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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-4, 3 avril 2025, n° 20/13259

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SMA (SA)

Défendeur :

Entreprise Fabre Et Fils (SARL), Kit Piscines (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bonafos

Vice-président :

M. Candau

Conseillers :

Mme Möller, M. Candau

Avocats :

Me Boulan, Me Schreyer, Me Jourdan, Me Kerkerian, Me Chevalier, Me Schreck

TJ Draguignan, du 19 nov. 2020, n° 18/03…

19 novembre 2020

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Par acte authentique en date du 27 juin 2012, [P] [C] épouse [U] et [O] [U] ont acquis des époux [X] une maison à usage d'habitation avec piscine sise [Adresse 1].

Avant cette vente, les époux [X] avaient fait construire la piscine au cours de l'année 2008 en confiant le terrassement à la SARL FABRE ET FILS et la fourniture ainsi que l'installation de la coque à la société KIT PISCINES.

Constatant des désordres, en particulier des tassements ayant conduit à l'épanchement de leur piscine, sur la base d'une expertise réalisée à leur demande par [V] [G] le 16 mars 2014, les époux [U] ont obtenu le 25 juin 2014 la désignation d'un expert judiciaire par le juge des référés de Draguignan.

[T] [U], ès-qualités d'héritier de feu [O] [U], décédé le 20 septembre 2014, est intervenu volontairement à l'instance.

L'expert a déposé son rapport le 26 décembre 2017.

Suivant actes d'huissier en date du 22 mai 2018, [P] [C] veuve [U] et [T] [U], agissant en qualité d'héritier de feu [O] [U], ont fait assigner la SARL Entreprise FABRE ET FILS et la société KIT PISCINES devant le tribunal de grande instance de Draguignan en indemnisation de leurs préjudices.

Par acte d'huissier en date du 20 septembre 2018, la SAS KIT PISCINE a fait assigner son assureur, la SMA SA (anciennement SAGENA) devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins d'appel en cause dans la présente instance afin de la voir condamner à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Ces deux instances ont été jointes.

Par jugement en date du 19 novembre 2020, le Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN :

REJETTE la demande d'irrecevabilité formée par la SARL FABRE ET FILS.

DECLARE la SARL FABRE ET FILS et la SAS KIT PISCINES responsables de plein droit, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, envers [P] [C] veuve [U] et [T] [U] des désordres relatifs à la piscine et au réseau d'assainissement.

DIT que le préjudice subi par [P] [C] veuve VANBIERVLIE1 et [T] [U] au titre de ces désordres est fixé à la somme de :

- 78 960 euros TTC (SOIXANTE DIX HUIT MILLE NEUF CENT SOIXANTE EUROS) au titre du préjudice matériel ;

- 8 400 euros (HUIT MILLE QUATRE CENTS EUROS) au titre du préjudice de jouissance.

DIT que la SMA SA est tenue de garantir son assurée, la SAS KIT PISCINES sur l'intégralité du préjudice subi par [P] [C] veuve [U] et [T] [U] et que, pour le préjudice de jouissance subi par ces derniers, les garanties souscrites s'appliqueront dans les termes et limites de la police souscrite, laquelle prévoit l'application de franchises par assuré et par sinistre dont les montants sont fixés aux termes des conditions particulières de la police.

CONDAMNE in solidum la SARL FABRE ET FILS, la SAS KIT PISCINES et la SMA SA à payer à [P] [C] veuve [U] et à [T] [U] :

- la somme de 78 960 euros TTC (SOIXANTE DIX HUIT MILLE NEUF CENT SOIXANTE EUROS) au titre du préjudice matériel

- la somme de 8 400 euros (HUIT MILLE QUATRE CENTS EUROS) au titre du préjudice de jouissance.

DIT que, dans les rapports entre co-obligés, le partage de responsabilité dans les désordres s'effectuera de la manière suivante :

- SARL FABRE ET FILS : 50 %

- SAS KIT PISCINES : 50 %.

DIT que la somme allouée au titre du préjudice matériel sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 26 décembre 2017 jusqu'à la date du présent jugement.

DIT que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement.

CONDAMNE in solidum la SARL FABRE ET FILS, la SAS KIT PISCINES et la SMA SA aux dépens en ce compris les frais d'expertise.

CONDAMNE in solidum la SARL FAI3RE ET FILS, la SAS KIT PISCINES et la SMA SA à payer à [P] [C] veuve [U] et [T] [U] la somme de 3 500 euros (TROIS MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire. REJETTE le surplus des demandes.

Par déclaration en date du 30 décembre 2020, la Société SMA a formé appel de cette décision à l'encontre de Madame [P] [C], de Monsieur [T] [U] et de la SARL ENTREPRISE FABRE ET FILS et de la SAS KIT PISCINE en ce qu'elle a :

Dit que la SMA SA est tenue de garantir son assurée, la SAS KIT PISCINES, sur l'intégralité du préjudice subi par Madame [P] [C] veuve [U] et Monsieur [T] [U] et que, pour le préjudice de jouissance subi par ces derniers, les garanties souscrites s'appliqueront dans les termes et limites de la police souscrite, laquelle prévoit l'application de franchises par assuré et par sinistre dont les montants sont fixés aux termes des conditions particulières de la police,

Condamné in solidum la SARL FABRE ET FILS, la SASKITPISCINES et la SMASA à payer à Madame [P] [C] veuve [U] et à Monsieur [T] [U] les sommes suivantes :

° 78.960 ' TTC au titre du préjudice matériel,

° 8.400 ' au titre du préjudice de jouissance.

Dit que, dans les rapports entre co-obligés, le partage de responsabilité dans les désordres s'effectuera de la manière suivante :

° SARL FABRE ET FILS : 50 %

° SAS KIT PISCINES : 50 %

Dit que la somme allouée au titre du préjudice matériel sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 26 décembre 2017 jusqu'à la date du présent jugement,

Dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement,

Condamné in solidum la SARL FABRE ET FILS, la SAS KIT PISCINES et la SMASA aux dépens en ce compris les frais d'expertise,

Condamné in solidum la SARL FABRE ET FILS, la SAS KIT PISCINES et la SMA SA à payer à Madame [P] [C] veuve [U] et à Monsieur [T] [U] la somme de 3.500 ' au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

***

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Par conclusions notifiées le 26 mars 2021, la société SMA SA demande à la Cour de :

Vu le contrat d'assurance souscrit par la SARL KIT PISCINES auprès de la SMA SA,

Vu les activités déclarées audit contrat,

Vu que la pose et la fourniture de coque piscine ne fait pas partie des activités déclarées,

Vu que la SARL KIT PISCINES était assurée auprès de la compagnie AXA France IARD pour son activité de pose et la fourniture de coque piscine à la date d'ouverture de chantier,

Dire et juger que le défaut d'activité déclaré constitue un cas de non-assurance,

Dire et Juger que la SMA SA est fondée à soulever un cas de non-assurance pour défaut d'activité déclarée,

Par conséquent,

Réformer le jugement et prononcer la mise hors de cause de la SMA SA.

Débouter les consorts [U] et la SARL KIT PISCINES de toutes demandes de condamnations à l'encontre de la SMA SA.

Débouter la SARL KIT PISCINES de sa demande aux fins d'être relevée et garantie de toutes condamnations prononcées à son encontre.

Débouter la SARL KIT PISCINES de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conséquent,

Condamner les consorts [U] et la SARL KIT PISCINES à payer à la SMA SA la somme de 2000' au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, sur la résiliation de la police d'assurance,

Vu que la SMA SA est l'assureur de la SARL KIT PISCINES à la date d'ouverture du chantier,

Vu que la SARL KIT PISCINES ne rapporte pas la preuve qu'elle est bien assurée auprès de la SMA SA postérieurement à la date de prise d'effet du contrat,

Vu que la SARL KIT PISCINES a fourni une attestation d'assurance décennale concernant les piscines polyester auprès de la compagnie AXA France IARD sous le numéro 2963764704 à partir du 1er janvier 2008.

Dire et Juger que seules les garanties légales obligatoires ont vocation à être mobilisées en l'état de la résiliation de police d'assurance.

Prononcer la mise hors de cause de la SMA SA sur les demandes concernant les réparations des immatériels.

A titre infiniment subsidiaire,

Déclarer opposable erga omnes le montant de la franchise contractuelle et les plafonds de garantie.

Condamner tout succombant à payer à la SMA SA la somme de 2000' au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens d'appel distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés aux offres de droit

Par conclusions notifiées le 21 juillet 2021, la SMA SA maintient ses demandes initiales et sollicite en outre le débouté des parties de toutes demandes de condamnation à son encontre.

Elle fait valoir en premier lieu que l'activité fourniture et pose de coque de piscine n'a jamais été déclarée par son assurée la SARL KIT PISCINES et qu'il s'agit en conséquence d'un cas de non-assurance et cela quelle que soit la cause du désordre.

De façon subsidiaire, elle soutient que compte tenu de que la SARL KIT PISCINES a résilié son contrat d'assurance au 31 décembre 2010, seules les garanties légales obligatoires ont vocation à être mobilisées ; que l'assureur décennal est celui dont la Déclaration d'Ouverture de Chantier se situe pendant la période de validité du contrat. Elle considère ainsi que les garanties facultatives souscrites par la SARL KIT PISCINES n'ont pas vocation à être mobilisées en l'espèce.

La SARL KIT PISCINES, par conclusions notifiées le 27 avril 2021, demande à la Cour de :

A titre principal,

Réformer le jugement en ce qu'il a reconnu la société KIT PISCINES responsable des désordres affectant la piscine des consorts [U].

En conséquence,

Débouter ces derniers de leurs demandes de condamnations à l'égard de la société KIT PISCINES.

Subsidiairement,

Constater que la société KIT PISCINES est assurée en responsabilité décennale auprès de la société S.M.A.

Dire et juger que celle-ci doit sa garantie sur les préjudices matériels et immatériels.

En conséquence,

Condamner la société S.M.A. à relever et garantir la société KIT PISCINES de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au profit des consorts [U].

Condamner la société S.M.A. au paiement de la somme de 5.000 ' à titre de dommage et intérêts.

La condamner au paiement de la somme de 3.000 ' sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle considère qu'elle n'a aucune responsabilité dans les désordres affectant l'ouvrage des consorts [U] et invoque le fait que l'ensemble des fondations, aménagement du terrain et décaissement a été réalisé par la société FABRE ET FILS ; que ce sont ces opérations qui sont à l'origine des désordres.

Subsidiairement, elle fait valoir que la garantie de la SMA est acquise et que l'activité de piscine découverte est bien garantie, les désordres ayant été générés avant la résiliation de la police d'assurance.

La SARL FABRE ET FILS, par conclusions notifiées le 22 juin 2021 demande à la Cour de :

Vu l'article 1792 du Code Civil,

Dire mal fondé l'appel de la SMA.

Dire mal fondé l'appel incident de la Société KIT PISCINES.

Dire recevable et bien fondé l'appel incident de la Société FABRE ET FILS.

En conséquence,

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal Judiciaire de Draguignan du 19 novembre 2020.

Juger qu'il n'y a pas lieu à application de la responsabilité décennale de la Société FABRE ET FILS.

Exonérer la Société FABRE ET FILS de toute responsabilité, quel que soit le fondement juridique invoqué.

Subsidiairement,

Confirmer la décision du Tribunal en ce qu'il a procédé à un partage de la responsabilité entre les coobligés à hauteur de 50 %. CMP CHEVALIER MARTY PRUVOST Société d'avocats

En conséquence,

Condamner la Société KIT PISCINES et la SMA à garantir la Société FABRE ET FILS de toutes condamnations prononcées contre elle à hauteur de 50 % du montant de celles-ci.

Condamner les consorts [U] au paiement d'une somme de 3 000,00 ' sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Les condamner en tous les dépens dont distraction au profit de Maître JOURDAN.

A l'appui de ses demandes, elle fait valoir que les conclusions de l'expert ne permettent pas de lui imputer les désordres litigieux et qu'en outre ces désordres sont issus d'une mauvaise surveillance du chantier. Elle soutient qu'au terme du rapport de l'expert, il n'existe aucune certitude sur l'imputabilité des désordres et qu'en conséquence, le régime de l'article 1792 du Code civil n'est pas applicable. Elle soutient en outre que les travaux qu'elle a exécutés, à savoir le terrassement, ne sont affectés d'aucun désordre.

Madame [P] [C] veuve [U] et Monsieur [T] [U] agissant en qualité d'héritier de feu [O] [S] [U], par conclusions notifiées le 10 juin 2021, demandent à la Cour de :

Vu le rapport d'expertise de Monsieur [V] [G],

Vu le rapport d'expertise judiciaire contradictoire de Monsieur [J] [F],

Vu les dispositions de l'article 1792 du Code civil,

Vu les dispositions de l'article 123-1 et suivants du Code civil,

CONFIRMER le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Y ajoutant,

CONDAMNER les appelants au paiement d'une somme de 5.000' aux consorts [U] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de leurs demandes, ils font valoir que les rapports d'expertise justifient la confirmation de la première décision ; que l'ouvrage réalisé par la société FABRE ET FILS (terrassement) est bien affecté d'un désordre en ce qu'il a obstrué les réseaux situés en sous-sol et qu'en outre ces désordres sont également imputables au choix d'emplacement fait par le pisciniste ; que le terrassier et le pisciniste ne pouvaient pas ignorer la présence de l'assainissement sous le fond de la future piscine au vu des documents dont ils disposaient. Ils font valoir que la causalité entre les travaux de construction de la piscine et les désordres survenus ne fait aucun doute.

S'agissant de la garantie de la SMA SA, ils considèrent que celle-ci est acquise et que cet assureur ne peut pas se prévaloir du défaut d'activité déclarée.

Ils considèrent enfin que les préjudices ont été chiffrés par l'expert de façon contradictoire et que la décision de première instance doit être confirmée sur ce point.

L'affaire a été clôturée à la date du 16 décembre 2024 et appelée en dernier lieu à l'audience du 14 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION :

En premier lieu, la Cour relève que la société KIT PISCINES se présente en procédure sous une dénomination juridique de SARL ; elle est également désignée ainsi par les autres parties. Le premier juge a toutefois qualifié cette société de SAS. Selon l'extrait Kbis de cette société versé aux débats (à jour au 30 septembre 2019), sa forme juridique est en effet celle d'une société par actions simplifiée. Il convient donc de considérer qu'il s'agit d'une SAS et non pas d'une SARL.

Sur les responsabilités :

Selon le rapport d'expertise, lors de la construction de leur piscine, les époux [X] ont eu recours aux services de la SARL ENTREPRISE FABRE ET FILS aux fins de réalisation du terrassement et à la SAS KIT PISCINES pour l'installation et la fourniture de la coque piscine. Les travaux de terrassement ont été réalisés entre le 16 avril et le 12 mai 2008 et les travaux d'installation de la piscine ont été réalisés avant le 23 mai 2008.

Il est indiqué dans le rapport que selon la SAS KIT PISCINES, la réception des travaux est intervenue sans réserve. L'expert relève cependant qu'aucun procès-verbal de réception n'en atteste (p.24 et 25).

L'expert indique que les désordres sont apparus au mois d'octobre 2012.

Les désordres allégués par les époux [U] sont objectivés par l'expert. Ces désordres consistaient en une suspicion de déplacement au cours des opérations de terrassement des tranchées filtrantes du système d'épandage de la fosse septique équipant la propriété, phénomène affectant le sol de la piscine et donnant lieu à des tassements. En effet, a été constaté au cours des opérations d'expertise un défaut de niveau du bassin, la piscine étant située sur les tranchées filtrantes du système d'épandage. Au cours des travaux, le système de drainage n'a manifestement pas été déplacé. Plusieurs désordres ont ainsi été relevés par l'expert dans le cadre de ses opérations consistant notamment en une inclinaison du bassin consécutive à un phénomène d'affaissement, une fissuration de la plage et de la terrasse périphérique. Il s'évince du rapport l'existence d'écoulement des eaux par épandage et des eaux pluviales « dans les sous-sols sous-jacents à la portion plate-forme de jardin situé en aval du bassin de la piscine » et « pour partie dans les sous-sols sous-jacents à la plage bois connexe au bassin de la piscine » (rapport p.34).

L'expert précise également que « de la liaison structurelle des plages béton périphériques avec la ceinture béton du bassin polyester et de l'absence de joint de dilatation entre la margelle de la piscine et le dallage des plages revêtu de carreaux, le basculement vers l'aval du bassin de la piscine a provoqué des altérations / dégradations affectant les plages Est et Sud de la piscine ».

En tout état de cause les difficultés constatées donnent lieu à « un apport hydrique aux sols sous-jacents » qui « sape probablement l'assise aval du bassin de la piscine ». L'expert considère que ces désordres « sont issus d'une mauvaise surveillance de chantier » (rapport p.38). Il est également précisé que ce phénomène « est de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage, en particulier celle de la piscine et de ses plages Sud et Sud-Est » (p.41).

Il est à relever que s'agissant des responsabilités encourues, l'expert indique que l'atteinte occasionnée au système d'évacuation des eaux résulte de la réalisation des travaux effectués par la SARL ENTREPRISE FABRE ET FILS et par la société KIT PISCINES. Il ne fait aucune distinction entre les parts de responsabilité susceptibles d'être imputées à ces deux sociétés (rapport p.42).

En l'état du contenu du rapport d'expertise, la société KIT PISCINES soutient qu'elle n'a aucune responsabilité dans les désordres affectant l'ouvrage des consorts [U] ; elle souligne le fait qu'aucun système de drainage n'était apparent lors de la réalisation des travaux et que les travaux d'aménagement du terrain ont été réalisés par FABRE ET FILS et que c'est à cette occasion que les systèmes d'évacuation ont été affectés.

La société FABRE ET FILS soutient également que les désordres qui sont survenus ne lui sont pas imputables. Elle considère que le rapport d'expertise, par les termes qui y sont employés, ne permet pas d'imputer de façon certaine à l'une ou l'autre des parties une responsabilité dans les désordres survenus. La société FABRE ET FILS fait enfin valoir qu'aucun désordre n'affecte l'ouvrage qu'elle a réalisé, à savoir les travaux de terrassement ; que ce sont des ouvrages voisins, et probablement préexistants, qui sont affectés de désordres.

La garantie décennale crée un régime de responsabilité de plein droit qui profite aux bénéficiaires de cette garantie dans les conditions fixées notamment par les articles 1792 et 1792-1 du Code civil. Cette garantie est encourue lorsque la solidité de l'ouvrage est compromise ou qu'il est rendu impropre à sa destination normale.

Les notions de compromission de la solidité de l'ouvrage et de dommage rendant celui-ci impropre à sa destination sont soumises à l'appréciation des juges du fond. Il doit être en outre rappelé que la mise en 'uvre des dispositions de l'article 1792 du Code civil suppose que soit établie une certitude dans la survenance des désordres portant atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination de sorte qu'un risque hypothétique et futur ne permet pas de mobiliser une telle garantie.

L'action en vue de mise en 'uvre de la garantie décennale doit être engagée dans un délai de 10 ans à compter de la date de réception des travaux, cela à peine de forclusion.

En premier lieu, il convient de rappeler que la mise en 'uvre des garanties prévues par les articles 1792 et suivants du Code civil suppose l'existence d'une réception, acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Il a été vu ci-avant que selon le rapport d'expertise, une réception des travaux est intervenue sans réserve malgré l'absence de procès-verbal en ce sens. Les parties ne concluent pas davantage en appel que devant le premier juge sur cette question de la réception de l'ouvrage et il est donc admis que le litige peut en l'espèce être envisagé sous l'angle de l'article 1792 du Code civil. Il s'en déduit que le principe de la réception ne fait l'objet d'aucune remise en cause. L'existence d'une réception de l'ouvrage antérieure à l'apparition des désordres sera donc considérée comme un fait constant.

Ensuite, il doit également être rappelé que le dommage à l'ouvrage peut résulter, au sens des textes précités, d'un vice affectant le sol ou d'erreurs commises lors de l'implantation de l'ouvrage. Il en résulte que l'implantation d'un ouvrage dans des conditions portant atteinte à un réseau d'évacuation des eaux et générant un apport hydrique provoquant un affaissement est bien de nature à entrer dans le périmètre de la garantie décennale.

Enfin, la garantie décennale crée un régime de responsabilité de plein droit et instaure une présomption d'imputabilité aux débiteurs de cette garantie. Sous ce régime, tous les locateurs d'ouvrage qui participent à l'opération de construction sont tenus in solidum, sauf à démontrer que le dommage n'entre pas dans leur sphère d'intervention (absence d'imputabilité) ou à rapporter la preuve que le dommage provient d'une cause étrangère.

Les sociétés FABRE ET FILS et KIT PISCINES soutiennent donc que leur responsabilité ne peut pas être recherchée dès lors qu'aucun système de drainage n'était apparent sur l'espace d'implantation au moment des travaux ; que la préexistence des systèmes de drainage avant la réalisation des travaux est incertaine ; qu'en conséquence, l'imputabilité des désordres aux entreprises intervenues n'est pas établie. La société KIT PISCINES soutient en outre que seul le terrassement peut avoir affecté des installations existantes.

La Cour relève que dans son rapport, l'expert a recours à une forme rédactionnelle confuse et à un vocabulaire qui ne peuvent que contribuer à fragiliser la portée de ses conclusions. L'emploi de façon presque systématique du terme de « conclusions provisoires », la référence à une causalité « probable » et la qualification de travaux comme étant « de nature » à compromettre la solidité de l'ouvrage rendent en effet plus difficiles l'appréhension des réponses données aux questions posées par la mission.

Cependant, il ressort de façon certaine de ce rapport que les désordres rencontrés proviennent d'un apport d'eau dans les sols sous-jacents, cet apport résultant de dégradations occasionnées sur des tuyaux RV1-RV1A et RVA-RVB (p.38). Ces dégradations consistent pour la partie RV1-RVA en un « écrasement de sa section dans le sens vertical à une distance de 0,20m prise depuis le regard » et pour la partie RVA-RVB, notamment ; du fait que « un percement affecte la canalisation à une distance de 4,40m, prise depuis son exutoire au vallon » (rapport p.30).

A ces dégradations peut être attribuée de façon non contestable, toujours au vu des conclusions de l'expert, une dispersion d'eau dans les sols sous-jacents de la piscine et de ses plages. Cette arrivée d'eau est à l'origine de l'affaissement de l'ouvrage. Cette relation causale est confirmée par l'expert en p.33 et 34 de son rapport sans que l'utilisation inexpliquée du terme « probablement » ne suffisent à remettre en cause l'évidence de cette relation causale. En effet, doit être relevée la proximité entre les travaux et les altérations de ces différents tuyaux, lesquels préexistaient nécessairement à ces travaux, alors qu'aucune explication alternative n'est envisagée par l'expert ni proposée par les parties pour expliquer ces dégradations. Cela conduit de façon certaine à retenir une imputabilité de ces dégradations aux locateurs d'ouvrage intervenus sur ce chantier.

Le caractère non apparent du système de drainage lors de la réalisation des travaux est en effet retenu par l'expert en se fondant notamment sur un courrier de la société FABRE ET FILS du 10 octobre 2013 (rapport p.23) ; ce courrier fait également état du fait que le terrassement s'est fait à une profondeur de 1,50m alors que « de façon générale », les tranchées filtrantes sont placées à une profondeur de 1,00m. Cette absence de caractère apparent n'a pas été constatée par l'expert lui-même. Elle est donc déduite de ce courrier, ce que l'expert indique expressément en p.23 et 24 du rapport : « en l'état actuel de nos investigations et des informations recueillies à ce jour, nous concluons provisoirement que : (') d'un courrier de la S.A.R.L. ENTREPRISE FABRE ET FILS, dans l'emprise du terrassement du bassin de la piscine, aucun système de drainage n'était apparent ».

Il se déduit toutefois des éléments évoqués ci-dessus que les tuyaux d'évacuation d'eau, victimes d'un écrasement et d'une fissuration étaient nécessairement présents avant la réalisation de l'ouvrage. Nonobstant l'absence de date certaine, l'expert indique toutefois dans ses réponses aux dires que le système d'assainissement individuel équipant la villa a été réalisé entre les mois de mai 2003 et avril 2005 (rapport p.50), donc avant les travaux litigieux qui datent de 2008. Or, il appartenait aux locateurs intervenus sur les travaux de prendre en considération les contraintes du sol et, en conséquence, de s'assurer que ces travaux étaient réalisés à un emplacement qui n'était occupé par aucun réseau, notamment s'agissant de terrassement à proximité immédiate d'une construction d'habitation, et de procéder, le cas échéant à la dérivation de ceux-ci. En l'espèce, aucun élément ne permet de considérer que la présence de réseaux à l'emplacement de l'ouvrage ne pouvait pas être connue par les entreprises intervenues de sorte que ces dernières ne peuvent se prévaloir d'aucune cause exonératoire de responsabilité.

Dans leur rapport entre elles, en l'absence de distinction de leur niveau de responsabilité dans le rapport d'expertise et en l'état de la présomption d'imputabilité qui pèse sur chacune d'elle, il convient de dire que le partage de responsabilité se fera à hauteur de 50% pour chacune des sociétés. En effet, la SAS KIT PISCINES soutient que seul le terrassement a pu porter atteinte aux réseaux sous-terrain et qu'elle n'est pour sa part intervenue qu'au titre de l'installation du bassin. Toutefois, se limitant à une telle affirmation, elle ne démontre pas que sa sphère d'intervention n'a pas contribué aux désordres. Il ne saurait se déduire de la seule différence des domaines d'intervention respectifs (terrassement et installation du bassin) que les deux locateurs d'ouvrage n'ont pas contribué à la réalisation de ce même désordre.

La décision contestée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a retenu la responsabilité de plein droit des société FABRE ET FILS et KIT PISCINES et en ce qu'elle a retenu un partage de responsabilité à hauteur de 50% pour chacune d'entre elles.

Sur le préjudice :

Préjudice matériel :

L'expert expose en p.43 et suivantes de son rapport les travaux nécessaires pour remédier aux désordres. Ces travaux concernent la maîtrise d''uvre nécessaire, la fosse septique et ses réseaux, le réseau d'eaux pluviales, et la piscine et ses plages (notamment compte tenu de la nécessité de procéder à une reprise en sous-'uvre et de stabilisation et à la reconstitution des plages carrelées). Au vu de l'ensemble des prestations à réaliser, l'expert chiffre le coût des travaux de reprise à 78.960' TTC (application faite d'une TVA de 20%).

En l'absence d'éléments justifiant une remise en cause de cette estimation, la décision contestée sera confirmée en ce qu'elle a alloué cette somme au titre des travaux de reprise nécessaires.

Préjudice de jouissance :

Les consorts [U] demandent la confirmation de la décision attaquée en toute ses dispositions, comprenant la condamnation des responsables et de la SMA SA à leur verser une somme de 8.400' au titre de leur préjudice de jouissance.

Ce préjudice a été retenu par le premier juge en considération d'échanges survenus entre le locataire et l'agence immobilière chargée de la location de la maison faisant état d'une diminution de loyer depuis le 1er février 2019 en raison des « désagrément » subis par le locataire.

La réalité de ce poste de préjudice n'est pas contestée par les parties, ni dans son principe, ni dans son montant ; en effet, les sociétés intervenues débattent de l'imputabilité des désordres sans remettre en cause l'évaluation qui a été faite des préjudices subis par les consorts [U].

La décision du Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN sera donc également confirmée sur ce point.

Il y a donc lieu de confirmer la décision contestée en ses dispositions relatives à l'indemnisation des préjudices des consorts [U].

Sur la garantie de la société SMA SA :

L'assureur conteste devoir sa garantie à la société KIT PISCINES. Elle se prévaut en premier lieu d'une situation de non-assurance au motif que la pose de coques piscines est une activité qui n'a jamais été déclarée par son assurée, alors qu'en l'espèce, le litige résulte de la pose d'une coque polyester. Elle conteste la motivation retenue par le premier juge en ce qu'il a considéré que les activités déclarées par KIT PISCINES englobaient bien les travaux litigieux. Elle indique également que compte tenu de la résiliation de ce contrat au 31 décembre 2010, par application des dispositions de l'article L124-5 du Code des assurances, seules les garanties légales obligatoires sont susceptibles d'être mobilisées, à l'exception des garanties facultatives.

La société KIT PISCINES soutient au contraire que son activité concernait bien les piscines découvertes et reproche à la société SMA de procéder à une présentation tronquée et de mauvaise foi de sa situation.

La société KIT PISCINES verse aux débats une attestation d'assurance émise par la société SMA SA relative à une protection professionnelle des artisans du bâtiment mentionnant notamment les piscines découvertes dans la liste des ouvrages de génie civil garantis par le contrat. Cette attestation indique qu'elle est valable jusqu'au 31 décembre 2007, mais la société KIT PISCINES indique que le contrat a été résilié bien plus tard. Elle produit par ailleurs une seconde attestation valable jusqu'au 31 décembre 2008.

Il doit être souligné que la mention de « piscines découvertes » dans l'attestation d'assurance n'est assortie d'aucune précision quant au mode constructif à mettre en 'uvre ni d'aucune distinction entre piscine maçonnée ou coque polyester.

Il ressort de ces attestations que l'activité piscines découvertes est bien concernée par la garantie, de sorte que la société SMA SA ne saurait reprocher à la société KIT PISCINES de ne pas avoir mentionné la pose de piscine dans les activités déclarées (maçonnerie béton armé, carrelage et revêtements matériaux durs, couverture zinguerie et charpente bois).

De la même façon, la société SMA SA soutient que KIT PISCINES était en réalité assurée auprès d'une autre société (en l'occurrence AXA) au cours de l'année 2008. Elle verse à ce titre une attestation d'assurances décennale et professionnelle AXA datée du 16 janvier 2008, mais établie au nom de PISCINES GROUPE GA. Il n'est donc pas démontré que cette police d'assurance s'applique à la société KIT PISCINES.

S'agissant enfin de la portée de la garantie, la SMA SA soutient qu'en raison de la résiliation du contrat, seules les garanties légales obligatoires ont vocation à être mobilisées dès lors que selon l'article L124-5 §4 du Code des assurances :

« La garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l'assuré postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration que si, au moment où l'assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n'a pas été resouscrite ou l'a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. L'assureur ne couvre pas l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s'il établit que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie ».

La SMA SA se fonde sur ces dispositions et fait valoir que la réclamation du maître de l'ouvrage étant postérieure à la résiliation de son contrat par KIT PISCINES, c'est à cette dernière de rapporter la preuve que les garanties facultatives sont mobilisables.

Il est constant que pour être pris en charge, un sinistre doit se situer dans la période de garantie ; selon l'article L124-1 du Code des assurances (texte qui n'est pas impératif), c'est la réclamation qui constitue l'élément déclencheur du sinistre. Si les garanties ouvertes sur la base réclamation donnent nécessairement lieu à une garantie subséquente au sens de l'article L124-5 précité, il convient de relever qu'en l'espèce, aucun élément ne permet de déterminer la date de fin d'application du contrat litigieux. En effet, la société SMA SA se prévaut d'une résiliation du contrat sans apporter d'élément pouvant justifier du principe et de la date de cette résiliation ainsi que de la souscription subséquente d'une autre police. Elle ne produit pas davantage les dispositions contractuelles susceptibles d'établir que les garanties facultatives ne seraient pas dues en l'espèce.

En conséquence, la société SMA SA ne justifie pas du caractère non mobilisable des dommages immatériels alors que les documents d'assurance produits prévoient bien leur couverture. La décision contestée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a dit que la SMA SA était tenue de garantir son assurée sur l'intégralité des préjudices subis par les consorts [U].

Enfin, s'agissant de l'application de la franchise et des plafonds de garantie dont se prévaut également la SMA SA, il doit être relevé qu'aucune opposition n'est formulée à ce titre par la société KIT PISCINES. Si la SMA SA ne produit pas les dispositions contractuelles qui concernent la franchise et les plafonds de garantie qu'elle entend voir appliquer, en l'absence de contestation sur ce point, il convient également de confirmer la décision du premier juge en ce qu'elle a fait droit à cette prétention.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société KIT PISCINES :

Celle-ci sollicite la condamnation de la SMA SA à lui verser la somme de 5.000' à titre de dommages et intérêts. Elle lui reproche d'avoir exercé à son encontre un appel abusif et d'avoir soutenu de mauvaise foi que la garantie n'était pas applicable.

Cependant, le caractère abusif de l'exercice d'une voie de droit ne peut être retenue qu'à condition de caractériser de la part de son auteur une mauvaise foi, une intention de nuire ou à tout le moins une légèreté blâmable. En l'espèce, il n'y a pas lieu de déduire du rejet des moyens exposés par la SA SMA afin de voir écartées ses garanties l'existence d'une action abusive au sens de de cette définition.

La demande de dommages et intérêts sera en conséquence rejetée.

Sur les demandes annexes :

Compte tenu de la solution du litige, la société SMA SA succombant en son appel, il convient de la condamner à payer la somme de 2.500' au consorts [U] et la somme de 2.500' à la société KIT PISCINES.

La Société FABRE ET FILS sera déboutée de sa demande formulée à l'encontre des consorts [U] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société SMA SA sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN du 19 novembre 2020 ;

Déboute la SAS KIT PISCINES de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;

Y ajoutant,

Condamne la société SMA SA à payer la somme totale de 2.500' à Madame [P] [C] veuve [U] et à Monsieur [T] [U], et la somme de 2.500' à la SAS KIT PISCINES ;

Déboute la SARL FABRE ET FILS de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société SMA SA aux entiers dépens de l'instance.

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