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Décisions

CA Besançon, 1re ch., 8 avril 2025, n° 24/00354

BESANÇON

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Wachter

Conseillers :

M. Saunier, M. Maurel

Avocats :

Me Bauer, SCP Bouveresse Avocats, Me Fluck, Me Ben Daoud, Me Michel

TJ Montbéliard, du 24 janv. 2024, n° 20/…

24 janvier 2024

EXPOSE DU LITIGE

La société [S] [D] a été créée en 1869 à [Localité 15] en Allemagne et a développé une activité d'équipementier automobile. Au début des années 80 du siècle dernier, elle a mis en oeuvre un processus d'expansion en visant plus particulièrement la France où elle a fait l'acquisition de plusieurs sociétés spécialisées dans la fabrication de pièces mécaniques. Ces multiples entités sociétaires ont, ultérieurement, été regroupées sous l'égide d'une société holding, la SAS [16] supervisant 4 filiales dont 3 implantées en France et la 4ème en Allemagne.

En 2011, le groupe a poursuivi son expansion en direction des pays de l'est de l'europe, et plus particulièrement en Roumanie et en Slovaquie.

Mme [G] [I] épouse [D], de nationalité allemande, présidait à la destinée de la société holding. M. [M] [Y] exerçait la fonction de directeur général de la holding, en charge de la gestion comptable et financière, M. [E] [J] exerçait la fonction de directeur général de deux sociétés membres du groupe, M. [X] [Z] était directeur général du groupe et Mme [P] [W] était investie de la fonction de responsable administratif et financière de la holding.

Dans le courant de l'année 2013, Mme [I] épouse [D] a proposé à ses collaborateurs de prendre part à une augmentation de capital de la holding pour un montant de 75 000,00 euros chacun. Les investisseurs ont été mis en confiance par la bonne tenue économique et financière des sociétés du groupe. Toutefois, au mois de décembre 2013 ont été mises à jour des malversations comptables de la société implantée en Allemagne par une surévaluation des stocks et des comptes-client. Cette falsification des comptes a permis aux diverses entreprises d'obtenir des ouvertures de crédits avantageuses.

Par jugement en date du 7 juillet 2015, le tribunal de commerce de Belfort a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SAS [16]. La procédure a été convertie en redressement judiciaire par jugement en date du 13 octobre 2015, puis en liquidation judiciaire par jugement en date du 21 juin 2016.

Par acte d'huissier en date 18 avril 2018, Mme [P] [W], M. [X] [Z] et M. [E] [J] ont fait assigner Mme [I] épouse [D] et son assureur, la compagnie [10], devant le tribunal judiciaire de Montbéliard aux fins d'obtenir le paiement, à titre personnel, des sommes représentatives du prix des parts sociales détenues dans la capital de la holding, en raison des fautes de gestion commises et engageant sa responsabilité de dirigeante à l'égard des porteurs de parts dans le capital social.

Suivant ordonnance du juge de la mise en état en date du 1er avril 2020, l'action a été déclarée prescrite. Par arrêt de la cour de céans en date du 27 octobre 2020, l'ordonnance a été infirmée en raison de l'incompétence du juge de la mise en état pour statuer sur le moyen de fin de non-recevoir tiré de la prescription.

Suivant jugement en date du 24 janvier 2024, la fin de non-recevoir tirée de la prescription a été accueillie dans l'instance introduite au fond, et les requérants condamnés à payer à la défenderesse, Mme [D], la somme de 1500,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Le tribunal a estimé que le point de départ du délai de prescription triennale applicable aux actions en responsabilité diligentées contre les dirigeants sociaux devait être fixé à la date d'une réunion de service, tenue le 23 janvier 2015, au cours de laquelle a été évoquée la situation financière obérée du groupe, et à laquelle participaient les cadres investisseurs, si bien que le premier acte interruptif, formalisé par l'assignation introductive de l'instance au fond, intervenue le 18 avril 2018, l'avait été au delà de l'échéance du terme du délai de prescription.

Suivant déclaration au greffe en date du 8 mars 2024, les consorts [Z], [J] et [W] ont interjeté appel du jugement rendu. Aux termes de leurs ultimes conclusions, en date du 5 juin 2024, ils sollicitent que la cour statue dans le sens suivant :

- Infirmer le jugement rendu.

- Déclarer les requérants recevables en leur action.

- Dire et juger que Mme [G] [I] épouse [D] a commis une faute en leur faisant souscrire une augmentation de capital sur la base de données comptables fallacieuses.

- En toute hypothèse, dire et juger que l'intéressée a commis une faute d'imprudence et de négligence.

- Condamner, in solidum, Mme [I] épouse [D] et son assureur, à payer à chacun des actionnaires les sommes suivantes :

- Mme [W] : 114 027,76 euros.

- M. [J] : 114 027,76 euros.

- M. [Z] : 100 917,88 euros.

- Condamner Mme [I] épouse [D] à payer à chacun des concluants la somme de 5000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir les moyens et arguments suivants :

- Le point de départ du délai triennal de l'article L. 225-254 du code de commerce est fixé à la date de révélation du dommage. Le tribunal a retenu celle du 23 janvier 2015 à laquelle a eu lieu une réunion d'information sans que ni la nature, ni l'ampleur des malversations et leur imputabilité ne soient connues. Le point de départ correspond donc à la date à laquelle la société implantée en Allemagne a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de Tübingen. L'assignation interruptive de prescription a été délivrée le 18 avril 2018, soit dans l'intervalle du délai extinctif.

- Mme [I] épouse [D] détenait les pleins pouvoirs de gestion au sein de la société holding si bien que le dommage subi par les investisseurs lui est entièrement imputable. Le contrôle des comptes lui incombait, ce dont il se déduit qu'elle aurait dû s'apercevoir des falsifications opérées par l'expert-comptable de la société située en Allemagne.

* * *

En réponse, Mme [I] épouse [D] conclut à la confirmation du jugement dont appel. Dans ses ultimes conclusions à portée récapitulative en date du 3 septembre 2024 , elle invite la cour à statuer dans le sens suivant :

- Confirmer le jugement dans toutes ses dispositions.

Subsidiairement,

- Rejeter les pieces 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 16, 20 et 22 dans la mesure où elles sont rédigées en langue étrangère, en l'occurrence l'allemand, sans avoir été traduites.

- Constater l'absence de faute de gestion de la concluante de même que l'absence de tout lien de causalité avec le dommage et débouter, en conséquence, les appelants de leurs prétentions.

Plus subsidiairement,

- Constater que les appelants ne justifient pas du préjudice qu'ils invoquent.

- Condamner les appelants à lui payer la somme de 4500,00 euros en compensation des frais irrépétibles exposés.

Elle signale, de ce point de vue, que :

- Dès la réunion qui a rassemblé les parties au présent procès et qui a eu lieu le 23 janvier 2015, étaient révélées les difficultés financières du groupe à la suite de la découverte de dissimulations frauduleuses commises par le comptable de l'entreprise allemande qui a agi ainsi pour maximiser les primes auxquelles il pouvait prétendre. Ainsi, dès le 16 janvier 2015, le cabinet comptable allemand informait la concluante de la nécessité de revoir les rapports d'audit antérieurs dont la fiabilité était plus que douteuse.

- Les appelants étaient d'autant plus renseignés sur l'état des comptes qu'ils ont adressé un courrier à la concluante, en date du 12 février 2015, dans lequel ils sollicitaient d'être garantis du montant investi en cas de défaillance du groupe d'entreprises.

- N'étant pas responsable de la fraude, aucune faute de négligence ne peut lui être imputée.

* * *

Aux termes d'écritures récapitulatives en date du 27 août 2024 , la compagnie d'assurances [10] se prononce en faveur du rejet des moyens, fins et prétentions exposés par les appelants, dans les termes suivants :

- Confirmer le jugement déféré.

- Déclarer, en conséquence, irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité engagée par les requérants à l'encontre de son assurée Mme [I] épouse [D].

Subsidiairement

- Déclarer irrecevable pour défaut de qualité à agir l'action introduite à l'encontre de l'assurée.

Plus subsidiairement

- Débouter les appelants de leurs demandes, tant à l'encontre de la compagnie concluante que de l'assurée.

- Condamner, in solidum, les appelants à payer à la compagnie concluante la somme de 15 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec distraction au profit de l'avocat constitué.

Elle soutient, ce faisant, que :

- Les appelants opèrent une confusion entre la connaissance du dommage et celle du fait dommageable. C'est à la date de révélation de celui-ci que doit être fixé le point de départ du délai, soit, en l'occurrence, le 23 janvier 2015.

- L'associé est dépourvu de toute action contre le dirigeant dans la mesure où son préjudice personnel se confond avec le préjudice social.

- Il ne peut être fait grief à l'assurée d'avoir manqué à ses obligations de vérification et de contrôle alors que les appelants eux-mêmes, cadres dirigeants de l'entreprise, avaient accès aux mêmes données qu'elle.

* * *

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 21 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Les intimés sollicitent la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a accueilli le moyen de fin de non-recevoir tiré de la prescription.

Aux termes de l'article L. 225-254 du code de commerce :

' L'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par 3 ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation (. . .).'

S'agissant d'une action visant à rechercher en responsabilité un mandataire social, le point de départ du délai triennal de prescription doit être fixé à la date à laquelle le manquement fautif est, non seulement, établi mais imputé à son auteur (Cass. Com 9 janvier 2019 n° 16-23.675). Dès lors, si des soupçons de malversation financière se sont élevés antérieurement à l'incrimination d'une omission fautive de la part du dirigeant, ils ne peuvent être assimilés à un fait dommageable à défaut de grief personnel articulé sur ce fondement contre l'associé.

Au cas présent, la date à laquelle les faits de fraude ont été portés à la connaissance des investisseurs est celle d'une réunion à laquelle ils étaient invités avec, à l'ordre du jour, l'évocation des comptes, soupçonnés d'avoir été altérés et falsifiés, le 23 janvier 2015. Il n'est cependant pas établi que l'inertie de Mme [D], comme étant à l'origine éventuelle d'une perte de valeur des différentes sociétés du groupe, ait été évoquée.

Dans un courrier adressé à la dirigeante en date du 13 mai 2015, les associés lésés ont exprimé leurs doléances dans les termes suivants :

' Nous apprenons qu'il y a eu manipulation des chiffres pour présenter un résultat 2023 positif. Le prévisionnel présenté pour les marchés 'tubes' est erroné. Estimant avoir été trompés et n'ayant aucun pouvoir légal sur les futures décisions des actionnaires majoritaires nous vous demandons de garantir le montant investi en cas de défaillance du groupe ou procéder au rachat de nos parts.'

Les termes de la missive partiellement sus-reproduite ont une portée comminatoire en vue de la sauvegarde des intérêts des associés concernés mais ne formulent aucune accusation contre la destinataire.

Les intéressés entendent voir fixer le point de départ du délai triennal de prescription à la date à laquelle le tribunal de Tubingen a ouvert une procédure d'insolvabilité à l'encontre de la société du groupe implantée en Allemagne, soit le 25 juin 2015. Dès lors, même s'il ne peut être inféré de cet évènement, et de manière univoque, que les associés aient pu connaître la nature et l'étendue des manquements fautifs qu'ils reprochent à la dirigeante, leur manifestation de volonté en ce sens suffit à marquer le point de départ du délai de prescription. Ce délai a été interrompu pour la première fois par l'assignation délivrée le 18 avril 2018, soit dans l'intervalle du délai triennal prévu par l'article de loi précité. Il doit, cependant, être observé que le principal grief dirigé contre Mme [D] réside dans son rôle incitatif dans la souscription de parts sociales. C'est donc à la date à laquelle la santé financière de la principale société du groupe a été durablement compromise, que les agissements de celle-ci ont pu être appréhendés comme ayant un caractère éventuellement dolosif. Il s'ensuit que le moyen de fin de non-recevoir tiré de la prescription triennale ne peut être admis. Le jugement sera, par suite, infirmé.

* * *

L'intimée sollicite, à titre subsidiaire, que soient distraites du dossier de la procédure les pièces rédigées en langue allemande et non traduites en français.

L'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que la langue de la République est le français. L'article 111 du décret de Villiers-Cotteret en date du 25 août 1539, et toujours en vigueur, impose la rédaction en français des actes de procédure. Toutefois, cette obligation ne concerne que les actes de procédure au sens strict. Il s'ensuit que des pièces produites aux débats rédigées en langue étrangère, lesquelles ne s'analysent pas en des actes de procédure, sont recevables et laissées à l'interprétation souveraine des juges du fond (Cass. 2° Civ. 24 mai 2011 n° 10-18.608). Le moyen est donc inopérant.

* * *

La compagnie d'assurances [10] conclut à l'irrecevabilité des prétentions des requérants, motifs pris de ce qu'elle caractérise une demande sociale et non une série de prétentions individuelles irréductibles à la réparation d'un préjudice personnel à chaque associé.

La distinction entre action individuelle, propre au porteur de parts et irréductible à celle des autres créanciers, et action sociale, vocable qui s'applique au recouvrement de toute créance indemnitaire réparant un préjudice collectif, est posée par l'article1843-5 du code civil, localisé en termes identiques à la matière spécifique des sociétés anonymes par l'article L. 225-52 du code de commerce. Cette dichotomie assigne à chacune des catégories un domaine spécifique. Le préjudice personnel est celui qui se situe à la pérphérie de l'endettement social et affecte des intérêts patrimoniaux distincts de ceux de la communauté des créanciers. A l'inverse, le préjudice de la société englobe ceux qui, même éprouvés à titre individuel, ne s'agrègent pas moins au passif de la société débitrice si bien que toute action en paiement dirigée contre elle ou son dirigeant ne vise qu'à la reconstitution du gage commun des créanciers. Partant, le tiers ou l'associé lésé doit se soumettre aux règles particulière et à la discipline induite par la nature sociale de la créance dont le recouvrement est entrepris.

Dans cette optique, il convient de rappeler que tout apport, en numéraire ou en nature, s'analyse en une dette de la société même si elle entre dans l'assiette de calcul des capitaux propres à l'entreprise et, symétriquement, se définit comme une créance du titulaire d'une quote-part du capital à l'égard de l'entité sociétaire. C'est à l'aune de cette classification que doit donc être appréciée la pertinence du moyen.

Il convient, à cet égard, de rappeler l'effet attractif du régime spécifique à l'action en réparation du préjudice social qui absorbe le préjudice personnel lorsque l'un des critères d'identification du premier est satisfait.

Dans le contexte d'une procédure de liquidation judiciaire, la problématique précédemment esquissée se double de celle afférente au monopole dévolu au liquidateur pour réaliser l'actif, et ce en vertu des prescriptions des articles L. 622-20 et L. 641-4 alinéa 3 du code de commerce. Dès lors, le créancier qui entend, à titre individuel, voir mettre en jeu la responsabilité du dirigeant d'une société placée en liquidation judiciaire pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture doit invoquer un préjudice personnel distinct de celui de la masse des créanciers et une faute du mandataire social détachable de ses fonctions (Cass. Com. 16 janvier 2019 n° 17-17.210). La juridiction saisie doit ainsi, même d'office, procéder à cette recherche relative à la recevabilité de l'action engagée aux fins de recouvrement de tout ou partie de l'actif. Dans cette optique, la reconnaissance du caractère social de la créance donne prise à un moyen de fin de non-recevoir fondé sur le défaut d'intérêt à agir de l'instigateur de l'action (cf jurisprudence précitée).

En l'occurrence, la reprise des apports, convertie dans le cadre de l'instance en responsabilité en demande en paiement de dommages et intérêts, tend à la récupération d'une créance sociale qui ne présente aucune autonomie par rapport à celles que le liquidateur a la charge de recouvrer à titre exclusif. Il incombe, à ce titre, aux investisseurs de déclarer leur créance d'apport au passif de la procédure collective pour escompter être désintéressés de leur créance, dans la proportion de l'actif réalisé et de la procédure d'ordre qui lui fait suite. Partant, la demande en paiement de dommages et intérêts dirigée contre le dirigeant d'une société en liquidation judiciaire ne vise qu'à substituer l'organe de la procédure dans sa mission de reconstitution du gage des créanciers. Elle doit, dans ces conditions, être qualifiée d'action sociale qu'ils ne peuvent individuellement exercer.

Il s'ensuit que la fin de non-recevoir excipée par l'assureur doit être accueillie.

* * *

Ce n'est donc que surabondamment que sera évoqué la faute imputée à la dirigeante. Aux termes de l'article L. 225-251 du code de commerce :

' Les administrateurs sont responsables individuellement ou solidairement envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou règlementaires, soit des violations des statuts, soit des fautes commises lors de leur gestion.'

Au cas présent, il est fait grief à Mme [I] épouse [D], non pas d'être impliquée dans l'entreprise de falsification des comptes, mais de s'être soustraite, par négligence, à toute vérification des bilans comptables et des audits de gestion établis par les commissaires aux comptes, l'incitant ainsi à davantage de prudence dans la présentation de la situation financière du groupe lors de l'augmentation de capital à laquelle ont favorablement répondu les cadres investisseurs. Or, les manoeuvres frauduleuses, imputables semble-t-il à un commaissaire aux comptes allemand, n'ont été mises à jour que plus de quatre ans après qu'elles ont été réalisées et après vérification approfondies de la part d'autres commissaires aux comptes qui ont révélé l'ampleur de la sous-estimation des capitaux propres des entreprises du groupe. Il va donc de soi que le degré de sophistication des techniques de malversation des comptes faisait obstacle à ce que ceux-ci soient aisément décelées par le dirigeant qui était fondé à accorder sa confiance aux professionnels attachés à son service. Au surplus, la fraude émanait d'un opérateur intervenant à l'étranger, en l'occurrence en Allemagne, ce qui ne peut que relativiser le crédit accordé à l'idée d'une obligation de vigilance à la charge de la présidente de la holding implantée en France.

Il ne ressort pas, ensuite, des pièces de la procédure que les malversations étaient aisément repérables à la seule lecture des bilans et autres rapports, ni même que les résultats prétendument enregistrés au niveau du groupe aient été en déphasage tel avec l'expérience de gestionnaire de l'intimée, qu'elle ne pouvait que suspecter l'existence de manoeuvres frauduleuses. Il s'ensuit que

la faute de gestion, qui doit être appréhendée par rapport à un référentiel standard d'obligations de contrôle du rendement productif de l'activité exercée, n'est aucunement caractérisée au cas présent.

Dès lors la responsabilité civile du dirigeant est d'autant moins encourue qu'elle est subordonnée, ainsi qu'il l'a été vu, à la preuve d'une faute détachable des fonctions. Celle-ci se définit traditionnellement comme un agissement dommageable intentionnel d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales (Cass. Com. 20 mai 2003 n° 99-17.092). Les critères ainsi dégagés ne trouvent pas à s'appliquer, en toute hypothèse, au cas d'espèce si bien que la faute détachable n'est aucunement établie.

* * *

L'équité ne commande pas l'application, au cas d'espèce, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties intimées conserveront donc l'entière charge de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi :

- Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

- Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité engagée par les associés contre le dirigeant social ;

- Déboute Mme [G] [I] épouse [D] de sa demande de distraction du dossier de la procédure de pièces rédigées en langue allemande ;

- Accueille la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme [P] [W], M. [X] [Z] et M. [E] [J] ;

- Déboute Mme [G] [I] épouse [D] et la compagnie [10] du surplus de leurs demandes ;

- Condamne 'in solidum' Mme [P] [W], M. [X] [Z] et M. [E] [J] aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Me Ben Daoud, aux offres de droit.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé aux débats et Fabienne Arnoux, greffier.

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