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Décisions

CA Grenoble, 1re ch., 8 avril 2025, n° 23/03070

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ets Cizeron (SARL)

Défendeur :

Amt (EURL), Mj Alpes (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Clerc

Conseillers :

Mme Blatry, Mme Lamoine

Avocats :

Me Boronad, Me Bard, Me Praliaud

T. com. Saint-Étienne, du 22 févr. 2023

22 février 2023

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTION DES PARTIES

Selon bon de commande du 13 mars 2020 régularisé auprès de la société AMT, M. [C] [V] a acquis un véhicule d'occasion de type Mercedes VIANO CDI moyennant le prix de 9990 ' sur lequel il a versé un acompte de 190 '.

Le véhicule avait été remis en dépôt vente à la société AMT par son propriétaire, la société MASTER CAR.

La réalisation effective de la vente a été retardée du fait du confinement lié à la crise sanitaire.

Le 15 mai 2020, la société ETS CIZERON a procédé au contrôle technique du véhicule sans mentionner l'existence de défauts majeurs nécessitant une contre-visite.

Un certificat de vente a été régularisé le 16 mai 2020 entre M. [V] et la société MASTER CAR, qui le même jour a établi au nom l'acheteur une facture de vente acquittée.

Le 1er juillet 2020, l'acquéreur a fait procéder à un nouveau contrôle technique qui a révélé cinq défaillances majeures avec obligation de contre-visite.

Après un diagnostic complet du véhicule réalisé le 17 juillet 2020 par un professionnel (le garage Bonhomme), M. [V] a mis en vain la société AMT en demeure de lui rembourser l'intégralité du prix de vente, outre frais.

Il a fait réaliser le 21 août 2020 une expertise amiable, à laquelle les sociétés MASTER CAR, AMT et ETS CIZERON n'ont pas participé, qui a conclu le 7 octobre 2020 à l'existence de désordres rendant le véhicule impropre à sa destination.

M. [V] a obtenu en référé le 8 février 2021 l'instauration d'une expertise judiciaire confiée à M. [D] [U].

Aux termes de son rapport déposé le 27 septembre 2021, l'expert judiciaire a considéré que le véhicule était affecté de plusieurs désordres préexistant à la vente et le rendant impropre à sa destination (canalisation de freinage corrodé, ressort de suspension arrière non conforme, rotule de direction rendant le véhicule dangereux, fuite d'huile moteur et corrosion très avancée des soubassements).

Par actes d'huissier des 6 et 9 décembre 2021, M. [C] [V] a fait assigner les sociétés MASTER CAR, AMT et ETS CIZERON devant le tribunal judiciaire de Valence aux fins d'entendre :

dire et juger que les sociétés défenderesses sont entièrement responsables de ses préjudices sur le fondement des dispositions des articles 1240 et 1625 du code civil,

condamner in solidum les sociétés défenderesses à lui payer les sommes de 11.556,24 ' au titre des travaux de remise en état du véhicule, de 10.907,78 ' au titre des préjudices annexes arrêtés au 27 septembre 2021 (frais de gardiennage, de contrôle technique et d'assurance et préjudice de jouissance), de 57,56 ' par mois au titre du coût de l'assurance à compter du 28 septembre 2021 jusqu'à complet paiement, de 15 ' par jour au titre des frais de gardiennage à compter du 28 septembre 2021 jusqu'à complet paiement, de 9,90 ' par jour au titre de son préjudice de jouissance à compter du 28 septembre 2021 jusqu'à complet paiement et de 3000 ' pour frais irrépétibles.

La société AMT s'est opposée à l'ensemble de ces demandes en faisant valoir que n'étant pas la vendeuse du véhicule elle n'était tenue à aucune garantie des vices cachés et qu'elle n'avait commis aucune faute contractuelle ou extra contractuelle. À titre subsidiaire, elle a sollicité la condamnation in solidum des sociétés MASTER CAR et ETS CIZERON à la relever et garantir intégralement de toutes éventuelles condamnations prononcées à son encontre.

À titre plus subsidiaire, elle s'est opposée au paiement de la somme de 10.280,76 ' au titre des réparations consécutives à la corrosion du véhicule qui n'aurait pas constitué un vice caché et à l'indemnisation des frais de gardiennage, a demandé au tribunal de ramener à une plus juste proportion l'indemnité réclamée au titre du préjudice de jouissance et a prétendu que la valeur du véhicule (8.650 ') devait être déduite des sommes éventuellement allouées à l'acquéreur.

La société ETS CIZERON s'est également opposée à l'ensemble des demandes formées par l'acquéreur en faisant valoir que la vente était parfaite dès la régularisation le 13 mars 2020 du bon de commande mentionnant que le contrôle technique était « OK », de sorte que le contrôle technique qu'elle a réalisé le 15 mai 2020 après la vente n'a pas déterminé l'achat.

La société MASTER CAR n'a pas constitué avocat devant le tribunal.

Par jugement réputé contradictoire du 11 juillet 2023 le tribunal judiciaire de Valence :

a condamné in solidum les sociétés MASTER CAR, AMT et ETS CIZERON à payer à M. [V] les sommes de 11.556,24 ' au titre des frais de réparation, de 10.097,78 ' au titre des frais de gardiennage rendus nécessaires par la mesure d'expertise arrêtés au 30 septembre 2021 (6.074 ' TTC), du coût du contrôle technique du 1er juillet 2020 (75 ' TTC), des frais d'assurance (748,28 ' TTC) et de la perte de jouissance (4.009,50 ' TTC), de 57,56 ' par mois à compter du 1er octobre 2021 jusqu'au jugement au titre des frais d'assurance et de 9,90 ' par jour à compter du 1er octobre 2021 jusqu'au jugement au titre du préjudice de jouissance,

a condamné in solidum les sociétés MASTER CAR, AMT et ETS CIZERON à payer à M. [V] la somme de 3.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

a condamné les sociétés ETS CIZERON et MASTER CAR à relever et garantir la société MASTER CAR à hauteur d'un tiers chacune,

a débouté les parties du surplus de leurs demandes,

a condamné in solidum les sociétés défenderesses aux entiers dépens y compris les frais de référé et d'expertise judiciaire,

a rejeté la demande tendant à voir écarter l'exécution provisoire de droit.

Le tribunal a considéré en substance :

que l'existence de vices cachés antérieurs à la vente résultait du rapport d'expertise judiciaire ayant notamment mis en évidence une corrosion très avancée du soubassement du véhicule masquée par l'injection de mousse polyuréthane, qui était de nature à affaiblir sa structure et que le contrôleur technique avait qualifiée à tort de défaillance mineure ne nécessitant pas une contre-visite,

qu'en sa qualité de vendeuse professionnelle la société MASTER CAR, qui ne pouvait ignorer les vices graves affectant le véhicule et le rendant dangereux, devait être condamnée à indemniser l'ensemble des préjudices subis par l'acquéreur,

que la société AMT, qui a entretenu une confusion sur la nature de son intervention et qui s'est comportée à l'égard de l'acquéreur en qualité de vendeur, a manqué à son devoir d'information en ne révélant pas les vices cachés du véhicule qu'elle ne pouvait ignorer, de sorte qu'elle était tenue de réparer l'intégralité du préjudice subi par l'acquéreur,

que la société ETS CIZERON a manqué à ses obligations professionnelles et a ainsi commis une faute délictuelle à l'égard de l'acquéreur, alors qu'en l'absence de contrôle technique de moins de six mois au jour de la régularisation du bon de commande (13 mars 2020) la vente a nécessairement été conclue sous la condition suspensive de la réalisation d'un tel contrôle, qui a donc présenté un caractère déterminant, et que la corrosion des soubassements qui a été mentionnée aurait dû être qualifiée de défaut majeur,

que la société ETS CIZERON ne saurait être tenue à la seule réparation d'une perte de chance dès lors que le contrôle technique constitue une obligation contractuelle essentielle faisant partie des accessoires indispensable de la chose vendue,

que le coût des travaux de remise en état du véhicule a été évalué par l'expert judiciaire à la somme de 11.556,24 ', qui n'a pas été contestée dans le cadre des opérations d'expertise,

que les frais de gardiennage jusqu'à l'issue des opérations d'expertise judiciaire étaient justifiés par la production d'une facture, tandis qu'il appartenait à l'acquéreur de reprendre possession de son véhicule au-delà de la fin de la mesure d'instruction,

que conformément à l'usage le préjudice de jouissance devait être évalué à 1/1000 par jour du prix d'acquisition,

que les sociétés MASTER CAR et ETS CIZERON qui avaient indistinctement concouru à la réalisation des préjudices devaient être condamnées à relever et garantir la société AMT à hauteur d'un tiers chacune.

La SARL ETS CIZERON a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 10 août 2023 aux termes de laquelle elle critique le jugement en ce qu'il l'a condamnée in solidum avec les sociétés MASTER CAR et AMT à payer à M. [C] [V] les sommes de 11 .556,24 ' au titre des frais de réparation, de 10.097,78 ' au titre des frais de gardiennage rendus nécessaires par la mesure d'expertise arrêtés au 30 septembre 2021 (6.074 ' TTC), du coût du contrôle technique du 1er juillet 2020 (75 ' TTC), des frais d'assurance (748,28 ' TTC) et de la perte de jouissance (4.009,50 ' TTC), de 57,56 ' par mois à compter du 1er octobre 2021 jusqu'au jugement au titre des frais d'assurance et de 9,90 ' par jour à compter du 1er octobre 2021 jusqu'au jugement au titre du préjudice de jouissance, outre une indemnité de procédure de 3.000 ', en ce qu'il l'a condamnée à relever et garantir la société AMT à hauteur d'un tiers et en ce qu'il l'a condamnée in solidum aux entiers dépens comprenant les frais de référé et d'expertise.

Par conclusions n°2 déposées le 7 juin 2024, la SARL ETS CIZERON demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré :

-à titre principal

de juger que la vente a été conclue le 13 mars 2020, de débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes dirigées à son encontre, et de le condamner au remboursement des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire de la décision,

de débouter les sociétés MJ ALPES ,ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MASTER CAR, et AMT de l'ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre,

à titre subsidiaire

de juger que sa responsabilité ne peut excéder la somme de 1340 ' et de condamner M. [V] au remboursement des sommes reçues au titre de l'exécution provisoire de la décision au-delà de cette somme de 1.340 ',

à titre infiniment subsidiaire

de condamner in solidum les sociétés MASTER CAR et AMT à la relever et garantir de l'intégralité des condamnations mises à sa charge,

en tout état de cause

de condamner M. [V] à lui rembourser les sommes versées au titre de l'exécution provisoire dont le montant ne sera pas confirmé en appel,

de condamner in solidum M. [C] [V], la société MJ ALPES ,ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MASTER CAR, et la société AMT à lui payer la somme de 3.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre condamnation aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir :

que sa responsabilité n'est pas engagée à l'égard de M. [V] alors que la vente était parfaite dès la signature du bon de commande, le 13 mars 2020, que l'acquéreur a clairement exprimé sa volonté de prendre possession du véhicule même en l'absence de contrôle technique, que la vente n'a pas été conclue sous la condition suspensive de la réalisation d'un contrôle technique, puisque le bon de commande se borne à mentionner mensongèrement que le véhicule dispose d'un contrôle technique « OK », qu'aucun élément ne permet d'affirmer que le contrôle technique du 15 mai 2020 a été remis à l'acquéreur lors de la livraison du véhicule, de sorte qu'il n'a pas joué un rôle déterminant, qu'en tant que professionnelles de l'automobile les sociétés MASTER CAR et AMT avaient le devoir d'informer l'acquéreur des vices affectant le véhicule, et enfin qu'à la date du contrôle technique litigieux elle n'avait pas connaissance de la vente intervenue entre M. [V] et les sociétés MASTER CAR et AMT, ce qui implique qu'elle n'est pas responsable d'un défaut d'information à l'égard de l'acquéreur,

qu'en leur qualité de professionnelles de l'automobile, les sociétés MASTER CAR et AMTne peuvent lui reprocher de ne pas avoir signalé des désordres dont elles avaient nécessairement connaissance, de sorte qu'elles doivent assumer seules les conséquences préjudiciables de la vente du véhicule affecté de défauts apparents pour un professionnel,

qu'en toute hypothèse, elle ne peut répondre que de la perte de chance pour l'acquéreur de ne pas contracter ou de conclure la vente à un prix moindre, de sorte que le préjudice indemnisable ne peut excéder la différence entre le prix de vente (9.990 ') et la valeur du véhicule en l'état telle qu'estimée par l'expert judiciaire (8.650 ') et qu'elle ne peut être tenue aux frais de remise en état, ni aux frais de gardiennage ou d'assurance dans la mesure où elle n'a pas participé à la vente,

qu'à titre infiniment subsidiaire, si sa responsabilité devait être retenue à l'égard de l'acquéreur, les sociétés MASTER CAR et AMT devraient la relever et garantir intégralement dès lors d'une part qu'ignorant l'existence de la vente elle n'a pas pu manquer à son devoir de conseil à l'égard de M. [V], et d'autre part que la vendeuse et sa mandataire n'auraient pas dû présenter le véhicule à la vente en l'état des vices qu'elles ne pouvaient ignorer.

Par uniques conclusions déposées le 5 février 2024, la SARL AMT demande à la cour :

de débouter la société ETS CIZERON de son appel principal,

de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné, sur le principe, in solidum les sociétés MASTER CAR, AMT et ETS CIZERON à indemniser M. [V] de ses préjudices et en ce qu'il a condamné les sociétés ETS CIZERON et MASTER CAR à la relever et garantir à hauteur d'un tiers chacune,

par voie d'appel incident, d'infirmer le jugement sur le quantum des condamnations et de débouter M. [V] de sa demande en paiement de la somme de 10.280,76 ' au titre de la remise en état du véhicule pour le vice de corrosion, subsidiairement de ramener à de plus justes proportions la condamnation prononcée de ce chef, de rejeter la demande au titre des frais de gardiennage et subsidiairement de les fixer à la somme de 4.050 ', de débouter M. [V] de sa demande d'indemnisation au titre d'un préjudice de jouissance et subsidiairement de ramener ce poste de préjudice à la somme de 8,65 ' par jour pour la période du 20 août 2020 au 30 septembre 2021, de rejeter la demande d'indemnisation au titre des frais d'assurance,

en tout état de cause, de condamner les sociétés MASTER CAR et ETS CIZERON à la relever et garantir de toutes condamnations prononcées au profit de M. [V] à hauteur d'un tiers chacune,

de condamner la société ETS CIZERON à lui payer la somme de 3.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre condamnation aux dépens d'appel.

Elle fait valoir :

sur les responsabilités

que la société MASTER CAR était propriétaire du véhicule pour l'avoir acquis le 8 mars 2020 auprès de la société ELIT'AUTOS, ce que l'acquéreur n'ignorait pas puisque les documents de cession la désignent en qualité d'ancien propriétaire,

qu'ayant pris le véhicule en simple dépôt-vente pour une commission modeste de 255,20 ' hors-taxes, elle n'était pas chargée de contrôler son état technique et n'a pas fait procéder au contrôle technique litigieux du 15 mai 2020, dont elle n'a pas vérifié le contenu, tandis que le véhicule a été remis à l'acquéreur par le responsable commercial de la société MASTER CAR,

qu'elle n'entend donc pas supporter l'entière responsabilité des préjudices subis par l'acquéreur, alors qu'en sa qualité de vendeuse professionnelle du véhicule la société MASTER CAR est tenue à la garantie légale des vices cachés et doit l'indemniser à hauteur d'un tiers au titre de la perte que représente pour elle en sa qualité de dépositaire les condamnations prononcées au profit de M. [V],

que le tribunal a également justement retenu la responsabilité de la société ETS CIZERON, qui reconnaît d'ailleurs avoir commis des erreurs, alors qu'en sa qualité d'intermédiaire ne disposant pas des outils nécessaires, elle n'était pas tenue de contrôler la pertinence du contrôle technique, que l'expert judiciaire a clairement fait apparaître les défaillances de ce contrôle en considération duquel M. [V] a été conforté dans sa décision d'achat, qu'il ressort du procès-verbal de contrôle technique que la société ETS CIZERON n'ignorait pas que le véhicule était destiné à la vente, laquelle n'a été définitivement conclue que le 16 mai 2020, le bon de commande ne constituant qu'une simple réservation sous condition suspensive d'un contrôle technique favorable, et enfin qu'il n'appartenait ni au vendeur professionnel ni à son mandataire de corriger les erreurs du contrôleur technique, qui est également un professionnel de l'automobile et qui est seul compétent pour réaliser les contrôles techniques obligatoires des véhicules automobiles,

sur les préjudices

qu'ayant choisi de conserver le véhicule, M. [V] ne peut obtenir au titre du coût des réparations une somme supérieure au prix d'achat, tandis qu'il a obtenu une double indemnisation alors qu'il ne justifie pas avoir fait procéder aux travaux de remise en état et que la valeur en l'état du véhicule a été estimée par l'expert judiciaire à la somme de 8.650 ',

que la corrosion des soubassements, qui était visible sans démontage et dont le contrôle technique du 15 mai 2020 fait état, bien que la qualifiant à tort de défaut mineur, était apparente pour l'acquéreur même profane, qui ne peut donc réclamer à ce titre une indemnité de 10.280,76 ', laquelle devra être ramenée en toute hypothèse à de plus justes proportions en l'état de sa surévaluation par l'expert judiciaire,

que les frais de gardiennage ne sont pas dus alors qu'il n'est pas justifié du règlement de la facture du garage Bonhomme, lequel ne pourra en exiger le paiement puisque ces frais ne constituent pas l'accessoire d'un contrat de réparation, étant observé en toute hypothèse qu'ils ne sont pas dus au-delà du 21 mai 2021, date à laquelle le véhicule a été expertisé,

que le préjudice de jouissance a été surévalué sur une base forfaitaire de 1/1000 de la valeur du prix d'achat, alors que la valeur résiduelle du véhicule n'est que de 8.650 ' et qu'il n'est pas justifié de la réalité d'un préjudice de jouissance effectif,

que ne justifiant pas être dans l'obligation d'assurer le véhicule, M. [V] n'est pas fondé à réclamer le paiement de frais d'assurance d'un montant de 57,56 ' par mois.

Par conclusions déposées le 18 décembre 2023, M. [V] sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions; à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la société ETS CIZERON serait exonérée de toute responsabilité, il demande à la cour de juger qu'il appartiendra à cette dernière de recouvrer les fonds indûment versés en exécution du jugement auprès des sociétés MASTER CAR et AMT, et qui en tout état de cause prétend obtenir la condamnation de la société ETS CIZERON ou de toute partie succombante à lui payer une indemnité de procédure de 3.000 '.

Il fait valoir :

que la société ETS CIZERON ne conteste pas l'existence des vices cachés ni le caractère erroné du contrôle technique qu'elle a réalisé le 15 mai 2020,

que ce contrôle étant obligatoire s'agissant d'un véhicule de plus de quatre ans, la vente n'était pas parfaite le 13 mars 2020 et ne l'a été que le 16 mai 2020 après qu'il ait pris connaissance du contrôle technique favorable, lequel a ainsi été déterminant dans sa volonté d'acheter,

que la faute du contrôleur technique lui a fait perdre une chance de ne pas contracter ou de le faire à moindre prix, laquelle doit être appréciée en fonction de l'ensemble des préjudices subis, peu important que le contrôleur n'ait pas participé à la vente.

Selon assignation à comparaître devant la cour comportant signification de

La déclaration d'appel et des conclusions d'appelant signifiée le 20 novembre 2023 a été délivrée à la SELARL MJ ALPES, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MASTER CAR, (acte remis à un secrétaire se déclarant habilité) qui n'a pas constitué avocat.

L'instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 14 janvier 2025.

MOTIFS

Le jugement, qui n'est pas critiqué sur ces points, sera confirmé en ce qu'il a consacré l'existence de vices cachés rédhibitoires de nature à fonder l'action indemnitaire formée par l'acquéreur, retenu le principe de la responsabilité in solidum des sociétés MASTER CAR et AMT à l'égard de ce dernier et condamné la société MASTER CAR à relever et garantir la société AMT dans la proportion de un tiers.

Ne contestant pas, bien que la minimisant, sa propre responsabilité dans l'exercice de son mandat pour faute de négligence et manquement à son devoir d'information préjudiciables à l'acquéreur, la société AMT revient par ailleurs inutilement dans ses conclusions d'appel sur la connaissance qu'avait M. [V] de sa qualité de simple dépositaire/mandataire.

Au demeurant ce dernier ne reprend pas cette discussion en cause d'appel, puisque la société AMT ne conteste pas le principe de sa condamnation.

Sur la responsabilité de la société ETS CIZERON

Un arrêté du 18 juin 1991 définit les modalités du contrôle technique obligatoire des véhicules automobiles. Son annexe 1 contient la liste détaillée des points de contrôle, tandis que l'annexe 2 rappelle que la visite est effectuée sans démontage et porte sur l'ensemble des points visés par l'arrêté.

Il est de principe que la mission d'un centre de contrôle technique se bornant , en l'état de l'arrêté du 18 juin 1991, à la vérification, sans démontage du véhicule, d'un certain nombre de points limitativement énumérés par ce texte, sa responsabilité ne peut être engagée, en dehors de cette mission ainsi restreinte, qu'en cas de négligence susceptible de mettre en cause la sécurité du véhicule.

La responsabilité du contrôleur est ainsi incontestablement engagée s'il néglige de détecter un défaut perceptible concernant un point qu'il a mission de vérifier, ou en minimise la gravité, mais aussi s'il n'a pas révélé des vices graves, constatés sans démontage, qui ne relèvent pas normalement des points qu'il doit contrôler.

La société ETS CIZERON ne conteste pas en l'espèce avoir commis une faute de négligence en minimisant les défaillances qu'elle avait relevées le 15 mai 2020, et qu'elle n'avait qualifiées que de défauts mineurs sans nécessité de contre-visite. Il en est ainsi notamment de la corrosion généralisée des soubassements, en partie masquée par l'injection de mousse polyuréthane, dont le garage BONHOMME, l'expert amiable, et surtout l'expert judiciaire, ont estimé de façon concordante qu'elle rendait le véhicule impropre à sa destination et dangereux comme portant atteinte à la solidité de la structure.

Elle ne conteste pas davantage qu'à l'occasion du contrôle litigieux elle n'a pas relevé diverses défaillances relevant de sa mission rendant le véhicule dangereux avant intervention selon l'expert judiciaire (canalisation de freinage corrodé, ressort de suspension arrière non conforme, rotule de direction hors d'état).

Ces graves insuffisances engagent la responsabilité quasi délictuelle de la société ETS CIZERON à l'égard de M. [V], qui avait, certes, régularisé un bon de commande dès le 13 mars 2020 matérialisant l'accord des parties sur la chose et sur le prix, mais qui à cette date avait consenti à l'achat sur la foi de l'affirmation de la société AMT selon laquelle le contrôle technique était « OK », de sorte que c'est nécessairement sous la condition résolutoire de la justification d'un contrôle technique favorable que la vente a été conclue et que, en conséquence, l'acquéreur a été amené à confirmer son consentement au vu du contrôle technique litigieux réalisé le 15 mai 2020 à l'occasion de la régularisation, le lendemain, du certificat de vente.

Ainsi, c'est en considération de ce contrôle technique favorable que M. [V] a accepté de conclure définitivement la vente, alors qu'à défaut il aurait pu se prévaloir de la condition résolutoire implicite contenue dans le bon de commande initial.

Il en résulte que bien que retardé de deux mois par rapport à la date du bon de commande, le contrôle technique litigieux a été déterminant du consentement de l'acquéreur, de sorte que les fautes commises par la société ETS CIZERON dans l'exercice de sa mission sont en relation causale avec les préjudices subis.

C'est à tort en outre qu'il est soutenu par la société ETS CIZERON que la preuve ne serait pas rapportée de ce que le contrôle technique du 15 mai 2020 a été remis à l'acquéreur lors de la livraison du véhicule, qu'en tant que professionnelles de l'automobile les sociétés MASTER CAR et AMT avaient le devoir d'informer l'acquéreur des vices affectant le véhicule, ou qu'à la date du contrôle technique litigieux elle n'avait pas connaissance de la vente intervenue entre M. [V] et les sociétés MASTER CAR et AMT.

Le procès-verbal de contrôle technique obligatoire, qui doit être présenté lors des formalités de ré immatriculation du véhicule, a, en effet, nécessairement été remis à l'acquéreur, qui n'a d'ailleurs jamais contesté ce fait, tandis que le défaut d'information imputable au vendeur et à sa mandataire ne peut en aucun cas exonérer le contrôleur technique de ses propres obligations légales et contractuelles.

Il importe peu enfin que la société ETS CIZERON n'ait pas été informée de la vente du véhicule à M. [V], puisque sa responsabilité n'est pas recherchée au titre d'un défaut d'information, mais pour faute de négligence dans l'exécution de sa mission d'intérêt général ayant pour finalité le retrait des véhicules dangereux susceptibles de porter atteinte à la sécurité des biens et des personnes.

Au demeurant, elle détenait cette information, ainsi qu'il résulte des mentions mêmes du procès-verbal de contrôle technique du 15 mai 2020 indiquant que le récépissé de la déclaration d'achat du véhicule d'occasion lui a été présenté.

Par la faute causale du contrôleur technique l'acquéreur a dès lors perdu une chance de ne pas acquérir le véhicule ou de payer un prix moindre.

Il est de principe que la réparation du préjudice de perte de chance ne peut être totale dès lors qu'elle ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

Eu égard à la gravité des vices rédhibitoires nécessitant selon l'expert judiciaire des travaux de remise en état pour un coût supérieur au prix d'achat, le pourcentage de perte de chance sera fixé à 90 %.

Bien que selon l'expert judiciaire le véhicule soit économiquement irréparable en l'état du coût des travaux de remise en état nécessaires, M. [V] a fait le choix d'exercer une action indemnitaire et de conserver la propriété du véhicule.

Ainsi la société ETS CIZERON, qui étant étrangère à la vente n'en a pas perçu le prix et qui ne peut répondre que de la perte de chance d'acquérir le véhicule à un moindre prix, ne saurait être tenue à indemnisation sur la base du coût total des travaux de remise en état du véhicule.

Il sera par conséquent alloué à l'acquéreur la somme de 1.206 ' correspondant à 90 % de la perte financière qu'il subit calculée par différence entre le prix d'achat versé de 9.990 ' et la valeur vénale du véhicule telle qu'estimé par l'expert judiciaire au jour de ses opérations (8.650 ').

Dans la limite du pourcentage de perte de chance, la société ETS CIZERON devra en outre réparation, in solidum avec les sociétés MASTER CAR et AMT qui ont concouru comme elle à la production du dommage, au titre de l'ensemble des préjudices accessoires causés par l'acquisition d'un véhicule impropre à sa destination.

Enfin, la société ETS CIZERON, qui en vertu de ses compétences techniques est un professionnel de même spécialité que la vendeuse et son mandataire, ne peut prétendre faire garantir ses propres fautes par les sociétés MASTER CAR et AMT, ce qui doit conduire au rejet de son recours en garantie formé à titre subsidiaire.

Sur l'appel incident de la société AMT et sur les préjudices

Les travaux de remise en état

La société AMT, qui ne critique pas le jugement en ce qu'il a retenu l'existence de vices cachés rédhibitoires fondant l'action indemnitaire, ne peut prétendre au stade de l'évaluation du préjudice que le vice principal de corrosion aurait été apparent pour l'acquéreur profane.

Au demeurant, l'expert judiciaire a estimé que la corrosion très importante des soubassements, en partie masquée, ne pouvait pas être décelée par un acquéreur non averti en l'état d'un contrôle technique ne faisant état que d'une corrosion mineure sans nécessité de contre-visite.

Il est soutenu, en outre, à tort qu'en conservant la propriété du véhicule et en réclamant à titre de dommages et intérêts l'intégralité du coût des travaux de remise en état, l'acquéreur serait doublement indemnisé, alors qu'en raison du coût de ces travaux de sécurité le véhicule acquis était dépourvu de toute réelle valeur économique, étant observé d'une part que la société venderesse, qui est irréfragablement présumée avoir eu connaissance des vices, est tenue de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur, ainsi qu'en décide l'article 1645 du code civil, et d'autre part que le dépositaire/mandataire professionnel, qui ne pouvait davantage ignorer l'existence des vices rédhibitoires, a commis une faute quasi délictuelle à l'égard de l'acquéreur l'obligeant à réparer intégralement les préjudices subis.

Ne contestant pas le principe de son obligation d'indemniser l'acquéreur au titre de ce chef de préjudice, la société AMT a justement été condamnée in solidum au paiement de la somme de 11.556,24 ', alors que sa critique de l'évaluation expertale est tardive, en l'absence de dire adressé à ce titre à l'expert judiciaire, et qu'elle ne se prévaut d'aucune estimation chiffrée contraire de nature à confirmer une éventuelle surévaluation.

Les frais de gardiennage

Sur la base de la facture émise le 28 mai 2021 par la société garage BONHOMME, l'expert judiciaire a évalué ce chef de préjudice à la somme de 6.075 ' correspondant à un forfait journalier de 15 ' TTC pour la période du 21 août 2020 au 30 septembre 2021, jour du dépôt de son rapport.

Il n'est pas justifié toutefois du règlement de cette facture ancienne, bien que M. [V] ait été indemnisé de ce chef en exécution du jugement déféré.

La réalité de ce préjudice n'étant pas démontrée, ce chef de demande sera par conséquent rejeté.

Le préjudice de jouissance

À compter du 21 août 2020, date à laquelle le véhicule a été déclaré dangereux par l'expert amiable, l'acquéreur a été privé de l'usage de son véhicule, ce qui lui a nécessairement causé un préjudice de jouissance indemnisable.

Ne justifiant pas toutefois des dépenses effectives qu'il a dû engager pour assurer ses déplacements professionnels et personnels (achat ou location d'un véhicule de remplacement, dépenses supplémentaires de transport en commun ou autres), il ne saurait réclamer une indemnisation sur une base forfaitaire de 9.90 ' par jour correspondant à 1/1000 du prix d'acquisition.

Il ne peut prétendre en outre être indemnisé de ce chef au-delà du jugement déféré du 11 juillet 2023 ayant condamné avec exécution provisoire les sociétés défenderesses au paiement de la somme de 11.556,24 ', au moyen de laquelle il était en mesure de financer les travaux de réparation du véhicule qu'il a choisi de conserver.

Au titre des trois années d'immobilisation du véhicule, il lui sera par conséquent alloué une somme de 3.000 ' à titre de dommages et intérêts prenant en compte ses besoins de déplacement professionnels et familiaux.

Cette indemnité sera supportée par la société ETS CIZERON à concurrence de la somme de 2.700 ' après application du pourcentage de perte de chance.

Les frais d'assurance

Les frais d'assurance, qui ont été occasionnés par la vente, alors que tout véhicule doit être assuré en vue de sa remise en circulation, doivent être supportés par le vendeur même de bonne foi.

Il a justement été alloué de ce chef à l'acquéreur la somme de 748,28 ' TTC, qui a été vérifiée par l'expert judiciaire.

Cette somme sera supportée par la société ETS CIZERON à concurrence de la somme de 673.45 ' après application du pourcentage de perte de chance.

En revanche, en l'absence de tout justificatif (appel de cotisations ou règlement d'échéances) pour la période du 1er octobre 2021 au jour du jugement de condamnation exécutoire par provision la demande d'indemnisation complémentaire à raison de 57,56 ' par mois sera rejetée.

Les frais de contrôle technique du 1er juillet 2020

Il a justement été fait droit à ce chef de demande, qui a également été vérifié par l'expert judiciaire, dont 90 % à la charge de la société ETS CIZERON, soit la somme de 67.50 ' (75 X 90%).

Sur le recours en garantie formé par la société AMT

En sa qualité de professionnelle de l'automobile la société AMT est irréfragablement présumée avoir eu connaissance des vices du véhicule, dont elle devait impérativement informer l'acquéreur sans que sa qualité d'intermédiaire dans la transaction ne la dispense de cette obligation impérative.

Elle n'est pas dès lors fondée à faire garantir, même partiellement, ses propres fautes par la société ETS CIZERON et sera par conséquent déboutée de son recours subsidiaire en garantie à l'encontre de cette dernière.

Sur la demande de remboursement des sommes acquittées au titre de l'exécution provisoire

En cas d'infirmation d'un jugement assorti de l'exécution provisoire les sommes acquittées nonobstant appel sont restituables de plein droit.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande de la société ETS CIZERON en remboursement des sommes indûment acquittées en exécution du jugement.

Sur les mesures accessoires

Les dépens d'appel sont à la charge des sociétés ETS CIZERON et AMT et elles conservent la charge de leurs frais irrépétibles. L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'acquéreur à hauteur d'appel.

Les mesures accessoires de première instance sont confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement déféré

- en ce qu'il a consacré l'existence de vices cachés rédhibitoires de nature à fonder l'action indemnitaire formée par l'acquéreur, retenu le principe de la responsabilité in solidum des sociétés MASTER CAR et AMT à l'égard de ce dernier et dit que la SARL ETS CIZERON avait manqué à ses obligations dans l'exécution de sa mission et engagé ainsi sa responsabilité pour faute à l'égard de M. [C] [V],

- en toutes ses dispositions s'agissant des condamnations in solidum prononcées à l'encontre de la société MASTER CAR au profit de M. [C] [V],

- en ce qu'il a condamné in solidum la SARL AMT à payer à M. [C] [V] les sommes de 11 556,24 ' au titre des frais de réparation du véhicule, de 748,28 ' au titre des frais d'assurance et de 75 ' au titre du coût du contrôle technique du 1er juillet 2020 et condamné la société MASTER CAR à relever et garantir la société AMT dans la proportion de un tiers,

Réforme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la SARL ETS CIZERON à payer à M. [C] [V] la somme de 1.206 ' ' en réparation de son préjudice financier,

Condamne la SARL ETS CIZERON, in solidum avec les sociétés MASTER CAR et AMT, à payer à M. [C] [V] les sommes de 2.700 ' au titre de son préjudice de jouissance, de 673.45 ' au titre des frais d'assurance et de 67.50 ' au titre des frais de contrôle technique du 1er juillet 2020,

Condamne la SARL AMT à payer à M. [C] [V] la somme de 3.000 ' en réparation de son préjudice de jouissance,

Déboute M. [C] [V] du surplus de sa demande indemnitaire dirigée contre les sociétés ETS CIZERON et AMT,

Déboute la SARL ETS CIZERON de son recours en garantie formé à l'encontre des sociétés MASTER CAR et AMT,

Déboute la SARL AMT de son recours en garantie formé à l'encontre de la SARL ETS CIZERON,

Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de remboursement des sommes acquittées en exécution du jugement déféré,

Condamne in solidum les sociétés ETS CIZERON et AMT à payer à M. [C] [V] une nouvelle indemnité de 2.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les sociétés ETS CIZERON et AMT aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de la procédure civile,

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