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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 4 avril 2025, n° 23/15767

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Arkena Capital (SAS)

Défendeur :

TDF (SASU), Cognacq Jay Image (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Vice-président :

Mme Salord

Conseiller :

M. Buffet

Avocats :

Me de Roquefeuil, Me Rodriguez, Me Fromantin, Me Bocqueraz, Me Arbant

TJ Paris, 3e ch. sect. 2, du 8 sept. 202…

8 septembre 2023

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 8 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Paris qui a :

- rejeté la demande d'écarter des débats les pièces n°33 à 53 de la société Arkena Capital ;

- liquidé l'astreinte pour le retard de transfert des noms de domaine « arkena.fr » et « arkena.com » à la somme de 54 600 euros ;

- liquidé l'astreinte pour les usages de la dénomination Arkena par la société Cognacq-Jay Image à la somme de 18 000 euros ;

- condamné en conséquence la société Cognacq-Jay Image à payer à la société Arkena Capital la somme de 72 600 euros ;

- liquidé l'astreinte pour les usages de la dénomination Arkena par la société Télédiffusion de France à la somme de 18 000 euros ;

- condamné en conséquence la société Télédiffusion de France à payer à la société Arkena Capital la somme de 18 000 euros ;

- rejeté la demande de prononcer une astreinte complémentaire pour le retard de transfert des noms de domaine ;

- rejeté la demande de prononcer une astreinte définitive pour les usages de la dénomination Arkena ;

- rejeté la demande de prononcer la nullité de la marque de l'Union européenne 'Arkena' n°12807376 ;

- rejeté la demande à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamné la société Cognacq-Jay Image à payer à la société Arkena Capital la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de sa marque de l'Union européenne 'Arkena' n°12807376 ;

- condamné la société Télédiffusion de France à payer à la société Arkena Capital la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de sa marque de l'Union européenne 'Arkena' n°12807376 ;

- rejeté la demande de publication du jugement ;

- rejeté les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts de la société Cognacq-Jay Image et de la société Télédiffusion de France ;

- condamné la société Cognacq-Jay Image et la société Télédiffusion de France aux dépens de l'instance, qui pourront être directement recouvrés par Me Altmann, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamné la société Cognacq-Jay Image et la société Télédiffusion de France à payer à la société Arkena Capital la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 22 septembre 2023 par la société Arkena Capital,

Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 22 septembre 2024 par la société Arkena Capital, qui demande à la cour de :

- déclarer la société Arkena Capital recevable et bien fondée en toutes ses demandes,

- constater que la SASU Cognacq-Jay Image ne justifie d'aucune difficulté insurmontable expliquant le retard de 458 jours apporté à l'exécution de son obligation de libérer les noms de domaine arkena.fr et arkena.com au bénéfice de l'appelante qui n'en a obtenu la jouissance pleine et entière que le 10 février 2021 suite à l'intervention du service juridique du bureau d'enregistrement Gandi auprès duquel lesdits domaines ont été réservés,

- constater que les énonciations du procès-verbal de constat d'huissier dressé le 1er mars 2022 par Maître [R] établissent que la société Cognacq-Jay Image n'avait toujours pas renoncé à cette date à l'usage de la dénomination Arkena tant sur son propre site internet que sur sa chaîne YouTube, sa page Linkedin ou encore sur son compte Twitter et ce, malgré la mesure d'interdiction pourtant assortie d'astreinte à effet au 10 janvier 2020,

- constater que les énonciations du procès-verbal de constat dressé le 1er mars 2022 par l'huissier de justice établissent que le groupe TDF n'avait toujours pas renoncé à cette date à l'usage du signe Arkena tant sur son propre site internet que sur sa chaîne YouTube et ce, malgré la mesure d'interdiction pourtant assortie d'astreinte à effet au 30 janvier 2020,

- constater que la société Cognacq-Jay Image qui a contrevenu à l'interdiction d'usage de la dénomination « arkena » mise à sa charge par injonction judiciaire n'excipe d'aucune cause étrangère, ni même d'une quelconque difficulté insurmontable de nature à justifier de sa carence dans l'exécution de sa condamnation dans le délai prescrit,

- constater que le groupe TDF ayant violé l'interdiction judiciaire réprimant l'usage du signe litigieux ne justifie d'aucune impossibilité absolue tenant d'une cause étrangère, ni même d'un quelconque obstacle insurmontable dirimant à l'exécution de son obligation,

- constater que les sociétés intimées Cognacq-Jay Image et TDF n'ont effectué les premières diligences qu'aux mois de mai et juin 2022 pour déférer aux injonctions judiciaires relatives à la mesure d'interdiction, sans même s'embarrasser d'avoir à rapporter la preuve d'un évènement de force majeure, voire d'une cause étrangère ne pouvant leur être imputée mais susceptible de les exonérer, fût-ce partiellement, de leurs obligations,

- dire et juger qu'en reproduisant sans autorisation la marque « arkena » à de multiples reprises sur les pages de son site internet ainsi que sur sa chaîne YouTube pour désigner des produits et des services identiques à ceux visés au dépôt de la marque, la société intimée Cognacq-Jay Image s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon par reproduction à l'identique de la marque verbale dont l'appelante est titulaire,

- dire et juger qu'en reproduisant sans autorisation la marque « arkena » à de multiples reprises sur les pages de son site internet ainsi qu'en son code source, ou encore sur sa chaîne YouTube pour désigner des produits et des services identiques à ceux visés au dépôt de la marque enregistrée, le groupe TDF s'est rendu coupable d'actes de contrefaçon par reproduction à l'identique de la marque verbale dont l'appelante est titulaire,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en date du 8 septembre 2023 en ce qu'il a retenu le défaut d'exécution de l'ensemble des injonctions judiciaires faites aux entreprises intimées,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la liquidation de toutes les astreintes prononcées suivant jugement du tribunal de grande instance de Paris rendu le 29 juin 2017 et confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 26 mars 2019,

- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a conclu en l'existence d'actes de contrefaçon commis par la société Cognacq-Jay Image et le groupe TDF à l'encontre de la marque de l'Union européenne dont l'appelante est titulaire,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a démesurément minoré le montant des astreintes financières liquidées à l'encontre du puissant groupe TDF et de son ancienne filiale Cognacq-Jay Image relativement à la mesure d'interdiction,

- infirmer la décision attaquée en ce qu'elle a considéré comme unique l'astreinte sanctionnant le défaut d'exécution des obligations judiciaires portant libération, au bénéfice de la société appelante, des deux noms de domaine arkena.fr et arkena.com,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité à la somme de 2 000 euros, mise à la charge de chacune des entreprises intimées, l'indemnité allouée à l'appelante en réparation du seul préjudice moral résultant des agissement frauduleux constatés, à l'exclusion des préjudices économiques et financiers sollicités sur le fondement des dispositions du dernier paragraphe de l'article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle,

- infirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté la société Arkena Capital de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 121-3 du code des procédures civiles à raison de la résistance particulièrement abusive dont ont fait preuve les entreprises intimées,

- infirmer le jugement déféré quant au montant de la somme allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile, ignorant les frais de constat des commissaires de justice dont les factures justificatives ont été pourtant dûment produites aux débats.

Et statuant à nouveau de :

- constater que les juges de la liquidation ont appréhendé de manière inexacte le nombre d'occurrences de la dénomination « arkena » réellement visibles à l'internaute sur les différents sites web des entreprises intimées,

- constater que, par des motifs contradictoires, le tribunal a écarté du calcul du montant des astreintes liquidées l'intégralité des utilisations illicites de la dénomination « arkena » relevées dans le code source des pages internet des entreprises intimées, après avoir pourtant expressément et exactement énoncé, au point 47 du jugement dont appel, que de tels actes d'usage caractérisent des infractions à la mesure d'interdiction,

- déclarer l'intimée Cognacq-Jay Image redevable du montant cumulé de l'astreinte ordonnée par le jugement du tribunal de grande instance de Paris à raison des 43 063 infractions à la décision, résultant de l'usage du signe « arkena » expressément prohibé par ledit jugement et dûment constatées par procès-verbaux de constats des commissaires de justice durant la période ayant couru du 10 janvier 2020 au 22 octobre 2020,

- déclarer le groupe TDF redevable du montant cumulé de l'astreinte ordonnée par le jugement du tribunal de grande instance de Paris à raison des 6 632 infractions à la décision, résultant de l'usage de la dénomination « arkena » expressément prohibé par ledit jugement et dûment constatées par procès-verbaux de constats des commissaires de justice au cours de la période ayant couru du 30 janvier 2020 au 11 novembre 2020,

- constater que le montant des astreintes prononcées n'a eu aucun effet comminatoire sur les puissantes sociétés intimées qui ont poursuivi l'usage du signe bien au-delà de la période couverte par la mesure d'interdiction,

- constater qu'au point 42 de la décision déférée, les juges du premier degré ont retenu que le montant des astreintes provisoirement fixé n'est pas disproportionné à l'intérêt du litige, dont la finalité qui vise à permettre à la société Arkena Capital de s'identifier dans la vie des affaires sous la dénomination « arkena » se heurte à une difficulté que le tribunal a considérée comme insurmontable et ce, aussi longtemps que les entreprises intimées poursuivent l'usage illicite du signe litigieux,

- dire et juger que la résistance abusive et les agissements déloyaux des intimées entraînent un préjudice moral, commercial et financier, ouvrant droit à réparation.

En conséquence,

- liquider l'astreinte ordonnée par le jugement du tribunal de grande instance de Paris rendu en date du 29 juin 2017, outre les intérêts légaux à la somme de 54 600 euros pour la période ayant couru du 10 novembre 2019 au 22 août 2020, à raison du défaut d'exécution de l'injonction portant libération du nom de domaine arkena.fr dans le délai imparti ; soit 182 jours x 300 euros = 54 600 euros,

- liquider l'astreinte ordonnée par le jugement du tribunal de grande instance de Paris rendu en date du 29 juin 2017, outre les intérêts légaux, à la somme de 54 600 euros pour la période ayant couru du 10 novembre 2019 au 22 août 2020, à raison du défaut d'exécution de l'injonction portant libération du nom de domaine arkena.com dans le délai prescrit ; soit 182 jours x 300 euros = 54 600 euros,

- liquider l'astreinte provisoire, outre les intérêts légaux, à la somme globale de 4 306 300 euros correspondant au produit du montant de l'astreinte sanctionnant chaque usage prohibé de la dénomination « arkena » par le nombre d'infractions, dûment constatées par procès-verbaux des commissaires de justice, à l'égard de la société Cognacq-Jay Image durant la période pendant laquelle l'astreinte était encourue ; soit 43 063 infractions constatées x 100 euros = 4 306 300 euros,

- liquider l'astreinte provisoire, outre les intérêts légaux, à la somme globale de 663 200 euros correspondant au produit du montant de l'astreinte sanctionnant chaque usage prohibé de la dénomination « arkena » par le nombre d'infractions, dûment constatées par procès-verbaux des commissaires de justice, à l'égard de l'intimée TDF durant l'ensemble de la période pendant laquelle l'astreinte était encourue ; soit 6 632 infractions constatées x 100 euros = 663 200 euros,

- condamner l'entreprise Cognacq-Jay Image à verser à l'appelante Arkena Capital une indemnité forfaitaire de contrefaçon d'un montant de 1 400 000 euros calculée sur une période de 28 mois courant du 10 janvier 2020 au 11 mai 2022 (pièce adverse n° 44 - PV de constat) correspondant peu ou prou au double de l'intéressement que l'appelante aurait dû percevoir sur cette même période si la société Cognacq-Jay Image ne s'était pas dispensée d'autorisation en s'abstenant de signer le contrat de licence dûment négocié,

- condamner le groupe TDF, qui n'a jamais été partie aux négociations engagées entre l'appelante et Cognacq-Jay Image, à verser à l'appelante une indemnité forfaitaire de contrefaçon d'un montant de 2 900 000 euros calculée sur une période de 29 mois courant du 30 janvier 2020 au 24 juin 2022 (pièces adverses n° 45 à 47) ; le tout correspondant au double de l'indemnité sollicitée à l'encontre de l'intimée Cognacq-Jay Image en réparation de l'atteinte portée à la marque objet du litige,

- condamner solidairement les mêmes entreprises à verser à la société Arkena Capital la somme de 15 000 euros du chef de la résistance abusive et du comportement récalcitrant des sociétés intimées, dont l'obstination à ne pas exécuter une décision de justice définitive assortie d'astreintes financières constitue une faute civile causant un dommage certain et distinct à l'appelante,

- condamner sous la même solidarité les sociétés TDF et Cognacq-Jay Image à payer à la société Arkena Capital la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral résultant des actes de contrefaçon commis à son encontre,

- condamner les sociétés intimées TDF et Cognacq-Jay Image à payer ensemble à l'entreprise appelante la somme équitable de 45 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en considération notamment de l'extrême lourdeur de la procédure de première instance, en sus de la somme de 15 000 euros au titre des frais exposés en cause d'appel,

- condamner les sociétés intimées à payer ensemble à l'appelante la somme de 21 530 euros en règlement des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour faire valoir ses droits, en ce compris les honoraires relatifs aux 22 constats de commissaires de justice, dressés sur 4 727 pages entre le 8 janvier 2020 et le 26 octobre 2022, dont les factures justificatives sont versées au dossier,

- condamner in solidum les entreprises intimées aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Pierre de Roquefeuil, sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 septembre 2024 par les sociétés TDF et Cognacq-Jay Image, qui demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 8 septembre 2023 pour avoir :

- rejeté la demande de prononcer une astreinte complémentaire pour le transfert des noms de domaine,

- rejeté la demande de prononcer une astreinte définitive pour les usages de la dénomination Arkena,

- débouté la société Arkena Capital de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- débouté la société Arkena Capital de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel au titre de la contrefaçon de la marque de l'Union européenne n°12807376,

- rejeté la demande de publication du jugement.

- déclarer recevables et bien fondées les sociétés Cognacq-Jay Image et TDF en leur appel incident,

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 8 septembre 2023 en ce qu'il a :

- rejeté la demande d'écarter des débats les pièces n°33 à 53 de la société Arkena Capital,

- liquidé l'astreinte pour le retard de transfert des noms de domaine arkena.fr et arkena.com à la somme de 54 600 euros,

- liquidé l'astreinte pour les usages de la dénomination Arkena par la société Cognacq-Jay Image à payer à Arkena Capital la somme de 18 000 euros,

- condamné en conséquence la société Cognacq-Jay Image à payer à la société Arkena Capital la somme de 72 600 euros,

- liquidé l'astreinte pour les usages de la dénomination Arkena par la société Télédiffusion de France à la somme de 18 000 euros,

- condamné en conséquence la société Télédiffusion de France à payer à la société Arkena Capital la somme de 18 000 euros,

- rejeté la demande de prononcer la nullité de la marque de l'Union européenne Arkena n°12807376,

- condamné la société Cognacq-Jay Image à payer à la société Arkena Capital la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de sa marque de l'Union européenne « arkena » n°12807376,

- condamné la société Télédiffusion de France à payer à la société Arkena Capital la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de la marque de l'Union européenne « Arkena » n°12807376,

- rejeté les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts de la société Cognacq-Jay Image et de la société Télédiffusion de France,

- condamné la société Cognacq-Jay Image et la société Télédiffusion de France aux dépens de l'instance,

- condamné la société Cognacq-Jay Image et la société Télédiffusion de France à payer à la société Arkena Capital la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau de :

Sur la demande en liquidation d'astreinte provisoire au titre du transfert des noms de domaine arkena.fr et arkena.com

A titre principal,

- dire et juger que la société Arkena Capital et la société Cognacq-Jay Image sont convenues de reporter le transfert des noms de domaine arkena.fr et arkena.com au plus tôt le 31 janvier 2019,

- dire et juger que les clés de transfert transmises le 25 novembre 2019 et le 19 mars 2020 permettaient de transférer et de prendre la gestion des noms de domaine,

- supprimer l'astreinte en raison d'une cause étrangère ayant empêché le transfert du nom de domaine arkena.com avant le 19 mars 2020,

- dire et juger que la société Arkena Capital a fait preuve de mauvaise foi et de turpitude,

En conséquence,

- débouter la société Arkena Capital de sa demande en liquidation d'astreinte provisoire au titre du transfert des noms de domaine arkena.fr et arkena.com.

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la société Cognacq-Jay a eu un comportement diligent et a rencontré des difficultés pour transférer le nom de domaine arkena.com,

- dire et juger que la société Arkena Capital a fait preuve de mauvaise foi et de turpitude,

- dire et juger que les demandes en liquidation d'astreintes provisoires sont disproportionnées,

En conséquence,

- modérer le montant de l'astreinte provisoire jusqu'à son anéantissement compte tenu des diligences et des difficultés de la société Cognacq-Jay Image pour transférer les noms de domaine arkena.fr et arkena.com et de la nécessité d'un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant de l'astreinte et l'enjeu du litige,

- débouter la société Arkena Capital de ses demandes de liquidation d'astreinte provisoire au titre du transfert des noms de domaine arkena.fr et arkena.com.

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que le nom de domaine arkena.fr a été transféré le 25 novembre 2019,

- dire et juger que la société Arkena Capital et la société Cognacq-Jay Image sont convenues de reporter le transfert du nom de domaine arkena.com au plus tôt le 31 décembre 2019,

- dire et juger que le cours de l'astreinte a été suspendue à compter du 12 mars 2020,

- dire et juger que le nom de domaine arkena.com a été transféré le 19 mars 2020,

En conséquence,

- débouter la société Arkena Capital de ses demandes de liquidation d'astreinte provisoire au titre du transfert du nom de domaine arkena.fr,

- liquider l'astreinte provisoire relative au transfert du nom de domaine arkena.com à la somme de 10 500 euros pour la période du 1er janvier au 11 mars 2020,

Sur les demandes de liquidation d'astreintes provisoires au titre de l'usage de la dénomination Arkena :

A titre principal,

- écarter des débats les procès-verbaux de constat dressés les 1 er et 13 février 2020, le 1er mars 2022,

- dire et juger que la société Cognacq-Jay Image justifie d'une cause étrangère l'ayant empêchée de transférer le nom de domaine arkena.com avant le 19 mars 2019 et de cesser d'utiliser avant le 19 mars 2019, ce nom de domaine dans le code source et dans des adresses mail de service support à ses clients,

- dire et juger la société Cognacq-Jay Image et de la société TDF ont eu un comportement diligent pour cesser tout usage de la dénomination Arkena,

- dire et juger que la société Arkena Capital a fait preuve de mauvaise foi et de turpitude,

- dire et juger que les demandes en liquidation d'astreintes provisoires de la société Arkena Capital sont disproportionnées au regard de l'enjeu du litige,

En conséquence,

- supprimer l'astreinte provisoire assortissant la mesure d'interdiction d'usage de la dénomination Arkena concernant l'usage du nom de domaine arkena.com dans le code source et dans des adresses mail de service support,

- modérer l'astreinte provisoire assortissant la mesure d'interdiction d'usage de la dénomination Arkena à l'euro symbolique,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la société Cognacq-Jay Image et la société TDF ont eu un comportement diligent pour cesser tout usage de la dénomination Arkena,

- dire et juger que la société Arkena Capital a fait preuve de mauvaise foi et de turpitude,

- dire et juger que les demandes en liquidation d'astreintes provisoires de la société Arkena Capital sont disproportionnées au regard de l'enjeu du litige,

En conséquence,

- supprimer l'astreinte provisoire assortissant la mesure d'interdiction d'usage de la dénomination Arkena concernant l'usage du nom de domaine arkena.com dans le code source et dans des adresses mail de service support,

- modérer l'astreinte provisoire assortissant la mesure d'interdiction d'usage de la dénomination Arkena à l'euro symbolique,

Sur la demande en contrefaçon de marque

A titre principal,

- dire et juger que la société Arkena Capital a déposé la marque de l'Union européenne n°12807376 de mauvaise foi,

En conséquence,

- prononcer la nullité de la marque de l'Union européenne n°12807376 pour l'intégralité des produits et services visés à l'enregistrement.

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la société TDF et la société Cognacq-Jay Image n'ont pas commis d'actes de contrefaçon de la marque de l'Union européenne n°12807376,

En conséquence,

- débouter la société Arkena Capital de sa demande en contrefaçon de la marque de l'Union européenne n°12807376.

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que la société Arkena Capital ne rapporte pas la preuve des préjudices matériel et moral allégués,

En conséquence,

- débouter la société Arkena Capital de ses demandes indemnitaires en contrefaçon de la marque de l'Union européenne n°12807376,

Sur les demandes indemnitaires de la société TDF et de la société Cognacq-Jay Image

- condamner la société Arkena Capital à verser à la société TDF et à la société Cognacq-Jay Image chacune la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à leur image auprès du registrar Gandi,

En tout état de cause,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Arkena Capital,

- débouter la société Arkena Capital de sa demande au titre de l'article 700,

- débouter la société Arkena Capital de sa demande au titre des dépens de première instance,

- condamner la société Arkena Capital à verser à la société TDF la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Arkena Capital à verser à la société Cognacq-Jay Image la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Arkena Capital aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Edmond Fromantin en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 21 novembre 2024 ;

SUR CE,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il est rappelé que la société Arkena Capital, ayant pour nom commercial Arkena, a été immatriculée le 26 mai 2011 au RCS de Paris et a une activité déclarée d'holding, assurant notamment la fourniture de services à ses filiales et/ou participations françaises ou étrangères, et en particulier à titre non limitatif, de services en rapport avec le marketing, la gestion, les systèmes d'information, l'internet, les télécommunications, les médias, le financement ou l'organisation.

La société Télédiffusion de France (TDF), immatriculée le 31 mars 2008 au RCS de Nanterre, est un opérateur d'infrastructure qui fournit des services aux acteurs du numérique.

La société Cognacq-Jay Image (CJI), immatriculée le 5 octobre 1995, était une filiale de la société TDF. Elle aide les chaînes de télévision, les opérateurs télécoms et les propriétaires de contenus multimédias à gérer et à diffuser leurs programmes.

Elle avait adopté la dénomination sociale Arkena le 10 avril 2014.

La société Smart Jog, acquise en 2007 par la société TDF, intervenait dans le domaine des services cloud d'échanges et de gestion de fichiers multimédia.

Le 20 janvier 2014, la société TDF a diffusé un communiqué de presse annonçant le lancement d'une nouvelle entité européenne de services médias sous le nom d'Arkena rassemblant ses filiales intervenant dans ce domaine.

La société Arkena Capital indique avoir alors découvert que la société TDF avait déposé le 3 octobre 2013 la marque verbale française « Arkena » n°13 4 036 921 pour les classes 9, 35, 38, 41 et 42.

Considérant que cette nouvelle dénomination et ce dépôt portaient atteinte à ses droits antérieurs, la société Arkena Capital a adressé, le 30 avril 2014, une lettre à la société TDF la mettant en demeure de renoncer à ses droits sur l'enregistrement de cette marque.

La société Arkena Capital avait antérieurement, le 22 avril 2014, déposé une demande d'enregistrement de la marque communautaire « Arkena » n°12 807 376 en classes 9, 38 et 42, laquelle a été enregistrée.

Par exploits d'huissier de justice des 29 et 30 octobre et 3 novembre 2015, la société Arkena Capital a fait assigner les sociétés TDF, Smartjog et Arkena devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 29 juin 2017, ce tribunal a :

- prononcé la nullité de la marque « Arkena » enregistrée par la société TDF sous le n°13 4 036 921 pour tous les produits et services visés dans l'enregistrement, en ce qu'elle porte atteinte aux droits antérieurs de dénomination sociale et nom commercial de la société Arkena Capital,

- ordonné la transmission du jugement, une fois devenu définitif, aux services de l'INPI pour transcription dans ses registres, à la requête de la partie la plus diligente,

- ordonné à la société Arkena de modifier sa dénomination sociale et son nom commercial du Registre du commerce et des sociétés sous une astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard, dans le délai de quatre mois de la signification du jugement et ce pendant un délai de six mois,

- ordonné à la société Arkena le transfert des noms de domaine arkena.com et arkena.fr au profit de la société Arkena Capital sous astreinte de 300 euros par jour de retard, dans le délai de quatre mois de la signification du jugement et ce pendant un délai de six mois,

- fait interdiction aux sociétés TDF, Smart Jog et Arkena de faire usage de la dénomination ARKENA dans un délai de trois mois sous une astreinte provisoire de 100 euros par infraction constatée, passé un délai de six mois de la signification du jugement et ce pendant un délai de six mois,

- dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes prononcées,

- débouté la société Arkena Capital de ses demandes indemnitaires,

- débouté la société Arkena Capital de sa demande de publicité du jugement,

- condamné in solidum les sociétés TDF, Smart Jog et Arkena à payer à la société Arkena Capital une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les sociétés TDF, Smart Jog et Arkena aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de Me Alexandre Blondieau, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par arrêt rendu le 26 mars 2019, la cour d'appel de céans a :

- confirmé le jugement en toutes ses dispositions, sauf s'agissant du préjudice moral subi par la société Arkena Capital,

y ajoutant,

- condamné la société TDF à payer à la société Arkena Capital la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- condamné in solidum les sociétés TDF et Arkena à payer à l'intimée la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les sociétés TDF et Arkena aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Blondieau, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

A partir du 14 octobre 2019, la société Arkena a repris sa dénomination sociale Cognacq-Jay Image (CJI).

Estimant que les sociétés CJI et TDF n'avaient pas exécuté cet arrêt confirmatif du 26 mars 2019, par exploits d'huissier de justice du 2 mars 2020, la société Arkena Capital les a faites assigner devant le tribunal judiciaire de Paris en liquidation d'astreintes provisoires, fixation d'astreintes définitives, dommages-intérêts en réparation du dommage résultant de leur résistance abusive et réparation du préjudice imputable à la contrefaçon de sa marque.

Par ordonnance du 5 février 2021, le juge de la mise en état a déclaré irrecevables les demandes de la société Arkena Capital formée contre la société TDF en liquidation et en majoration d'astreinte provisoire au titre du transfert du nom de domaine arkena.fr, en liquidation et en majoration d'astreinte provisoire au titre du transfert du nom de domaine arkena.com et en fixation d'une astreinte définitive au titre du transfert du nom de domaine arkena.fr et arkena.com.

C'est dans ces circonstances que le jugement déféré à la cour est intervenu.

MOTIFS :

Sur la liquidation des astreintes et la résistance abusive :

Selon l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, l'astreinte provisoire est liquidée en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.

Elle est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

Si l'astreinte ne constitue pas, en elle-même, une mesure contraire aux exigences du Protocole n°1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que, prévue par la loi, elle tend, dans l'objectif d'une bonne administration de la justice, à assurer l'exécution effective des décisions de justice dans un délai raisonnable, tout en imposant au juge appelé à liquider l'astreinte, en cas d'inexécution totale ou partielle de l'obligation, de tenir compte des difficultés rencontrées par le débiteur pour l'exécuter et de sa volonté de se conformer à l'injonction, il n'en appartient pas moins au juge saisi d'apprécier encore le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but ultime qu'elle poursuit. Il appartient donc au juge d'examiner de façon concrète s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige.

Sur le transfert des noms de domaine arkena.fr et arkena.com :

Il est rappelé que le jugement du 29 juin 2017 a ordonné à la société Arkena, aux droits de laquelle vient la société CGI, de transférer les noms de domaine arkena.com et arkena.fr au profit de la société Arkena Capital sous astreinte de 300 euros par jour de retard, dans le délai de quatre mois de la signification du jugement et ce, pendant un délai de six mois.

Contrairement à ce que soutient la société Arkena Capital, l'astreinte prononcée concernant ces transferts est unique, ainsi qu'il résulte clairement du jugement et il n'existe aucun motif justifiant de procéder à une liquidation distincte selon chaque nom de domaine.

En vertu de l'article R.131-1 du code des procédures civiles d'exécution, l'astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut pas être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire.

Toutefois, elle peut prendre effet dès le jour de son prononcé si elle assortit une décision qui est déjà exécutoire.

Au cas d'espèce, le jugement du 29 juin 2017 n'était pas assorti de l'exécution provisoire.

Aussi, l'astreinte a commencé à courir au jour de la signification de l'arrêt du 26 mars 2019 ayant confirmé ce jugement du chef de la mesure de transfert ordonnée.

L'arrêt du 26 mars 2019 a été signifié le 10 juillet 2019 à la société Arkena, laquelle a repris la dénomination sociale CJI le 14 octobre 2019.

L'astreinte a donc commencé à courir le 10 novembre 2019, soit à l'expiration du délai de quatre mois de la signification de cette décision.

Par application de l'article 4 de l'ordonnance n°2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, le cours de l'astreinte a été suspendu le 12 mars 2020 et a repris le 24 juin 2020 pour expirer le 22 août 2020.

La société CJI oppose que, les 25 novembre 2019 et 19 mars 2020, elle a communiqué par l'intermédiaire de son conseil les clés de transfert des noms de domaine arkena.fr et arkena.com et que la transmission de ces clés a permis à la société Arkena Capital de prendre la pleine gestion de ces noms de domaine auprès du registar Gandi ou par l'intermédiaire d'un autre bureau d'enregistrement.

La société CJI justifie, à cet égard, (pièce n°7) que, par courriers des 25 novembre 2019 et 19 mars 2020, son conseil a adressé à l'avocat de la société appelante les clés de transfert des noms de domaine arkena.fr et arkena.com.

La société Arkena Capital produit un courrier qu'elle a adressé à la société CJI le 16 décembre 2019 (pièce n°12) aux termes duquel elle indiquait que, malgré la communication de la clé de transfert du nom de domaine arkena.fr, elle constatait que l'URL pointait toujours vers la page d'accueil du site internet de la société CJI, cette société étant toujours réputée propriétaire de ce nom de domaine.

Il résulte du procès-verbal de constat du 30 janvier 2020 (pièce 40 appelante) établi par Me [R], huissier de justice, que le trafic web entrant sur les noms de domaine arkena.fr et arkena.com était intégralement redirigé vers la page d'accueil en langue anglaise du site internet de la société CJI dont l'adresse URL de redirection était http://www.cognacqjayimage.com/en/homepage.

Me [R] indique, à cet égard, avoir constaté que, pour traiter les requêtes de résolution des domaines « arkena.fr » et « arkena.com », deux noms d'hôtes distincts avaient été créés et qu'il apparaissait que l'enregistrement DNS de type A pour ces domaines était paramétré de telle façon que tout le trafic internet entrant sur les URL arkena.fr et arkena.com était redirigé vers l'adresse IP 95.81.163.251 appartenant à la SASU TDF. Il observait également que l'intégralité du trafic internet entrant sur les URL « www.arkena.fr » et «www.arkena.com » était redirigé vers l'adresse IP 51.91.236.255 appartenant à un opérateur tiers.

Il est relevé que, par courriel du 6 mai 2020 (pièce appelante 17), le support technique du bureau d'enregistrement Gandi a indiqué à la société appelante que : « Concernant arkena.fr, le changement de propriétaire a bien été initié le 9 avril 2020 par la société TDF. TDF était et est toujours revendeur sur le domaine (') Le changement de propriétaire n'impacte ni les autres contacts (admin, technique et facturation) ni les serveurs de noms. Modifier cela requiert une manipulation effectuée par le revendeur TDF SAS. Concernant arkena.com, c'est plus ou moins la même chose, sauf qu'ici le changement de propriétaire a été terminé le 22 avril 2020. Le revendeur sur ce domaine est la société Smart Jog (avant et après le changement de propriétaire). Je vous confirme donc qu'il y a bien eu changement de propriétaire pour les deux domaines, qu'ils sont tous deux gérés par un revendeur différent et que toutes modifications à faire sur les domaines doivent être effectuées par le revendeur directement. Si vous souhaitez pouvoir gérer les domaines sans passer par les revendeurs, il faudra demander à chacun de procéder à la libération des domaines, afin que vous puissiez les importer sur votre propre compte ». Ce service confirmait, par courriel du 20 mai 2020 (pièce 18), que : « le changement de propriétaire permet de modifier le titulaire des domaines, tandis que la libération d'un domaine permet de supprimer le revendeur d'un domaine, afin que le titulaire en retrouve la gestion complète. Si vous souhaitez cela, il faut demander au revendeur de procéder à la libération des domaines de son portefeuille. Lorsqu'il l'aura fait, l'adresse associée au compte du titulaire du domaine recevra un e-mail lui permettant de créer un compte Gandi tout neuf (ou bien de fusionner avec un compte Arkena Capital déjà existant). Une fois cela fait, vous aurez la main complète sur la gestion de vos domaines ».

Il en résulte, ainsi que l'appelante le soutient avec pertinence, que la seule transmission des clés de transfert n'emportait pas la mise à disposition des noms de domaine, de sorte que cette transmission n'était pas suffisante pour assurer l'exécution de l'obligation prévue par le jugement du 29 juin 2017, le tribunal relevant justement à cet égard que le transfert du nom de domaine s'entend nécessairement de la mise en possession du contrôle de sa gestion, soit sa libération.

Il incombait, par conséquent, à la société CJI, au-delà de la transmission des clés de transfert, de mettre en 'uvre toutes mesures afin de permettre le transfert effectif de la gestion des noms de domaine à la société Arkena Capital.

Aux termes de son procès-verbal de constat du 19 octobre 2020 (pièce 54 appelante), Me [R] relevait que la société Arkena Capital était le titulaire désigné dans les Whois des noms de domaine arkena.fr et arkena.com tandis que l'entreprise CJI apparaissait toujours à la date de son constat dans les registres de l'AFNIC comme le contact administratif du domaine arkena.fr et en tant que référent administratif et technique du domaine arkena.com dans le registre ICANN.

Il s'ensuit qu'en dépit de la communication des clés de transfert et du changement de propriétaire des noms de domaine litigieux, la société CJI avait conservé la gestion administrative et technique des noms de domaines en cause.

Selon procès-verbal de constat du 9 novembre 2020 (pièce 56 appelante), Me [R], comme précédemment observé à la suite de six procès-verbaux de constat effectués entre le 8 janvier 2020 et le 19 octobre 2020, relevait à nouveau que les trois serveurs DNS associés aux noms de domaine arkena.com et arkena.fr demeuraient inchangés.

Il est, à cet égard, observé (pièce 19 appelante), que le support technique du bureau d'enregistrement Gandi mentionnait, par courriel du 20 novembre 2020, que le nom de domaine arkena.fr était géré par le revendeur TDF qui l'avait renouvelé le 21 septembre 2020, que le nom de domaine arkena.com était géré par le revendeur Smart Jog, que ce nom de domaine expirait le 11 décembre 2020 et que, pour son renouvellement, il convenait de contacter directement le revendeur Smart Jog. Selon courriel du 9 janvier 2021 (pièce 20 appelante), ce support technique précisait que le nom de domaine arkena.com avait été renouvelé par le revendeur Smart Jog le 10 décembre 2020.

Il résulte de ces éléments que la société CJI n'avait effectué, au 9 janvier 2021, aucune diligence afin de permettre la libération des noms de domaine au profit de la société Arkena Capital, ceux-ci ayant continué à être exploités par les sociétés TDF et Smart Jog.

Ce n'est que par courriel du 10 février 2021 que le support technique du bureau d'enregistrement Gandi informait la société Arkena Capital que le nécessaire avait été fait auprès des revendeurs et qu'elle allait recevoir deux liens pour récupérer la gestion des noms de domaine arkena.fr et arkena.com (pièce 24 appelante), ces liens étant reçus à cette date.

Aussi, la procédure de libération des noms de domaine n'a été effectuée que le 10 février 2021, suite aux réclamations de la société Arkena Capital.

La société CJI ne caractérise aucune difficulté ou impossibilité technique l'ayant empêchée de faire le nécessaire afin de permettre, dans le délai imparti, à la société Arkena Capital d'être mise en possession effective des noms de domaine.

Elle ne peut se prévaloir, à cet égard, du fait que les parties s'étaient rapprochées afin de reporter le transfert du nom de domaine arkena.com au plus tôt le 31 décembre 2019, ce qui n'a pas donné lieu à un accord effectif, et ne peut pas plus soutenir que le retard dans l'exécution de la mesure proviendrait de la nécessité d'établir une étude d'impact pour identifier les systèmes techniques concernés et déterminer les opérations nécessaires à leur migration, au développement des codes informatiques et la modification des fichiers de configuration, ne justifiant d'aucune difficulté qu'elle ne pouvait prévenir. Par ailleurs, elle ne prouve aucune impossibilité extérieure l'ayant empêchée de faire utilement le nécessaire auprès de ses clients qui utilisaient le nom de domaine arkena.com.

La preuve de difficultés d'exécution de la mesure n'est donc pas rapportée, ainsi que le tribunal l'a à juste titre relevé, la société CGI ne justifiant d'aucune cause étrangère ayant retardé l'exécution de cette mesure, le retard ne pouvant être imputé qu'à un défaut de diligences de cette société.

Aussi, il n'y a pas lieu de minorer le montant de l'astreinte fixée à 300 euros par jour de retard par le jugement du 29 juin 2017, le principe de proportionnalité ne faisant pas échec à la liquidation de l'astreinte à un montant de 54 600 euros (182 jours x 300 jours) pour la période du 10 novembre 2019 au 22 août 2020, la société CGI ne pouvant utilement invoquer que l' astreinte n'aurait pas commencé à courir avant le 31 décembre 2019, étant rappelé qu'aucun accord n'a été formalisé entre les parties pour un transfert des noms de domaine différé au 1er janvier 2020.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la mesure d'interdiction de faire usage de la dénomination Arkena :

Il est rappelé que le jugement du 29 juin 2017 a fait interdiction aux sociétés TDF et Arkena, aux droits de laquelle vient la société CGI, de faire usage de cette dénomination dans un délai de trois mois sous une astreinte provisoire de 100 euros par infraction constatée, passé un délai de six mois de la signification du jugement et ce pendant un délai de six mois.

L'astreinte a commencé à courir au jour de la signification de l'arrêt du 26 mars 2019 ayant confirmé le jugement du chef de cette mesure d'interdiction.

L'arrêt du 26 mars 2019 a été signifié le 10 juillet 2019 à la société Arkena et le 30 juillet 2019 à la société TDF.

L'astreinte a donc commencé à courir le 10 janvier 2020 concernant la société CGI et le 30 janvier 2020 pour la société TDF.

Par application de l'article 4 de l'ordonnance n°2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, le cours des astreintes a été suspendu le 12 mars 2020 et a repris le 24 juin 2020.

Par conséquent, l'astreinte a expiré le 22 octobre 2020 concernant la société CGI et le 11 novembre 2020 pour la société TDF.

Il n'y a pas lieu d'écarter, ainsi que réclamé par les intimées, les procès-verbaux de constat dressés les 1 er février 2020, 13 février 2020 et 1 er mars 2022 dès lors qu'ils ont été régulièrement produits aux débats.

Leur force probante est une question de fond qui relève de l'appréciation de la cour.

Les sociétés CGI et TDF opposent que le tableau récapitulatif des infractions à la décision constatées par huissier de justice établi par l'appelante (pièce 29), le procès-verbal de rapport de constatations de Me [R] du 25 octobre 2023 (pièce appelante 34) et les procès-verbaux de constat des 8 janvier 2020 au 1 er mars 2022 (pièces appelante n°38 à 58) ne sont pas probants, soulevant que les prétendues constatations des commissaires de justice ne se rapporteraient pas au contenu réel des pages ou fichiers consultés, les méthodes utilisées étant contestables.

Or, il ne peut utilement être reproché à ces officiers ministériels d'avoir entrepris leurs investigations à partir d'une simple requête sur le moteur de recherche Google et du mot clé arkena renvoyant à des pages URL permettant de rejoindre les sites internet exploités par les sociétés intimées.

Il est relevé que les commissaires de justice détaillent, dans leurs procès-verbaux de constat, les diligences accomplies en vue d'obtenir les contenus des sites internet litigieux. Il n'est pas établi qu'ils auraient utilisé des man'uvres déloyales en vue d'augmenter le nombre d'occurrences d'usage de la dénomination Arkena, tandis que la totalité des mentions des procès-verbaux correspondent aux constatations personnelles de leurs auteurs.

Il n'est pas caractérisé que le rapport dénombrant le nombre d'infractions constatées de Me [R] du 25 octobre 2023 serait inexact, pas plus que le décompte effectué par l'appelante au regard des constatations faites aux termes des procès-verbaux de constats qu'elle a fait établir.

Les pièces contestées sont donc probantes.

Ne peuvent être comptabilisées dans le cadre de la liquidation des astreintes relatives à l'usage de la dénomination Arkena, les reproductions de ce signe dans les noms de domaine arkena.fr et arkena.com qui font l'objet d'une obligation de transfert avec une liquidation distincte, ainsi que le tribunal l'a retenu à bon droit. Par ailleurs, le sens de l'injonction s'entend de l'usage du signe Arkena sous toutes les formes, y compris dans le code source des pages des sites internet incriminés.

Il résulte amplement des procès-verbaux de constat communiqués que de très nombreuses occurrences étaient visibles sur la plupart des pages des sites internet gérés par les intimées, ainsi que sur les codes-sources de ces pages.

Aux termes de son rapport de constatations du 25 octobre 2023 (pièce appelante 34), qui n'est pas utilement contesté, Me [R] indique qu'il résulte des 13 procès-verbaux de constat effectués entre le 24 janvier 2020 et le 19 octobre 2020, concernant la société CGI, la présence d'occurrences concernant la reproduction de la dénomination Arkena visibles à l'internaute consultant les sites internet accessibles aux adresses cognacqjayimage.com et arkena.com et sur la chaîne YouTube de la société CGI et sur sa page entreprise hébergée sur le réseau social ainsi que des occurrences observées sous forme de méta-tags et de balises titres dans le code source des pages visitées sur le site internet accessible à partir de l'adresse URL cognacqjayimage.com.

Me [R] mentionne également, concernant la société TDF, que, pour la période du 6 février 2020 au 9 novembre 2020, il résulte des procès-verbaux de constat la présence d'occurrences visibles de la dénomination Arkena à l'internaute qui consultait les sites internet accessibles aux adresses URL tdf.fr et preprod.tdf.fr ainsi que sur la chaîne YouTube de la société TDF et des occurrences de cette dénomination sous forme de méta-tags et de balises titres dans le code source des pages visitées sur ces sites internet exploités et administrés par cette société.

Me [R], dans ce rapport qui détaille de manière précise les occurrences relevées, constat par constat, indique, concernant la société CGI, que, pour la période du 24 janvier 2020 au 19 octobre 2020, le signe Arkena apparaissait à l'internaute 10 577 fois tandis que 25 558 occurrences de cette dénomination ont été dénombrées sous forme de méta-tags et de balises titres dans le code source des pages concernant les sites internet exploités par la société CGI ainsi que sur sa page LinkedIn et sa chaîne YouTube. Il précise que sur les 25 558 occurrences de la dénomination Arkena relevées dans le code source des pages du site internet de la société CGI, il a dénombré 1 809 occurrences du nom de domaine arkena.com visibles sous forme d'adresse URL, soit 7,08% du nombre total des occurrences de la dénomination présentes dans le code source des pages web consultées.

Le commissaire de justice indique également, concernant la société TDF, qu'au cours de la période du 6 février 2020 au 9 novembre 2020, le signe Arkena apparaissait à l'internaute 2 635 fois, tandis que 3 666 occurrences de cette dénomination ont été dénombrées sous forme de méta-tags et de balises titres dans le code source des pages visitées sur les sites internet analysés.

Enfin, il résulte des procès-verbaux de constat de Me [U] des 1 er février 2020 et 13 février 2020 (pièces appelante 41 et 43) et non pris en compte dans le rapport de Me [R], que, sur le site internet cognacqjayimage.com, la dénomination Arkena apparaissait respectivement à 1 059 et 1083 reprises visibles à l'internaute. Sur le site tdf.fr, elle était visible à l'internaute à 95 et 116 reprises et était reproduite à 4 623 reprises sur le code source des pages du site cognacqjayimage.com et à 108 reprises sur le code source des pages du site tdf.fr.

Il résulte du procès-verbal de constat du 11 mai 2022 dressé par Me [F], commissaire de justice (pièce intimées 44), qu'il n'existait plus aucune occurrence du signe Arkena sur les sites internet cognacqjayimage.com et sur la chaîne Youtube de la société CGI ainsi que sur le site tdf.fr exploité par la société TDF.

Cependant, la société Arkena Capital justifie, selon procès-verbal de constat de Me [R] du 26 octobre 2022 (pièce appelante 59), que la dénomination Arkena était toujours reproduite à douze reprises sur le compte Twitter appartenant à la société TDF ainsi qu'une fois sur la page LinkedIn de la société CGI.

Les sociétés CGI et TDF, qui devaient faire le nécessaire dans les délais impartis auprès de leurs clients pour retirer des contenus toute reproduction du signe Arkena, ne justifient d'aucune impossibilité ou cause étrangère les ayant empêchées de satisfaire à l'injonction faite par le jugement du 29 juin 2017.

La société Arkena Capital sollicite la fixation de l'astreinte à hauteur de 100 euros par infraction sur la base de 43 063 infractions reprochées à la société CGI et 6 632 infractions concernant la société TDF.

Cependant, il est observé, d'une part, que le calcul effectué inclut des reproductions du signe Arkena dans le titre de pages URL qui ne peuvent être prises en compte car relevant de l'obligation de transfert des noms de domaine arkena.fr et arkena.com, tandis, d'autre part, que les montants sollicités au titre de la liquidation des astreintes apparaissent manifestement disproportionnés au regard de l'enjeu du litige qui vise à mettre un terme aux faits de concurrence déloyale tirée de l'appropriation injustifiée de la dénomination sociale et du nom commercial de la société Arkena Capital.

Par conséquent, c'est à bon droit que le tribunal a minoré le montant des astreintes liquidées.

Néanmoins, il apparaît qu'en liquidant les astreintes provisoires à la somme de 18 000 euros à l'encontre de chacune des intimées, ces montants sont sous-évalués s'agissant de la société CGI eu égard au nombre d'infractions constatées et surévalués concernant la société TDF qui a commis un nombre significativement moins élevé d'infractions.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement de ce chef et de liquider ces astreintes à la somme de 35 000 euros concernant la société CGI et à celle de 10 000 euros pour la société TDF.

Il est relevé que le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a débouté la société Arkena Capital de sa demande d'astreinte complémentaire ou définitive.

Sur la résistance abusive :

Selon l'article L.121-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Arkena Capital de sa demande formée à ce titre, cette société n'établissant pas que le retard des intimées dans l'exécution de leurs obligations serait de nature à présenter un caractère abusif.

Sur la contrefaçon de la marque de l'Union européenne « Arkena » :

Il est rappelé que la société Arkena Capital est titulaire de la marque verbale de l'Union européenne « Arkena » n°012807376 déposée le 22 avril 2014 et enregistrée pour désigner des produits et services des classes 9, 38 et 42.

Sur la validité de la marque n°012807376 :

Les sociétés CGI et TDF font valoir que cette marque a été déposée de mauvaise foi, son dépôt ayant été effectué après que la société TDF avait déposé le 22 octobre 2013 la marque française « Arkena » n°4036921 et le 10 janvier 2014 une marque internationale n°1216149 désignant l'Allemagne, l'Espagne, la Finlande, les Etats-Unis d'Amérique, la Hongrie, la Norvège, le Royaume-Uni et la Suède, tandis que la société Arkena Capital a déposé la marque litigieuse après avoir appris que la société CGI avait modifié le 10 avril 2014 ses dénomination sociale, nom commercial et enseigne pour ceux d'Arkena. Elles en concluent que le dépôt de la marque litigieuse a été effectué de mauvaise foi par la société Arkena Capital dans l'intention de leur nuire et de leur opposer sa marque afin d'obtenir des contreparties financières. Elles ajoutent que la société Arkena Capital n'a jamais eu l'intention d'exploiter sa marque, ne donnant aucun élément sur son activité.

La société Arkena Capital réplique que l'enregistrement de sa marque de l'Union européenne visait à consolider ses droits sur le signe Arkena pour lui garantir une protection plus large par une inscription à titre de marque, après avoir constaté son usurpation par les sociétés intimées, et que le dépôt de sa marque est donc exclusif de toute mauvaise foi. Elle fait valoir qu'elle a toujours eu l'intention d'exploiter sa marque, les actes d'usage ayant été reconnus par les sociétés intimées dans leurs écritures qui avaient été soumises à la cour dans le cadre de l'appel du jugement du 29 juin 2017.

Sur ce :

La Cour de justice de l'Union européenne, dans un arrêt du 29 janvier 2020 (Sky plc, Sky International AG, Sky UK Ltd contre SkyKick UK Ltd,SkyKick Inc, C-371/18) a dit pour droit (point 81) que l'article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 et l'article 3, paragraphe 2, sous d), de la première directive 89/104 doivent être interprétés en ce sens qu'une demande de marque sans aucune intention de l'utiliser pour les produits et les services visés par l'enregistrement constitue un acte de mauvaise foi, au sens de ces dispositions, si le demandeur de cette marque avait l'intention soit de porter atteinte aux intérêts de tiers d'une manière non conforme aux usages honnêtes, soit d'obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d'une marque. Lorsque l'absence d'intention d'utiliser la marque conformément aux fonctions essentielles d'une marque ne concerne que certains produits ou services visés par la demande de marque, cette demande ne constitue un acte de mauvaise foi que pour autant qu'elle vise ces produits ou services.

Le moment pertinent aux fins de l'appréciation de l'existence de la mauvaise foi du demandeur est celui du dépôt, par l'intéressé, de la demande d'enregistrement. L'existence de la mauvaise foi du demandeur, au sens de l'article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (arrêt 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG contre Franz Hauswirth GmbH, affaire C-529/07).

Aussi, il incombe aux sociétés CGI et TDF de rapporter la preuve que la société Arkena Capital était de mauvaise foi lors du dépôt de sa demande de la marque de l'Union européenne 'Arkena'.

Il est relevé, en premier lieu, que la société Arkena Capital a été immatriculée le 26 mai 2011 au RCS de Paris, sous le nom commercial Arkena.

Aux termes de ses écritures, la société Arkena Capital reconnaît avoir découvert que, le 20 janvier 2014, la société TDF avait annoncé le regroupement de plusieurs de ses filiales et le lancement officiel d'une nouvelle entité européenne de services médias sous le nom d'Arkena et appris à cette occasion le dépôt d'une marque verbale française « Arkena » par la société TDF le 3 octobre 2013 pour désigner des produits et services des classes 9, 35, 38, 41 et 42 en rapport avec les médias numériques, la télévision, la radio, la communication et la réception d'informations à distance.

Elle explique qu'elle a déposé, dans ces conditions, la marque verbale de l'Union européenne « Arkena » le 22 avril 2014 afin de consolider ses droits sur sa dénomination sociale et son nom commercial et de lui garantir une protection plus large pour s'opposer à l'exploitation du signe « Arkena » par les sociétés du groupe TDF.

Or, un dépôt à titre de marque d'une dénomination sociale ou d'un nom commercial n'est pas, en soi, empreint de mauvaise foi, dès lors qu'il a été effectué dans le but de garantir la protection des signes distinctifs du déposant contre les tiers.

Par ailleurs, la société Arkena Capital oppose à juste titre que, dans leurs conclusions notifiées le 17 décembre 2018 dans le cadre de la procédure d'appel ayant donné lieu à l'arrêt du 26 mars 2019 (pièce appelante 32), les sociétés TDF et Arkena avaient reconnu qu'il résultait des pièces adverses l'usage du signe Arkena à titre de marque, ce signe étant utilisé pour désigner les produits et services de l'appelante, en particulier la « box » et les services associés à cette « box », étant ajouté qu'aux termes de son arrêt du 26 mars 2019, la cour a reconnu que les pièces produites établissaient que la société Arkena Capital avait, avant le dépôt de sa marque, une activité effective notamment dans l'audiovisuel et offrait des services techniques aux opérateurs de ce domaine, en utilisant la dénomination sociale Arkena Capital.

Par conséquent, la preuve n'est pas rapportée que la marque verbale de l'Union européenne « Arkena » n°012807376 aurait été déposée de mauvaise foi par la société Arkena Capital et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté le moyen des sociétés CGI et TDF tendant à voir déclarer nul l'enregistrement de cette marque.

Sur la contrefaçon :

La société Arkena Capital fait valoir que les sociétés intimées ont commis de nombreux actes de contrefaçon de sa marque, lesquels sont contestés.

Sur ce :

Aux termes de l'article 9 du règlement (CE) 2017/1001 du Parlement européenne et du conseil du 14 juin 2017, sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée.

Il résulte notamment des pièces produites aux débats par la société Arkena Capital que la société CGI reproduisait, sans autorisation de son titulaire, la marque « Arkena » sur des adresses URL permettant de diffuser des programmes radiophoniques (procès-verbal de constat du 18 février 2020-pièce 44 appelante), soit les services radiophoniques visés par la marque en classe 38, que cinq onglets présents sur chacune des pages du site web hébergé sur le domaine « arkena.com » ciblaient différentes rubriques du site internet www.cognacqjayimage.com sur lequel la société CGI désignait des offres de services de distribution de médias couverts par la marque en classe 38 visant les services de transmission et diffusion de données, de sons et d'images et en classe 42 visant les services d'accès par ordinateur par internet à des bases de données, de textes, de documents électroniques ou des contenus multimédia (procès-verbal de constat du 28 février 2020-pièce appelante 45), que le signe « arkena » était utilisé pour donner une indication sur l'origine commerciale des services proposés par la société CGI en vue de fournir du contenu vidéo aux téléspectateurs (procès-verbal de constat du 7 août 2020 pièce appelante 50), ce signe étant visible sous la description des services offerts sur le site internet www.cognacqjayimage.com exploité par la société CGI ; que le signe « arkena » était exploité pour désigner des vidéos promotionnelles des services offerts par cette société visés en classe 42 par la marque s'agissant des services de déploiement de réseaux de diffusion de données numériques sur protocole IP (notamment procès-verbal de constat du 8 avril 2021-pièce appelante n°57).

Il est également établi que la société TDF exploitait le signe « Arkena » pour désigner des services de diffusion en ligne, soit des services visés en classe 38 par la marque (procès-verbal de constat du 8 avril 2021- pièce appelante 57), la société TDF présentant ses services comme « au c'ur de l'ADN d'Arkena » (procès-verbal de constat du 9 novembre 2020- pièce appelante 56), que la société TDF exploitait un lecteur vidéo donnant accès sur son site internet à un vidéogramme hébergé sur sa chaîne You Tube faisant la promotion sous le signe « Arkena » de produits et services exploités par cette société en lien avec l'audiovisuel, soit des produits et services visés par la marque en classes 9, 38 et 42.

Il résulte de ces éléments que les sociétés CGI et TDF ont commis des actes de contrefaçon par reproduction de la marque dont la société Arkena Capital est titulaire.

Sur les mesures réparatrices :

La société Arkena Capital réclame, concernant la société CGI, l'application d'un taux de redevance indemnitaire fixé à 2% du chiffre d'affaires annuel calculé sur la période d'exploitation du signe contrefaisant, faisant référence à un contrat de licence qui aurait dû être régularisé le 31 décembre 2019 mais qui n'a pas été accepté par la société CGI.

Concernant la société TDF, la société Arkena Capital sollicite l'application d'un taux de redevance forfaitaire de 4% du chiffre d'affaires annuel de cette société.

La société Arkena Capital fait valoir également qu'elle a subi un préjudice moral.

Les sociétés CGI et TDF répliquent que la société Arkena Capital ne justifie d'aucun préjudice, celle-ci se désintéressant de sa marque qu'elle n'exploite pas, n'ayant aucun site sous les noms de domaine arkena.fr et arkena.com ; elles ajoutent que la société Arkena Capital présente toutes les caractéristiques d'une coquille vide, n'ayant aucune activité récente dans le domaine de l'audiovisuel, aucun chiffre d'affaires connu ni de salarié.

Sur ce :

En vertu de l'article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

Ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, la société Arkena Capital ne donne aucun élément sur son activité sur la période correspondant à l'exploitation du signe contrefaisant par les sociétés intimées et ne justifie d'aucun préjudice matériel de nature à faire droit à sa demande de fixation d'une redevance.

En revanche, elle a subi un préjudice moral du fait de la dilution de sa marque qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 5 000 euros à la charge de chacune des sociétés CGI et TDF, le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur l'atteinte à l'image des sociétés CGI et TDF :

Les sociétés CGI et TDF font valoir que la société Arkena Capital a fait des déclarations mensongères auprès du bureau d'enregistrement Gandi, portant atteinte à leur image et honneur.

Sur ce :

C'est cependant par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a retenu que la société Arkena Capital n'avait, dans ses réclamations, fait aucune déclaration mensongère ni excessive concernant les sociétés intimées, les démarches de la société Arkena Capital auprès du bureau d'enregistrement Gandi, qui étaient légitimes, ayant permis la libération des noms de domaine arkena.fr et arkena.com enjointe par le jugement du 29 juin 2017, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés intimées de leur demande indemnitaire.

Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement du chef des dépens et des frais irrépétibles, qui incluent le coût des procès-verbaux de constat effectués par la société Arkena Capital.

Les sociétés CGI et TDF seront condamnées in solidum aux dépens d'appel et à payer à la société Arkena Capital une indemnité au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

STATUANT DANS LES LIMITES DE L'APPEL,

CONFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en celles ayant liquidé l'astreinte pour les usages de la dénomination Arkena par les sociétés Cognacq-Jay Image et Télédiffusion de France à la somme de 18 000 euros chacune, condamné ces sociétés au paiement de ces sommes et condamné les sociétés Cognacq-Jay Image et Télédiffusion de France à payer chacune la somme de 2 000 euros à la société Arkena Capital en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de la marque de l'Union européenne « Arkena »,

STATUANT A NOUVEAU et Y AJOUTANT :

LIQUIDE l'astreinte pour les usages de la dénomination Arkena par la société Cognacq-Jay Image à la somme de 35 000 euros,

CONDAMNE en conséquence la société Cognacq-Jay Image à payer à la société Arkena Capital la somme globale de 89 600 euros, soit 54 600 euros au titre de la liquidation de l'astreinte concernant le transfert des noms de domaine + 35 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte concernant les usages de la dénomination Arkena,

LIQUIDE l'astreinte pour les usages de la dénomination Arkena par la société Télédiffusion de France à la somme de 10 000 euros,

CONDAMNE en conséquence la société Télédiffusion de France à payer à la société Arkena Capital la somme de 10 000 euros au titre de la liquidation de cette astreinte,

CONDAMNE la société Cognacq-Jay Image à payer à la société Arkena Capital la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de sa marque de l'Union européenne « Arkena » n°12807376,

CONDAMNE la société Télédiffusion de France à payer à la société Arkena Capital la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de sa marque de l'Union européenne « Arkena » n°12807376,

CONDAMNE in solidum les sociétés Cognacq-Jay Image et Télédiffusion de France aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Me Pierre de Roquefeuil, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum les sociétés Cognacq-Jay Image et Télédiffusion de France à payer à la société Arkena Capital la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE le surplus des demandes.

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