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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 9 avril 2025, n° 24/03610

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

7 Art (SARL)

Défendeur :

Comm (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Bohee, M. Buffet

Avocats :

Me Morel, Me Loisy, Me Yildiz, Me Guilloux, Me Chapoutot

TJ Paris, du 31 janv. 2024, n° 23/13733

31 janvier 2024

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [I] [T] est scénariste, metteur en scène, producteur et réalisateur de films de long métrage et de spectacles vivants. Il se présente comme coauteur et à l'initiative du spectacle musicale 'Les dix commandements' dont la première représentation publique a eu lieu le 4 octobre 2000.

La société 7 Art, immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Paris le 29 septembre 1999, dont M. [T] est le fondateur et gérant, a pour activité les arts du spectacle vivant. Elle expose avoir exploité le spectacle musical 'Les dix commandements' entre 2000 et 2006 en France et à l'étranger.

Elle est titulaire de la marque semi-figurative française 'Les dix commandements' n°4005561, déposée le 13 mai 2013 et renouvelée le 3 mai 2023, pour désigner divers produits et services en classe 16 notamment pour des produits de l'imprimerie, en classe 25, notamment, pour des vêtements, chaussures, chapellerie, en classe 35, notamment, pour de la publicité ou administration commerciale, en classe 38, notamment, pour des télécommunications et en classe 41, notamment, pour l'éducation, la formation ou le divertissement.

M. [Z] [C] est présenté comme coauteur du spectacle musical 'Les dix commandements'.

M. [V] [X] se présente comme coauteur en qualité de metteur en scène du spectacle musical 'Les dix commandements'. Il est également associé de la SARL 7 Art et de la société Comm.

MM. [M] [B] et [A] [K] se présente comme coauteurs des textes des chansons et du livret du spectacle musical 'Les dix commandements'.

M. [P] [O] est auteur, compositeur et interprète de musique, ainsi que coauteur des chansons du spectacle musical 'Les dix commandements'.

M. [W] [H] est chorégraphe, danseur et metteur en scène et coauteur du spectacle musical 'Les dix commandements'.

La SAS Comm, immatriculée le 3 juillet 2023 au RCS de [Localité 14], dont M. [V] [X] est associé, a pour activité les arts du spectacle vivant. Elle indique être à l'initiative et la productrice du spectacle musical 'Les dix commandements - l'envie d'aimer' programmé à compter de mars 2024.

Estimant que la création et la programmation du spectacle musical 'Les dix commandements - l'envie d'aimer' porte atteinte à leurs droits d'auteurs sur le spectacle musical 'Les dix commandements' et sur la marque française n°4005561, M. [T] et la SARL 7 Art ont mis en demeure par courriers du 19 juillet 2023 MM. [X], [O] et la SAS Comm d'en cesser l'usage et de leur communiquer les dates et lieux de représentation du spectacle litigieux.

Par courriers en réponse des 4 et 7 août 2023, la SAS Comm et MM. [X] et [O] ont contesté les droits d'auteur revendiqués par la SARL 7 Art et M. [T] sur les chansons utilisées dans le spectacle musical 'Les dix commandements'.

Par jugement contradictoire rendu le 31 janvier 2024, dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :

écarté la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Comm et M. [V] [X] tirée du défaut d'intérêt à agir de la SARL 7 Art sur le fondement de ses droits voisins de productrice ;

déclaré irrecevables les demandes fondées sur les droits patrimoniaux d'auteur de M. [I] [T] sur le spectacle musical 'Les dix commandements' ;

écarté la fin de non-recevoir soulevée par M. [P] [O] tirée de l'absence de mise en cause par M. [W] [H] de l'ensemble des coauteurs du spectacle musical 'Les dix commandements' ;

écarté la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Comm et M. [V] [X] opposée à M. [I] [T] tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ;

écarté la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Comm et M. [V] [X] tirée du défaut de caractérisation des contributions de M. [W] [H] ;

écarté la fin de non-recevoir soulevée par la SARL 7 Art et M. [I] [T] tirée de l'autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal de grande instance de Paris le 9 octobre 2015 ;

écarté la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Comm et M. [V] [X] tirée de l'autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal de grande instance de Paris le 9 juin 2016 ;

débouté M. [I] [T] de ses demandes fondées sur ses droits d'auteur sur la trame narrative, la mise en scène et la scénographie du spectacle musical 'Les dix commandements' ;

débouté M. [W] [H] de ses demandes au titre de ses droits d'auteur sur le spectacle musical 'Les dix commandements' ;

annulé la marque semi-figurative française 'Les dix commandements' n°4005561 pour défaut de distinctivité pour les services d'éducation, divertissement, activités sportives et culturelles, informations en matière de divertissement et d'éducation, publication de livres, prêts de livres, production de films sur bande vidéo, location de films cinématographiques, location d'enregistrements sonores, location de décors de spectacles, montage de bande vidéo, organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs, réservation de places de spectacles, publication électronique de livres et de périodiques en ligne, micro-édition, production de programmes de radio et de télévision, production et distribution de divertissements radiophoniques, production et édition musicales, production de spectacle, de films cinématographiques, fourniture d'accès en ligne à des enregistrements sonores et vidéo préenregistrés téléchargeables ou non via un réseau informatique mondial, services de fan club, enregistrement et production sonores, production de disques, production de bandes vidéo, divertissement sous forme de programmes de télévision en continu dans le domaine de la musique et du divertissement, publication de livres et de magazines, divertissement sous forme de concerts et de représentations en direct par des artistes et des groupes musicaux, services d'éducation et de divertissement sous forme de production et présentation d'émissions télévisées, de compétitions sportives, de défilés, d'émission de jeux, spectacles musicaux, services de divertissement à savoir représentation de spectacles musicaux, de vidéos musicales, de photographies et autres contenus multimédia sur un site web, organisation d'expositions de divertissement sous forme de festivals de musique, organisation d'exposition, publication électronique de magazines sur internet visés en classe 41 de son enregistrement ;

ordonné la déchéance de la SARL 7 Art de ses droits sur la marque semi-figurative française 'Les dix commandements' n°4005561 pour l'ensemble des produits et services visés classes 16, 25, 35 et 38, produits de l'imprimerie (articles pour reliures, photographies, papeterie, adhésifs, matériel pour les artistes, machines à écrire, etc.) , les vêtements (chaussures, chapellerie, chemise, vêtements en cuir ou en imitation du cuir, ceinture, fourrures, gants, foulards, cravates, bonneterie, etc..), la publicité ou la gestion des affaires commerciales (travaux de bureau, diffusion de matériel publicitaire, services d'abonnement à des journaux, services d'abonnement à des services de télécommunication pour des tiers, etc.), les télécommunications (informations en matière de télécommunication, communication par réseau d'ordinateurs ou par réseau de fibres optiques, communications radiophoniques ou téléphoniques, etc.) et en classe 41 pour les services de formation, recyclage professionnel, mise à disposition d'installation de loisirs, location de magnétoscopes ou de postes de radio et de télévision, services de photographie, organisation de concours, organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès, services de jeu proposés en ligne à partir d'un réseau informatique, et service de jeu d'argent, à compter du 14 novembre 2018 ;

dit que la décision, une fois définitive, sera transmise à l'Institut national de la propriété industrielle par la partie la plus diligente aux fins d'inscription au registre national des marques ;

débouté la SARL 7 Art et M. [I] [T] de leurs demandes fondées sur la contrefaçon de la marque semi-figurative française 'Les dix commandements' n°4°°5561 ;

débouté la SARL 7 Art et M. [I] [T] de leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme ;

rejeté la demande d'écarter des débats la pièce n°41 communiquée par la SAS Comm et M. [V] [X] ;

débouté MM. [V] [X] et [P] [O] de leurs demandes fondées sur le dénigrement ;

condamné M. [I] [T] à payer 10 000 euros à la SAS Comm à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de dénigrement ;

rejeté le surplus des demandes de la SAS Comm en publication sous astreinte ;

débouté la SAS Comm, M. [V] [X] et M. [P] [O] de leurs demandes au titre de l'abus du droit d'ester en justice ;

condamné in solidum la SARL 7 Art, MM. [I] [T] et [W] [H] aux dépens, avec droit pour Maîtres Jean-Marie Guilloux, Jean-Paul Yildiz et Stéphane Loisy, avocats au barreau de Paris, de recouvrer ceux dont ils ont fait l'avance sans recevoir provision ;

condamné in solidum la SARL 7 Art et M. [I] [T] à payer 10 000 euros à la SAS Comm et M. [V] [X], 10 000 euros à M. [P] [O] et 5 000 euros à MM. [M] [B] et [A] [K] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté la SARL 7 Art, M. [I] [T] et M. [W] [H] de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration d'appel du 8 février 2024, enregistrée le 26 février 2024, M. [I] [T] et la société 7 Art ont sollicité la réformation du jugement en toutes ses dispositions, à l'encontre de la société Comm et MM. [V] [X], [P] [O], [M] [B], et [A] [K].

Il a été sollicité les observations des parties sur la caducité de la déclaration d'appel par message adressé aux parties le 14 mai 2024.

Par ordonnance du 3 septembre 2024, la conseillère de la mise en état a statué en ces termes :

Dit n'y avoir lieu de déclarer caduc l'appel formé par la société 7 Art et M. [I] [T],

Condamne la société 7 Art et M. [I] [T] aux dépens de l'incident.

Par requête aux fins de déféré du 13 septembre 2024, la société Comm et M. [V] [X] ont formé un recours contre cette ordonnance.

Ils demandent à la cour de :

DIRE recevable et bien-fondé le présent déféré,

INFIRMER l'ordonnance rendue le 3 septembre 2024 par le conseiller de la mise en état de la Cour d'appel de Paris,

Statuant à nouveau, de :

PRONONCER la caducité de la déclaration d'appel du 8 février 2024 de Monsieur [I] [T] et de la société 7 Art,

CONDAMNER Monsieur [I] [T] et la société 7 Art à verser à Monsieur [V] [X] et à Ia société COMM la somme de 1.200 euros, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER Monsieur [I] [T] et la société 7 Art aux entiers dépens du déféré.

Vu la convocation adressée à l'ensemble des parties pour l'audience de plaidoirie du 4 mars 2025 ;

MOTIFS DE L'ARRÊT

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur la demande d'infirmation de l'ordonnance du 3 septembre 2024

La société Comm et M. [V] [X] soutiennent essentiellement que, faute pour les appelants d'avoir adressé leur conclusions au greffe dans le délai de trois mois suivant leur déclaration d'appel, soit le 10 mai 2024, et faute de justifier d'un cas de force majeur, leur déclaration d'appel doit être déclarée caduque.

Sur ce, aux termes de l'article 916 du code de procédure civile, les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond. Toutefois, elles peuvent être déférées par requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance ou lorsqu'elles constatent son extinction. Elles peuvent être déférées dans les mêmes conditions lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, sur un incident mettant fin à l'instance, sur une fin de non-recevoir ou sur la caducité de l'appel. La requête, remise au greffe de la chambre à laquelle l'affaire est distribuée, contient, outre les mentions prescrites par l'article 57 et à peine d'irrecevabilité, l'indication de la décision déférée ainsi qu'un exposé des moyens en fait et en droit.

En vertu de l'article 908 dans sa rédaction applicable aux faits, « à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.

Et selon l'article 910-3 du même code, « en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911.

En outre la cour de cassation a rappelé qu'ayant constaté que les appelants avaient transmis leurs conclusions au greffe sans respecter les formes imposées par les textes alors en vigueur, une cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher si cette irrégularité avait causé un grief aux intimés dès lors que la caducité de la déclaration d'appel était encourue au titre, non d'un vice de forme de la notification des conclusions entre avocats, mais de l'absence de conclusions remises au greffe dans les délais requis, en a exactement déduit que les appelants n'avaient pas conclu dans le délai qui leur était imparti.

Elle a outre précisé que la caducité de la déclaration d'appel résultant de ce que ces conclusions n'ont pas été remises au greffe dans le délai imparti par la loi ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel, et n'est pas contraire aux exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (2e Civ., 24 septembre 2015, pourvoi n° 13-28.017).

En l'espèce, la déclaration d'appel ayant été formée le 8 février 2024 par la société 7 Art et M. [I] [T], il n'est pas contesté que, compte tenu de ce que les 8 et 9 mai 2024 étaient des jours fériés et de ce qu'en application de l'article 642 du code de procédure civile, le délai expirant un jour férié est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant, le délai pour la remise des conclusions au greffe était prorogé jusqu'au vendredi 10 mai 2024 à minuit.

Il est constant également que les conclusions des appelants ont été adressées aux intimés le 7 mai 2024 mais que la notification au greffe des desdites conclusions par RPVA est intervenue le lundi 13 mai 2024 à 11h34, soit hors du délai imparti par la loi.

Par ailleurs, M. [I] [T] et la société 7 Art, qui n'ont pas conclu dans le cadre de la présente procédure de déféré, n'allèguent ni ne justifient de l'existence d'un cas de force majeure les ayant empêchés de notifier leurs conclusions dans les délais requis.

En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance déférée et de prononcer la caducité de la déclaration d'appel du 8 février 2024 de M. [I] [T] et de la société 7 Art.

Sur les autres demandes

La société 7 art et M. [I] [T], parties perdantes, sont condamnés aux dépens.

Enfin, l'équité et la situation économique des parties commandent de condamner M. [I] [T] et la société 7 Art à verser à la société Comm et à M. [V] [X] une somme de 1.500' au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Infirme l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle a condamné la société 7 Art et M. [I] [T] aux dépens de l'incident,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la caducité de la déclaration d'appel du 8 février 2024 de M. [I] [T] et de la société 7 Art,

Condamne la société 7 Art et M. [I] [T] au paiement des dépens,

Condamne la société 7 Art et M. [I] [T] à verser à la société Comm et M. [V] [X], ensemble, une somme de 1.500 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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