CA Agen, ch. civ., 9 avril 2025, n° 24/00797
AGEN
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Cartolux (SARL)
Défendeur :
Lucien Georgelin (SARL), LMJ (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Douchez-Boucard
Conseillers :
Mme Schmidt, Mme Rigault
Avocats :
Me Duluc, Me Tosi, Me Delmouly, Me de Jean
EXPOSÉ DU LITIGE
Par jugement du 6 juillet 2023, le Tribunal de commerce d'Agen a placé la SARL Lucien GEORGELIN en redressement judiciaire et a désigné en qualité de mandataires judiciaires la SELARL LMJ, prise en la personne de Me [S] [B] et la SCP [N], prise en la personne de Me [W] [N] et en qualité d'administrateurs.
Cette décision a fait l'objet d'une publication au BODACC le 11 juillet 2023.
Par courrier recommandé du 8 août 2023, la Société GROUPAMA Assurance-Crédit et Caution (ci-après GROUPAMA), agissant en qualité de mandataire de la SARL CARTOLUX, a déclaré sa créance à Me [S] [B] pour la somme de 43.047,79 euros, à titre chirographaire.
Par courrier du 6 décembre 2023, Me [S] [B], agissant es-qualités, a informé la Société GROUPAMA Assurance-Crédit et Caution que sa déclaration de créance faisait l'objet d'une contestation, faute pour le déclarant de justifier de sa capacité à réaliser la déclaration.
Par ordonnance du 29 juillet 2024, le juge commissaire d'Agen a notamment rejeté la déclaration de créance à hauteur de la somme de 43.047,79 euros. Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu que le créancier n'avait pas ratifié sa déclaration en produisant les justificatifs nécessaires à la délégation de signature.
Le 7 août 2024, la SARL CARTOLUX a interjeté appel de l'intégralité des chefs de l'ordonnance.
L'avis de fixation à bref délai a été envoyé le 28 août 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 2 octobre 2024, la SARL CARTOLUX demande à la cour de réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté sa déclaration de créance et statuant à nouveau de prononcer l'admission de sa créance au passif du redressement judiciaire de la SARL Lucien GEORGELIN pour la somme en principale de 43.047,79 euros et de statuer ce que de droit sur les dépens.
A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que selon le mandat signé le 10 juillet 2023, elle a autorisé GROUPAMA à procéder au recouvrement judiciaire ou amiable des sommes impayées dues par la SARL Lucien GEORGELIN dans le cadre d'un contrat d'assurance-crédit en vigueur souscrit auprès de GROUPAMA. Ce mandat prévoit notamment que pouvoir est donné à GROUPAMA de procéder à la déclaration de créances. Elle verse également aux débats le procès-verbal de réunion du Conseil d'administration de GROUPAMA en date du 7 juin 2018 renouvelant le mandat confié à M. [R] [T], es-qualités de Directeur Général de GROUPAMA et la délégation de pouvoir donnée par ce dernier à M. [C] [G], le 20 juin 2019, à l'effet de représenter GROUPAMA, à ester en justice en son nom devant toutes les juridictions, établir et signer et adresser à tout mandataire judiciaire ou liquidateur les déclarations de créance détenues par GROUPAMA. Elle considère en conséquence que la chaîne de délégation de pouvoirs est parfaite et que M. [M] [G] qui a procédé à la déclaration de créance pour le compte de la SARL CARTOLUX était parfaitement habilité à le faire.
Par conclusions du 2 octobre 2024, la SARL Lucien GEORGELIN demande à la cour de déclarer recevable et bien fondée l'appelante en son appel, de statuer ce que de droit sur l'admission de la créance de la SARL CARTOLUX au passif de son redressement judiciaire et de statuer ce que de droit sur les dépens. Elle reconnaît désormais que la SARL CARTOLUX verse aux débats l'ensemble des pouvoirs lui permettant d'attester de la capacité de M. [G] à pouvoir procéder à la déclaration de créance pour le compte de la SARL CARTOLUX, de telle sorte que c'est à bon droit qu'il est sollicité la réformation de l'ordonnance du 29 juillet 2024.
La SELARL LMJ, à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées le 3 septembre et 2 octobre 2024, n'a pas constitué avocat.
La SCP [W] [N], à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées le 3 septembre et 2 octobre 2024, n'a pas constitué avocat.
Par conclusions du 15 novembre 2024, le Ministère Public demande à la cour de confirmer l'ordonnance querellée considérant que l'appel est recevable mais que par jugement du 23 octobre 2024, le tribunal de commerce d'Agen a arrêté le plan de redressement de la SARL Lucien GEORGELIN qui s'impose au créancier appelant et qu'il convient en conséquence de confirmer la décision déférée ou à défaut de la déclarer sans objet.
L'affaire a été fixée à plaider à l'audience en date du 18 novembre 2024.
La cour pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions régulièrement déposées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la déclaration de créances contestée
L'article L622-24 du Code de commerce en son alinéa 2 dispose que " la déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance."
Aux termes de l'article L624-1 du code de commerce en son premier alinéa, "dans le délai fixé par le tribunal, le mandataire judiciaire, après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente. Il transmet cette liste au juge-commissaire."
En l'espèce, la SELARL LMJ, ès-qualités, a contesté la chaîne de délégation de pouvoir ayant permis la déclaration de la créance de la SARL CARTOLUX, estimant que le déclarant n'avait pas fourni le pouvoir justifiant de sa capacité à réaliser ladite déclaration.
Cependant à hauteur d'appel, la SARL CARTOLUX reconnaît que les justificatifs fournis au juge-commissaire n'étaient pas suffisants pour établir la chaîne de délégation de pouvoirs parfaite et y remédie de sorte que ce grief est sans objet. De plus aucune contestation n'est soulevée s'agissant du montant de la créance.
Enfin, le plan de redressement judiciaire arrêté par jugement du 23 octobre 2024 n'est pas de nature à faire obstacle à l'application de l'article R624-9 du Code de commerce qui dispose que l'état des créances est notamment complété des décisions rendues par la Cour d'appel statuant sur les recours formés contre les décisions du juge-commissaire.
En considération de ce qui précède, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance du 29 juillet 2024 et de faire droit à l'admission au passif de la SARL Lucien GEORGELIN, de la créance de la SARL CARTOLUX pour un montant de 43 047,79 euros TTC, en principal, à titre chirographaire.
Sur les dépens
Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,
INFIRME l'ordonnance du 29 juillet 2024 des chefs critiqués ;
Statuant de nouveau,
ORDONNE la modification de l'état des créances et en conséquence l'admission au passif de la SARL Lucien GEORGELIN de la créance de la SARL CARTOLUX pour un montant de 43 047,79 euros TTC, en principal, à titre chirographaire ;
Y ajoutant,
DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
Le présent arrêt a été signé par Marianne DOUCHEZ-BOUCARD, présidente, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.