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Décisions

CA Angers, ch. civ. A, 1 avril 2025, n° 20/01875

ANGERS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Delaunay (SAS)

Défendeur :

Castors de l'Ouest, Axa France IARD (SA), SMABTP (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Muller

Vice-président :

Mme Elyahyioui

Conseiller :

M. Wolff

Avoué :

Me Brouin

Avocats :

Me Papin, Me de Mascureau, Me T'Kint de Roodenbeke, Me Gauvin

TJ Angers, du 19 oct. 2020, n° 16/02512

19 octobre 2020

Exposé du litige

Suivant « contrat de maîtrise d'oeuvre, formule partielle sans production de plans » signé le 12 mars 2008, M. [P] et son épouse Mme [G] divorcée [R] (ci-après M. et Mme [P] ou les maîtres d'ouvrage) ont confié à l'association Les Castors de l'Ouest (ci-après le maître d'oeuvre), assurée auprès de la SA Axa France iard, une mission de maîtrise d'oeuvre tous corps d'état sauf : électricité, VMC, carrelage, plaques de plâtre verticales, isolation, pose de sanitaires fournis par le client, relative à la construction d'une maison individuelle à [Adresse 5].

Selon marché en date du 10 septembre 2008, les travaux d'enduits extérieurs ont été confiés à la SAS Delaunay Ravalement (ci-après l'entreprise), assurée à l'époque auprès de la SMABTP ; ces travaux consistant à appliquer, sur les murs extérieurs en briques un sous-enduit puis un enduit monocouche de finition ont été facturés les 23 septembre et 31 décembre 2008, respectivement, et intégralement acquittés.

Dès avant d'emménager le 31 janvier 2009 dans la maison inachevée, les maîtres d'ouvrage ont constaté des décollements et fissures de l'enduit de la façade sud-ouest, lequel a été repris dans cette zone par l'entreprise en février 2009.

De nouveaux décollements et fissures étant apparus en avril 2009 et s'étant généralisés, diverses réunions ont été organisées sur site en vue de définir une solution de reprise et, suite à un constat technique établi le 5 mars 2010 à la demande du maître d'oeuvre en présence du fabricant des briques et du fabricant des enduits, un « accord amiable de règlement de conflit » non daté prévoyant la reprise par l'entreprise de la façade sud-est côté garage et de la façade sud-ouest côté cuisine avec incorporation d'une toile dans le sous-enduit et enduit de finition ainsi que le recours à une expertise pour diagnostiquer les causes des désordres sur les autres façades a été signé par le maître d'oeuvre et l'entreprise, mais non par les maîtres d'ouvrage.

Un « procès-verbal de réception de chantier » daté du 17 février 2009 et ne faisant mention d'aucune réserve a été signé par les maîtres d'ouvrage et l'entreprise le 1er septembre 2010 suite aux travaux de reprise partielle réalisés la veille et le jour même par l'entreprise.

Insatisfaits, les maîtres d'ouvrage n'ont pas acquitté le solde d'honoraires du maître d'oeuvre et ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d'Angers qui, par ordonnance en date du 27 décembre 2012, a désigné M. [K] en qualité d'expert au contradictoire du maître d'oeuvre, de son assureur et de l'entreprise.

L'expert judiciaire, dont les opérations ont été étendues le 22 juin 2013 au fabricant des briques et au fabricant des enduits, a déposé son rapport le 2 novembre 2015.

Il a constaté que l'enduit est totalement microfissuré et décollé sur les façades nord-ouest (où il est absent en partie supérieure gauche), sud-ouest et sud-est qui doivent être reprises en totalité.

Un sondage ayant montré que l'enduit est parfaitement adhérent au dégrossi mais que le complexe dégrossi/enduit est décollé du support, il a fait procéder à une étude technique dont les résultats ont permis d'exclure un défaut de qualité des briques et de l'enduit et, retenant une insuffisance de préparation du support par absence d'adjuvant accrocheur sur les briques, il a considéré que la cause des désordres provient essentiellement d'une défectuosité de mise en oeuvre du complexe dégrossi/enduit sur le support, imputable à l'entreprise.

Il a chiffré le coût des travaux de reprise, incluant la remise en état du terrain après travaux, à la somme de 14 528,80 euros HT et a précisé que les malfaçons rendent les façades tout-à-fait inesthétiques mais n'atteignent pas la solidité de l'ouvrage ni ne génèrent de pénétration intérieure et que les travaux de remise en état d'une durée estimée à environ deux semaines nécessiteront la présence d'ouvriers et de matériels qui troubleront les maîtres d'ouvrage dans leur vie quotidienne.

Par actes d'huissier en date des 6, 7, 13 et 25 juillet 2016, les maîtres d'ouvrage ont fait assigner le maître d'oeuvre et son assureur, l'entreprise et son assureur devant le tribunal de grande instance, devenu le tribunal judiciaire, d'Angers en réparation des désordres et du trouble de jouissance sur le fondement des articles 1147 ancien et 1792-4-3 du code civil.

Le maître d'oeuvre n'a pas constitué avocat.

Après avoir obtenu communication des conditions générales et particulières des polices d'assurance souscrites par le maître d'oeuvre et par l'entreprise, les demandeurs se sont désistés de l'incident introduit à cette fin, ce qui a été constaté par ordonnance du juge de la mise en état en date du 25 février 2019.

Par jugement en date du 19 octobre 2020, le tribunal a :

- débouté M. et Mme [P] de leurs demandes dirigées à l'encontre de l'association Les Castors de l'Ouest et de la société Axa Assurances iard (sic)

- déclaré la société Delaunay Ravalement responsable des désordres affectant les enduits des façades de la maison de M. et Mme [P]

- débouté M. et Mme [P] de leur demande en paiement de la somme de 15 278,80 euros au titre de la réfection des enduits

- condamné la société Delaunay Ravalement à payer à M. et Mme [P], au titre des travaux de remise en état des enduits, la somme de 13 860 euros HT avec indexation suivant l'indice BT01, l'indice de base étant celui du mois de novembre 2015, outre la TVA selon le taux en vigueur au jour de la présente décision

- condamné la société Delaunay Ravalement à payer à M. et Mme [P] la somme de 640 euros HT au titre des travaux de remise en état du jardin, avec indexation suivant l'indice BT01, l'indice de référence étant celui du mois de mars 2016, outre la TVA selon le taux en vigueur au jour de la présente décision

- condamné la société Delaunay Ravalement à payer la somme de 500 euros au titre du trouble de jouissance

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les appels en garantie

- condamné la société Delaunay Ravalement à payer à M. et Mme [P] la somme de 4 500 euros à titre de frais irrépétibles

- condamné la société Delaunay Ravalement aux dépens qui comprendront ceux relatifs à la procédure d'incident ayant abouti au désistement des demandes incidentes et les frais d'expertise judiciaire

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision

- débouté la société Axa Assurances iard et la SMABTP de leurs demandes en paiement de frais irrépétibles

- autorisé l'application de l'article 699 du code de procédure civile

- débouté les parties de leurs autres demandes.

Suivant déclaration reçue au greffe le 24 décembre 2020, l'entreprise a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions, hormis en ce qu'il a débouté les maîtres d'ouvrage de leur demande en paiement de la somme de 15 278,80 euros au titre de la réfection des enduits et débouté les assureurs de leurs demandes en paiement de frais irrépétibles, intimant son assureur, les maîtres d'ouvrage, le maître d'oeuvre et son assureur.

Bien que s'étant vu signifier la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante par acte délivré en l'étude de l'huissier le 31 mars 2021, ainsi que les conclusions de ses co-intimés, le maître d'oeuvre n'a pas constitué avocat ; l'arrêt sera donc rendu par défaut conformément à l'article 474 alinéa 2 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 10 janvier 2024 conformément à l'avis de fixation diffusé aux parties le 13 octobre 2023 et son report sollicité par l'appelante a été refusé.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des articles 455 et 494 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions, à savoir :

- les conclusions récapitulatives en date du 30 août 2021 pour l'appelante

- les conclusions d'intimés et d'appelants incidents n°2 en date du 16 septembre 2021 pour les maîtres d'ouvrage

- les conclusions intimé en date du 22 juin 2021 pour l'assureur de l'entreprise

- les conclusions d'intimée récapitulatives n°2 en date du 15 novembre 2021 pour l'assureur du maître d'oeuvre.

La société Delaunay demande à la cour de :

- la recevoir en son appel à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire d'Angers du 19 octobre 2020

- réformer le jugement rendu

- débouter toute partie et en particulier M. et Mme [P] de toutes leurs demandes formulées à son encontre

- dire et juger que ni sa garantie décennale, ni sa responsabilité contractuelle ne sont engagées

- subsidiairement et quant au quantum des sommes allouées par le tribunal, dire que ces sommes ne pourront pas faire l'objet d'une indexation au titre de l'indice BT01 et qu'il n'y a pas lieu à indemnisation d'un quelconque préjudice de jouissance

- réformer le jugement en ce qu'il a alloué à M. et Mme [P] la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dire n'y avoir lieu à indemnité de ce chef et en toute hypothèse la réduire

- condamner la SMABTP, la société (sic) Les Castors de l'Ouest et Axa à la garantir de toutes condamnations qui seraient susceptibles d'être prononcées à son encontre, en totalité pour ce qui concerne la SMABTP au titre du contrat d'assurance garantie décennale et responsabilité civile contractuelle souscrit par elle auprès de cet assureur, et en totalité ou au moins à hauteur de 50 % pour ce qui concerne la société Les Castors de l'Ouest et son assureur Axa en application de l'article 1382 ancien du code civil

- condamner tout succombant à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

M. et Mme [P] demandent à la cour, au visa des articles 1147 (dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016) et 1792-4-3 du code civil, de :

- les recevoir en leur appel incident et les juger bien fondés

- infirmer le jugement en ses dispositions leur faisant grief

- déclarer la société Delaunay Ravalement et l'association Les Castors de l'Ouest responsables des désordres affectant les enduits des façades de leur maison

- condamner in solidum la SAS Delaunay, la SA Axa France iard, l'association Les Castors de l'Ouest et la SMABTP à leur verser les sommes de :

18 975 euros HT au titre des travaux de reprise de l'enduit, indexée suivant l'indice BT01 outre la TVA au taux en vigueur à la date de l'exécution des travaux préconisés par M. [K]

657 euros HT au titre des travaux de remise en état du jardin, à indexer suivant l'indice BT01 outre la TVA au taux en vigueur à la date de l'exécution des travaux préconisés par M. [K]

5 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance

- confirmer le jugement en ce qu'il leur a alloué la somme de 4 500 euros à titre de frais irrépétibles pour la procédure de première instance conformément à l'article 700 du code de procédure civile et condamner in solidum les parties succombantes à leur verser cette somme

- condamner in solidum les parties succombantes à leur verser la somme de 5 600 euros à titre de frais irrépétibles pour la procédure d'appel conformément à l'article 700 du code de procédure civile

- condamner in solidum les parties succombantes aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comprendront notamment les frais d'expertise de M. [K], de l'incident et du commandement aux fins de saisie-vente et seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile

- débouter la SAS Delaunay, la SA Axa France iard, l'association Les Castors de l'Ouest et la SMABTP de leurs demandes plus amples ou contraires.

La SMABTP demande à la cour de :

- dire tant irrecevable que mal fondée la société Delaunay en son appel principal et en conséquence la débouter de toutes ses demandes notamment en ce qu'elles sont formées contre elle

- dire tant irrecevables que mal fondés M. et Mme [P] en leur appel incident et en conséquence les débouter de toutes leurs demandes notamment en ce qu'elles sont formées contre elle

- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que le procès-verbal de réception antidaté est dénué de toute valeur juridique et de tous effets et que les ouvrages de la société Delaunay ne sont pas réceptionnés

- dire et juger qu'elle ne garantit aux termes de sa police que les dommages à l'ouvrage survenus après réception

- en conséquence dire et juger que sa garantie n'est pas susceptible d'être mobilisée, débouter M. et Mme [P] de leurs demandes et prononcer sa mise hors de cause

- subsidiairement, constater que la réception a été prononcée sans réserve en présence de désordres connus et apparents

- en conséquence dire tant irrecevable que mal fondée l'action de M. et Mme [P], les débouter de toutes leurs demandes, la mettre hors de cause et dire sans objet la demande en garantie de la société Delaunay

- encore plus subsidiairement, condamner in solidum la société (sic) Les Castors de l'Ouest et la société Axa à la garantir des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre

- très subsidiairement, constater la résiliation de la police d'assurance souscrite auprès d'elle à effet au 31 décembre 2012 et dire que sa garantie et les éventuelles condamnations prononcées à son encontre ne pourront l'être que dans les termes, clauses, conditions et limites de sa police, notamment en termes de franchise applicable

- condamner in solidum M. et Mme [P], la société Delaunay, la société Les Castors de l'Ouest et son assureur Axa à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.

La société Axa France iard demande à la cour, au visa des articles 1315, 1147 ancien et 1382 du code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris en ses dispositions la concernant en qualité d'assureur de l'association Les Castors de l'Ouest

- débouter la société Delaunay des fins de son appel, ainsi qu'en l'ensemble de ses demandes dirigées contre elle en cette qualité

- à toutes fins, débouter M. et Mme [P] de leur appel incident, ainsi qu'en l'ensemble de leurs demandes dirigées contre elle en cette qualité

- à titre subsidiaire, condamner la société Delaunay à la garantir et relever indemne de toutes condamnations éventuellement prononcées à son encontre, débouter M. et Mme [P] et la SMABTP de leur appel incident et des demandes formées contre elle en qualité d'assureur de l'association Les Castors de l'Ouest et lui donner acte de ce qu'elle entend opposer sa franchise contractuelle d'un montant de 2 076 euros

- condamner la société Delaunay à lui verser une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Antarius avocats qui pourra les recouvrer selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

Sur la réception de l'ouvrage et le fondement de l'action en responsabilité

Pour conclure que la responsabilité des constructeurs doit être recherchée, comme le font les maîtres d'ouvrage, sur le fondement de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, le tribunal a considéré que les désordres sont apparus avant la signature du procès-verbal de réception daté du 17 février 2009, que ce procès-verbal est dénué de toute valeur juridique car les parties s'accordent à dire qu'il a été antidaté et il n'est produit aucun procès-verbal de réception relatif à l'ensemble des travaux confiés au maître d'oeuvre alors que la réception doit en principe constituer un acte unique au sens de l'article 1792-6 du code civil, que de surcroît le rapport d'expertise exclut le caractère décennal des désordres et que par ailleurs il n'est pas rapporté la preuve d'une réception des travaux, qu'elle soit expresse par la production d'un acte conforme à la réalité, ou tacite puisque les mails et courriers échangés montrent que les maîtres d'ouvrage n'ont jamais accepté les travaux d'enduit et ont pris possession de la maison le 31 janvier 2009 parce qu'ils ne pouvaient plus repousser la date, leur logement étant reloué à compter de février.

Moyens des parties

L'entreprise fait valoir que le procès-verbal de réception sans réserve des travaux du lot « enduit » l'exonère de toute responsabilité ou garantie, quelle qu'en soit la nature, pour les désordres de décollement et fissuration de l'enduit qui étaient parfaitement connus des maîtres d'ouvrage, que ce soit à sa date d'effet du 17 février 2009 ou à sa date de signature du 1er septembre 2010, qu'il importe peu que les maîtres d'ouvrage l'aient signé, à leurs dires, sur le conseil du maître d'oeuvre car il s'agit d'un acte unilatéral de leur part devant produire tous ses effets juridiques, que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, aucun principe juridique n'empêche qu'une réception par lot puisse être faite, le maître d'oeuvre n'étant pas une entreprise unique chargée de l'ensemble des travaux, et qu'il est également indifférent que des interventions aient pu être réalisées postérieurement par elle qui n'y était pas tenue.

Les maîtres d'ouvrage approuvent le tribunal d'avoir retenu que la responsabilité des constructeurs doit être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, comme ils l'ont toujours indiqué, les désordres de décollement et fissuration de l'enduit étant généralisés mais dépourvus de caractère décennal ; ils soutiennent, pour le cas où le procès-verbal de réception serait jugé valable contrairement à l'appréciation des premiers juges, que les désordres n'étaient pas apparents, aussi bien à sa date de signature du 1er septembre 2010 qu'au 17 février 2009, et se sont révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la réception et que l'entreprise ne peut donc s'exonérer de sa responsabilité au motif d'une réception sans réserve ; ils contestent se contredire et soulignent à cet égard qu'ils reprochent au maître d'oeuvre de ne pas leur avoir conseillé d'émettre des réserves à la réception du lot malgré l'absence de défaut constaté à l'issue des travaux de reprise et qu'ils ont refusé de signer le protocole d'accord, non parce que les désordres persistaient, mais parce que les travaux de reprise ne concernaient que les zones fissurées, et non la totalité des enduits.

L'assureur de l'entreprise approuve le tribunal d'avoir considéré que le procès-verbal de réception est dénué de toute valeur juridique et privé d'effet car il s'agit d'un faux antidaté, établi sans réserve en fraude des droits des assureurs, vraisemblablement pour tenter de mobiliser leur garantie, les désordres étant alors connus, qu'il n'existe aucune réception tacite car les maîtres d'ouvrage n'ont jamais accepté les ouvrages de l'entreprise et n'ont pris possession de la maison que contraints et forcés et que la responsabilité des constructeurs ne peut être recherchée que sur le fondement de la réception contractuelle avant réception, non garantie par lui en sa qualité d'assureur décennal ; subsidiairement, il estime que la réception sans réserve des ouvrages de l'entreprise exonère celle-ci, donc son assureur, de toute responsabilité ou garantie, quelle qu'en soit la nature, pour les désordres affectant l'enduit qui étaient parfaitement connus des maîtres d'ouvrage le 1er septembre 2010.

L'assureur du maître d'oeuvre soutient, en premier lieu, que le procès-verbal de réception, même s'il est manifestement douteux, ne saurait exonérer l'entreprise de sa responsabilité au vu des travaux de reprise effectués et des multiples réunions témoignant de la reconnaissance de sa responsabilité, d'autant que les parties s'accordent à dire qu'il est antidaté et non conforme à la réalité, en second lieu, que, quelle que soit sa valeur, il est inopposable à son assuré dans la mesure où les maîtres d'ouvrage n'ont pas exprimé leur volonté de prononcer la réception de l'ouvrage ou des seuls travaux d'enduit à la date du 17 février 2009 et n'étaient pas satisfaits des travaux de reprise réalisés les 31 août et 1er septembre 2010 ainsi qu'ils le reconnaissent eux-mêmes, où le maître d'oeuvre n'est pas à l'initative ni l'auteur de ce procès-verbal de réception signé en dehors de sa présence, non pas le 19 (sic) février 2009 comme les procès-verbaux de réception des autres corps de métiers produits en appel par les maîtres d'ouvrage, mais postérieurement, et où, la réception étant un acte émanant des maîtres d'ouvrage, ceux-ci ne peuvent prétendre avoir réceptionné les ouvrages et, subsidiairement, ne pas les avoir réceptionnés et, en dernier lieu, que, compte tenu des circonstances, le maître d'oeuvre s'est opposé à la réception du lot enduit en expliquant aux maîtres d'ouvrage les raisons de son refus et les conséquences en résultant pour l'entreprise qui s'est d'ailleurs engagée à reprendre les enduits et que le procès-verbal de réception sans réserve, dont les conséquences juridiques étaient connues des maîtres d'ouvrage, a été établi en collusion avec l'entreprise dans le seul but de se prévaloir des garanties d'assurances.

Réponse de la cour

L'article 1792-6 alinéa 1er du code civil dispose que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves, qu'elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement et qu'elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

En l'espèce, les maîtres d'ouvrage et l'entreprise ont signé, ainsi qu'ils le reconnaissent, le « procès-verbal de réception de chantier » ainsi rédigé :

'IL EST RAPPELÉ :

Que suivant le marché en date du 10/09/08, le Maître d'Ouvrage a confié à l'Entrepreneur divers travaux de construction aujourd'hui achevés.

Les parties signataires conviennent en conséquence de procéder à la réception des travaux.

Les travaux confiés à l'Entrepreneur sont :

- acceptés sans réserve

- avec réserves détaillées au dos des présentes

En conséquence, le Maître d'Ouvrage déclare consigner sur compte spécial ouvert à cet effet la somme de ' 'uros, qu'il reste devoir à l'Entrepreneur jusqu'à la levée de la totalité desdites réserves.

Fait en deux exemplaires,

A Cholet, le 17 février 2009',

sans mentionner au dos ni en annexe une quelconque réserve.

Cet acte fait preuve à l'égard des parties signataires des énonciations qu'il contient, à savoir l'acceptation sans réserve par les maîtres d'ouvrage à la date du 17 février 2009 de l'ouvrage réalisé par l'entreprise.

Il s'agit d'une réception expresse, définie en droit comme l'acte unilatéral écrit par lequel le maître de l'ouvrage ou son mandataire manifeste sa volonté de recevoir l'ouvrage au contradictoire de l'entrepreneur concerné.

Il importe donc peu que le maître d'oeuvre ait pu, le cas échéant, ne pas y prendre part.

Il n'est pas prétendu par les maîtres d'ouvrage que leur consentement à cet acte aurait été vicié ni qu'il serait entaché d'une quelconque autre cause de nullité.

Sa date est seule arguée de faux, ce uniquement par les assureurs.

De fait, les maîtres d'ouvrage et l'entreprise admettent que cet acte n'a pas été signé le 17 février 2009, mais le 1er septembre 2010 suite aux travaux de reprise réalisés la veille et le jour même par l'entreprise.

Cependant, il ressort des pièces produites en appel par les maîtres d'ouvrage, notamment du « compte-rendu de visite de fin de chantier pour signature des procès-verbaux de réception » établi à la date du 'mardi 17 FEVRIER' sur papier à en-tête du maître d'oeuvre (pièce n°26) et des trois procès-verbaux de réception de chantier revêtus de leur signature afférents aux lots plomberie/chauffage, charpente/menuiserie/placo et maçonnerie (pièce n°37), qu'une visite de fin de chantier a bien été organisée le 17 février 2009 en vue de la réception des ouvrages des différents intervenants et qu'un même modèle entièrement pré-imprimé, dans lequel étaient seulement laissées en blanc, pour être remplies à la main, la date du marché et la somme consignée jusqu'à levée des réserves éventuelles, a été utilisé pour acter la réception des différents ouvrages, sans que les maîtres d'ouvrage aient modifié la date du procès-verbal de réception de l'ouvrage de l'entreprise bien qu'il n'ait été régularisé qu'a posteriori.

Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que, si ce procès-verbal omet de faire apparaître la date à laquelle il a été signé, il n'en exprime pas moins valablement la volonté des maîtres d'ouvrage d'accepter l'ouvrage de l'entreprise à la date du 17 février 2009.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, rien n'interdit d'opérer une réception par lot de travaux indépendants confiés, comme en l'espèce, à diverses entreprises liées chacune aux maîtres d'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage distinct, le maître d'oeuvre n'étant ni une entreprise générale ni un constructeur de maison individuelle.

Enfin, il n'est pas démontré que l'acte de réception est le fruit d'une collusion frauduleuse entre les maîtres d'ouvrage et l'entreprise à seule fin de permettre la mobilisation de garanties d'assurance dès lors qu'une réception sans réserve ne présente pas le même intérêt pour l'entreprise que pour les maîtres d'ouvrage qu'elle prive, par principe, de tout recours contre les constructeurs et assimilés, au sens de l'article 1792-1 du code civil, et leurs assureurs pour les désordres apparents à la réception et que, si la réception de l'ouvrage marque le point de départ des garanties légales des articles 1792 et suivants du code civil, les maîtres d'ouvrage ne se sont, cependant, jamais prévalu de ces garanties, en particulier de la garantie décennale, pour les désordres litigieux et ont foné leur action exclusivement sur la responsabilité contractuelle de droit commun.

Le premier juge a donc, à tort, considéré le procès-verbal de réception signé avec l'entreprise comme dénué de toute valeur juridique.

Par conséquent, il y a lieu de s'en tenir à la réception expresse sans réserve de l'ouvrage de l'entreprise au 17 février 2009, toutes considérations relatives aux conditions d'une réception tacite étant inopérantes.

Reste à déterminer si les désordres de décollement et fissuration de l'enduit, qui n'ont pas été réservés, étaient apparents pour les maîtres d'ouvrage à la date de réception puisque la réception purge l'ouvrage de ses désordres et non-conformités apparents et non réservés, le caractère apparent s'appréciant en la personne du maître d'ouvrage.

Certes, M. [P] a écrit dès le 21 janvier 2009 au maître d'oeuvre 'J'ai laissé un message à M Delaunay pour lui signaler que j'avais constaté que la sous couche de l'enduit découvert était très friable (est ce normal ')' et il constant que les premiers désordres de décollement et fissuration de l'enduit sont apparus en façade sud-ouest dès avant que les maîtres d'ouvrage emménagent dans les lieux le 31 du même mois.

Toutefois, les travaux d'enduit de cette façade ayant été repris par l'entreprise en février 2009, rien n'indique que des désordres de même nature étaient encore apparents sur cette façade ou apparus sur d'autres façades à la date de réception, ce que démentent les maîtres d'ouvrage qui ont toujours affirmé que de nouveaux décollements et fissures ne sont apparus qu'en avril 2009 et qui ont fait le constat de la généralisation du phénomène à toutes les façades dans un message adressé le 22 juin 2009 au maître d'oeuvre.

Le compte-rendu de la visite de fin de chantier du 17 février 2009 ne comporte d'ailleurs aucune observation du maître d'oeuvre à ce sujet, de sorte que les maîtres d'ouvrage étaient en droit de penser qu'il avait été remédié efficacement aux premiers désordres constatés, même si cela s'est avéré par la suite inexact.

Par conséquent, la réception sans réserve n'est pas de nature à priver les maîtres d'ouvrage de la possibilité de rechercher la responsabilité contractuelle de l'entreprise et du maître d'oeuvre.

Sur la responsabilité contractuelle de l'entreprise

Pour retenir la responsabilité de l'entreprise, le tribunal, rappelant qu'avant la réception des travaux, l'entrepreneur est débiteur d'une obligation de résultat d'effectuer les travaux conformément aux règles de l'art, a considéré que la cause des désordres réside dans des défauts d'exécution de l'entreprise lors de la mise en oeuvre du complexe dégrossi/enduit sur le support provenant d'une insuffisance de préparation en l'absence d'adjuvant accrocheur sur les briques afin d'obtenir une bonne adhérence de ce complexe et que l'entreprise a accepté de réaliser les enduits en sachant qu'ils devaient être appliqués sur des murs en briques, support nécessitant plus de précautions d'usage et de mise en oeuvre.

Moyens des parties

L'entreprise soutient que, la réception des travaux ayant mis fin à son obligation de résultat, l'engagement de sa responsabilité contractuelle suppose de démontrer qu'elle a commis une faute, ce qui n'est pas le cas car aucune violation des règles de l'art ni du procédé de préparation et de pose de l'enduit n'est établie et, si l'expertise suggère qu'il manquait un adjuvant accrocheur sur les briques afin d'obtenir une bonne adhérence, il n'est pas prouvé que ce soit la cause du sinistre, ni qu'un tel adjuvant devait forcément être utilisé et que ne pas le faire serait fautif.

Les maîtres d'ouvrage font valoir que l'entreprise a commis une faute dans l'exécution de ses travaux en s'abstenant de mettre en oeuvre un produit accrocheur, alors qu'elle savait que les enduits devaient être appliqués sur un support de murs en briques nécessitant plus de précautions d'usage et a bénéficié des conseils du fabricant lors de la première campagne de reprise, et que la cause du sinistre réside en cette réalisation défectueuse qui constitue une violation des règles de l'art, la qualité des briques et de l'enduit ayant été exclue ; ils ajoutent qu'en réalisant les travaux de reprise et en signant « l'accord amiable de règlement de conflit », l'entreprise a reconnu sa responsabilité dans l'apparition des désordres.

L'assureur de l'entreprise ne présente aucun moyen sur la responsabilité de son assurée.

Réponse de la cour

Sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, il appartient aux maîtres d'ouvrage de rapporter la preuve d'une faute de l'entreprise en lien de causalité avec les désordres.

Il ne ressort nullement de « l'accord amiable de règlement de conflit » que l'entreprise a reconnu avoir commis une telle faute, ce qui ne saurait se déduire du seul fait qu'elle a accepté de procéder à la remise en état des façades touchées par le phénomène de fissure et soufflage de l'enduit.

Après avoir indiqué que deux causes pouvaient être à l'origine du décollement constaté du complexe dégrossi/enduit du support en briques de terre cuite, à savoir un défaut de cuisson des briques et une insuffisance de préparation du support, et rappelé qu'il n'existe pas de contre-indication de mise en oeuvre d'un dégrossi sur briques de terre cuite, au sens du DTU 26-1 (voir page 24 du rapport), l'expert judiciaire a fait prélever des échantillons sur site et procéder à une étude technique incluant des mesures de masse volumique et essais mécaniques de traction par flexion et de compression simple sur échantillons d'enduit et un essai de thermo-dilatométrie sur échantillon de brique support, ce dernier essai spécifique étant, selon le fabricant des briques, le seul à même de mettre en évidence un défaut de cuisson des briques (voir son courrier du 7 octobre 2013 annexé au rapport).

Il n'est aucunement prétendu, ni a fortiori justifié que l'expert judiciaire aurait négligé une autre cause possible des désordres.

Les résultats de l'étude technique ayant permis d'exclure un défaut de qualité des briques et de l'enduit, ce qui n'est pas en soi contesté, l'expert judiciaire a logiquement privilégié l'insuffisance de préparation du support, mise en évidence par l'absence d'adjuvant accrocheur sur les briques destiné à obtenir une bonne adhérence du complexe dégrossi/enduit (voir page 25 du rapport).

En réponse à un dire déposé le 29 octobre 2015 dans l'intérêt de l'entreprise, il a précisé 'et ceci en règle générale, que la réalisation des enduits (de quelque nature que ce soit) est délicate sur un support en briques, et qu'à ce titre il convient de prendre de multiples précautions d'usage et de mise en oeuvre' (voir page 31).

Son avis n'est pas techniquement contredit sur ce point.

Il s'en déduit qu'est suffisamment caractérisée l'existence d'un manquement de l'entreprise aux règles de l'art dans la réalisation des travaux, par insuffisance de préparation du support connu, constitutif d'une faute à l'origine des désordres et, comme tel, de nature à engager la responsabilité contractuelle de celle-ci.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a dclaré l'entreprise responsable des désordres affectant les enduits des façades de la maison des maîtres d'ouvrage.

Sur la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre

Pour écarter la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre, le tribunal a considéré que les maîtres d'ouvrage ne rapportent la preuve :

- ni d'un défaut de surveillance des travaux qui ne résulte d'aucun élément du rapport d'expertise ni d'autres pièces car les désordres résultent de la mauvaise préparation du complexe dégrossi/enduit par l'entreprise n'ayant pas intégré un adjuvant accrocheur, défaut qui n'est plus visible une fois l'enduit réalisé, étant rappelé qu'il ne peut être exigé la présence constante du maître d'oeuvre sur le chantier

- ni d'un défaut de conseil lors de la réception des travaux car il n'est pas établi que le maître d'oeuvre était présent lors de la réception datée du 17 février 2009 ou intervenue le 1er septembre 2010 aux dires des parties, le procès-verbal n'étant pas rédigé sur son papier à en-tête, et, de plus, il n'y avait plus de désordres apparents selon les demandeurs eux-mêmes lors de cette prétendue 'réception', en réalité inexistante

- ni d'une faute résidant dans le choix d'une entreprise ne disposant pas d'une assurance valable car l'entreprise a satisfait à son obligation d'assurance en souscrivant une assurance décennale obligatoire auprès de la SMABTP, laquelle ne conteste pas sa garantie sur ce fondement mais sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

Moyens des parties

Soulignant que, de l'avis de l'expert judiciaire, la responsabilité du maître d'oeuvre pourrait également être engagée au titre du suivi et de la surveillance des travaux et que l'absence de constitution d'avocat de ce dernier est un aveu implicite de responsabilité, les maîtres d'ouvrage reprochent au maître d'oeuvre plusieurs fautes commises dans l'exécution de sa mission de maîtrise d'oeuvre complète :

- un manquement à son obligation de surveillance des travaux qui s'analyse en une véritable obligation de résultat, ce en n'attirant pas leur attention à l'occasion du contrôle des travaux, initiaux et de reprise, sur la nécessité d'appliquer un adjuvant accrocheur, non prévu par l'entreprise mais indispensable à la viabilité de l'enduit

- un manquement à son obligation de conseil lors de la réception, soit en ne leur conseillant utilement, malgré l'absence de défaut constaté à l'issue des travaux de reprise, d'émettre des réserves lors de la réception du lot « enduits » à laquelle il était présent ainsi qu'il l'a toujours admis, notamment dans son dire à expert du 11 octobre 2013, soit, pour le cas où il serait considéré qu'il ne les a pas assistés, en s'abstenant de les accompagner lors de la réception comme l'y obligeait son contrat, de sorte que, novices en matière de construction et ayant suivi les conseils du maître d'oeuvre qui ne leur a nullement recommandé de refuser la réception, ils n'ont pas eu conscience de l'opportunité d'émettre des réserves ni mesuré l'opportunité de mentionner la date du 17 février 2009 plutôt que celle du 1er septembre 2010, alors qu'ils n'étaient pas satisfaits des travaux de reprise qui n'ont concerné que les zones fissurées contrairement à ce qui avait été convenu initialement, raison pour laquelle ils ont refusé de signer le protocole d'accord amiable

- un manquement à son obligation d'assistance lors de la passation des marchés, en s'abstenant de vérifier, comme l'y obligeait son contrat de maîtrise d'oeuvre, si les entrepreneurs sélectionnés étaient valablement assurés pour les travaux envisagés, aussi bien au titre de la garantie décennale qu'au titre de la responsabilité civile professionnelle, ce pour le cas où il serait considéré que la SMABTP n'était pas, ainsi qu'elle l'affirme, l'assureur responsabilité contractuelle de l'entreprise.

Rappelant que l'absence de comparution du maître d'oeuvre ne constitue pas un aveu de responsabilité et que l'expert judiciaire a retenu uniquement la responsabilité de l'entreprise dans son rapport définitif, l'assureur du maître d'oeuvre conteste tout manquement fautif de son assuré à ses obligations, que ce soit :

- son obligation de surveillance dans l'exécution des travaux, qui n'est qu'une obligation de moyens nécessitant d'établir sa faute et n'impliquant pas une présence constante sur le chantier, dans la mesure où le maître d'oeuvre ne saurait se voir reprocher de ne pas avoir décelé un défaut de préparation du support indécelable sans investigations techniques approfondies, où, en l'absence de toute contre-indication de mise en oeuvre d'un dégrossi sur briques de terre cuite, au sens du DTU 26-1, les travaux ont été réalisés selon les règles de l'art et la réglementation en vigueur, sans qu'il puisse envisager que l'entreprise n'appliquerait pas l'adjuvant dans les conditions requises, de tels travaux étant courants, et où, en tout état de cause, la faute de surveillance imputée au maître d'oeuvre serait postérieure à celle de l'entreprise et n'aurait donc pu avoir une influence sur cette dernière

- son obligation de conseil à la réception des ouvrages, car le maître d'oeuvre n'a pas été associé à la signature du procès-verbal de réception qu'il n'a pas conseillée et, au demeurant, il n'existait plus de désordres apparents au lendemain des travaux de reprise, selon les maîtres d'ouvrage eux-mêmes, donc de besoin d'émettre des réserves

- son obligation de conseil lors de la passation des marchés puisqu'il ressort des conditions particulières et générales du contrat d'assurance versé aux débats par l'assureur de l'entreprise qu'il couvre bien la garantie décennale de l'entreprise, de même que sa responsabilité au titre des risques du chantier, cet assureur n'ayant refusé sa garantie que dans la mesure où est seule en cause la responsabilité contractuelle de son assurée.

Réponse de la cour

Comme pour l'entreprise, il appartient aux maîtres d'ouvrage de rapporter la preuve d'une faute du maître d'oeuvre en lien de causalité avec les désordres.

En préambule, la cour relève, d'une part, que l'absence de constitution d'avocat du maître d'oeuvre n'est nullement un aveu implicite de responsabilité, l'article 472 alinéa 2 du code de procédure civile impartissant, au contraire, au juge, lorsque le défendeur ne comparaît pas, de ne faire droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée, d'autre part, que, si l'expert judiciaire a indiqué dans son pré-rapport II que 'la responsabilité (du maître d'oeuvre) pourrait également être engagée au titre du suivi et de la surveillance des travaux', il n'a pas précisé en quoi, ni repris cet avis non motivé dans son rapport définitif.

Le manquement à l'obligation de surveillance des travaux

Cette obligation s'analyse en une obligation de moyens, et non en une obligation de résultat, de sorte que la faute du maître d'oeuvre ne saurait se déduire du seul fait que les travaux réalisés par l'entreprise sous son contrôle n'ont pas abouti au résultat escompté, même s'il est titulaire d'une mission complète (excepté divers corps d'état étrangers au litige).

Or, le maître d'oeuvre n'étant pas astreint à une présence constante sur le chantier, il n'est pas démontré qu'il aurait pu et dû déceler en cours de chantier l'insuffisance de préparation du support en briques liée à l'absence d'adjuvant accrocheur qui est à l'origine des désordres, alors que des investigations techniques approfondies ont été nécessaires pour la mettre en évidence, le support n'étant, par hypothèse, plus apparent une fois appliqué le sous-enduit.

En outre, il a fait diligence, lorsque les premiers décollements et fissures sont apparus en janvier 2009, pour obtenir de l'entreprise la reprise de l'enduit de la façade sud-ouest avant réception, ce que les maîtres d'ouvrage n'avaient aucunement contesté à l'époque, réglant le solde du marché de l'entreprise début mars 2009, puis, lorsque de nouveaux décollements et fissures ont été constatés à partir d'avril 2009, pour dégager avec le concours de l'entreprise, du fabricant des briques et du fabricant des enduits, une solution de reprise de l'enduit de toutes les façades affectées par piquage de l'enduit existant, re-création d'une accroche et application d'un nouvel enduit, en commençant par un test sur la façade arrière (voir son mail du 17 mars 2010 annonçant la rédaction du protocole d'accord sur cette base).

Aucun des professionnels spécialistes des enduits ou des supports en briques qu'il a sollicités n'ayant su détecter et incriminer l'absence d'adjuvant accrocheur, il ne peut pas davantage lui être reproché de n'avoir pas attiré l'attention des maîtres d'ouvrage, à l'occasion du contrôle des travaux de reprise, spécifiquement sur la nécessité d'appliquer un tel adjuvant.

C'est donc à bon droit que le premier juge a estimé qu'il n'est pas établi que le maître d'oeuvre a commis une faute dans sa mission de surveillance des travaux.

Le manquement à son obligation de conseil lors de la réception

Bien que le procès-verbal de réception de l'ouvrage d'enduits extérieurs n'ait pas été rédigé sur papier à en-tête du maître d'oeuvre, il l'a été sur un modèle en tous points identique aux procès-verbaux de réception des ouvrages de plomberie/chauffage, de charpente/menuiserie/placo et de maçonnerie et, dans son dire à expert en date du 11 octobre 2013 (en annexe 4 du rapport d'expertise), le maître d'oeuvre expliquait lui-même, au sujet de l'inscription de réserves au procès-verbal de réception :

'En effet la réception prévue pour l'ensemble des lots le 17/02/2009 n'a pas eu lieu pour certains lots du fait de finitions non réalisées ou de l'absence des entreprises, ce dernier cas concerne l'entreprise DELAUNAY, absente le 17/02/2009.

Pour autant, il n'y avait aucun défaut apparent à cette même date (les désordres constatés en janvier 2009 ayant étaient (sic) repris début février comme déjà évoqué) de même que la volonté équivoque (sic) du maître d'ouvrage d'accepter sans réserve le lot s'est traduite dans le paiement intégral de la prestation de la SAS DELAUNAY en mars 2009 (...).

En fin de compte, la signature sans réserve du procès-verbal du lot « Enduits extérieurs » par Monsieur [P], le 01/09/2010 bien que daté du 17/02/2009, confirmait cette volonté équivoque d'acceptation et régularisait la réception.

Monsieur [P] n'a pas été contraint, et le maître d'oeuvre lui a expliqué qu'en l'absence de défaut constaté après reprise, rien ne laissait prévoir la répétitivité du désordre, lequel pourrait le cas échéant, être traité dans le cadre des garanties légales des constructeurs.'

Le maître d'oeuvre a ainsi reconnu avoir assisté les maîtres d'ouvrage aux opérations de réception des travaux, y compris ceux de l'entreprise.

Son assureur n'est pas fondé à le remettre en cause du seul fait qu'un courrier adressé le 14 septembre 2010 par les maîtres d'ouvrage au maître d'oeuvre, communiqué de part et d'autre, évoque l'exécution des travaux de reprise de la façade nord-est 'malgré un message téléphonique le mercredi 1er septembre de notre part pour vous signaler qu'il restait des parties sur celle-ci sonnant le creux et non piquetés', l'existence d'un tel message téléphonique n'étant pas, en soi, incompatible avec la participation du maître d'oeuvre à une réunion de réception plus tard dans la même journée.

Il n'en reste pas moins que, dans la mesure où aucun désordre n'était apparent à la date de réception du lot « enduits extérieurs », le maître d'oeuvre n'avait pas à conseiller aux maîtres d'ouvrage d'émettre une réserve et ne saurait se voir reprocher de ne pas l'avoir fait.

C'est donc également à bon droit, quoique pour des motifs qui ne sont pas tous adoptés par la cour, que le premier juge a estimé que les maîtres d'ouvrage ne rapportent pas la preuve d'un défaut de conseil du maître d'oeuvre lors de la réception des travaux.

Le manquement à son obligation d'assistance lors de la passation des marchés

Il est stipulé au contrat de maîtrise d'oeuvre, au titre de la mission « assistance pour la passation des marchés de travaux », que :

'Le maître d'oeuvre effectue, sur la base de ce dossier de consultation approuvé par le maître d'ouvrage, l'appel d'offre aux entreprises et aidera le maître d'ouvrage au dépouillement des réponses des entreprises contactées.

La réponse devra comporter un devis en trois exemplaires, lequel constituera les conditions particulières du marché à conclure, une attestation d'assurance garantissant le risque visé à l'article L 241-1 du Code des Assurances en cours de validité à la date prévisionnelle du début des travaux, une attestation d'assurance garantissant sa responsabilité civile de chantier, les éventuels certificats ou agréments administratifs requis en application de la législation ou de la réglementation en cours au moment de la signature du contrat de maîtrise d'oeuvre.'

Cette clause obligeait le maître d'oeuvre à vérifier que l'entreprise était titulaire, d'une part, d'une assurance obligatoire de responsabilité décennale telle qu'exigée par l'article L. 241-1 du code des assurances, d'autre part, d'une assurance facultative garantissant sa responsabilité civile au titre des risques du chantier, mais non sa responsabilité civile professionnelle générale.

Or les conditions particulières et les conditions générales du « contrat d'assurance professionnelle des entreprises du bâtiment et des travaux publics - CAP 2000 » souscrit par l'entreprise auprès de la SMABTP à effet du 1er janvier 2006 (pièces n°1 et 2 de la SMABTP), dont les maîtres d'ouvrage ont obtenu communication en première instance après avoir introduit un incident de production de pièces devant le juge de la mise en état, révèlent que l'entreprise était régulièrement assurée à la date d'ouverture du chantier, tant au titre de sa responsabilité décennale, ce dont conviennent les maîtres d'ouvrage, qu'au titre des risques du chantier, ce dans le cadre de la garantie « responsabilité civile en cas de dommages extérieurs à l'ouvrage aux tiers (y compris vos cocontractants) » qui couvre notamment les dommages causés aux tiers dans l'exercice des activités professionnelles déclarées de l'assuré lorsque sa responsabilité est engagée sur quelque fondement que ce soit (garantie de base de l'article 8 des conditions générales), les dommages causés aux objets confiés à l'assuré (article 9), les dommages consécutifs à une erreur d'implantation (article 10), les dommages causés aux tiers du fait des installations permanentes et temporaires de l'assuré sur le chantier (article 11) ou du fait des matériels et engins de chantier (article 13), contrairement à ce que soutiennent les maîtres d'ouvrage qui déduisent abusivement de l'argumentation de la SMABTP selon laquelle la garantie « responsabilité en cas de dommages à l'ouvrage après réception » ne s'applique pas à la responsabilité contractuelle de l'entreprise avant réception que cet assureur ne garantit pas la responsabilité contractuelle de l'entreprise.

C'est donc encore à bon droit, pour des motifs pertinents simplement complétés par la cour, que le premier juge a estimé que les maîtres d'ouvrage ne rapportent pas la preuve d'un manquement du maître d'oeuvre à son obligation d'assistance lors de la passation du marché avec l'entreprise.

Du tout, il résulte qu'aucune des fautes alléguée n'est caractérisée à l'encontre du maître d'oeuvre et que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté les maîtres d'ouvrage de leurs demandes dirigées à l'encontre de celui-ci et de son assureur, sauf à rectifier l'erreur matérielle affectant la dénomination de cet assureur qui est Axa France iard, et non Axa Assurances iard.

Sur l'évaluation des préjudices

Les travaux de reprise

L'expert judiciaire a préconisé, d'une part, la dépose de l'enduit existant sur les façades nord-ouest, sud-ouest et sud-est, la mise en oeuvre d'un accrocheur sur les briques et la réalisation des enduits à l'identique pour un coût de 12 600 euros HT selon devis de l'EURL Dos Santos en date du 22 février 2013, réévalué à 13 860 euros HT, d'autre part, la remise en état du terrain après travaux (dépose et repose de la terrasse en bois, réalisation de tranchées et raccords de gazon, transplantation de végétaux) pour un coût de 608 euros HT selon devis de la société Lucas Paysage en date du 9 décembre 2013 réévalué à 668,80 euros HT.

Le tribunal s'en est tenu au coût des travaux de réfection des enduits chiffré par l'expert judiciaire, sauf à l'indexer depuis le dépôt du rapport d'expertise en novembre 2015, au motif que les maîtres d'ouvrage, qui produisent deux devis d'entreprises différentes de celles émettrices des trois devis soumis à l'expert, ne justifient pas que ces travaux, réévalués avant le dépôt du rapport, ont été sous-évalués.

Il a pris en compte le montant du devis réactualisé, produit par les maîtres d'ouvrage, de la société Lucas Paysage, soit 640 euros HT, inférieur à la réactualisation de l'expert, en l'indexant depuis l'établissement de ce devis en mars 2016, et non depuis novembre 2015.

Moyens des parties

Les maîtres d'ouvrage font valoir que l'expert judiciaire a omis de chiffrer le coût du démontage indispensable des garde-corps et rebords de fenêtres et qu'aucune des nouvelles entreprises sollicitées, celles dont les devis avaient été soumis à l'expert n'étant plus en activité, n'a repris son chiffrage, manifestement trop faible compte tenu de son ancienneté et de l'évolution des prix.

L'entreprise critique uniquement l'indexation retenue par le premier juge, qu'elle estime non justifiée.

Réponse de la cour

Dans la mesure où le préjudice doit être évalué au plus près de la date de la décision et où la réfection des enduits va manifestement nécessiter de déposer et reposer les gardes-corps et appuis de fenêtres, les maîtres d'ouvrage sont fondés à solliciter une actualisation du coût des travaux de reprise incluant le démontage-remontage de ces éléments.

Pour la réfection des enduits, ils produisent trois devis actualisés émis le 29 mars 2021 par l'EURL Atecs pour un montant de 16 499,82 euros HT, le même jour par la société JCM Création pour un montant de 18 975 euros HT et le 28 avril 2021 par la société Lefort Construction pour un montant de 24 335,94 euros HT ; le deuxième qui ne fait pas apparaître l'application d'un produit d'accrochage est à écarter comme ne portant pas sur des travaux comparables à ceux retenus par l'expert judiciaire et non critiqués dans leur principe ; les deux autres portent sur des prestations équivalentes et il y a lieu de privilégier le premier, moins disant, sauf à exclure le poste « habillage des appuis de fenêtres en alu laqué blanc » d'un montant de 1 212,63 euros HT car il n'est pas justifié de la nécessité de remplacer les appuis de fenêtres, ce qui ramène son prix à 15 287,19 euros HT.

Pour la remise en état du jardin, il convient de retenir le devis actualisé émis le 29 mars 2021 par la société Lucas paysage pour un montant de 657 euros HT qui porte sur les mêmes prestations que son devis du 9 décembre 2013 validé par l'expert judiciaire.

Le coût des travaux de reprise s'établit donc à la somme de 15 944,19 euros HT, majorée de la TVA au taux en vigueur à la date du présent arrêt (à savoir le taux réduit de 10 % pour la réfection des enduits et le taux normal de 20 % pour la remise en état du jardin) et indexée à la même date, ou à celle de l'exécution effective des travaux si elle est antérieure, en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis mars 2021.

Par conséquent, l'entreprise sera condamnée au paiement de cette somme, le jugement déféré étant réformé en ce qu'il a limité sa condamnation à ce titre à la somme de 13 860 euros HT, outre TVA et indexation.

Le trouble de jouissance

Le tribunal a considéré que les désordres ont généré un seul préjudice esthétique sans trouble de jouissance de l'habitation et que, si les travaux de réfection d'une durée de deux semaines peuvent générer un trouble de jouissance de la terrasse, il appartient aux maîtres d'ouvrage de les faire réaliser à une période où ils ne l'utilisent pas de manière intensive.

Les maîtres d'ouvrage font valoir qu'ils ne pourront profiter de leur terrasse et leur jardin pendant les travaux de réfection des façades dont ils vont subir les nuisances, nécessairement aux beaux jours, et que les désordres inesthétiques qui existent depuis douze ans et se sont accentués dans le temps les empêchent de jouir d'une maison correctement enduite et pourraient être préjudiciables en cas de vente, de sorte que leur trouble de jouissance doit être indemnisé en son intégralité.

L'entreprise fait valoir qu'il n'existe aucun trouble de jouissance.

Réponse de la cour

D'une part, les travaux de réfection des enduits prévus sur une durée de deux semaines et impliquant le démontage de la terrasse vont entraîner quelques nuisances inévitables pour les occupants de la maison, même s'ils se dérouleront à l'extérieur, et empêcheront ceux-ci de jouir d'une partie du jardin, sans qu'il soit démontré qu'ils devront nécessairement être programmés à la belle saison.

D'autre part, le caractère particulièrement inesthétique des désordres généralisés de décollement et fissuration de l'enduit s'est accentué dans le temps ainsi qu'en témoignent les photographies réalisées depuis le dépôt du rapport d'expertise et contraint les maîtres d'ouvrage à vivre depuis 2009 dans une maison d'aspect de plus en plus dégradé.

Le trouble de jouissance résultant des travaux de réfection et des désordres eux-mêmes justifie l'octroi d'une indemnité globale de 2 500 euros, hors de toute prise en compte du préjudice allégué en cas de revente de l'immeuble, lequel est purement hypothétique.

Par conséquent, l'entreprise sera condamnée au paiement de cette somme, le jugement déféré étant infirmé en ce qu'il a limité sa condamnation à ce titre à la somme de 500 euros.

Sur la garantie de l'assureur de l'entreprise

Le tribunal, constatant que les maîtres d'ouvrage ne formaient plus de demande à l'encontre de l'assureur de l'entreprise, n'a pas statué sur la garantie de cet assureur.

Moyens des parties

Les maîtres d'ouvrage soutiennent que l'assureur de l'entreprise, qui garantit également sa responsabilité contractuelle selon cette dernière, ce qu'il contestait en première instance, doit être condamné in solidum avec son assurée à les indemniser de l'ensemble de leurs préjudices sans pouvoir invoquer l'irrecevabilité de leur demande à son égard nouvelle en cause d'appel puisqu'il a été intimé comme les autres parties.

L'entreprise soutient que le désordre, si l'on considère qu'il ne revêt pas un caractère décennal, relève de la responsabilité contractuelle dite des dommages intermédiaires garantie par son assureur qui doit donc la garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées ou confirmées à son encontre.

L'assureur de l'entreprise soutient que les demandes présentées à son encontre devant la cour par les maîtres d'ouvrage qui ne formulaient plus de demande contre elle dans leurs dernières conclusions de première instance sont irrecevables comme nouvelles et que la demande en garantie de son assurée est mal fondée car la garantie décennale et la garantie des dommages intermédiaires n'ont vocation à s'appliquer qu'après réception et non pour des désordres apparents non réservés.

Réponse de la cour

D'une part, l'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou la révélation d'un fait.

Dans leurs dernières conclusions de première instance en date du 11 décembre 2019, les maîtres d'ouvrage ont, après avoir obtenu communication des conditions générales et particulières du contrat d'assurance souscrit par l'entreprise, renoncé à leurs demandes contre l'assureur de celle-ci, ainsi qu'ils en conviennent, en considérant, à tort comme précisé ci-dessus, que cet assureur soutenait garantir uniquement la responsabilité décennale de l'entreprise, et non sa responsabilité contractuelle.

Leurs demandes d'indemnisation formulées en appel contre l'assureur de l'entreprise sont donc nouvelles et comme telles irrecevables en application de l'article 564 du code de procédure civile, n'étant pas nées de la révélation d'un fait.

En revanche, il n'est pas prétendu que la demande de garantie de l'entreprise contre son assureur serait nouvelle en cause d'appel, même si le premier juge ne l'a pas examinée.

Dans la mesure les désordres de décollement et fissuration de l'enduit n'étaient pas apparents à la réception, où il n'est pas contesté que le contrat d'assurance souscrit par l'entreprise garantit sa responsabilité contractuelle au titre des dommages intermédiaires après réception et où l'assureur de l'entreprise n'invoque aucune clause d'exclusion de garantie et demande, au dispositif de ses conclusions, de constater la résiliation de la police d'assurance à effet du 31 décembre 2012, ce qui ne constitue pas une prétention, sans tirer quelque conséquence que ce soit de cette résiliation, non contestée en soi, et sans développer de moyen à cet égard, l'assureur de l'entreprise ne peut qu'être condamné à garantir son assurée de l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci sous déduction de la franchise contractuelle, ce par ajout au jugement déféré.

Sur les recours en garantie de l'entreprise et de son assureur contre le maître d'oeuvre et son assureur

La responsabilité du maître d'oeuvre étant recherchée par l'entreprise et son assureur sur le fondement de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 pour des fautes qui ne sont pas différentes de celles invoquées par les maîtres d'ouvrage et non caractérisées, les recours en garantie formés contre lui et son assureur ne peuvent qu'être rejetés.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à statuer sur ces appels en garantie, mais confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à statuer sur ceux de l'assureur du maître d'oeuvre qui sont sans objet.

Sur les demandes annexes

Parties perdantes, l'entreprise et son assureur supporteront in solidum les entiers dépens de première instance et d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il a condamné l'entreprise mais infirmé en ce qu'il n'a pas condamné son assureur.

Ces dépens comprennent de droit la rémunération de l'expert judiciaire en application de l'article 695 4° du code de procédure civile, mais non le coût du commandement de payer aux fins de saisie vente que les maîtres d'ouvrage ont fait signifier par huissier le 24 février 2021 à l'entreprise pour la somme de 40 583,76 euros en exécution du jugement préalablement signifié et dont le sort est réglé par l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution.

En outre, sur le fondement de l'article 700 1° du code de procédure civile et en considération de l'équité et de la situation respective des parties :

- l'entreprise et son assureur seront tenus in solidum de verser aux maîtres d'ouvrage la somme de 4 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens de première instance, le jugement déféré étant là encore confirmé en ce qu'il a condamné l'entreprise mais infirmé en ce qu'il n'a pas condamné son assureur, et la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens d'appel

- l'entreprise sera seule tenue, comme demandé, de verser à l'assureur du maître d'oeuvre la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens d'appel, la disposition rejetant la demande de cet assureur au titre des frais non compris dans les dépens de première instance ne faisant l'objet d'aucun appel incident

- l'entreprise et son assureur seront déboutés de leurs demandes respectives au titre des frais non compris dans les dépens d'appel, la disposition rejetant la demande de cet assureur au titre des frais non compris dans les dépens de première instance ne faisant pas non plus l'objet d'un appel incident.

Par ces motifs,

La cour,

Confirme le jugement dont appel, sauf à rectifier l'erreur matérielle relative à la dénomination de la société Axa France iard (et non Axa Assurances iard), en ce qu'il a :

- débouté M. et Mme [P] de leurs demandes dirigées à l'encontre de l'association Les Castors de l'Ouest et de la société Axa Assurances iard

- déclaré la société Delaunay Ravalement responsable des désordres affectant les enduits des façades de la maison de M. et Mme [P]

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les appels en garantie de la société Axa France iard

- condamné la société Delaunay Ravalement à payer à M. et Mme [P] la somme de 4 500 euros à titre de frais irrépétibles

- condamné la société Delaunay Ravalement aux dépens qui comprendront ceux relatifs à la procédure d'incident ayant abouti au désistement des demandes incidentes et les frais d'expertise judiciaire

- autorisé l'application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'infirme pour le surplus dans les limites de sa saisine.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Delaunay Ravalement à payer à M. et Mme [P] les sommes de :

- 15 944,19 euros (quinze mille neuf cent quarante quatre euros et dix neuf cents) HT, majorée de la TVA au taux en vigueur à la date du présent arrêt et indexée à la même date, ou à celle de l'exécution effective des travaux si elle est antérieure, en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis mars 2021, au titre des travaux de reprise

- 2 500 (deux mille cinq cents) euros au titre du trouble de jouissance.

Déclare M. et Mme [P] irrecevables en leurs demandes d'indemnisation formées en appel à l'encontre de la SMABTP.

Condamne la SMABTP à garantir son assurée la société Delaunay Ravalement de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, sous déduction de la franchise contractuelle.

Déboute la société Delaunay Ravalement et son assureur la SMABTP de leurs recours en garantie contre l'association Les Castors de l'Ouest et son assureur la société Axa France iard.

Sur le fondement de l'article 700 1° du code de procédure civile, condamne :

- la SMABTP à verser à M. et Mme [P] la somme de 4 500 (quatre mille cinq cents) euros au titre des frais de première instance, cette condamnation intervenant in solidum avec celle prononcée à l'encontre de la société Delaunay Ravalement

- la société Delaunay Ravalement et la SMABTP in solidum à verser à M. et Mme [P] la somme de 3 000 (trois mille) euros au titre des frais d'appel

- la société Delaunay Ravalement à verser à la société Axa France iard la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre des frais d'appel.

Déboute la société Delaunay Ravalement et la SMABTP de leurs demandes respectives sur le même fondement au titre des frais d'appel.

Condamne la SMABTP aux dépens de première instance, cette condamnation intervenant in solidum avec celle prononcée à l'encontre de la société Delaunay Ravalement.

Rappelle que ces dépens comprennent de droit la rémunération de l'expert judiciaire, mais non le coût du commandement de payer aux fins de saisie du 24 février 2021.

Condamne la société Delaunay Ravalement et la SMABTP in solidum aux entiers dépens d'appel, recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

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