CA Bordeaux, 4e ch. com., 9 avril 2025, n° 22/05077
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Brun (SAS)
Défendeur :
Expans Groupe (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Franco
Conseillers :
Mme Masson, Mme Jarnevic
Avocats :
SCP Bats - Lacoste - Janoueix, Me Janoueix, Me de Saint Pol, SELAS Ad-Linea, Me Charbit
EXPOSE DU LITIGE :
1. La société par actions simplifiée Brun, située à [Localité 3] (Cantal), est spécialisée dans la vente de meubles, rideaux et tentures, la vente et la pose de cuisines.
Le 09 janvier 2018, elle a conclu avec la société SDNM un contrat d'affiliation à la centrale d'achat Homeuble.
Le contrat a été conclu pour une durée irrévocable de trois ans, renouvelable tacitement par période de deux ans, avec possibilité de dénonciation par l'une des parties, six mois avant le terme.
Par courrier du 21 juin 2019, la société Brun a notifié à la société SDNM la résiliation du contrat, à effet au 02 novembre 2019, en raison des 'changements d'orientations commerciales du groupement'.
Par courrier du 05 juillet 2019, la SDNM a mis en demeure la société Brun de lui fournir les preuves de la manière dont elle avait pris connaissances des nouvelles orientations commerciales.
Par acte sous seing privé du 31 mars 2020, la société SDNM a cédé son fonds de commerce à la société par actions simplifiée Expans Groupe.
Par courrier du 17 août 2020, la société Expans Groupe a mis en demeure la société Brun de respecter les clauses du contrat jusqu'au terme.
Elle a reproché à la société Brun les manquements contractuels suivants :
- ne pas avoir participé à un minimum de quatre actions publicitaires à diffusion nationale par année civile, avec un minimum de dépliants de 20.000 exemplaires à chaque action ;
- ne pas avoir exécuté ses obligations déclaratives trimestrielles et annuelles (consistant en la fourniture, chaque trimestre, de la copie de l'extrait des comptes 607 de son grand livre comptable trimestriel ou la balance fournisseur trimestrielle, et chaque année de la copie de son bilan et de son compte d'exploitation ;
- ne pas avoir réglé la cotisation annuelle 2020.
Par courrier du 24 septembre 2020, la société Brun a soutenu qu'elle n'avait commis aucun manquement à ses obligations contractuelles.
2. Par courrier du 11 janvier 2021, la société Expans Groupe a adressé à la société Brun le solde de fin de contrat d'affiliation et l'a mise en demeure de régler dans un délai de huit jours la somme de 27'000 euros au titre de la sanction, conventionnellement prévue, de ses manquements contractuels ainsi que celle de 1.800 euros au titre de la cotisation pour l'année 2020, puis, par acte du 18 juin 2021, a assigné la société Brun devant le tribunal de commerce de Libourne en paiement de diverses sommes.
Par jugement prononcé le 13 septembre 2021, le tribunal de commerce a statué ainsi qu'il suit :
- dit que la société Expans Groupe est recevable en son action ;
- condamne la société Brun à payer à la société Expans Groupe la somme de 27.000 euros au titre des manquements à ses obligations contractuelles ;
- condamne la société Brun à payer à la société Expans Groupe la somme de 1.800 euros au titre de la cotisation annuelle 2020 ;
- déboute la société Expans Groupe de ses autres demandes ;
- déboute la société Brun de sa demande reconventionnelle et de toutes ses autres demandes ;
- condamne la société Brun à payer à la société Expans Groupe la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne la société Brun aux dépens.
La société Brun a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 4 novembre 2022.
***
3. Par dernières conclusions notifiées le 23 septembre 2024, la société Brun demandait à la cour de :
Vu les articles 1 103, 1 104, 1 217, 1 219, 1 171 et 1353 du code civil,
Vu les articles 31, 32, 122 et 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit que la société Expans Groupe était recevable en son action,
- condamné la société Brun à payer à la société Expans Groupe la somme de 27.000 euros au titre des manquements à ses obligations contractuelles,
- condamné la société Brun à payer à la société Expans Groupe la somme de 1.800 euros au titre de la cotisation annuelle 2020,
- débouté la société Brun de sa demande reconventionnelle et de toutes ses autres demandes,
- condamné la société Brun à payer à la société Expans Groupe la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Brun aux dépens ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Expans Groupe de ses autres demandes ;
Statuant à nouveau,
- déclarer la société Brun bien fondée en son appel ;
A titre principal,
- déclarer la société Expans Groupe irrecevable en l'ensemble de ses demandes pour défaut de qualité et d'intérêt à agir ;
A titre subsidiaire,
- débouter la société Expans Groupe de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société Expans Groupe à verser à la société Brun la somme de 33.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de ses inexécutions contractuelles ;
A titre infiniment subsidiaire,
- déclarer comme excessif le montant forfaitaire prévu à l'article X du contrat « indemnisation » et modérer celui-ci à la somme de 1.500 euros par infraction constatée ;
En tout état de cause,
- juger irrecevable et par conséquent rejeter la demande de la société Expans Groupe tendant à voir la société Brun condamnée au paiement de la somme de 53.120 euros comme nouvelle ;
- condamner la société Expans Groupe à verser à la société Brun la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 concernant la procédure de première instance ;
- condamner la société Expans Groupe à verser à la société Brun la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 concernant la procédure d'appel ;
- condamner la société Expans Groupe au paiement des dépens de première instance et d'appel.
***
4. Par dernières écritures notifiées le 24 septembre 2024, la société Expans Groupe demandait à la cour de :
In limine litis,
Vu l'article 74 du code de procédure civile,
Vu les articles 561 et suivants du code de procédure civile,
Vu les articles 1103, 1104, 1106 et 1193 du code civil,
Vu l'article L.442-1 du code de commerce,
Vu les articles 1217 et 1231-1 du code civil,
- rejeter tous les moyens de l'appelante, non discutés devant les premiers juges et, de facto, non compris dans le jugement déféré visant les articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile ;
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce qui a :
- condamné la société Brun au paiement de la somme de 27.000 euros au titre de neuf manquements conventionnels,
- condamné l'affiliée au paiement de la somme de 1.800 euros au titre de sa cotisation en annuelle 2020,
- rejeté la demande reconventionnelle de l'appelante,
- condamné la société Brun à payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Statuant à nouveau,
- juger l'appel formé par la société Brun particulièrement mal fondé ;
- débouter l'appelante de toutes ses velléités ;
- condamner la société Brun à payer la somme de 3.000 euros au titre de sa double appartenance ;
- condamner la société Brun à la somme de 8.000 euros en raison des dommages et intérêts causés à l'intimée ;
- condamner la société Brun à indemniser l'intimée de la somme de 53.120 euros au titre de l'exécution forcée et en réparation aux défauts de participations publicitaires, contractuellement obligatoires ;
- condamner la société Brun à payer la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles.
***
5. Par arrêt prononcé le 27 novembre 2024, la cour a, au visa des articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile, le dernier dans sa rédaction applicable au litige, ordonné la réouverture des débats, invité les parties à présenter leurs observations sur l'absence de critique du jugement entrepris au dispositif des dernières conclusions de la société Expans Groupe, sursis à statuer sur l'ensemble des demandes et renvoyé l'affaire à l'audience du 22 janvier 2025 avec clôture des débats le 15 janvier 2025.
6. Par dernières conclusions notifiées le 6 janvier 2025, la société Expans Groupe demande à la cour de :
I- In limine litis,
Vu l'article 74 du code de procédure civile,
Vu les articles 561 et suivants du code de procédure civile,
- rejeter tous les moyens de l'appelante, non discutés devant les premiers juges et, de facto, non compris dans le jugement déféré visant les articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile ;
Vu les articles 1103, 1104, 1106 et 1193 du code civil,
Vu l'article L.442-1 du code de commerce,
II- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce qui a :
- condamné la société Brun au paiement de la somme de 27.000 euros au titre de neuf manquements conventionnels,
- condamné l'affiliée au paiement de la somme de 1.800 euros au titre de sa cotisation en annuelle 2020,
- rejeté la demande reconventionnelle de l'appelante,
- condamné la société Brun à payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
III- Statuant à nouveau, réformer le jugement déféré,
Vu les articles 1217 et 1231-1 du code civil,
- condamner la société Brun à payer la somme de 3.000 euros au titre de sa double appartenance ;
- condamner la société Brun à la somme de 8.000 euros en raison des dommages et intérêts causés à l'intimée ;
- condamner la société Brun à indemniser l'intimée de la somme de 53.120 euros au titre de l'exécution forcée et en réparation aux défauts de participations publicitaires, contractuellement obligatoires ;
IV- En tout état de cause,
- juger l'appel formé par la société Brun particulièrement mal fondé ;
- débouter l'appelante de toutes ses velléités ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Brun à payer la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
7. A l'audience du 22 janvier 2025, la cour a mis dans les débats l'irrecevabilité relevée d'office encourue par les dernières conclusions notifiées le 6 janvier 2025 par l'intimée, ce en application de l'article 910-4 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable au litige, a invité les parties à présenter leurs observations par note en délibéré avant le 14 février 2025 et a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 5 mars suivant.
8. La société Expans Groupe a, le 10 février 2025, notifié de nouvelles conclusions par lesquelles elle demande à la cour de :
I- In limine litis,
Vu l'article 74 du code de procédure civile,
Vu les articles 561 et suivants du code de procédure civile,
- rejeter tous les moyens de l'appelante, non discutés devant les premiers juges et, de facto, non compris dans le jugement déféré visant les articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile ;
Vu les articles 1103, 1104, 1106 et 1193 du code civil,
Vu l'article L.442-1 du code de commerce,
II- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce qui a :
- condamné la société Brun au paiement de la somme de 27.000 euros au titre de neuf manquements conventionnels,
- condamné l'affiliée au paiement de la somme de 1.800 euros au titre de sa cotisation en annuelle 2020,
- rejeté la demande reconventionnelle de l'appelante,
- condamné la société Brun à payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
III- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce en ce qu'il a débouté la société Expans Groupe de ses demandes de :
- 6.374,40 euros, au titre de l'exécution forcée en nature de l'obligation,
- 3.000 euros au titre de sa double appartenance,
- 8.000 euros en raison des dommages et intérêts causés à l'intimée ;
IV- Réformer et statuant à nouveau,
Vu les articles 1217 et 1231-1 du code civil,
- juger l'appel formé par la Société Brun particulièrement mal fondé ;
- débouter la société Brun de toutes ses velléités ;
- condamner la société Brun au paiement de la somme de 27.000 euros au titre de neuf manquements conventionnels ;
- condamner la Société Brun au paiement de la somme de 1.800 euros au titre de sa cotisation annuelle 2020 ;
- rejeter la demande reconventionnelle de la société Brun ;
- condamner la société Brun à payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;
- condamner la société Brun à payer à la société Expans Groupe, la somme de 3.000 euros au titre de sa double appartenance ;
- condamner la société Brun à payer à la société Expans Groupe la somme de 8.000 euros en raison des dommages et intérêts causés ;
- condamner la Société Brun à indemniser la société Expans Groupe de la somme de 53.120 euros au titre de l'exécution forcée et en réparation aux défauts de participations publicitaires, contractuellement obligatoires ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Société Brun à payer la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens.
9. La société Brun a notifié la note en délibéré suivante le 4 mars 2025 :
« Sauf erreur de ma part, la cour n'avait pas autorisé la partie adverse à conclure à nouveau mais avait simplement sollicité des observations d'une part sur l'irrecevabilité de l'appel incident faute de demande d'infirmation dans les premières conclusions de l'intimée et d'autre part sur l'irrecevabilité de la demande d'infirmation présentée dans les deuxièmes conclusions en violation du principe de concentration des prétentions. Les nouvelles conclusions notifiées en cours de délibéré reprenant la demande d'infirmation paraissent irrecevables.»
10. La société Expans Groupe a notifié le message suivant par RPVA le 13 mars 2025 :
« Suivant arrêt du 27 novembre 2024, la cour, relevant une absence de demandes d'infirmation et réformation, a décidé de la réouverture des débats, invitant les parties à présenter leurs observations en vue de la prochaine audience qu'elle fixait au 22 janvier 2025.
En date du 6 janvier 2025, l'intimée reformulait ses écritures qu'elle déposait par RPVA, avant de se présenter à l'audience du 22 janvier 2025.
Toutefois y subsistait une difficulté relative à une concentration des moyens.
Partant, la cour ne retenait pas l'affaire et laissait à l'intimée jusqu'au 14 février pour régulariser ses écritures, tout en précisant que l'arrêt serait mis en délibéré au 5 mars 2025.
C'est dans ces conditions que le 10 février 2025, l'intimée déposait ses écritures récapitulatives valant observations.
Or ce n'est que le 4 courant, soit la veille de la date de délibéré, et alors que l'appelante avait depuis, si ce n'est le 24 septembre 2024, au moins le 10 février 2025, tout loisir de soulever incident sous visa des articles 548,549, et 550 du code de procédure civile, décidait-t-elle toutefois d'interpeller la cour d'un motif d'une potentielle irrecevabilité.
Il ressort cependant que l'intimée s'est simplement appliquée à répondre à la cour de l'absence originelle tenant à l'infirmation du jugement de commerce s'agissant de demandes pécuniaires et ensuite de la confusion de moyens, pour in fine, soumettre à la cour des écritures conformes à l'article 542 du code de procédure civile.
L'intimée s'en remet donc à la sagesse de la cour quant à la recevabilité des dernières écritures qui régularisaient l'infirmation du jugement déféré s'agissant des demandes relatives aux sommes 3000 euros et 8000 euros.»
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1. Sur la procédure en appel
11. Le premier alinéa de l'article 802 du code de procédure civile dispose :
« Après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.»
En vertu des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile dans sa rédaction ici applicable, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond, ce à peine d'irrecevabilité relevée d'office.
12. La société Brun a, par message notifié le 4 mars 2025, soulevé l'irrecevabilité des conclusions dénommées 'conclusions récapitulatives' notifiées le 10 février 2025.
13. L'arrêt du 27 novembre 2024, qui a renvoyé l'affaire à l'audience du 22 janvier 2025 avec une clôture des débats au 15 janvier précédent, invitait les parties à présenter leurs observations sur l'application des dispositions des articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile.
La société Expans Groupe a, à cet égard, notifié des conclusions le 6 janvier 2025, soit dans les délais. Toutefois, les conclusions ultérieures, notifiées le 10 février 2025, étaient non seulement postérieures à l'ordonnance de clôture mais également à l'audience elle-même.
Il ne peut par ailleurs être sérieusement soutenu par l'intimée que la cour a, dans le même temps, déclaré qu'elle ne retenait pas l'affaire tout en annonçant qu'elle prononcerait son arrêt le 5 mars suivant.
De plus, les règles énoncées aux articles 904-1 et suivants du code de procédure civile dans leur rédaction antérieure au décret du 29 décembre 2023, ne comportent aucune disposition permettant à une partie qui ne s'y est pas conformée, à peine de caducité ou d'irrecevabilité, de régulariser des conclusions au sens du message notifié le 13 mars 2025 par la société Expans Groupe.
Dès lors, le délai proposé aux parties postérieurement à l'audience du 22 janvier 2022 ne pouvait avoir que pour objet le recueil contradictoire de leurs observations sur le défaut de concentration des prétentions de l'intimée dès ses premières conclusions d'appel telles que notifiées le 31 octobre 2023.
Il apparaît enfin que la transmission de la société Expans Groupe en date du 10 février 2025 ne présente aucune observation à ce titre et que les conclusions notifiées le 6 janvier 2025 n'ont pas répondu à la demande d'observations formulée au dispositif de l'arrêt du 27 novembre 2024 relativement à l'absence de demande de réformation du jugement entrepris au dispositif des conclusions de la société Expans Groupe communiquées le 24 septembre 2024.
14. Dès lors, la cour déclarera irrecevables les conclusions notifiées le 10 février 2025 par la société Expans Groupe et, en conséquence, déclarera irrecevable l'appel incident formé le 6 janvier 2025 par la société Expans Groupe.
2. Sur la recevabilité de l'action de la société Expans Groupe
a.] Sur la recevabilité de la demande de l'appelante tendant à l'irrecevabilité de l'action de la société Expans Groupe
15. L'article 564 du code de procédure civile dispose :
« A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.»
16. Pour la première fois en appel, la société Brun tend à l'irrecevabilité de l'action de la société Expans Groupe pour défaut d'intérêt et de qualité à agir.
17. L'intimée lui oppose d'une part les dispositions de l'article 74 du code de procédure civile, en vertu desquelles les exceptions doivent être soulevées avant toute défense au fond ou fin de non recevoir, d'autre part le fait qu'il s'agit d'un moyen nouveau avancé par l'appelante, qui n'entre pas dans l'effet dévolutif de l'appel puisque ce chef de dispositif n'a pas été critiqué dans la déclaration d'appel.
18. A cet égard, il doit être relevé que la prétention relative à l'irrecevabilité de l'action de la société Expans Groupe ne pouvait faire l'objet d'une éventuelle critique dans la déclaration d'appel puisqu'elle n'avait pas été présentée en première instance.
Par ailleurs, en vertu de l'article 563 du code de procédure civile, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux devant la cour d'appel.
Enfin, le moyen tiré du défaut d'intérêt ou de qualité à agir ne soutient pas une exception de procédure au sens de l'article 74 du code de procédure civile mais une fin de non recevoir.
19. Cette fin de non-recevoir s'analyse en une prétention, non en un moyen, et il doit en effet être observé que cette prétention n'a pas été présentée devant les premiers juges.
Néanmoins, en vertu de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, de sorte que la demande de la société Brun tendant à l'irrecevabilité de l'action de la société Expans Groupe sera déclarée recevable.
b.] Sur la recevabilité de l'action de la société Expans Groupe
20. Au visa des articles 31 et 32 du code de procédure civile, la société Brun tend à l'irrecevabilité de l'action de la société Expans Groupe pour défaut d'intérêt et de qualité à agir.
L'appelante fait valoir que l'intimée fonde son action sur un contrat d'affiliation qui a été conclu entre la société Brun et la Société de Développement du Négoce et du Marketing (ci-après SDNM) et que la société Expans Groupe ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait acquis, avec le fonds de commerce de la société SDNM, les contrats d'affiliation dont celui de la société Brun.
21. La société Expans Groupe répond que la cession du fonds a expressément inclus celle de la clientèle, constituée par les contrats de référencement et d'affiliation.
Sur ce,
22. La société Expans Groupe produit à son dossier la page deux d'un document portant deux paraphes et qui stipule :
« Acte réitératif de cession de fonds de commerce
Le cédant, soussigné de première part, cède et transporte sous les garanties ordinaires de fait et de droit, au cessionnaire qui accepte, le fonds de commerce dont la désignation suit :
article 1 désignation du fonds
Le cédant cède le fonds de commerce décrit en exposé préalable, exploité à [Adresse 2], lui appartenant, et pour lequel il est immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Libourne sous le numéro 391 437 332, ledit fonds comprenant :
- l'enseigne, la clientèle et l'achalandage,
- la marque 'Tendance Homeuble' et la marque 'Homeuble',
- le matériel servant à l'exploitation décrit dans un inventaire dressé contradictoirement entre les parties et annexé aux présentes, à l'exception du véhicule de marque Skoda,
- le matériel informatique et le logiciel relatifs à l'exploitation de l'activité cédée, en ce compris l'ordinateur servant à la tenue de la comptabilité qui sera mise à la disposition du cessionnaire au jour des présentes »
Bien que seule la page 2 de l'acte de cession soit versée aux débats, le principe de la cession litigieuse ne peut être discuté puisque cette cession en date du 31 mars 2020 a fait l'objet d'une annonce légale publiée le 15 mai 2020 aux Echos Judiciaires Girondins.
23. Néanmoins, aucun élément n'établit que le contrat d'affiliation de la société Brun aurait été inclus dans le périmètre de cette cession, la formule classique 'l'enseigne, la clientèle et l'achalandage' ne pouvant caractériser un tel contrat, étant ajouté que l'appelante l'avait résilié le 19 juin 2019, soit neuf mois avant cette cession.
24. Or il est constant en droit que les contrats conclus dans le cadre de l'exploitation d'un fonds de commerce ne font pas partie des éléments de ce fonds et que sa cession n'emporte donc pas automatiquement cession à l'acquéreur des contrats conclus dans le cadre de l'exploitation de ce fonds, à l'exception des contrats dont un texte légal organise la transmission de plein droit avec le fonds de commerce (contrats de travail, contrats d'assurance, contrats d'édition).
En conséquence, les contrats d'affiliation ne peuvent donc être regardés comme des éléments du fonds de commerce cédés avec le fonds lui-même.
Les parties peuvent convenir, par une clause expresse insérée dans l'acte de cession, que certains contrats nécessaires à l'exploitation du fonds de commerce, sont transmis avec le fonds avec l'accord de toutes les parties (cédant, cessionnaire, tiers contractant) ; cependant, à défaut de précision dans l'acte, les contrats ne sont pas cédés avec le bien, même lorsque le contrat apparaît comme essentiel à l'activité.
25. En conséquence, faute pour la société Expans Groupe, qui poursuit expressément les manquements contractuels de l'appelante, de rapporter la preuve de ce qu'elle a fait l'acquisition du contrat d'affiliation de la société Brun, l'intimée n'établit pas qu'elle aurait qualité à agir à l'encontre de l'appelante sur le fondement du contrat du 9 janvier 2018, puisqu'elle n'est pas la co-contractante de la société Brun.
26. Il convient donc, infirmant le jugement déféré, de déclarer la société Expans Groupe irrecevable en son action.
Le jugement sera également infirmé en ses chefs de dispositif relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance ; statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant, la cour condamnera la société Expans Groupe à payer les dépens de première instance et d'appel et à verser à la société Brun la somme de 1.500 euros pour la procédure de première instance et celle de 3.000 euros pour la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Déclare irrecevables les conclusions notifiées le 10 février 2025 par la société Expans Groupe.
Déclare irrecevable l'appel incident formé le 6 janvier 2025 par la société Expans Groupe.
Infirme le jugement prononcé le 13 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Libourne.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevable l'action de la société Expans Groupe contre la société Brun.
Condamne la société Expans Groupe à payer à la société Brun la somme de 1.500 euros au titre de la procédure de première instance et celle de 3.000 euros au titre de la procédure d'appel, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Expans Groupe à payer les dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.