CA Versailles, ch. com. 3-1, 9 avril 2025, n° 22/05007
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Fondation Fonds de Dotation Oikos
Défendeur :
Edyevent (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
DUBOIS-STEVANT
Conseillers :
Gautron-Audic, Meurant
Avocats :
Me Lavergne, Me Veiga, Me Aldebert
EXPOSE DU LITIGE
La fondation Fonds de dotation Oïkos (« la fondation Oïkos »), immatriculée depuis 2015, se donne pour mission de soutenir l'entreprise responsable dans toutes ses dimensions, autour de la sensibilisation, l'implication des acteurs et la formation des jeunes générations.
La société Edyevent est spécialisée depuis 20 ans dans l'organisation d'évènements.
En février 2021, à l'initiative de la fondation Oïkos, les parties se sont rapprochées dans le cadre d'échanges autour de l'organisation d'un évènement sur le thème de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
En mars 2021, la société Edyevent a soumis à la fondation Oïkos une « proposition de prise en charge » pour l'organisation d'un congrès dédié à la RSE.
Les parties ont toutefois rapidement rencontré des difficultés à s'accorder en raison de divergences d'approche, notamment concernant le financement de l'évènement.
La société Edyevent a néanmoins poursuivi le travail tendant à l'organisation et au contenu de l'évènement, en s'appuyant sur d'autres partenaires, dont la société SQHIL.
Des projets de convention ont été échangés entre la société Edyevent et la fondation Oïkos au cours de l'année 2021 sans toutefois que les parties ne parviennent à s'entendre quant aux modalités de l'évènement et à leurs rôles respectifs dans son organisation.
En parallèle, les parties ont, directement ou indirectement, effectué des démarches visant à la protection de droits de propriété intellectuelle en lien avec l'évènement.
Ainsi, M. [J] [X], président de la fondation Oïkos, a réservé, entre mai et juin 2021, les noms de domaine csr-congress.com, csr-congres.com, csrcongress.world.com, et le 17 septembre 2021 les noms de domaine ci-rse.com, ci-rse.fr, congres-rse.fr.
Le 27 décembre 2021, il a déposé une demande d'enregistrement de marque française n° 4829292 « Congrès International de la RSE » pour des services en classe 41 (notamment services de publications, services de conseils et d'information en matière d'organisation de congrès) et l'a, le même jour, concédée en licence à la fondation Oïkos. La demande d'enregistrement fera toutefois l'objet d'un retrait total le 31 août 2022.
De son côté, la société Edyevent a réservé, le 20 septembre 2021, le nom de domaine rsecongres.com et obtenu l'enregistrement de la marque n° 4830595 le 3 janvier 2022 pour des produits et services en classes 16, 35, 38, 41 et 43.
Dans un contexte de divergences persistantes quant aux termes de l'accord, la fondation Oïkos a, par courriel du 13 janvier 2022, notifié à la société Edyevent, la rupture de leurs relations en lui interdisant d'utiliser « la marque [et] l'appellation lui appartenant ».
Par courrier de son conseil du 14 février 2022, la société Edyevent a mis en demeure la fondation Oïkos de cesser tout acte susceptible de la discréditer et de lui nuire ainsi que tout contact avec ses partenaires et toute communication relative au report du congrès de la RSE organisé du 1er au 3 juin 2022 et à l'impossibilité pour elle de l'organiser faute de droits.
Par courrier de son conseil du 28 février 2022, la fondation Oïkos a imputé à la société Edyevent la responsabilité de la rupture de leurs relations et maintenu les termes de sa première mise en demeure qu'elle a réitérée le 4 mars 2022.
Le 19 avril 2022, la fondation Oïkos, préalablement autorisée par ordonnance sur requête, a assigné à jour fixe, devant le tribunal judiciaire de Nanterre, la société Edyevent en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale et parasitaire.
Dans ses dernières écritures notifiées le 12 mai 2022, la fondation Oïkos a abandonné ses demandes fondées sur le droit des marques, ne maintenant que celles fondées sur la concurrence déloyale, le parasitisme et la responsabilité extracontractuelle.
La société Edyevent a notifié ses dernières écritures le 11 mai 2022, soulevant une exception de nullité, demandant le sursis à statuer et formant en outre des demandes reconventionnelles en concurrence déloyale et parasitaire et en procédure abusive à l'encontre de la fondation Oïkos.
Par jugement du 20 mai 2022, le tribunal a rejeté l'exception de nullité de l'assignation et la demande de sursis à statuer, rejeté l'ensemble des demandes de la fondation Oïkos, l'a condamnée à payer à la société Edyevent une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ; il a également débouté la société Edyevent de ses demandes reconventionnelles.
Par déclaration du 27 juillet 2022, la fondation Oïkos a fait appel du jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par dernières conclusions n° 2 remises au greffe et notifiées par RPVA le 23 février 2023, elle demande à la cour de réformer le jugement attaqué, statuant à nouveau, in limine litis de rejeter l'exception de procédure soulevée par la société Edyevent, de la condamner à lui verser une somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts, de débouter la société Edyevent de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles et de la condamner à lui verser une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.
Par dernières conclusions n° 1 remises au greffe et notifiées par RPVA le 24 janvier 2023, la société Edyevent demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande en nullité de l'assignation, sa demande reconventionnelle au titre de la concurrence déloyale et parasitaire et sa demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive, statuant à nouveau de prononcer la nullité de l'assignation, de condamner la fondation Oïkos à lui verser la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts du fait des agissements en concurrence déloyale et parasitisme de la fondation Oïkos, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, de se réserver la liquidation de l'astreinte, et de condamner la fondation Oïkos à lui verser la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de la procédure abusive, subsidiairement de fixer le montant des dommages-intérêts sollicités par la fondation Oïkos à un montant symbolique et de rejeter la demande d'astreinte sollicitée par la fondation Oïkos, en toute hypothèse, de condamner la fondation Oïkos à lui verser la somme supplémentaire de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 mai 2024.
SUR CE,
Le rejet de la demande de sursis à statuer n'a pas fait l'objet d'un appel de sorte que la cour n'est pas saisie de ce chef du jugement.
Sur la nullité de l'assignation
La société Edyevent soulève la nullité de l'assignation en ce qu'elle ne respecte pas le 2 ° de l'article 56 du code de procédure civile exigeant que l'assignation contienne à peine de nullité « un exposé des moyens en fait et en droit ».
Elle soutient que les demandes y sont imprécises et les arguments vagues, que, s'agissant de la prétendue concurrence déloyale, l'assignation n'identifie pas les services qu'elle fournit qui seraient incriminés, ne contient pas de justification d'un risque de confusion, ne fournit aucun élément probant à l'appui des allégations, que, concernant le parasitisme invoqué, elle n'expose pas les faits qu'elle aurait commis qui seraient constitutifs d'agissements parasitaires, ne contient pas d'argumentaire permettant de caractériser en quoi ces prétendus faits seraient constitutifs de parasitisme, ne fournit pas de preuve des investissements qu'aurait fournis la fondation Oïkos, ne fournit aucun élément probant à l'appui des allégations, que la fondation Oïkos mélange les fondements de la concurrence déloyale et du parasitisme la mettant dans l'incapacité de distinguer les agissements qui relèveraient de l'un ou de l'autre, qu'aucun préjudice n'est identifié et encore moins prouvé, qu'ainsi l'objet et les fondements des demandes sont indéterminés et les motivations en fait et en droit absentes, que les pièces n'y sont pas mentionnées, que ces défaillances lui causent nécessairement un grief, étant placée dans l'impossibilité de se défendre utilement.
La fondation Oïkos réplique que la société Edyevent n'établit aucun vice de forme, que son assignation est valable puisqu'elle comprend ses moyens en fait et en droit en visant le droit des marques, la prohibition de la concurrence déloyale, le parasitisme et plus largement la responsabilité contractuelle sinon extra-contractuelle, qu'en tout état de cause ses conclusions ultérieures ont emporté régularisation, et, subsidiairement, que la société Edyevent n'établit aucun grief puisqu'elle a signifié des conclusions fournies et détaillées.
Sur ce,
La nullité de l'assignation prévue par l'article 56, 2°, du code de procédure civile, qui impose que cet acte contienne un exposé des moyens en fait et en droit, peut être prononcée, conformément aux articles 114 et 115 du même code, à la double condition que la partie qui l'invoque ait subi un grief et que la nullité n'ait pas été couverte par la régularisation de l'acte.
Le défaut de mention des pièces invoquées à l'appui des demandes et la supposée défaillance du demandeur dans l'administration de la preuve ne constituent pas, en toute hypothèse, une cause de nullité de l'assignation.
Ensuite les critiques de la société Edyevent relèvent non pas d'un défaut de moyens en fait et en droit exposés par la demanderesse mais de l'appréciation du bien-fondé des demandes de la fondation Oïkos. L'absence de pertinence des moyens soulevés ou de rigueur dans leur exposé n'est pas de nature à entraîner la nullité de l'assignation, le tribunal ayant justement relevé que l'éventuelle complexification du travail de défense causée par les approximations de la demanderesse n'emportait pas la nullité de l'assignation.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation.
Sur la demande indemnitaire de la fondation Oïkos
La fondation Oïkos soutient que la société Edyevent devait organiser pour son compte, dans le cadre d'un contrat de prestation de service régi notamment par l'article1165 du code civil, un événement, « le Congrès de RSE », en étant rémunérée sur les rentrées générées par cet événement, qu'elle a elle-même organisé l'événement en l'en excluant et en fraude de ses droits.
Elle engage à titre principal la responsabilité contractuelle de la société Edyevent, faisant valoir que celle-ci a unilatéralement et brutalement rompu le contrat qui la liait à elle, début 2022, après avoir sciemment retardé sa formalisation alors qu'elle l'avait contactée un an auparavant et missionnée pour organiser l'événement dont elle avait eu l'idée, que la société Edyeven s'est appropriée abusivement l'événement en l'excluant et qu'elle a ainsi fait preuve de déloyauté à son égard.
Elle précise que c'est elle qui a créé le concept de congrès de la RSE et missionné la société Edyevent pour l'organiser en son nom et pour son compte, que c'est elle qui détient les droits antérieurs sur le nom commercial « Congrès de la RSE » et les noms de domaine correspondants, que la société Edyevent s'est, jusqu'à la rupture de la relation, présentée comme son prestataire de service tout en repoussant la formalisation de la convention et qu'elle a en réalité man'uvré plusieurs mois en amont de la rupture pour capter progressivement l'événement et l'en exclure en organisant un congrès en juin 2022.
La fondation Oïkos engage, à titre subsidiaire si la cour estime que le contrat de prestation de service n'a pas été formé, la responsabilité délictuelle de la société Edyevent en raison de la déloyauté qu'elle a manifestée et de la confusion qu'elle a sciemment provoquée, la concurrence déloyale étant notamment constituée en cas de confusion.
Elle soutient qu'elle a souffert d'un préjudice d'image important, notamment auprès de ses partenaires qui ne comprennent pas pourquoi la société Edyevent a organisé son événement mais sans elle et avant elle, alors qu'elle a réuni son propre congrès en octobre 2022, et d'un préjudice moral irrémédiablement constitué puisque la société Edyevent se targue désormais d'être l'organisatrice du premier congrès de la RSE.
Elle prétend que la société Edyevent s'est appropriée le nom commercial « Congrès de la RSE », de manière de surcroît préméditée eu égard à une réservation du nom de domaine rsecongres.com le 20 septembre 2021 postérieurement à la réservation de divers noms de domaine à laquelle elle avait elle-même procédé en mai, juin et septembre 2021.
La société Edyevent conteste tout comportement fautif de sa part caractérisant des actes de concurrence déloyale et tout acte de parasitisme alors que la fondation Oïkos ne rapporte pas la preuve d'un investissement de sa part dans l'organisation du congrès de la RSE.
Elle fait valoir que les éléments invoqués par l'appelante, à savoir l'idée d'organiser un évènement autour de la thématique de la RSE et la prétendue création d'un nom commercial « Congrès de la RSE », ne sont pas susceptibles de constituer des droits antérieurs dont l'usage serait sanctionné au titre de la concurrence déloyale du fait d'un risque de confusion entre les produits et services ou sur leur origine, qu'en effet, la simple idée d'organiser un congrès sur le thème de la RSE n'est en soi pas protégeable et que l'usage que la fondation Oïkos aurait fait de la dénomination « Congrès de la RSE » ne remplit pas les critères permettant de la protéger à titre de nom commercial, la dénomination étant en outre banale et simplement destinée à désigner l'évènement lui-même, que la fondation Oïkos ne saurait en outre se prévaloir des noms de domaine réservés par son dirigeant personne physique qui ne sont de surcroît pas exploités, qu'ainsi, l'organisation par la société Edyevent d'un évènement Congrès de la RSE ne saurait constituer un acte de concurrence déloyale, l'usage d'un signe similaire ou identique à un signe non distinctif ne pouvant générer de risque de confusion.
La société Edyevent observe ensuite que la fondation Oïkos, qui a insisté pour ne supporter aucune charge financière liée à l'organisation du congrès et qui n'a produit aucun contenu pour sa réalisation, ne peut démontrer d'actes de parasitisme alors même que c'est elle qui a porté les efforts humains, intellectuels et financiers et que la simple organisation d'un évènement autour d'une thématique similaire à celle qu'entend développer la fondation Oïkos n'est pas de nature à caractériser un acte de parasitisme.
Sur ce,
Devant la cour, la fondation Oïkos n'invoque pas à l'appui de sa demande indemnitaire des actes de concurrence déloyale ou de parasitisme à l'encontre de la société Edyevent mais une rupture unilatérale et brutale par celle-ci d'un contrat de prestation de service et sa déloyauté, ayant consisté à s'approprier le concept de congrès de la RSE, tous éléments qui, à défaut de reconnaissance de l'existence d'un contrat, constituent par ailleurs, selon elle, une faute délictuelle engageant la responsabilité de la société Edyevent.
Selon l'article 1113 du code civil « le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager » et « cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur », l'article 1114 du même code précisant que « l'offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation », qu' « à défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation ».
En outre, l'article 1165 du code civil dispose que « dans les contrats de prestation de service, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation ».
Or en l'espèce, contrairement à ce qu'affirme la fondation Oïkos, les parties n'ont pas été en désaccord sur le seul prix des prestations supposées commandées à la société Edyevent.
En effet, le 13 mars 2021 la société Edyevent a adressé à la fondation Oïkos une proposition de prise en charge de l'organisation de l'événement.
Les parties n'ont toutefois pas convergé sur les conditions de leur collaboration, conservant au contraire de nombreux points de désaccord, notamment quant à leurs rôles respectifs, aux moyens humains et financiers à mettre en 'uvre, aux lieu, contenu et nature de l'événement, ceux présentés par la société Edyevent relevant d'une approche trop commerciale selon la fondation Oïkos qui privilégiait une approche davantage académique et de diffusion des savoirs et pratiques.
Ainsi, des discussions sur la convention à conclure entre les deux parties et de la comparaison des versions successives du projet de convention (projet de la société Edyevent du 30 août 2021, projet de la fondation Oïkos du 12 novembre 2021, nouveau projet de la société Edyevent du 10 janvier 2022) il ressort des écarts tenant notamment au nombre de parties contractantes et à la gouvernance du congrès, la fondation Oïkos proposant une convention quadripartite, impliquant également la société SQIHL, partenaire de la société Edyevent, et la société Oïkos développement, société associée à la fondation Oïkos, ce que la société Edyevent a refusé, et souhaitant la mise en place, en sus d'un comité stratégique, d'un comité scientifique ayant notamment pour mission de fixer la ligne éditoriale, les programmes de conférence, la liste des présentations, les remises des prix, la liste des invités scientifiques et universitaires et au sein duquel le représentant de la fondation Oïkos aurait eu une voix prépondérante, ce que la société Edyevent a également refusé.
Cette divergence d'approche quant aux objectifs et contenu du congrès a été explicitée par le dirigeant de la fondation Oïkos dans une lettre du 24 janvier 2022 adressée à l'un des partenaires du congrès (pièce 6 de la société Edyevent).
Ainsi, la fondation Oïkos échoue à démontrer l'existence d'un accord qui serait né de la rencontre des volontés des parties sur ses éléments essentiels, les pièces illustrant au contraire leur incapacité à cet égard. Elle ne peut dès lors se prévaloir d'une rupture brutale et unilatérale d'un contrat par la société Edyevent.
La cour observe au surplus que la fondation Oïkos n'est pas fondée à imputer à la société Edyevent une rupture brutale et unilatérale de leurs relations dès lors que les deux parties ont été dans l'incapacité de se rapprocher pour parvenir à un accord, alors même que les discussions ont duré de mars 2021 à janvier 2022, et que c'est elle qui, après les échanges de projets de convention précédemment énumérés, constatant que la société Edyevent ne signerait pas la convention dans la version qu'elle lui avait transmise, preuve qu'elle ne partageait pas notamment le contenu scientifique souhaité par la fondation, a, par courriel du 13 janvier 2022, mis un terme aux discussions.
Pour ces mêmes raisons, la rupture des relations entre la fondation Oïkos et la société Edyevent, quelle qu'en soit la nature, ayant pour origine des divergences profondes et persistantes malgré la durée des échanges, est dépourvue de caractère fautif. Elle ne peut être imputée à faute à l'une ou l'autre des parties.
Ensuite il ne fait pas de doute qu'alors que les parties étaient engagées dans une négociation visant à définir les termes de leur collaboration, la société Edyevent avançait, dans le même temps, sur l'organisation de l'événement comme le montrent les courriels d'invitation envoyés à des entreprises cibles courant novembre et décembre 2021 qui révèlent que les dates (6, 7 et 8 avril 2022), le lieu (Hôtel [6] 4 étoiles à [Localité 5]), le programme de formation (15 heures réparties sur deux jours et demi) et les tarifs étaient déterminés. Si les modalités de l'événement ont été annoncées à de potentiels participants, il apparaît qu'elles ont été définies par la société Edyevent sans complète validation de la part de la fondation Oïkos.
Après la rupture des relations entre la fondation Oïkos et la société Edyevent, celle-ci a continué d'organiser le congrès, selon les modalités qu'elle avait définies mais à des dates ultérieures, en juin 2022.
Cette initiative ne revêt pas un caractère fautif susceptible d'engager la responsabilité délictuelle de la société Edyevent et ce, quand bien même c'est la fondation Oïkos qui est à l'origine du projet de congrès et qui est entrée en relation avec la société Edyevent pour être assistée dans son organisation.
En effet la fondation Oïkos ne peut valablement invoquer une usurpation ni de l'idée d'organiser un événement ayant pour thème la RSE ni d'un prétendu nom commercial « Congrès de la RSE », n'apportant à leur égard pas d'élément de nature à démontrer l'existence de droits antérieurs protégeables : le simple projet d'organiser un congrès autour de la RSE, quand bien même antérieur à l'initiative personnelle de la société Edyevent, ne constitue pas un droit privatif à son bénéfice et la dénomination « Congrès de la RSE », outre qu'elle ne peut être qualifiée de nom commercial, avait pour seul objet de désigner l'événement lui-même et non de présenter la fondation Oïkos dans la vie des affaires de sorte que, composée de la désignation nécessaire et usuelle de l'événement en cause, elle n'est pas un signe distinctif protégeable en relation avec l'événement. La fondation Oïkos ne peut pas plus invoquer les noms de domaine réservés par son dirigeant personne physique et qui ne sont en outre pas exploités.
L'organisation et la tenue, par la société Edyevent, d'un congrès de la RSE, concurrent de celui que la fondation Oïkos avait envisagé, ne constituent pas une faute, quiconque étant libre d'initier ou d'organiser un tel événement et la fondation Oïkos ne démontrant pas en quoi la société Edyevent aurait injustement tiré profit de son travail.
Il résulte de tout ce qui précède que la demande indemnitaire de la fondation Oïkos ne peut être que rejetée.
Sur les demandes indemnitaires de la société Edyevent
Sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme de la fondation Oïkos
La société Edyevent soutient que la fondation Oïkos a commis des actes de concurrence déloyale par le dépôt auprès de l'INPI de la demande de marque n° 4829292 « Congrès International de la RSE », depuis retirée, et l'exploitation des dénominations « congrès international de la RSE » et « congrès de la RSE » aux fins d'organiser un événement qui s'est tenu à la fin de l'année 2022 ainsi que des actes de parasitisme par son intention d'utiliser la documentation qu'elle avait elle-même conçue et fournie.
La société Edyevent fait valoir, d'une part, qu'elle est titulaire de droits antérieurs, à savoir le nom commercial « congrès de la RSE » et le nom de domaine rsecongres.com qu'elle a respectivement utilisé et réservé avec l'accord de la fondation Oïkos et qui, par l'usage qu'elle en a fait, ont généré des droits, et, d'autre part, s'agissant du parasitisme, que la documentation qu'elle a élaborée lui appartient et qu'elle est le fruit de forts investissements intellectuels, humains, matériels et financiers de sa part.
La société Edyevent affirme que ces agissements lui ont causé un préjudice économique, du fait de la récupération de son travail qui s'en trouve dévalorisé, un préjudice moral, voyant ses investissements réduits à néant et un préjudice d'image, ses partenaires étant susceptibles de lui reprocher l'organisation par la fondation Oïkos d'un évènement dont le contenu serait identique ou similaire au sien.
La fondation Oïkos réplique que la société Edyevent n'a pas développé son congrès parallèlement au sien mais qu'elle a détourné le sien, que les prétendus droits antérieurs sont nés dans une relation de prestataire de service à donneur d'ordre et que, dans ce contexte, le prestataire ne peut légitimement revendiquer les droits mis en 'uvre pour le compte de son futur partenaire, que ce faisant la société Edyevent se prévaut de sa propre faute, qu'elle est à l'origine du concept congrès de la RSE et qu'elle en est propriétaire.
Elle conteste que la société Edyevent ait réalisé tout le travail, soulignant que cette dernière est une entreprise d'événementiel alors qu'elle-même détient une expertise en matière de RSE et dispose d'un réseau de partenaires.
Sur ce,
La société Edyevent, qui, au demeurant, n'a pas proposé d'amender dans le préambule du projet de convention, tel que revu par elle le 10 janvier 2022, la mention selon laquelle « le nom du congrès appartiendra à la fondation Oïkos », ne peut reprocher à la fondation Oïkos l'usage fautif de dénominations du type « CONGRES INTERNATIONAL DE LA RSE » ou « CONGRES DE LA RSE » dès lors que, comme elle le soutient elle-même en défense, ces dénominations ne sont pas distinctives pour désigner des services liés à l'organisation d'un événement ayant pour thème la RSE et doivent par conséquent rester disponibles pour tout acteur désireux de promouvoir de tels services.
La demande d'enregistrement de marque n° 4829292 « Congrès International de la RSE », outre le fait qu'elle a depuis été retirée en totalité, ne constitue pas en tant que telle, comme l'a souligné la décision entreprise, un acte d'exploitation dans la vie des affaires susceptible de générer un préjudice.
Enfin, sur le moyen invoqué à l'appui du parasitisme, l'intention prêtée à la fondation Oïkos d'utiliser la documentation conçue et fournie par la société Edyevent est insuffisante à caractériser une faute, la société Edyevent ne produisant pas d'élément de nature à démontrer en quoi ladite documentation présenterait une quelconque valeur immatérielle ni en quoi la fondation Oïkos aurait porté atteinte à un contenu confidentiel ou propriété de la société Edyevent.
La société Edyevent ne démontre pas non plus l'existence d'un préjudice qui découlerait des agissements de la fondation Oïkos.
Les demandes de la société Edyevent au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme doivent par conséquent être rejetées.
Sur la procédure abusive de la fondation Oïkos
La société Edyevent soutient que la fondation Oïkos a engagé une procédure sur le fond en vue d'empêcher l'organisation d'un congrès alors que cette procédure est manifestement non fondée, preuve en est le retrait de la demande en contrefaçon de marque au stade de la première instance.
Elle fait valoir que la demande en contrefaçon était abusive car fondée sur une simple demande d'enregistrement de marque, de surcroît objet d'une procédure d'opposition, déposée alors qu'elle exploitait déjà le nom commercial CONGRES INTERNATIONAL DE LA RSE et le nom de domaine rsecongres.com, ce dont la fondation Oïkos avait connaissance, et sur un signe totalement descriptif des services visés.
La société Edyevent prétend en outre que les demandes maintenues en appel sont également abusives et empreintes d'une intention de nuire de la fondation Oïkos qui visait à la fragiliser, intention déduite de griefs non établis, d'un montant sollicité de dommages et intérêts exorbitant et d'un préjudice non démontré.
Elle fait valoir qu'en fondant son appel sur les mêmes arguments que ceux soulevés devant le tribunal judicaire de Nanterre, alors que celui-ci les avait pertinemment rejetés, la fondation Oïkos a fait dégénérer en abus son droit d'appel, ce d'autant plus que les parties étaient convenues des modalités mettant fin au litige entre elles, n'ayant pas contesté la lettre du 11 juillet 2022 envoyée par son conseil en ce sens.
La fondation Oïkos conteste tout abus dans l'exercice de son action et réplique que la mention de ce dernier échange entre avocats est faite au mépris des règles de confidentialité applicables, que la société Edyevent ne communique au demeurant que la lettre de son propre conseil, dont les conditions ne seront jamais acceptées par l'appelante.
Sur ce,
La méprise de la fondation Oïkos sur l'étendue de ses droits et les chances de succès de ses prétentions, même réitérée en appel, ne suffit pas à qualifier d'abusive la procédure qu'elle a initiée et poursuivie en appel.
Le montant des demandes et le caractère infondé des moyens soulevés ne sauraient caractériser un abus dans l'exercice de la saisine du juge et d'une voie de recours. La saisine du tribunal selon la procédure accélérée n'est pas davantage constitutive d'un abus, quand bien même elle était motivée par l'allégation d'une contrefaçon, infondée et abandonnée en cours d'instance, dès lors que le congrès, objet du litige, devait se tenir quelques mois après la saisine du tribunal. Enfin l'intention de la fondation Oïkos n'était pas d'empêcher la tenue d'un congrès organisé par la société Edyevent mais de mettre fin à ce qu'elle estimait, certes à tort, être une usurpation ou appropriation de ce qu'elle entendait elle-même développer dans le domaine de la RSE.
A supposer que les parties aient entendu mettre fin amiablement au litige, ce que la fondation Oïkos conteste, une telle démarche autorise que l'une d'elles y renonce en saisissant le tribunal sans que cela constitue un abus du droit d'agir en justice.
Il s'ensuit que la demande indemnitaire de la société Edyevent doit également être rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant en son appel, la fondation Oïkos sera condamnée aux dépens, le jugement étant confirmé sur ce point.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance, le jugement étant infirmé, qu'en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant contradictoirement,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la fondation Fonds de dotation Oïkos à payer à la société Edyevent une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau de ce seul chef,
Déboute la société Edyevent de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne la fondation Fonds de dotation Oïkos aux dépens d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.