémentaires la somme de 15 182,40 euros TTC et le total des sommes dues par la SCI maître d'ouvrage à 22 803,88 euros outre intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 mars 2020.
Sur les demandes de la SCI de Rupilly
Selon l'article 1231-1 du code civil , le débiteur est condamné s'il y a lieu au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Selon l'article 1792-6 du code civil la réception des travaux est l'acte par lequel le maître d'ouvrage déclare accepter les ouvrages avec ou sans réserves, il met fin au contrat d'entreprise.
La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Les dispositions de l'article 1792-6 du code civil instaurent une garantie objective pesant sur l'entrepreneur ; dans ce cadre la faute de ce dernier n'a pas à être prouvée, toutefois, le maître de l'ouvrage dispose d'un délai de forclusion d'un an pour agir, à l'issue de ce délai la responsabilité de droit commun de l'entreprise peut toujours être recherchée pour faute prouvée.
En l'espèce, les parties s'accordent pour dire que la réception a été prononcée le13 décembre 2018 .
La SCI invoque la responsabilité de l'entreprise à propos de réserves figurant au procès-verbal de réception et consistant en :
- " Seuil de la porte d'entrée à reprendre le marbrier,
- En attente de l'avis du BET sur les éventuelles reprises de fondations. "
Il s'observe toutefois que la SCI n'a pas agi dans le délai de la garantie de parfait achèvement et que dès lors seule peut être recherchée la responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée de l'entrepreneur.
Or en l'espèce, outre que la SCI n'expose pas en quoi consiste les réserves invoquées elle ne rapporte aucunement l'existence d'une faute, en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI de ces demandes.
Sur la demande de dommages et intérêts pour retard de livraison
La SCI sollicite 27 858 euros invoque un retard de livraison des travaux de l'entreprise Devestele.
Il ressort de l'ordre de service du 09 mars 2017 produit que les travaux devait débuter en avril 2017, cet ordre de service pas plus que le devis du 03 juillet 2017 valant contrat, ne donnent un délai de réalisation des travaux.
Si la SCI produit un planning d'exécution des travaux établi par le maître d''uvre, ainsi que deux courriers adressés à l'entreprise faisant état d'un retard, ces documents, alors que d'autre entreprises sont intervenues sur le chantier postérieurement à la société Devestele de sorte que n'est pas rapportée la preuve d'un retard dans l'exécution des travaux pas plus qu'un retard de livraison, en conséquence le jugement sera également confirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La SCI, qui sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une indemnité de procédure de 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement du 07 mars 2023 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la SCI du Bois de Rupilly de ses demandes d'indemnité de procédure,
Condamne la SCI du Bois de Rupilly aux dépens d'appel,
Condamne la SCI du Bois de Rupilly à payer à la société Devestele et fils une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.