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Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 9 avril 2025, n° 24/01914

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 24/01914

9 avril 2025

09/04/2025

ARRÊT N° 212/2025

N° RG 24/01914 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QIQA

SG/IA

Décision déférée du 03 Mai 2024

Président du TJ de TOULOUSE

( 24/00127)

C.LOUIS

Etablissement Public CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE [Localité 11]

C/

[E] [A]

Association 'LOISIRS EQUITABLES' ECURIES DE BESSIERES

S.A. ALLIANZ IARD

Caisse CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GA RONNE

S.A. GENERALI IARD

Mutuelle GENERATION

Etablissement Public OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDI CAUX (ONIAM)

Mutuelle SG SANTE EXERÇANT SOUS L'ENSEIGNE COMMERCIAL AGEO

Mutuelle MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANT

CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE [Localité 11]

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représentée par Me Aimée CARA de la SELARL CABINET D'AVOCATS MONTAZEAU & CARA, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS

Monsieur [E] [A]

[Adresse 2]

[Localité 16]

Représenté par Me Emmanuel GILLET de la SCP CARCY-GILLET, avocat au barreau de TOULOUSE

Association 'LOISIRS EQUITABLES' ECURIES DE BESSIERES

[Adresse 17]

[Localité 12]

Assignée le 28 juin 2024 à personne morale, sans avocat constitué

S.A. ALLIANZ IARD

Es qualité d'assureur de l'Association « Loisirs Equitables » - Ecuries de Bessières

[Adresse 1]

[Localité 18]

Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Charlotte GUESPIN, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GA RONNE

[Adresse 10]

[Localité 11]

Assignée le 28 juin 2024 à personne morale, sans avocat constitué

S.A. GENERALI IARD, assureur de l'association « Loisirs Equitables » Ecuries de BESSIERES

[Adresse 5]

[Localité 14]

Représentée par Me Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN - ESPAGNO - SALVADOR, avocat au barreau de TOULOUSE

Mutuelle GENERATION

[Adresse 3]

[Localité 9]

Assignée le 28 juin 2024 à personne morale, sans avocat constitué

OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDI CAUX (ONIAM)

[Adresse 22]

[Localité 19]

Représentée par Me Ingrid CANTALOUBE-FERRIEU, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE et par Me Pierre RAVAUT de la SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

Mutuelle SG SANTE

exerçant sous l'enseigne commerciale AGEO

[Adresse 4]

[Localité 13]

Assignée le 28 juin 2024 à personne morale, sans avocat constitué

MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE

[Adresse 7]

[Localité 15]

Représentée par Me Emmanuel GILLET de la SCP CARCY-GILLET, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. GAUMET, conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

E. VET, conseiller faisant fonction de président de chambre

P. BALISTA, conseiller

S. GAUMET, conseiller

Greffier, lors des débats : K. MOKHTARI

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par E. VET, président, et par K. MOKHTARI, greffier de chambre

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [D] [A] , épouse de M. [E] [A], est propriétaire de deux chevaux mis en pension auprès de l'association Loisirs Equitables, gérant les écuries de Bessières. Suite à de forts coups de vent au cours du mois de décembre 2018, le toit de l'abri accueillant les chevaux de Mme [A] a été endommagé. Le 30 décembre 2018, M. [A] a entrepris, à titre bénévole, de réparer ce toit sur lequel il est monté et dont il a chuté d'une hauteur d'environ trois mètres. Sa tête et son hémicorps droit ont heurté l'abreuvoir en béton situé en dessous de son point de chute.

M. [A] a été médicalisé sur place par les sapeurs pompiers, qui l'ont transporté au service des urgences puis au service de Traumatologie-Orthopédie du CHU [21] à [Localité 11]. Dans la nuit du 30 au 31 décembre 2018, M. [A] a été opéré en vue d'une réduction de la fracture-luxation du cotyle droit avec traction par broche transtibiale droite avec un poids de traction de 8 kilogrammes. Par la suite, une radio et un scanner du bassin et du crâne ont été réalisés. Le certificat médical rédigé par le Dr [Z] le 08 janvier 2019 faisait mention des lésions suivantes :

- Fracture-luxation postérieure du cotyle droit associée à une fracture de la paroi postérieure avec impaction cartilagineuse,

- Plaie occipitale d'environ 3 centimètres,

- Dermabrasions des membres supérieures droit et gauche.

La rééducation, les soins et examens se sont poursuivis.

Le 07 janvier 2020, il a été procédé à la mise en place d'une prothèse de hanche droite, ainsi qu'à une neurolyse du nerf sciatique droit, par le Dr [L] exerçant au service de traumatologie de l'hôpital [21].

Suite à deux luxations prothétiques de la hanche droite, M. [A] a été hospitalisé au CHU de [21] du 15 au 23 juillet 2020 en raison d'une suspicion d'une prothèse instable par infection prothétique. Des prélèvements bactériologiques au niveau de la hanche et nasal ont mis en évidence un staphylocoque aureus.

Une expertise médicale amiable a été effectuée par le Dr [P], mandaté par la MAIF, assureur de M. [A]. Dans son rapport du 25 février 2021, il est indiqué que dans les suites de la fracture-luxation postérieure du cotyle et de la mise en place de la broche trans-condylienne, est apparue une lésion du nerf sciatique et du nerf sciatique poplité externe droit qui est imputable pour une partie à la fracture-luxation, pour une autre à la chirurgie de réduction et pour une autre partie à la mise en place de la broche trans-condylienne entrant dans un aléa thérapeutique pour la lésion du nerf fibulaire commun droit au niveau trans-condylien, que l'expert évalue à 75%. Il a notamment été retenu une absence d'état antérieur, une date de consolidation fixée au 20 avril 2020 et un déficit fonctionnel permanent de 15% .

Le 05 novembre 2021, M. [A] s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé. Il lui a été alloué une pension d'invalidité sur la base d'un handicap de catégorie 2 de 50%.

Par acte en date du 10 janvier 2024, M. [E] [A] et la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) en sa qualité d'assureur subrogé, ont fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de [Localité 11] , en application de l'article 145 du code de procédure civile, l'Association Loisirs Equitables écuries de Bessières, la SA Allianz Iard et la SA Generali Iard en leur qualité d'assureurs de ladite association, le Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 11], Hôpital [21], l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (ONIAM), la Caisse primaire d'Assurance Maladie de la Haute Garonne, la mutuelle SG Santé exerçant sous le nom commercial Aego et la mutuelle Génération, aux fins de voir désigner un médecin expert chargé de vérifier si l'intervention ou les soins pratiqués en suivant d'une chute le 30 décembre 2018 sont ou non en relation avec les complications évoquées ou avec l'aggravation de son état antérieur, ainsi que la condamnation du Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 11], Hôpital [21] à communiquer les coordonnées de son assureur 'responsabilité civile professionnelle'.

Par ordonnance réputée contradictoire en date du 3 mai 2024, le juge des référés a :

- ordonné l'organisation d'une mesure d'expertise et commis pour y procéder : M. [C] [I] demeurant [Adresse 20], ou à défaut M. [E] [R] demeurant [Adresse 8], avec une mission pour le détail de laquelle il est renvoyé à l'ordonnance,

- et enjoint aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation,

- laissé les dépens à la charge de M. [E] [A] et la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF).

Par déclaration en date du 5 juin 2024, le Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 11], Hôpital [21] a relevé appel de la décision en ce qu'elle a :

- enjoint aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 11], Hôpital [21], dans ses dernières conclusions en date du 24 juillet 2024, signifiées par exploit de commissaire de justice du 19 juillet 2024 à la CPAM de la Haute-Garonne à personne habilitée, du 26 juillet 2024 à la mutuelle SAS Génération et à la Mutuelle SG Santé à personne habilitée, du 07 août 2024 à l'Association Loisirs Equitables écuries de Bessières transformé en procès-verbal de recherches infructueuses, demande à la cour de :

- accueillir l'appel interjeté par le CHU de [Localité 11],

- le dire recevable et bien fondé,

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :

'enjoint aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation',

ce faisant,

- modifier l'ordonnance de référé rendue le 3 mai 2024 (RG 24/00127) en ce qu'elle enjoint la partie défenderesse à produire tous documents utiles au bon déroulement des opérations d'expertise sollicitées par M. [A] à l'exclusion des documents protégés par le secret professionnel sauf à ce que le demandeur ne donne son accord exprès,

« modalités techniques impératives avis aux parties

(...)

et enjoignons

(...)

' aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation,

disons qu'à défaut d'obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires, l'expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l'état ; » (pages 8 et 9 de l'ordonnance). »

statuant de nouveau,

- autoriser le CHU de [Localité 11] à produire et à remettre aux experts toutes pièces, y compris médicales et protégées par le secret, nécessaires à leur défense dans le cadre des opérations d'expertise à intervenir, sans que le demandeur ne puisse s'y opposer en invoquant les règles du secret médical et professionnel,

en conséquence,

- ordonner par une mention rectificative de la mission d'expertise, que le CHU de [Localité 11] puisse produire et remettre aux experts toutes pièces, y compris médicales et protégées par le secret, nécessaires à leur défense dans le cadre des opérations d'expertise à intervenir, sans que le demandeur ne puisse s'y opposer en invoquant les règles du secret médical et professionnel ou en supprimant la référence à cette mention :

« modalites techniques imperatives

avis aux parties

(...)

et enjoignons

(...)

' aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, y compris de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sans que le demandeur ne puisse s'y opposer en invoquant les règles du secret médical et professionnel,

disons qu'à défaut d'obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires, l'expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l'état (...) » (pages 8 et 9 de l'ordonnance).

- statuer ce que de droit sur les dépens.

- condamner M. [A] et la MAIF au paiement d'une somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles de la présente instance outre les entiers dépens.

L'ONIAM dans ses dernières conclusions en date du 24 juillet 2024, demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur l'appel du CHU de [Localité 11], et sa demande visant à voir infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a enjoint la partie défenderesse à produire tous documents utiles au bon déroulement des opérations d'expertise, à l'exclusion des documents protégés par le secret professionnel sauf à ce que le demandeur nous donne son accord express,

- condamner la partie succombante aux entiers dépens.

La SA Générali Iard dans ses dernières conclusions en date du 2 août 2024, demande à la cour au visa des articles 145 et 835 du code de procédure civile, de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, de :

- rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,.

- statuer ce que de droit sur l'appel du Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 11] et sa demande visant à voir infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a enjoint la partie défenderesse à produire tous documents utiles au bon déroulement des opérations d'expertise, à l'exclusion des documents protégés par le secret professionnel, sauf à ce que le demandeur nous donne son accord express,

- condamner la partie succombante aux entiers dépens.

M. [E] [A] et la MAIF dans leurs dernières conclusions en date du 23 septembre 2024, demande à la cour au visa des articles 1110-4 et R.4127-4 du code de la santé publique, les articles 138 à 141 et l'article 145 du code de procédure civile, de :

- confirmer l'ordonnance de référé en toutes ses dispositions.

- rejeter la demande de mise hors de cause de la compagnie Allianz.

y ajoutant,

- condamner in solidum le CHU de [Localité 11] et la compagnie Allianz à verser la somme de 2 000 euros à M. [E] [A] et la MAIF en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes parties aux entiers dépens d'appel avec distraction de droit au profit de Me Gillet, avocat constitué en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La SA Allianz Iard dans ses dernières conclusions en date du 23 août 2024, demande à la cour au visa des articles 30 et suivants du code de procédure civile, de :

- juger la compagnie SA Allianz Iard recevable et bien fondée en ses demandes,

y faisant droit

- infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a ordonné des opérations d'expertise au contradictoire de la SA Allianz Iard,

et statuant de nouveau,

- juger que M. [E] [A] et la MAIF, demandeurs, ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un contrat souscrit par l'Association Loisirs Equitables écuries de Bessières auprès de la SA Allianz Iard,

- débouter par suite M. [E] [A] et la MAIF de leur demande tendant à ce que les opérations d'expertise dont ils sollicitent l'instauration soient déclarées communes et opposables à la SA Allianz Iard et se déroulent à son contradictoire,

- débouter toutes parties de toutes demandes à l'encontre de la SA Allianz Iard,

- mettre hors de cause la SA Allianz Iard,

- condamner M. [E] [A] et la MAIF à verser à la SA Allianz Iard la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

La CPAM de la Haute-Garonne, la mutuelle SAS Génération, la Mutuelle SG Santé et l'Association Loisirs Equitables écuries de Bessières, auxquelles le CHU de [Localité 11] Hôpital [21] a fait signifier sa déclaration d'appel et l'avis de fixation à bref délai suivant exploit de commissaire de justice du 28 juin 2024, par remise à personne habilitée, n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la demande de mise hors de cause de la SA Allianz Iard

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Pour solliciter sa mise hors de cause, la compagnie Allianz soutient qu'il n'est démontré ni par les requérants à l'expertise, ni par la compagnie Generali que l'association Loisirs Equitables aurait souscrit une police d'assurance auprès d'elle.

M. [A] et la MAIF ne soutiennent pas utilement que cette demande formée par la compagnie Allianz qui n'avait pas constitué avocat en première instance serait irrecevable au motif qu'elle serait nouvelle, dès lors qu'il ne s'agit pour cet assureur que d'élever un moyen relatif à son absence de qualité à défendre destiné à faire écarter les prétentions de ses adversaires à son encontre.

Il ne suffit toutefois pas pour exclure cet assureur de la procédure que son agent général, ait indiqué par courrier du 09 janvier 2020 que 'M. [B] a résilié son contrat auprès de la compagnie Generali mais ne nous a pas demandé d'assurer ce risque par ailleurs. En conséquence nous n'assurons pas M. [B] en Responsabilité Civile Professionnelle, et ne pouvons donc donner suite à votre demande', alors qu'il était interrogé par la MAIF sur l'existence d'un contrat qui aurait été délivré aux 'Ecuries de Bessières' et ce bien que M. [B] en ait été le gérant, les deux personnes morale et physique ne se confondant pas.

La demande de mise hors de cause doit être rejetée.

2. Sur la communication de pièces par le CHU de [21]

Pour libeller la mission d'expertise comme il l'a fait, le premier juge a retenu que le secret médical était protégé par les textes nationaux et internationaux, qu'il ne pouvait y être dérogé que dans certaines conditions prévues par la loi non réunies en l'espèce, que si le secret médical ne saurait être détourné de sa finalité pour éliminer des éléments de preuve, une mention générale et absolue selon laquelle un défendeur ou son conseil pourraient produire tout document médicaux protégés par le secret sans l'accord préalable du demandeur à l'expertise porterait une atteinte disproportionnée au principe du respect et de la protection de la vie privée et que si une pièce devait être excessivement retenue par celui-ci, les parties auraient la faculté de saisir le juge du contrôle des expertises.

Pour conclure à la modification du libellé de la mission de l'expert et solliciter d'être autorisé à remettre aux experts toute pièce médicale, sans que M. [A] puisse s'y opposer, le CHU de [21] soutient qu'il ne peut admettre la motivation retenue par le juge du premier degré, dont il estime qu'elle porte atteinte aux principes d'égalité des armes et du droit à un procès équitable protégés par le bloc de constitutionnalité et les articles 6 et 16 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'à ses droits de la défense et au principe du débat contradictoire protégés par la jurisprudence constitutionnelle, celle de la cour européenne des droits de l'homme et l'article 16 du code civil. L'établissement hospitalier fait valoir que la possibilité, pour le demandeur, de conserver la pleine maîtrise du procès constitue une atteinte à ses droits qu'il ne pourra faire valoir que dans une hypothétique saisine du juge du contrôle.

M. [A] et la MAIF se prévalent du caractère général et absolu du secret médical pour conclure à la confirmation de la décision.

Les autres parties constituées s'en remettent à la décision de la cour ou ne concluent pas spécialement sur ce point.

Sur ce,

Depuis sa première version applicable au litige issue de la loi N°2011-940 du 10 août 2011, l'article L. 1110-4 du code de la santé publique qui instaure le principe d'un droit au secret médical au profit du patient a connu diverses modifications (loi N°2016-41 du 26 janvier 2016, ordonnances N°2017-31 du 12 janvier 2017 et N°2018-20 du 17 janvier 2018 et loi N°2021-1017 du 02 août 2021), lesquelles n'ont toutefois pas modifié ce principe en lui-même, selon lequel :

I.-Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou service, un professionnel ou organisme concourant à la prévention ou aux soins dont les conditions d'exercice ou les activités sont régies par le présent code, le service de santé des armées, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social mentionné au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.

Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.

Selon l'article R. 4127-4 du même code, le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.

Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris.

Il découle de ces dispositions que le secret médical est un droit propre du patient, instauré dans le but de protéger sa vie privée et le secret des informations le concernant. Ce droit présente un caractère absolu et s'impose dans les conditions établies par la loi à tout médecin ou établissement de santé, auxquels il est fait obligation de protéger contre toute indiscrétion les documents médicaux concernant les personnes qu'il a soignées ou examinées.

Il est par ailleurs protégé par de nombreux textes nationaux (article 2 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, articles 9 du code civil et 226-13 du code pénal), et internationaux (article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme).

Il ne peut y être dérogé qu'en vertu d'une autorisation de la loi.

Parallèlement, le médecin ou établissement soumis à ce secret, bénéficie, lorsque sa responsabilité professionnelle est susceptible d'être recherchée par le patient, de droits attachés à sa défense prévus et protégés tant dans l'ordre juridique interne (article 16 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen) dans lequel ils sont à valeur constitutionnelle, qu'en droit international (articles 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques signé le 16 décembre 1966).

Il est admis que l'exercice des droits attachés à la défense comprend la production de pièces.

Aucune disposition légale interne ne prévoit de dérogation au droit au secret médical bénéficiant au patient au profit de l'exercice des droits attachés à leur défense par le médecin ou l'établissement dont la responsabilité est mise en cause.

Le juge est néanmoins tenu, en toutes circonstances, de faire respecter les droits de la défense et de veiller à l'égalité des armes entre les parties. À cette fin, ne doit être considérée comme justifiée la production en justice de documents couverts par le secret médical que lorsqu'elle est indispensable à l'exercice des droits de la défense et proportionnée au but poursuivi (Soc., 20 décembre 2023, n°21-20.904).

La décision du juge doit dès lors être guidée par la recherche de la proportionnalité entre deux droits antonymes.

La valeur juridique supra-légale attachée de manière identique au secret médical et aux droits de la défense ne saurait conduire à soumettre les médecins ou établissements de soins qui souhaiteraient produire des pièces couvertes par le secret médical dans le cadre d'une expertise au recueil de l'accord systématique et préalable du patient, lequel, en sollicitant une mesure d'expertise relative à divers actes médicaux est présumé renoncer à se prévaloir du secret médical relatif aux faits objets du litige.

Par ailleurs, il ne saurait être accordé de fait au patient un droit d'évincer tout ou partie des éléments de son dossier médical liés aux faits qu'il a dénoncés et notamment les pièces relatives à la délivrance d'informations ou de conseil et de contraindre ainsi le cas échéant les défendeurs à l'expertise à devoir saisir le juge du contrôle pour soumettre à son appréciation le caractère illégitime d'un refus de production de pièces.

L'égale valeur juridique attachée à ces principes ne saurait pas plus conduire à autoriser les parties tenues au secret à produire toute pièce de leur choix, sans aucune distinction ni restriction.

La protection du droit au secret médical du patient, qui ne peut s'effacer totalement devant les droits attachés à la défense, ne peut permettre aux médecins et établissements de soins de produire, sans l'accord préalable du patient, que les documents strictement nécessaires à l'exercice de leur défense.

Au cas d'espèce, le CHU de [21] doit pouvoir produire sans autorisation préalable du patient les pièces couvertes par le secret médical strictement nécessaires à sa défense qui sont celles qui présentent un lien avec les faits dénoncés par M. [A], tels qu'avec son assureur il les a présentés dans la chronologie des consultations, soins et interventions mentionnés dans son assignation.

En conséquence, la décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a enjoint aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation.

La cour statuant à nouveau enjoindra aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion et sans que le secret professionnel puisse leur être opposé, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, en ce compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au demandeur à l'expertise, strictement nécessaires à leur défense et qui sont en lien avec les faits dénoncés par M. [A], tels qu'avec son assureur il les a présentés dans la chronologie des consultations, soins et interventions mentionnés dans son assignation.

Les dépens d'appels seront supportés par M. [A] et la MAIF, demandeurs à l'expertise.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge des frais de défense qu'elle a exposés en appel. Les demandes formées par le Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 11], Hôpital [21], M. [A] et la MAIF ainsi que la SA Allianz Iard sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de sa saisine,

- Rejette la demande de mise hors de cause formée par la SA Allianz Iard,

- Infirme l'ordonnance rendue le 03 mai 2024 par le président du tribunal judiciaire de Toulouse statuant en référé en ce qu'elle a enjoint aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation,

Statuant à nouveau :

- Enjoint aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion et sans que le secret professionnel puisse leur être opposé, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, en ce compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au demandeur à l'expertise, strictement nécessaires à leur défense et qui sont en lien avec les faits dénoncés par M. [E] [A], tels qu'avec son assureur il les a présentés dans la chronologie des consultations, soins et interventions mentionnés dans son assignation,

- Dit que les dépens d'appels seront supportés par M. [E] [A] et la MAIF,

- Rejette les demandes formées par le Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 11], Hôpital [21], M. [E] [A] et la MAIF ainsi que la SA Allianz Iard sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

K.MOKHTARI E.VET

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