CA Colmar, 1re ch. A, 9 avril 2025, n° 24/01271
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Kelly Gouds (SAS)
Défendeur :
3 Lys (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Walgenwitz
Conseiller :
M. Roublot
Conseiller :
Mme Rhode
Avocats :
Me Seille, Me Polidori
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par acte sous seing privé en date du 6 janvier 2022, la SCI 3 Lys a donné à bail à la SAS Kelly Gouds un local commercial sis [Adresse 6], pour une durée de 9 ans moyennant un loyer mensuel de 1'350 ' hors taxes et hors charges.
Par assignation délivrée le 22 mai 2023, la SCI 3 Lys a fait citer la SAS Kelly Gouds devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse, afin notamment de faire constater la résiliation du bail à la date du 3 avril 2023, par l'effet de la clause résolutoire.
Par ordonnance rendue le 13 février 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse a':
'Ecarté des débats la pièce n° 12 produite par la SAS Kelly Gouds ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes en résiliation du bail et en paiement de l'arriéré de loyer, formées par la SCI 3 Lys contre la SAS Kelly Gouds ;
Donné acte à la SAS Kelly Gouds de ce qu'elle ne s'oppose pas à la réalisation des travaux nécessaires à la mise en conformité de l'installation électrique ;
Dit que la SAS Kelly Gouds devra laisser la SCI 3 Lys ou toute entreprise mandatée par elle pénétrer dans les locaux loués pour y procéder aux travaux de mise en conformité de l'installation électrique ;
Dit n'y avoir lieu d'assortir cette mesure d'une peine d'astreinte ;
Condamné la SAS Kelly Gouds à remettre les locaux loués dans leur état antérieur en enlevant la plaque métallique installée au-dessus de la porte d'entrée, et ce dans un délai maximum de deux mois civils à compter de la signification de la présente ordonnance, sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 50 ' par jour de retard, pendant un délai de trois mois ;
Rejeté les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la SAS Kelly Gouds aux dépens ;
Constaté l'exécution provisoire de plein droit des dispositions de la présente ordonnance.'
La SAS Kelly Gouds a interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 25 mars 2024.
La SCI 3 Lys s'est constituée intimée le 16 avril 2024.
Dans ses dernières conclusions datées du 23 août 2024, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la SAS Kelly Gouds demande à la cour de':
Sur l'appel principal
Déclarer la société Kelly Gouds régulière et bien-fondé en son appel,
En conséquence,
Infirmer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Mulhouse prononcée le 13 février 2024 en ce qu'elle a condamné la société appelante à remettre les locaux dans leur état antérieur en enlevant la plaque métallique installée au-dessus de la porte d'entrée dans un délai maximum de deux mois civils à compter de la signification, sous peine passé ce délai d'une astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un délai de trois mois,
Statuant à nouveau,
Débouter la SCI 3 LYS de sa demande de remise en état sous astreinte,
Sur appel incident,
Déclarer la SCI 3 LYS régulière mais particulièrement mal fondée en son appel incident,
Débouter la SCI 3 LYS de l'ensemble de ses demandes,
En toutes hypothèses,
Condamner la SCI 3 LYS, outre aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel, au paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.'
Dans ses dernières conclusions datées du 13 février 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la SCI 3 Lys demande à la cour de':
'In limine,
Ecarter des débats la pièce n° 12 produite par la SAS Kelly Gouds,
1) Sur l'appel principal
Déclarer l'appel de la SAS Kelly Gouds irrecevable, en tout cas mal fondé,
En conséquence,
Le rejeter,
Débouter la SAS Kelly Gouds de ses demandes,
2) Sur l'appel incident
Recevoir l'appel incident de la SCI 3 Lys et le dire bien fondé ;
En conséquence,
Infirmer l'ordonnance entreprise en ce que le juge des référés a :
- Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes en résiliation du bail et en paiement de l'arriéré de loyer, formées par la SCI 3 Lys contre la SAS Kelly Gouds ;
- Rejeté la demande de la SCI 3 Lys au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Et, statuant à nouveau,
Constater que la résiliation du bail est acquise à la date du 3 avril 2023 par l'effet de la clause résolutoire,
Subsidiairement,
Prononcer la résiliation aux torts du locataire du bail commercial conclu entre les parties,
Ordonner l'évacuation immédiate et sans délai de la SAS Kelly Gouds et de toute personne de son chef, tant de corps que de bien des locaux donnés à bail [Adresse 1] à [Localité 4],
Condamner la SAS Kelly Gouds à payer à la SCI 3 Lys une indemnité d'occupation fixée à 2 000 ' par mois qui sera due jusqu'à la libération effective des lieux,
Condamner la SAS Kelly Gouds à payer à la SCI 3 Lys la somme de 31 139,70 euros au titre l'arriéré de loyer au 11/02/2025, assortie des intérêts au taux légal à compter du 02/03/2023 ;
Confirmer l'ordonnance entreprise pour le surplus,
3) En tout état de cause':
Rejeter l'ensemble des fins, moyens et prétentions de la SAS Kelly Gouds,
Condamner la SAS Kelly Gouds à verser la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la SAS Kelly Gouds aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.'
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience de plaidoirie du 19 février 2025.
Par soit-transmis du 26 février 2025, la cour a invité les parties à se prononcer sur l'irrecevabilité, pour défaut de pouvoir du juge des référés, des demandes tendant au prononcé de la résiliation du bail et à la condamnation du preneur au paiement de la somme de 31'139,70 ' au titre des arriérés locatifs, cette demande n'étant pas présentée à titre provisionnel.
Vu la note en délibéré déposée le 20 mars 2025 par la SCI 3 Lys,
Vu la note en délibéré déposée le 21 mars 2025 par la SAS Kelly Gouds,
MOTIFS :
Sur la pièce n°12 de la société Kelly Gouds :
L'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, énonce qu'en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées
à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention 'officielle', les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel.
En l'espèce, l'annexe 12 de la société Kelly Gouds a été supprimée.
Dès lors, la demande présentée par la SCI 3 Lys tendant à écarter cette pièce des débats est sans objet.
Sur la remise en état des locaux :
Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire, dans les limites de sa compétence, peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer.
Le trouble manifestement illicite s'entend de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique, qui directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Le dommage est réalisé et il importe d'y mettre un terme.
En l'espèce, la société Kelly Gouds reconnaît avoir installé un système de climatisation et précise que l'installation consiste en la fixation d'une unité de climatisation à l'intérieur du local, au niveau du plafond et en bordure de vitrine, avec une extraction vers l'extérieur en façade.
Si elle reconnaît ne pas avoir sollicité l'autorisation du bailleur ou du syndicat des copropriétaires, elle considère que ces travaux ne portent atteinte ni à la solidité et à la stabilité du local, ni à l'esthétisme extérieur de l'immeuble.
Or, aux termes de l'article 25 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, les travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble et conformes à la destination de celui-ci doivent être soumis à l'assemblée générale des copropriétaires.
En conséquence, la réalisation de travaux affectant les parties communes que sont les murs de façade de l'immeuble, ainsi que son aspect extérieur, sans l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, constitue un trouble manifestement illicite.
Dès lors, c'est à raison que le premier juge a condamné, sous astreinte, la SAS Kelly Gouds à remettre les locaux loués dans leur état antérieur, en enlevant la plaque métallique installée au-dessus de la porte d'entrée, dans un délai maximum de deux mois.
Sur la résiliation du contrat de bail et l'arriéré locatif :
L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article L145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail, prévoyant la résiliation de plein droit, ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
En l'espèce, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le seul fait qu'une assignation au fond ait été délivrée par le preneur en date du 31 mars 2023, tendant au prononcé de la nullité du commandement de payer, n'est pas en soi un obstacle à l'examen par le juge des référés du litige qui lui était soumis par le bailleur, dans le cadre de l'assignation en référé délivrée le 22 mai 2023 et visant à obtenir la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail.
Dans ce dernier cadre, il appartient au juge des référés de prendre les mesures qui s'imposent et qui ne se heurtent, pour celles fondées sur l'alinéa 2 de l'article 835 du code de procédure civile, à aucune contestation sérieuse, l'allégation et la preuve d'une telle contestation pesant sur le preneur qui l'invoque.
La délivrance d'une assignation au fond ne dispense, dès lors, pas la société Kelly Gouds de démontrer l'existence de contestations sérieuses s'opposant à l'obligation de payer le loyer.
Il résulte des pièces produites par les parties que le contrat de bail les liant stipule que 'à défaut de paiement à son échéance d'un seul terme du loyer ou d'exécution d'une seule des conditions du présent bail qui sont toutes de rigueur, et d'un mois après un simple commandement de payer ou une sommation d'exécuter faite à personne ou à domicile élu, contenant mention de la présente clause et mentionnant ce délai, resté sans effet, le présent bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur, et l'expulsion du preneur et de tous occupants pourra avoir lieu en vertu d'une simple ordonnance de référé exécutoire par provision, nonobstant opposition ou appel, sans préjudice de tous dépens et dommages et intérêts, et du droit du bailleur d'exercer toute action qu'il jugera utile et sans que l'effet de la présente clause puisse être annulé par des offres réelles une fois le délai sus-indiqué passé.'
La SCI 3 LYS a fait signifier, le 2 mars 2023, à la société Kelly Gouds, un commandement de payer visant la clause résolutoire, portant sur la somme de 5'604,05 ', se composant d'un solde sur les loyers des mois de juin 2022 à février 2023 (TVA sur les loyers à hauteur de 270 ' x 9), d'un prorata sur la taxe foncière de l'année 2022 (1'199,10 '), ainsi que d'un rappel de charges au titre de l'année 2022 (1'800 '), outre les frais de l'acte.
La société Kelly Gouds n'allègue, ni ne démontre avoir réglé cette somme dans le délai qui lui était imparti. Elle explique que le contrat de bail ne porte nullement mention d'un quelconque assujettissement de la location à la TVA, que le rappel de charges ne porte pas mention des charges récupérables et que le prorata de taxe foncière 2022 est erroné.
L'examen des pièces produites par les parties démontre que le contrat de bail ne stipule pas, dans le paragraphe relatif au loyer, l'assujettissement à la TVA et qu'elle n'est pas expressément visée dans l'article consacré aux impôts, taxes et charges.
Concernant la taxe foncière 2022, le bailleur produit un avis d'imposition portant sur la somme totale de 2'450 ', sans expliquer le montant retenu de 1'199,10 ', alors qu'il semble, en vertu des documents produits par le preneur, que cette somme est calculée en fonction de la surface louée et non des tantièmes, comme stipulé au contrat de bail liant les parties.
Concernant les charges de l'année 2022, le décompte présenté a été établi sous réserve d'approbation des comptes lors de l'assemblée générale du 30 juin 2022 et il n'est pas justifié de cette approbation.
Ces différents éléments constituent des contestations sérieuses quant à la validité du commandement de payer visant la clause résolutoire, de sorte que l'ordonnance disant n'y avoir lieu à référé sur la demande en constatation de la résiliation du bail sera confirmée.
Par ailleurs, il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de prononcer la résiliation du contrat de bail, ni de condamner le preneur au paiement d'une somme non-provisionnelle au titre de l'arriéré locatif, de sorte que ces demandes seront déclarées irrecevables.
Sur les demandes accessoires :
Succombant, la société Kelly Gouds sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.
L'équité commande, en outre, de mettre à la charge de la société Kelly Gouds une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 000 euros au profit de la SCI 3 Lys, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Confirme l'ordonnance rendue le 13 février 2024 par le tribunal judiciaire de Mulhouse,
Y ajoutant,
Dit que la demande tendant à écarter des débats la pièce n°12 de la SAS Kelly Gouds est sans objet,
Déclare irrecevables les demandes présentées par la SCI 3 Lys, tendant au prononcé de la résiliation du contrat de bail et à la condamnation de la SAS Kelly Gouds à lui payer la somme de 31'139,70 ' au titre de l'arriéré de loyer au 11 février 2025,
Condamne la SAS Kelly Gouds aux dépens de l'appel,
Condamne la SAS Kelly Gouds à payer à la SCI 3 Lys la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SAS Kelly Gouds de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.