Livv
Décisions

CA Riom, ch. soc., 8 avril 2025, n° 22/01157

RIOM

Autre

Autre

CA Riom n° 22/01157

8 avril 2025

08 AVRIL 2025

Arrêt n°

ChR/NB/NS

Dossier N° RG 22/01157 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F2JF

S.A.S.U. MECANIQUE DEVILLE

/

[D] [O]

jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire du puy en velay, décision attaquée en date du 06 mai 2022, enregistrée sous le n° f 20/00103

Arrêt rendu ce HUIT AVRIL DEUX MILLE VINGT CINQ par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Clémence CIROTTE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

S.A.S.U. MECANIQUE DEVILLE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Sonia HADDAD, de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

M. [D] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Elise MARNAT suppléant Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LX RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Marie-emeline ALMI-BERTHOLET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, avocat plaidant

INTIMEE

M. RUIN, Président en son rapport, après avoir entendu, à l'audience publique du 10 février 2025, tenue en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La société MÉCANIQUE DEVILLE, qui est spécialisée dans la production de pièces industrielles, est détenue depuis juin 2016 à 100% de son capital par la société chinoise UNITED MACHINERY GROUP LIMITED dont le siège social est situé à [Localité 6] (Chine).

À l'origine, la société comptait deux établissements l'un situé sur la commune d'[Localité 5] (43), l'autre sur la commune de [Localité 7] (42), avant que la direction ne décide de scinder les sites en deux sociétés distinctes en juin 2018.

A compter du 1er juillet 2018, la Société MÉCANIQUE DEVILLE a scindé son organisation en deux sociétés :

1/ La société MÉCANIQUE DEVILLE, située à [Localité 4] (43), pour la branche logistique ;

2/ La société MÉCANIQUE DEVILLE [Localité 7], située à [Localité 7] (42), pour la branche production, société placée en liquidation judiciaire le 25 mars 2020.

Monsieur [D] [O], né le 15 mars 1972, a été embauché par la société MÉCANIQUE DEVILLE le 14 février 1994, suivant contrat à durée indéterminée, en qualité d'agent de fabrication.

Au dernier état de la relation contractuelle, Monsieur [D] [O] exerçait les fonctions de responsable administratif et financier de la société MÉCANIQUE DEVILLE, responsable du site d'[Localité 5] (statut cadre, position II, coefficient 108).

Par courrier daté du 10 septembre 2019, la société MÉCANIQUE DEVILLE a convoqué Monsieur [D] [O] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 19 septembre 2019.

Par courrier recommandé daté du 8 octobre 2019, la société MÉCANIQUE DEVILLE a licencié Monsieur [D] [O] pour motif économique.

Le courrier de notification du licenciement est ainsi libellé :

'Monsieur [O],

Nous avons le regret, par la présente, de vous notifier, à titre conservatoire, la rupture de votre contrat de travail pour motif économique pour les raisons qui vous ont été exposées lors de l'entretien préalable du 19 septembre 2019, auquel vous avez assisté en étant accompagné de Monsieur [E] [M] membre du personnel de la Société MÉCANIQUE DEVILLE, tel que cela a été acté par vous et nous dans le document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle et tel que cela est rappelé ci-dessous.

Cet entretien préalable et les points essentiels y ayant été abordés ont fait l'objet d'un compte rendu librement signé par vos soins lors de l'entretien préalable du 19 septembre dernier dont une copie vous a été remise à l'issue de l'entretien préalable.

Comme vous le savez et comme cela a longuement été évoqué lors de l'entretien préalable, la Societé MÉCANIQUE DEVILLE est actuellement confrontée à des difficultés économiques nécessitant, d'une part, une réorganisation interne et d'autre part, la suppression de certains postes.

En effet, comme cela vous l'a été présenté lors de votre entretien préalable du 19 septembre dernier, la Société MÉCANIQUE DEVILLE est contrainte de faire face aux difficultés économiques suivantes:

' Le chiffre d'affaires se décompose en deux grandes parties:

- La production de pièces mécaniques :

- La logistique de ces mêmes produits de travaux publics, fabriqués soit en Pologne, soit en Chine ;

' Que la Société MÉCANIQUE DEVILLE est confrontée à plusieurs difficultés relativement insolubles.

' Qu'il a, en effet, été fait, au 31 décembre 2018, le constat :

- De l'accroissement de pertes importantes dans la mesure où le résultat au :

o 31 décembre 2017 était un bénéfice de 144 541 ' avec un chiffre d'affaires de 7 512 401 ' ;

o 31 décembre 2018 était une perte de 488 688 ' avec un chiffre d'affaires de 6 209 846 '.

Ainsi entre l'exercice 2017 et l'exercice 2018, la Société MÉCANIQUE DEVILLE AUREC a constaté un recul de ses résultats de 633 229 '.

- D'une baisse de chiffre d'affaires :

o Passant de 9 022 083 ' au 31 décembre 2016 à 7 512 401 ' au 31 décembre 2017 soit une baisse de chiffre d'affaires de près de 17% ;

o Passant de 7 512 401 ' au 31 décembre 2017 à 6 209 846 ' au 31 décembre 2018 soit une baisse de chiffre d'affaires de près de plus de 17% ;

o Soit une baisse de chiffre d'affaires de l'ordre de plus de 31% entre l'exercice clos au 31 décembre 2016 et l'exercice clos au 31 décembre 2018.

' Les prévisions de résultats pour l'année 2019 s'annoncent encore pire que ceux de l'année 2018.

D'une baisse du résultat d'exploitation :

o Passant de 239 970 ' au 31 décembre 2016 à 146 300 ' au 31 décembre 2017 ;

o Passant de 146 300 ' au 31 décembre 2017 à - 510 601 ' au 31 décembre 2018.

Les prévisions de résultats d'exploitation pour l'année 2019 s'annoncent encore pire que ceux de l'année 2018.

' Qu'en application des dispositions de l'article L 1233-3 du Code du Travail, les difficultés économiques pouvant justifier un licenciement économique sont caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins d'un indicateur économique tel :

' qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires ;

' des pertes d'exploitation.

' une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation

' ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

L'article L 1233-3 du Code du travail dans sa version postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, dispose :

« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

' 1°. A des difficultés économiques caractéristiques soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excèdent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

' Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée des lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, ou moins égale à :

o Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés;

o Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

o Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

o Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus »

Sans réaction ré-organisationnelle, la Société MÉCANIQUE DEVILLE pourrait rapidement être dans l'impossibilité d'assurer le paiement de l'ensemble de ses charges et être dans l'obligation de se déclarer en état de cessation de paiement.

La situation ci-dessus décrite, et que nous vous avons exposé lors de l'entretien préalable du 19 septembre dernier, ne nous permet plus de maintenir, en l'état actuel votre poste de Responsable Administratif et Financier, et Responsable de Site que nous devons supprimer purement et simplement.

Avant d'envisager la mise en place d'un plan quelconque de licenciement économique nous avons engagé des recherches internes de reclassement. Ainsi nous :

avons réfléchi en interne aux possibilités d'aménagement de votre poste de travail afin de pouvoir conserver ce dernier ;

avons réfléchi aux possibilités de formation à mettre en place afin de pouvoir créer un poste qui aurait pu permettre un maintien de votre contrat de travail ;

avons interrogé différentes sociétés, Pôle Emploi, nos syndicats professionnels afin de savoir s'ils disposaient d'un poste pouvant vous être offert ;

Nous avons alors pu identifier un poste de reclassement que nous vous avons proposé par courrier du 28 août 2019 que vous avez reçu le 30 août 2019.

Le poste de reclassement était le suivant :

Technicien Logistique

Statut E.T.A.M. - Niveau II, AM 2, Echelon 3, Coefficient 240,

C.D.I. temps plein base 35h00 par semaine avec une moitié de temps en service administratif et une moitié de temps en magasin

Rémunération brute mensuelle : 3 000 '

Maintien intégral de l'ancienneté et de l'ensemble des avantages liés à votre statut de salarié de la Société MÉCANIQUE DEVILLE.

Par courriel du 30 août 2019, vous avez sollicité la communication d'une fiche de poste bien que vous ne remettiez pas à nos collaborateurs une telle fiche de poste lors de chaque embauche ou nouvelle affectation.

Par courriel du 3 septembre 2019 nous vous avons transmis la fiche de poste du poste de Technicien Logistique et Administratif. Dans ce même courriel nous vous proposions de vous recevoir, à votre demande, le 10 septembre 2019 entre 9h00 et 12h00, pour vous présenter ledit poste et pour répondre à vos interrogations et demandes de précisions sur ce dernier.

Vous n'avez pas jugé opportun d'assister à un tel entretien et à un tel échange sur le poste de reclassement identifié pour vous.

Vous avez refusé ledit poste de reclassement par courrier du 7 septembre 2019 reçu le 10 septembre 2019 en indiquant notamment, d'une part, que si vous acceptiez ledit poste vous vous exposeriez, en cas de licenciement postérieur, à une perte financière importante au titre de votre indemnité de licenciement et d'autre part, que vous accepteriez ledit poste dans le cadre de la priorité de réembauchage.

Par courrier du 10 septembre 2019, émis avant la réception de votre courrier du 7 septembre 2019, nous vous avions accordé un delai supplémentaire pour accepter ou refuser ledit poste de reclassement.

Par courrier du 16 septembre 2019 en réponse à votre correspondance du 7 septembre 2019 reçue le 10 septembre 2019, nous vous avons proposé d'accepter le poste de reclassement proposé par courrier du 28 août 2019 en vous garantissant le maintien de vos droits à indemnité de licenciement cadre (soit 12,5 mois de salaire) en cas de licenciement postérieur évitant ainsi la rupture de votre contrat de travail.

Lors de l'entretien préalable du 19 septembre 2019 vous avez malheureusement refusé d'accepter le poste de reclassement dans les conditions fixées par notre courrier du 16 septembre 2019 quand bien même cela aurait permis de répondre aux termes de votre courrier du 7 septembre 2019 reçu le 10 septembre 2019.

Naturellement, si nous regrettons votre position exprimée le 7 septembre 2019 et le 19 septembre 2019 dans la mesure où cela aurait permis de maintenir votre contrat de travail au sein de la Société MÉCANIQUE DEVILLE et aurait ainsi éviter votre licenciement pour motif économique, nous ne pouvons que vous proposer à nouveau ledit poste de reclassement.

Par voie de conséquence et nonobstant les termes de la présente, nous vous proposons d'occuper le poste de :

Technicien Logistique et Administratif

Statut E.TA.M. - Niveau III, AM 2, Echelon 3, Coefficient 240,

C.D.L. temps plein base 35h00 par semaine avec une moitié de temps en service administratif et une moitié de temps en magasin

Rémunération brute mensuelle : 3 000'

Maintien intégral de l'ancienneté et de l'ensemble des avantages liés à votre statut de salarié de la Société MÉCANIQUE DEVILLE

Dans les conditions définies par la fiche de poste transmise le 3 septembre 2019

Avec une garantie de maintien de votre indemnité de licenciement (12,5 mois minimum) en cas de licenciement postérieur à l'acceptation dudit poste et dans les conditions définies par notre courrier du 16 septembre 2019.

Nous vous accordons un délai jusqu'au 10 octobre 2019 pour accepter ou refuser ledit poste de reclassement. A défaut de réponse de votre part au plus tard cette date nous considèrerons que vous refusez ledit poste de reclassement.

Nous espérons sincèrement et honnêtement que vous accepterez ledit poste de reclassement qui permettra de maintenir votre emploi au sein de la Société MÉCANIQUE DEVILLE.

Compte tenu de ce qui précède et comme nous vous l'avions évoqué lors de l'entretien préalable du 19 septembre 2019, votre poste de Responsable Administratif et Financier et de Responsable de Site ne peut pas être maintenu et doit, par voie, de conséquence être supprimé.

Il vous a été remis, lors de l'entretien préalable, le 19 septembre 2019, les documents relatifs au contrat de sécurisation professionnelle vous permettant d'obtenir une aide renforcée à la recherche d'un emploi et une indemnisation chômage favorable.

Comme cela vous est précisé dans le document qui vous a été remis lors de l'entretien préalable du 13 mars dernier, le délai de réflexion, pour adhérer ou non au contrat de sécurisation professionnelle, étant de 21 Jours calendaires à compter du lendemain de la notification de cette proposition, soit le 20 septembre 2019, votre délai de réflexion expirera le 10 octobre 2019 minuit cachet de la poste faisant foi.

Il vous reste, au jour de l'émission du présent courtier, trois jours, cachet de la poste faisant foi, pour changer d'avis et in fine accepter ce dernier.

A la date d'envoi du présent courrier, il vous reste 3 Jours calendaires pour y adhérer.

A défaut de réponse dans ce délai, vous serez considéré comme ayant refusé le bénéfice du Contrat de Sécurisation Professionnelle.

A défaut d'accepter le bénéfice du Contrat de Sécurisation Professionnelle dans le délai ci- dessus indiqué, soit avant le 10 octobre 2019, la notification du licenciement qui vous est adressée, par la présente, à titre conservatoire prendrait toute sa vigueur et votre préavis, d'une durée de trois mois prendrait effet dès émission du présent courrier et générerait alors pour vous une rupture de votre contrat de travail à l'issue de ce dernier, soit à effet au 7 janvier 2020.

Toutefois, si vous décidez, in fine, d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle, votre contrat de travail sera réputé rompu du fait du commun accord des parties au terme du délai de réflexion de 21 jours calendaires, soit le 10 octobre 2019à minuit.

[']

Nous vous remercions pour votre collaboration au sein de notre entreprise et vous prions de croire en toute notre considération même si nous regrettons réellement et sincèrement que vous n'ayez pas accepté le poste de reclassement que nous vous avons proposé et pour lequel nous avons multiplié les concessions en vue de répondre favorablement, en vain, à vos demandes.'

Monsieur [D] [O] ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 3 octobre 2019, la rupture du contrat de travail est intervenue le 10 octobre 2019.

Le 24 juin 2020, Monsieur [D] [O] a saisi le Conseil de prud'hommes du PUY-EN-VELAY aux fins notamment de voir juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement qui lui a été notifié pour motif économique par la société MÉCANIQUE DEVILLE, outre obtenir l'indemnisation du préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi ainsi que des dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale de la relation de travail.

La première audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 4 septembre 2020 (convocation notifiée au défendeur le 1er juillet 2020), et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement (RG 20/00103) rendu contradictoirement le 6 mai 2022 (audience du 28 janvier 2022), le conseil de prud'hommes du PUY-EN-VELAY a :

- Jugé que l'exécution du contrat de travail de Monsieur [D] [O] est régulière ;

- Jugé que la procédure de licenciement de Monsieur [D] [O] est régulière ;

- Dit que les difficultés économiques invoquées par la SAS résultent de l'attitude intentionnelle de l'employeur ;

- Jugé que le licenciement de Monsieur [D] [O] est sans cause réelle et sérieuse ;

- Dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur [D] [O] ne s'est pas faite dans des circonstances vexatoires ;

En conséquence,

- Condamné la société MÉCANIQUE DEVILLE à payer et à porter à Monsieur [D] [O] les sommes suivantes :

* 73.062,50 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 12.525 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.252,50 euros à titre de congés payés sur préavis,

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Dit que les créances salariales sont productrices d'intérêts au taux légal à compter de la réception par le défendeur de la convocation à comparaître à l'audience de conciliation et d'orientation et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées et les créances indemnitaires à compter du prononcé du jugement;

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur les sommes dues au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R1454-14 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire ;

- Dit que la moyenne des salaires de Monsieur [D] [O] s'établit à 4.175,00 euros ;

- Condamné la société MÉCANIQUE DEVILLE à accomplir les formalités et versements des cotisations éludées ;

- Condamné la société MÉCANIQUE DEVILLE à remettre à Monsieur [D] [O] les documents de fin de contrat rectifiés conformes aux décisions et sommes précitées dans les 30 jours calendaires à compter de la notification de cette décision, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à partir du 31ème jour suivant la notification,

- Dit que le Conseil de Prud'hommes se réserve la liquidation de l'astreinte le cas échéant,

- Débouté Monsieur [D] [O] de ses autres demandes ;

- Débouté la société MÉCANIQUE DEVILLE de sa demande reconventionnelle ;

- Condamné la société MÉCANIQUE DEVILLE aux dépens de l'instance.

Le 3 juin 2022, la société MÉCANIQUE DEVILLE a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 10 mai 2022.

Le 27 juin 2022, Monsieur [D] [O] a constitué avocat dans le cadre de la présente instance d'appel.

Les parties ont régulièrement conclu au fond.

Le 26 septembre 2024, les avocats des parties ont été avisés que l'affaire sera plaidée à l'audience collégiale de la chambre sociale de la cour d'appel de Riom du 3 février 2025 à 13h45 et que l'ordonnance de clôture interviendra le 6 janvier 2025 à 09h00.

Le 2 janvier 2025, l'avocat de Monsieur [D] [O] a notifié de nouvelles conclusions au fond. En réponse, l'avocat de la société MÉCANIQUE DEVILLE a demandé un report de l'ordonnance de clôture de l'instruction.

Le 6 janvier 2025 à 10h57, le greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de Riom a notifié aux avocats des parties la clôture de l'instruction.

Le 7 janvier 2025, le magistrat de la mise en état a notifié aux avocats des parties la révocation de l'ordonnance de clôture de l'instruction, la fixation d'une nouvelle clôture au 3 février 2025 à 9h, l'affaire devant être plaidée le 3 février 2025 à 13h45.

Le 30 janvier 2025, l'avocat de la société MÉCANIQUE DEVILLE a notifié de nouvelles conclusions au fond.

Le 31 janvier 2025, l'avocat de Monsieur [D] [O] a notifié de nouvelles conclusions au fond.

En raison d'une panne informatique, le greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de Riom n'a pas été en mesure de notifier l'ordonnance de clôture de l'instruction le 3 février 2025 à 9h.

Le 3 février 2025 à 11h01, l'avocat de la société MÉCANIQUE DEVILLE a notifié de nouvelles conclusions au fond, et ce avec production d'une nouvelle pièce numérotée 37.

A l'audience du 3 février 2025 à 13h45, devant les explications peu satisfaisantes des avocats des parties sur leurs dernières notifications d'écritures et le respect du principe du contradictoire, le président de la chambre sociale de la cour d'appel de Riom a indiqué qu'il allait soit renvoyer le dossier à la mise en état, soit le renvoyer à l'audience de la semaine suivante (10 février 2025 à 13h45) sous condition pour les avocats de respecter une dernière clôture de l'instruction désormais fixée au mercredi 5 février 2025 à 9 heures. Les avocats des parties n'ont pas souhaité un renvoi à la mise en état.

Le 4 février 2025 à 12h34, l'avocat de Monsieur [D] [O] a notifié de nouvelles conclusions au fond.

À l'audience de la chambre sociale de la cour d'appel de Riom du 10 février 2025, les avocats des parties ont comparu et ont indiqué qu'il n'y avait plus désormais de question de procédure en litige, qu'il n'était donc plus sollicité que des écritures soient écartées ni le rabat de la clôture de l'instruction.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 3 février 2025 par la société MÉCANIQUE DEVILLE,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 4 février 2025 par Monsieur [D] [O],

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 5 février 2025 à 9 heures.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, la société MÉCANIQUE DEVILLE demande à la Cour de :

Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- Considéré que les difficultés économiques invoquées par la société MÉCANIQUE DEVILLE résultent de l'attitude intentionnelle de l'employeur et

- Jugé que le licenciement individuel pour économique de Monsieur [D] [O] était sans cause réelle et sérieuse ;

- Requalifié le licenciement économique de Monsieur [D] [O] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamné la société MÉCANIQUE DEVILLE à payer et porter à Monsieur [D] [O] les sommes de :

- 73 062,50 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 12 525 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 1 252,50 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Jugé que les créances salariales sont productrices d'intérêts au taux légal à compter de la réception par le défendeur de la convocation à comparaître à l'audience de conciliation et d'orientation et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées et les créances indemnitaires à compter du prononcé du jugement du 6 mai 2022 ;

- Condamné la société MÉCANIQUE DEVILLE à remettre à Monsieur [D] [O] les documents de fin de contrat rectifiés conformes aux décisions et sommes précitées dans les 30 jours calendaires à compter de la notification de cette décision, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à partir du 31ème jour suivant la notification ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Jugé que l'exécution du contrat de Monsieur [D] [O] était régulière ;

- Jugé que la procédure de licenciement de Monsieur [D] [O] était régulière;

- Jugé que la rupture du contrat de travail de Monsieur [D] [O] ne s'est pas faite dans des circonstances vexatoires.

STATUANT A NOUVEAU :

A TITRE PRINCIPAL :

- Juger le bien-fondé du licenciement pour motif économique ;

- Juger que les difficultés économiques invoquées par la société MÉCANIQUE DEVILLE ne résultent pas de l'attitude intentionnelle de l'employeur ;

- Réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société MÉCANIQUE DEVILLE à payer à Monsieur [D] [O] :

- 73 062,50 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 12 525 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 1 252,50 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

- Reformer le jugement en ce qu'il a condamné la société MÉCANIQUE DEVILLE à payer à Monsieur [D] [O] 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner Monsieur [D] [O] à payer à la société MÉCANIQUE DEVILLE la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Sur l'appel incident formé par Monsieur [O] relatif à l'exécution fautive et déloyale de son contrat de travail, la cour devra statuer à nouveau et :

- Rejeter l'appel incident formé par Monsieur [O] relatif à la demande de condamnation de la société MÉCANIQUE DEVILLE au titre de l'exécution fautive de son contrat de travail et déloyale de son contrat de travail :

Par conséquent :

- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes du Puy-en-Velay rendu au titre de l'exécution fautive et déloyale du contrat de travail de Monsieur [O] et débouter Monsieur [O] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5000 euros au titre de la réparation du préjudice prétendument subi.

A TITRE SUBSIDIAIRE :

En cas de requalification du licenciement de Monsieur [D] [O] en licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- Réformer le premier jugement en ce qu'il a condamné la société MÉCANIQUE DEVILLE à payer à Monsieur [D] [O] 73 062, 50 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société MÉCANIQUE DEVILLE à payer à Monsieur [D] [O] 12 525 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société MÉCANIQUE DEVILLE expose avoir licencié Monsieur [D] [O] pour motif économique en raison de difficultés économiques caractérisées par la dégradation de divers indicateurs économiques :

- un accroissement des pertes d'exploitation sur 8 trimestres consécutifs ayant déjà entraîné 5 licenciements pour motifs économiques en 2016,

- une baisse du chiffre d'affaires de 40% entre 2016 et 2019,

- une baisse du résultat d'exploitation.

L'employeur précise que la société MÉCANIQUE DEVILLE [Localité 7] a été placée en liquidation judiciaire en 2020. Il expose que la filialisation des activités n'empêche pas la comparabilité de l'exercice 2018 avec les exercices précédents pour évaluer la dégradation des indicateurs économiques.

La société MÉCANIQUE DEVILLE soutient que les difficultés économiques ne résultent pas de l'attitude intentionnelle de l'employeur. Elle expose que le caractère fautif de la gestion de l'entreprise doit être appréciée de façon restrictive et doit résulter d'une carence fautive et non d'une simple erreur de gestion. A ce titre, elle fait valoir que :

- Monsieur [D] [O] exerçant les fonctions de Responsable administratif et financier connaissait les comptes de la société et a participé aux prises de décisions économiques et financières. Il bénéficiait d'une certaine autonomie notamment dans la mise en oeuvre des procédures de licenciement. L'employeur relève qu'il n'a jamais alerté la direction sur la situation économique de la société.

- L'opération de filialisation opérée sur les deux établissements entraînant la création de deux sociétés différentes n'a pas eu d'incidence sur les résultats d'exploitation réalisés par la société MÉCANIQUE DEVILLE mais avait au contraire pour objectif de parvenir à une meilleure rentabilité.

- Les coûts des départs des salariés ne peuvent caractériser une faute de gestion de la société et la volonté de l'employeur de dégrader la situation financière de l'entreprise. L'employeur précise que ces départs ont au contraire entraîné une baisse des charges salariales ce qui a permis d'assurer la viabilité et la performance de l'entreprise.

- La perte d'encours de production ne caractérise pas une faute de gestion mais une décision de gestion. Elle s'explique par le fait que la société MÉCANIQUE DEVILLE a cessé son activité de production au profit de la société MÉCANIQUE DEVILLE [Localité 7].

- La vente des machines de production est une décision de gestion à laquelle Monsieur [D] [O] ne s'est pas opposé. L'employeur explique que l'activité de production ayant été transférée à la société MÉCANIQUE DEVILLE [Localité 7], la société MÉCANIQUE DEVILLE n'avait pas à conserver ces machines.

- La société MÉCANIQUE DEVILLE précise qu'elle a opéré des remontées de dividendes et a consenti des 'management fees' à la société UNITED MACHINERY GROUP LIMITED ce qui ne peut lui être reproché dès lors qu'ils relèvent d'une convention réglementée et sont soumis au contrôle du Commissaire aux comptes. Elle ajoute que les flux financiers entre société d'un même groupe ne sont pas de nature à remettre en cause le licenciement économique de Monsieur [D] [O].

- La mise en vente des locaux de la société MÉCANIQUE DEVILLE n'a pas eu lieu et ne peut démontrer l'absence de volonté de l'employeur de pérenniser l'activité de cette dernière.

La société MÉCANIQUE DEVILLE fait valoir qu'elle a sollicité l'accord de Monsieur [D] [O] quant à une proposition de reclassement.

La société MÉCANIQUE DEVILLE estime bien fondé le licenciement notifié pour motif économique à Monsieur [D] [O] et conclut au débouté du salarié de sa demande indemnitaire pour perte injustifiée de son emploi.

A titre subsidiaire, l'employeur demande de limiter le montant des dommages et intérêts pour indemniser le préjudice lié à la perte injustifiée de son emploi car Monsieur [D] [O] ne démontre pas de l'existence et de l'étendue de son préjudice.

Par ailleurs, la société MÉCANIQUE DEVILLE conclut au rejet de l'appel incident relatif à l'exécution fautive et déloyale du contrat de travail de Monsieur [D] [O]. Elle soutient que le salarié n'a jamais reproché à l'employeur d'avoir manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail. Elle fait valoir à ce titre que :

- Les missions de comptabilité et de gestion évoquées par Monsieur [D] [O] n'apparaissent pas dans sa fiche de poste et ce dernier ne démontre pas les avoir réalisées ;

- Les fonctions RH dont il avait la charge ne se limitent qu'aux tâches administratives et non aux tâches opérationnelles comme la conduite des entretiens d'embauche ;

- Le retrait des tâches de gestion de la société MÉCANIQUE DEVILLE [Localité 7] est justifié puisque Monsieur [D] [O] est devenu salarié du site d'[Localité 4];

- L'employeur a décidé d'externaliser la paie à un cabinet d'expertise externe afin d'alléger Monsieur [D] [O] de certaines fonctions et de s'assurer de la sécurité juridique des opérations réalisées ;

- Monsieur [D] [O] avait toujours en charge la vérification des factures, la direction a simplement demandé de les faire signer par les personnes ayant passé les commandes ce qui ne caractérise pas un retrait de fonctions ;

- Monsieur [D] [O] n'a pas alerté de la dégradation de ses conditions de travail ou d'une modification de ses fonctions au cours de la relation de travail ;

- Monsieur [D] [O] n'était pas affecté à des tâches subalternes et il n'en rapporte pas la preuve ;

- Monsieur [D] [O] évoque les relations avec divers collaborateurs pour justifier de la mauvaise foi de la société MÉCANIQUE DEVILLE lorsque les salariés s'opposaient aux décisions de la direction. Ces éléments ne démontrent pas l'existence d'une attitude déloyale et fautive de l'employeur envers Monsieur [D] [O].

La société MÉCANIQUE DEVILLE considère que Monsieur [D] [O] ne démontre pas l'existence d'une exécution fautive ou déloyale du contrat de travail et conclut au débouté des demandes qu'il formule à ce titre.

La société MÉCANIQUE DEVILLE soutient également que Monsieur [D] [O] ne démontre pas l'existence de circonstances vexatoires de la rupture du contrat de travail et conclut au débouté des demandes que le salarié formule à ce titre.

Dans ses dernières conclusions, Monsieur [D] [O] demande à la Cour de :

Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes du PUY-EN-VELAY en ce qu'il a :

- Jugé que les difficultés économiques invoquées par la société MÉCANIQUE DEVILLE résultent de l'attitude intentionnelle de l'employeur ;

- Jugé que le licenciement individuel pour motif économique de Monsieur [D] [O] est sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamné la société MÉCANIQUE DEVILLE à payer et porter à Monsieur [D] [O] les sommes suivantes :

- 73.062,50 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement économique sans cause réelle et sérieuse,

- 12.525,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis;

- 1.252,50 euros à titre de congés payés sur préavis ;

- 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Dit que les créances salariales sont productrices d'intérêts au taux légal à compter de la réception par le défendeur de la convocation à comparaître à l'audience de conciliation et d'orientation et à défaut de la demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées et les créances indemnitaires à compter du prononcé du jugement du 6 mai 2022;

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur les sommes dues au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R.1454-14 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire ;

- Dit que la moyenne des salaires de Monsieur [D] [O] s'établit à 4.175,00 euros ;

- Condamné la société MÉCANIQUE DEVILLE à accomplir les formalités et versement des cotisations éludées ;

- Condamné la société MÉCANIQUE DEVILLE à remettre à Monsieur [D] [O] les documents de fin de contrat rectifiés conformes aux décisions et sommes précitées dans les trente jours calendaires à compter de la notification de cette décision, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 31'me jour suivant la notification;

- Dit que le Conseil de Prud'hommes se réserve la liquidation de l'astreinte le cas échéant;

Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- Jugé l'exécution du contrat de travail de Monsieur [D] [O] était régulière

STATUANT A NOUVEAU :

- Réformer le jugement en ce qu'il a dit que l'exécution du contrat de travail de Monsieur [D] [O] était régulière ;

- Juger fautive et déloyale l'exécution du contrat de travail de Monsieur [D] [O] par la société MÉCANIQUE DEVILLE ;

- Condamner la société MÉCANIQUE DEVILLE à devoir régler à Monsieur [D] [O] la somme de 5.000 euros au titre de l'exécution fautive et déloyale de son contrat de travail.

Accueillant la demande reconventionnelle de Monsieur [D] [O] :

- Condamner la société MÉCANIQUE DEVILLE à devoir verser à Monsieur [D] [O] la somme de 12.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société MÉCANIQUE DEVILLE aux entiers dépens de l'instance ;

- Ordonner l'accomplissement des formalités et versement des cotisations éludées ;

- Ordonner la capitalisation des intérêts légaux à compter du jour de l'introduction de l'instance pour les sommes revêtant un caractère salarial, à compter de la décision à venir pour les sommes revêtant le caractère de dommages et intérêts ;

- Dire ni avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Monsieur [D] [O] soutient qu'il convient de prendre en compte l'attitude et les agissements de l'employeur pour apprécier le caractère sérieux des difficultés économiques invoquées à l'appui de son licenciement. Il expose que ces difficultés résultent d'une attitude intentionnelle de l'employeur qui aurait fait preuve de complaisance à l'égard des décisions de la société chinoise. A ce titre, il fait valoir que :

- Les chiffres invoqués par l'employeur sont erronés en raison de la filialisation des deux établissements en juin 2018. Dès lors, concernant l'exercice clos de 2018, la société MÉCANIQUE DEVILLE occulte le fait que la partie du chiffre d'affaires dont elle a accusé la perte a en réalité été réalisée et captée par la nouvelle société MÉCANIQUE DEVILLE [Localité 7]. La scission a eu des impacts sur les résultats des deux sociétés, les chiffres avancés par l'employeur ne sont donc pas basés sur la même situation ce qui rend impossible la comparaison avec l'exercice précédent ;

- Contrairement à ce que prétend l'employeur, la société n'a pas perdu l'un de ses plus gros clients puisque ce dernier a seulement fermé l'un de ses sites. Cette réorganisation interne n'a pas eu d'incidence sur ses relations commerciales avec la société MÉCANIQUE DEVILLE, qui a continué à livrer les autres sites, de telle sorte qu'il demeure l'un de ses clients les plus importants. En outre, cette réorganisation ayant eu lieu en septembre 2016, elle n'a pas eu d'impact sur les pertes enregistrées en 2018.

- Monsieur [D] [O] ne conseillait pas l'entreprise sur ses prises de décisions économiques mais n'était au contraire qu'un exécutant des décisions de la société chinoise. La société MÉCANIQUE DEVILLE ne démontre pas que ce dernier avait un rôle de codirection dans la société. A ce titre, le seul fait d'avoir été l'interlocuteur de l'avocat de la société afin de faciliter les échanges entre anglais et français et d'apporter des modifications mineures sur un projet de procès verbal des réunions des institutions représentatives du personnel n'est pas de nature à le justifier ;

- La décision de délocalisation de la production de pièces en Chine jusqu'alors usinées sur le site d'[Localité 4] a été prise au détriment de l'intérêt social de l'entreprise. Cette décision a été prise en dépit d'une amélioration des marges fin 2016 et des prévisions réalisées par le cabinet comptable d'une situation financière plus favorable en 2017. Par ailleurs, cette délocalisation a entraîné des retards de livraison, l'unité de production chinoise n'étant pas en capacité d'honorer les commandes dans les délais de livraison prévus. Les sommes n'ont donc pas été encaissée sur l'année 2018 mais en début d'année 2019, sans quoi le chiffre d'affaires aurait été comparable à celui enregistré en 2017.

- La mise en place d'un contrat d'affacturage entre la société MÉCANIQUE DEVILLE et la société chinoise qui récupérait alors une partie de la somme payée par les clients est un système coûteux qui explique une forte baisse du compte client ;

- La vente de machines et équipements de production à une société chinoise pour un prix inférieur à leur valeur sur le marché a eu pour conséquence de faire cesser l'activité de production de la société et a conduit à des pertes de chiffre d'affaires conséquentes liées à cette activité alors dominante ;

- De nombreux départs de salariés entraînant d'une part, des coûts exceptionnels en charges sociales en raison notamment de départs négociés, et d'autre part, une baisse importante de la masse salariale privant la société de sa force de travail ;

- Le licenciement de Monsieur [D] [O] n'a pas permis de réaliser des économies puisqu'il relevait encore des effectifs jusqu'en fin 2019 et qu'il a été remplacé par des prestataires extérieurs plus coûteux ;

- Les encours de production n'ont pas pu être achevés faute d'équipement contraignant la société à les passer en pertes sur l'exercice 2018. Ces encours n'ont pas pu être enregistrés par le site de [Localité 7] dès lors que la typologie des pièces fabriquée était différente, mais la production a en réalité été délocalisée en Chine sous l'impulsion de son actionnaire unique chinois.

- La société MÉCANIQUE DEVILLE a consenti à des marges réalisées sur la vente de pièces produites en Chine, achetées à la société UNITED MACHINERY GROUP LIMITED et revendue à ses clients français au profit de la société chinoise. Elle a également ratifié une convention d'animation réglementée lui imposant de reverser à la société chinoise des 'management fees' alors que la société MÉCANIQUE DEVILLE était déjà en situation déficitaire. Ces flux financiers étaient destinés à assécher les comptes de la société.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, Monsieur [D] [O] soutient que les difficultés économiques et financières invoquées au soutien de la mesure de licenciement ont en réalité été orchestrées et résultent des agissements intentionnels de l'employeur. Il expose que la société MÉCANIQUE DEVILLE s'est délestée de l'ensemble de ses moyens de production et d'une partie de son patrimoine au seul profit de la société chinoise ayant des coûts de production inférieurs contribuant ainsi à sa situation déficitaire. Monsieur [D] [O] conclut à l'absence de bien-fondé de son licenciement et sollicite en conséquence la condamnation de la société MÉCANIQUE DEVILLE à indemniser le préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi.

Par ailleurs, Monsieur [D] [O] fait valoir une exécution fautive et déloyale de son contrat. Il précise qu'il a subi des modifications de ses attributions qui ont eu une incidence sur ses responsabilités, lesquelles constituent une modification du contrat de travail qui ne peuvent être décidées unilatéralement par l'employeur. Dans le cadre de ses fonctions de « Responsable Administratif et Financier », Monsieur [D] [O] avait en charge des missions de comptabilité et de gestion des ressources humaines. A compter de mars 2018, diverses responsabilités lui sont retirées alors qu'elles relèvent de son contrat de travail. Monsieur [D] [O] s'estime cantonné à la réalisation de tâches subalternes (aide au déchargement des livraisons, nettoyage des ateliers, collecte de pièces...) :

- Il n'avait plus la charge de la validation des règlements fournisseurs, l'engagement pour la société de petites dépenses courantes et récurrentes, des réunions avec les clients, la conduite d'entretiens d'embauche, la vérification des factures, la cession des factures clients et la gestion de la paie. Ses missions de chargé de comptabilité ont été confiées à un cabinet comptable extérieur ;

- Monsieur [D] [O] conservait postérieurement à l'opération de scission la charge des missions de gestion des ressources humaines et de la comptabilité de cette nouvelle entité, avec laquelle les relations n'étaient pas rompues, fonctions qui lui ont également été retirées sans information préalable.

Monsieur [D] [O] expose un manque de communication avec la direction chinoise. Il se considère comme simple exécutant des décisions prises par cette dernière sans pouvoir s'y opposer dans la crainte de se faire évincer. Il reproche à la direction chinoise une stratégie de suppression des effectifs, notamment par le biais de placardisation, pour embaucher en lieu et place des salariés ou étudiants recrutés en Chine à moindre coût.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, Monsieur [D] [O] soutient que l'exécution fautive et déloyale de son contrat de travail par la société MÉCANIQUE DEVILLE est établie, s'agissant d'une modification, sans son accord et dans des circonstances vexatoires, de son contrat de travail témoignant de la volonté des dirigeants de la société MÉCANIQUE DEVILLE de vider son poste de sa substance. Il estime subir un préjudice dont il sollicite la réparation.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur l'exécution du contrat de travail -

Il résulte des éléments versés aux débats que, selon avenant à son contrat de travail du 1er février 2015, Monsieur [D] [O] s'est vu confier le poste de 'cadre en qualité de responsable administratif et financier' par la société MÉCANIQUE DEVILLE qui comptait alors deux établissements, l'un situé à [Localité 7] (42), l'autre à [Localité 4] (43).

Par avenant du 26 mars 2018, il a été confié à M. [O], en plus des fonctions confiées le 1er février 2015, celles de 'responsable du site d'[Localité 4]'. Il était précisé qu'à compter du 1er avril 2018, il serait 'affecté sur le poste de responsable administratif et financier - responsable du site sur l'établissement d'[Localité 4]' et qu'il continuerait 'd'exercer son activité de responsable administratif et financier'. Son salaire mensuel brut était porté de 3 950,00 euros à 4 150,00 euros.

Monsieur [D] [O] explique que, dans le cadre de ses fonctions de responsable administratif et financier, il exerçait ses missions de gestion de comptabilité et des ressources humaines indistinctement au sein des deux établissements de [Localité 7] et d'[Localité 4], même si, à compter du 1er juillet 2018, la société MÉCANIQUE DEVILLE a scindé son organisation en deux sociétés, la société MÉCANIQUE DEVILLE située à [Localité 4] et la société MÉCANIQUE DEVILLE [Localité 7].

A l'appui de ses prétentions, Monsieur [D] [O] se prévaut de l'organigramme de la société MÉCANIQUE DEVILLE [Localité 7] mis à jour au 8 mars 2018 (sur lequel il apparaît sous le libellé 'service comptabilité et ressources humaines') ainsi que des fiches de fonction de responsable administratif et financier et de responsable de site qu'il a signées le 12 juillet 2018 pour soutenir qu'il avait en charge des missions de comptabilité et de gestion des ressources humaines qu'il décrit ainsi :

- tenue de la comptabilité générale,

- gestion de la trésorerie,

- établissements des situations mensuelles, gestion du personnel (paies, charges, arrêts, contrats, etc.),

- déclarations diverses,

- relations avec les organismes extérieurs (sociaux, financiers, fiscaux, etc.).

La fiche de description confirme que le salarié devait procéder aux 'enregistrements comptables', au 'suivi des comptes fournisseurs et clients', à 'la gestion de la trésorerie'. En matière de ressources humaines, Monsieur [D] [O] devait effectuer 'toutes les opérations en amont pour l'établissement des bulletins de paie' et établir les bulletins de paie, gérer 'les relations avec les organismes sociaux', 'effectuer les déclarations et paiements réglementaires', saisir les contrats de travail, assurer le suivi des contrats, tenir à jour les dossiers du personnel et les registres obligatoires, etc.

Monsieur [D] [O] se plaint d'avoir fait l'objet de la part de l'employeur d'une modification unilatérale de son contrat de travail en ce qu'il s'est vu retirer 'la quasi-totalité de ses fonctions principales et relevant de l'essence même de son contrat de travail'.

Monsieur [D] [O] explique que, malgré sa nomination au poste de responsable de site intervenue au mois de mars 2018, la quasi-totalité de ses missions lui ont été retirées en précisant qu'au dernier trimestre 2018, lui ont été retirés la validation directe des règlements fournisseurs, l'engagement de petites dépenses courantes et les réunions avec les clients, et qu'au début de l'année 2019, lui ont été retirées la conduite des entretiens d'embauche, la vérification des factures, la cession des factures clients, la gestion des paies sur le site d'[Localité 4], la gestion de la comptabilité ainsi que de la paie et des ressources humaines de l'établissement de [Localité 7].

Pour justifier du retrait de ses fonctions, Monsieur [D] [O] verse aux débats :

- le courriel qu'il a adressé le 10 juin 2019 pour se plaindre auprès de son interlocuteur que celui-ci a reçu un candidat à l'embauche sans qu'il lui ait été demandé au moins d'assister à cet entretien alors que lui-même, 'en tant que responsable administratif et financier et responsable du site d'[Localité 4]' est censé 'manager quotidiennement cette nouvelle personne' ;

- l'échange de courriels intervenu avec M. [R], président de la société, les 26 et 27 juin 2019 par lequel ce dernier lui a demandé de lui envoyer une liste de factures en précisant : 'à partir de ce jour c'est moi qui décide de vendre les factures ou pas' ;

- le courriel adressé à M. [R] le 14 janvier 2019 par lequel il a exprimé sa surprise de voir des gens à l'usine préparer des machines pour les déménager en Chine sans qu'il ait été prévenu de leur venue ;

- le rapport d'audit interne du 13 mai 2019 dans lequel il est fait mention de l'annonce faite par M. [R] le 8 janvier 2019 par lequel celui-ci a informé le personnel 'd'un changement de président, de la filialisation de la société MÉCANIQUE DEVILLE [Localité 7] et de l'externalisation de la comptabilité et des RH via le cabinet MAZARS' ;

- l'échange de courriels en date du 19 mars 2019 par lequel M. [O] s'est plaint auprès du cabinet Mazars de ne plus avoir accès au menu 'suivi fournisseurs'.

Selon courrier du 13 mai 2019 adressé à M. [R], Monsieur [D] [O] s'est plaint de ce que, 'début mars', il s'est vu 'supprimer la totalité de (ses) fonctions comptables et RH du site de [Localité 7]', précisant avoir appris de ses anciens collègues que ceux-ci récupéraient une partie de son travail, le reste étant récupéré par le cabinet MAZARS. Il s'est également plaint de s'être vu refuser sa demande de formation 'Cegid' indispensable à l'établissement des bulletins de salaire 2019, ce qui l'a obligé à ' basculer les payes au cabinet Mazars, n'étant plus en capacité de produire les prochains bulletins seuls'.

Madame [K], salariée de la société, atteste avoir vu M. [O], 'de plus en plus régulièrement, les mois précédant son départ de la société, enfiler des vêtements de travail pour aider dans l'atelier (...). Il aidait à décharger des containers qui arrivaient de Chine (...). Il chargeait les caisses chinoises dans des bennes pour les évacuer'.

L'employeur soutient que les tâches effectivement assurées par Monsieur [D] [O] ne correspondraient pas à celles figurant dans les fiches de poste du 12 juillet 2018 en faisant valoir que la 'fonction RH' telle qu'elle résulte de la fiche de poste serait limitée à des tâches administratives et non à des tâches opérationnelles. Il soutient que les termes génériques 'gestion de trésorerie' ou 'relations fournisseurs' n'impliqueraient pas l'engagement des petites dépenses courantes ou la validation directe des règlements fournisseurs.

Il ressort pourtant des fiches descriptives du 12 juillet 2018 que les missions confiées au salarié au titre des ressources humaines s'étendaient 'à toutes les opérations en amont' pour l'établissement des fiches de paie, qu'il devait 'gérer' les relations avec les organismes sociaux et 'effectuer' les déclarations et paiements réglementaires, 'procéder' aux déclarations relatives aux contrats de travail, 'assurer' le suivi de ces contrats et ce, de manière générale, sans qu'il soit fait de distinction entre des tâches 'administratives' ou 'opérationnelles'. De la même manière, au titre de la comptabilité, Monsieur [D] [O] devait procéder, notamment, 'aux enregistrements comptables, au suivi des comptes fournisseurs et clients (internes ou externes), à la gestion de la trésorerie, aux remises et rapprochements bancaires, à la préparation des opérations nécessaires à la gestion de l'entreprise, aux classements et vérifications (...)'.

Si cette énumération présente un certain caractère de généralité, il convient de relever qu'à s'en tenir aux termes employés, l'employeur a entendu par ces fiches (qui comportent la signature de M. [R], président de la société) confier au salarié les tâches qui y sont mentionnées. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces produites qu'une partie des tâches ainsi décrites aurait été assurée par un autre que Monsieur [D] [O] alors que l'organigramme du 8 mars 2018 ne désigne que celui-ci au sein du service comptabilité et ressources humaines.

Or, les pièces produites par Monsieur [D] [O] tendent à démontrer qu'un certain nombre de tâches lui ont été retirées (validation directe des règlements fournisseurs, conduite des entretiens d'embauche, gestion de la paie sur le site d'[Localité 4]).

L'employeur n'apporte aucun élément de preuve contraire et ces explications tendent à confirmer les dires du salarié.

Par ailleurs, l'employeur conteste que M. [O] qui a été affecté à compter du 1er avril 2018 au poste de responsable administratif et financier et responsable du site d'[Localité 4] aurait exercé des fonctions similaires sur le site de [Localité 7]. Il soutient qu'il est normal que Monsieur [D] [O] n'ait plus eu, à compter du 1er juillet 2018, la gestion de la comptabilité et des ressources humaines sur ce site puisqu'il était salarié d'[Localité 4] et non plus de [Localité 7].

Cependant, les documents contractuels liant les parties établissent que Monsieur [D] [O] s'est vu confier, en 2015, le poste de 'cadre en qualité de responsable administratif et financier' au sein de la société MÉCANIQUE DEVILLE laquelle comptait alors deux établissements, l'un situé à [Localité 7] (42), l'autre à [Localité 4] (43) et que les fonctions ainsi confiées, en l'absence de toute stipulation contraire, devaient être exercées au sein des deux établissements, ce qui n'est, d'ailleurs, pas contesté.

L'avenant du 26 mars 2018 stipule qu'il a été décidé d'attribuer 'également' au salarié le poste de 'responsable du site d'[Localité 4]' en précisant qu'il 'continuera d'exercer son activité de responsable administratif et financier' confiée par l'avenant du 1er février 2015. Il s'ensuit qu'à compter du 1er avril 2018, Monsieur [D] [O] est devenu responsable du site d'[Localité 4] tout en conservant son poste de responsable administratif et financier lequel était exercé sur les deux sites. Or, les deux établissements n'ont été scindés en deux sociétés distinctes qu'à compter du 1er juillet 2018.

En outre, les pièces produites confirment les dires de Monsieur [D] [O] en ce qu'elles tendent à montrer que, postérieurement à la 'filialisation', il a continué à intervenir au sein de la société de [Localité 7] (courriels de février et mars 2019 par lesquels il lui était demandé de procéder à des virements au profit de salariés à titre d'acomptes sur salaire, de primes ou de paiement d'heures supplémentaires).

L'employeur ne conteste pas que la gestion de la comptabilité et des ressources humaines sur le site de [Localité 7] a été retirée à Monsieur [D] [O] et ce retrait est, en tout état de cause, confirmé par les indications contenues dans le rapport d'audit interne concernant le site de [Localité 7] en date du 13 mai 2019 faisant état de 'l'externalisation de la comptabilité et des RH via le cabinet Mazars'. Il doit être observé que le précédent audit interne, en date du 26 juin 2018, faisait référence à l'organigramme du 8 mars 2018 dans lequel M. [O] figurait aux côtés du directeur de l''unité [Localité 7]' en qualité de responsable du 'service comptabilité et ressources humaines'. Or, Monsieur [D] [O] a disparu dans l'organigramme du 29 janvier 2019.

Monsieur [D] [O] est, en conséquence, bien fondé à soutenir qu'il s'est vu retirer ces tâches en l'absence de tout avenant au contrat de travail venant modifier les attributions confiées.

Il n'est également pas contesté que l'employeur a procédé à 'l'externalisation de la paie et de la comptabilité'. Selon l'employeur, il s'agissait 'de pallier une éventuelle absence de M. [O] qui était le seul à connaître certaines procédures'. Il ajoute que M. [O] n'a pas été déchargé de la paie 'puisque c'est à lui qu'incombait de transmettre au cabinet Mazars les éléments pour l'établissement des bulletins de paie'. Il n'en reste pas moins qu'en exécution des engagements contractuels intervenus entre les parties, M. [O] devait effectuer les opérations nécessaires à l'établissement des bulletins de paie, qu'il devait aussi établir les bulletins de salaire et qu'il a été dépossédé de ces tâches confiées à un cabinet extérieur.

Il est ainsi établi que M. [O] s'est vu retirer les tâches qui lui étaient auparavant confiées sans que son accord ait été recueilli et sans qu'un avenant à son contrat de travail ne soit régularisé pour modifier les fonctions antérieurement convenues. Il ne saurait être soutenu valablement que M. [O] avait la possibilité de rédiger ses propres avenants et de contester une modification de ses fonctions alors qu'il appartenait à l'employeur de respecter les engagements contractuels liant les parties.

Il apparaît dès lors, le contrat de travail devant être exécuté de bonne foi en application de l'article L. 1222-1 du code du travail, que l'employeur a exécuté le contrat de travail de façon fautive et déloyale vis-à-vis de Monsieur [D] [O].

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [D] [O] de sa demande à ce titre.

Monsieur [D] [O] se plaignant de ce que ces agissements ont entraîné une dégradation de son état de santé, il est versé aux débats l'avis médical d'arrêt de travail qui lui a été prescrit le 1er juillet 2019 pour 'syndrome anxieux réactionnel' ainsi que l'ordonnance médicale du 14 juin 2019 portant prescription de médicaments anti-dépresseurs.

Compte tenu des éléments d'appréciation versés aux débats, le préjudice ayant résulté pour Monsieur [D] [O] des manquements de l'employeur à son obligation de loyauté sera réparé en lui allouant la somme de 3.000,00 euros à titre de dommages-intérêts.

- Sur le licenciement -

Aux termes de l'article L 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige (en ce qu'elle est issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, en vigueur depuis le 1er avril 2018),'constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise (...)'.

Il résulte de ces dispositions qu'un motif économique de licenciement peut être constitué soit par des difficultés économiques, soit par une mutation technologique, soit par une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, soit par la cessation d'activité de l'entreprise.

Les difficultés économiques susceptibles de constituer un motif de licenciement s'entendent de la situation dans laquelle l'entreprise connaît une évolution significative d'au moins un des indicateurs économiques suivants :

- baisse des commandes ou du chiffre d'affaires constatée pendant une certaine durée,

- pertes d'exploitation ou dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation,

- tout autre élément de nature à justifier de difficultés économiques.

S'agissant des pertes d'exploitation, celles-ci peuvent constituer un motif économique de licenciement à condition qu'elles soient significatives.

Toutefois, ainsi que le fait valoir Monsieur [D] [O], lorsque les difficultés économiques d'une entreprise résultent d'une attitude intentionnelle ou frauduleuse de l'employeur ou d'une situation artificiellement créée par lui, de telles difficultés ne peuvent justifier des licenciements sur le fondement de l'article L. 1233-3 du code du travail.

En l'espèce, il résulte de la lettre de licenciement que, pour justifier la rupture du contrat de travail, l'employeur invoque'des difficultés économiques nécessitant, d'une part, une réorganisation interne et d'autre part, la suppression de certains postes' dont celui de Monsieur [D] [O].

La société MECANIQUE DEVILLE fait état de difficultés économiques constituées par une baisse du chiffre d'affaires et une baisse du résultat d'exploitation depuis 2016 en se référant à l'article L. 1233-3 précité.

Pour attester des chiffres contenus dans la lettre de licenciement, dont la motivation fixe les limites du litige, l'employeur se prévaut des bilans comptables de la société MÉCANIQUE DEVILLE qui font, en effet, mention d'un bénéfice de 144.542,00 euros au 31 décembre 2017 alors qu'il a été enregistré une perte de 488.689,00 euros à la fin de l'exercice 2018 et de 324.653,00 euros à la fin de l'exercice 2019.

De même, les bilans comptables confirment la baisse de chiffre d'affaires invoquée qui est passé de 7.512.401,00 euros au 31 décembre 2017 à 6.209.846,00 euros au 31 décembre 2018 et à 5.458.202,00 euros au 31 décembre 2019.

Il apparaît aussi que le résultat d'exploitation est passé de146.300,00 euros au 31 décembre 2017, à - 510.601,00 euros au 31 décembre 2018.

L'employeur se fonde sur ces indications chiffrées pour soutenir que les difficultés économiques au sens de l'article L. 1233-3 précité sont établies.

Monsieur [D] [O] fait valoir, tout d'abord, que la comparaison entre les exercices 2017 et 2018 est faussée puisque, jusqu'à la fin du mois de juin 2018, la société MÉCANIQUE DEVILLE était composée de deux établissements et qu'après la filialisation du site de [Localité 7], le chiffre d'affaires de la société MÉCANIQUE DEVILLE s'est trouvé amputé de celui réalisé par le site de [Localité 7], de sorte qu'il conviendrait, pour comparer les deux exercices, de réintégrer le chiffre d'affaires réalisé par le site de [Localité 7] en 2018, soit 906.000,00 euros.

Monsieur [D] [O] rappelle que, jusqu'en 2017, le chiffre d'affaires de la société MÉCANIQUE DEVILLE était généré par l'exploitation de deux activités complémentaires, soit :

- une activité de production de pièces en France, pour les petites séries et le dépannage,

- une activité dite 'logistique', consistant à assurer pour le compte de ses clients, le pilotage de la production de grandes séries de pièces récurrentes commandées via ses usines en Chine ou auprès de fournisseurs extérieurs au groupe UNITED MACHINERY GROUP LIMITED.

Il est, en effet, constant que, depuis le 2 juin 2016, la société MÉCANIQUE DEVILLE est détenue à 100% par la société UNITED MACHINERY GROUP LIMITED, dont le siège est en Chine et dont le président est M. [R].

Monsieur [D] [O] explique que la société MÉCANIQUE DEVILLE a consenti, en début d'exercice 2017, à la délocalisation au profit de la société chinoise, à compter du mois de juillet 2018, de la production de pièces jusqu'alors usinées sur le site d'[Localité 4] et qu'en application de cette nouvelle organisation, les pièces ainsi produites en Chine ont été vendues à la société MÉCANIQUE DEVILLE pour être revendues à ses clients français.

Monsieur [D] [O] souligne que, pour appliquer ce nouveau schéma de production, la société MÉCANIQUE DEVILLE a consenti au rachat par la société UNITED MACHINERY de ses machines et équipements pour un prix inférieur à leur valeur sur le marché.

Monsieur [D] [O] verse aux débats les factures émises en 2018 et 2019 concernant la vente à la société chinoise d'une vingtaine de machines pour un prix total de 71.200,00 euros, dont 28.000,00 euros correspondant au prix de la machine la plus chère. Il justifie également, par un échange de courriels avec M. [R], qu'il avait pourtant trouvé un acquéreur pour cette machine au prix de 60.000,00 euros, proposition refusée par M. [R].

Selon Monsieur [D] [O], cette cession et le départ consenti de l'intégralité des machines et équipements ont donné un coup d'arrêt forcé à l'activité de production de la société MÉCANIQUE DEVILLE qui n'était plus dès lors en mesure de générer la partie de son chiffre d'affaires liée à l'activité de production et qui n'a eu d'autre choix que de se consacrer à l'activité logistique, ce qui a causé des pertes importantes.

Monsieur [D] [O] ajoute que ce nouveau schéma de production a eu aussi pour conséquence, en 2017 et 2018, le départ de la quasi-totalité des salariés employés sur le site d'[Localité 4], la société MÉCANIQUE DEVILLE procédant à 10 mutations internes sur le site de [Localité 7] accompagnées d'augmentations de salaires, 2 ruptures conventionnelles, 6 départs en retraite et 3 licenciements, ce qui a entraîné une explosion des coûts et charges sociales qu'il chiffre à 146.000,00 euros en se référant au bilan 2018.

S'agissant des salariés mutés sur le site de [Localité 7], M. [O] produit les échanges de courriels intervenus avec M. [R] qui attestent des augmentations de salaire demandées par les salariés concernés.

Monsieur [D] [O] souligne une autre conséquence de la réorganisation résultant des 'encours de production' qui n'ont pu être achevés faute d'équipements, ce qui a contraint la société à les comptabiliser en pertes à la clôture de l'année 2018, pour un montant de 275.989,00 euros. Il se réfère au bilan provisoire 2018 pour souligner que ce montant explique la différence entre le montant du résultat d'exploitation qui y figure (-234.612,69 euros) et le montant du résultat d'exploitation figurant dans la lettre de licenciement (-510.000,00 euros).

Monsieur [D] [O] précise que si la société MÉCANIQUE DEVILLE avait conservé son encours de production et réintégré les 906.000,00 euros correspondant à la fraction de chiffre d'affaires captée par le site de [Localité 7] suite à la filialisation, le chiffre d'affaires de l'année 2018 se serait élevé à 7.391.835,00 euros, soit un chiffre proche de celui de 2017 alors que la situation de la société était alors bénéficiaire.

Monsieur [D] [O] ajoute qu'il conviendrait également de réintégrer les sommes qui ont été encaissées en 2019 avec retard compte tenu de l'incapacité des équipes de l'usine chinoise d'assurer la production en respectant les délais annoncés. Il produit des courriels émanant de clients qui se sont plaints à la fin de l'année 2018 de retards de livraison. Il se prévaut des documents comptables relatifs aux flux de trésorerie qui attestent d'une hausse du chiffre d'affaires dans les premiers mois de l'année 2019 que le salarié explique par l'encaissement des sommes perçues sur les livraisons effectuées avec retard.

Monsieur [D] [O] reproche encore à la société MÉCANIQUE DEVILLE d'avoir consenti une réduction significative de ses marges réalisées sur la revente des pièces produites en Chine, achetées à la société UNITED MACHINERY GROUPE LIMITED et revendues à ses clients français. Il se fonde sur les documents comptables de l'entreprise faisant état, par comparaison entre le chiffre d'affaires réalisé et la valeur ajoutée, d'une marge qui s'est réduite chaque année pour passer de 28,73% en 2017 à 14,93% en 2018 et à 5,77% en 2019.

Pour soutenir que les difficultés économiques de la société seraient la conséquence des décisions prises au seul profit de la société UNITED MACHINERY GROUP LIMITED, Monsieur [D] [O] se réfère au bilan de la société établi par le cabinet Mazars en mai 2017 et à la projection de chiffre d'affaires pour l'année 2017 qui faisait alors ressortir une prévision de hausse du résultat d'exploitation.

Face à ces éléments, précis et concrets, apportés par le salarié, l'employeur soutient que Monsieur [D] [O] ne serait pas fondé à invoquer des fautes de gestion, au motif qu'en sa qualité de responsable administratif et financier, il aurait participé à toutes les décisions, qu'il n'est jamais allé à l'encontre des décisions de la direction, qu'il en aurait même été 'l'instigateur'.

S'il est justifié d'échanges de courriels entre Monsieur [D] [O] et le cabinet d'avocats de la société au sujet des modalités de rupture des contrats de travail de salariés ou de la rédaction d'avenants et s'il a animé des réunions de délégués du personnel, il ne s'ensuit nullement que Monsieur [D] [O] aurait eu un quelconque pouvoir dans la prise de décisions qu'il critique. Il n'est justifié d'aucune délégation de pouvoirs et aucune des pièces produites ne permet de vérifier les dires de l'employeur.

Il résulte, au contraire, des éléments versés aux débats que Monsieur [D] [O], dont les fonctions de responsable administratif et financier ne lui octroyaient aucun pouvoir dans la gestion de l'entreprise, s'est borné à appliquer la politique décidée par les organes dirigeants de la société. Il convient de relever qu'aux termes de l'avenant du 26 mars 2018, il a été chargé 'de faire remonter à la direction chinoise les informations relatives à la gestion du site d'[Localité 4]' et 'd'appliquer et de faire appliquer les décisions de la direction chinoise au personnel du site d'[Localité 4]'.

Il apparaît que Monsieur [D] [O] n'était qu'un exécutant et que ne peuvent lui être imputées les décisions prises concernant l'entreprise qui ne sont imputables qu'à la direction de la société et surtout à la 'direction chinoise'.

L'employeur affirme que le chiffre d'affaires et les résultats de la société sont en baisse depuis 2016 mais les documents comptables qu'il verse aux débats ne comportent pas d'indications utiles susceptibles de vérifier cette affirmation alors que la note du cabinet Mazars faisait état, en mai 2017, d'un résultat d'exploitation positif de plus de 300.000, 00 euros avec une projection à plus de 400.000,00 euros au 31 décembre 2017.

L'employeur ne conteste pas que la comparaison opérée dans la lettre de licenciement entre les bilans 2017 et 2018 est faussée en raison de la création de deux sociétés distinctes en 2018. Il assure que la scission opérée avait pour but d'assurer 'une meilleure lisibilité des activités auprès des clients' et 'd'apprécier une meilleure rentabilité des deux branches' mais s'il n'y a pas lieu de porter une appréciation sur cette décision, il n'en reste pas moins que la lettre de licenciement invoque l'évolution des résultats comptables en 2018 par rapport à 2017 pour attester de difficultés économiques et de la nécessité du licenciement alors qu'aucune comparaison utile ne peut se faire en prenant en considération la seule situation comptable de la société MÉCANIQUE DEVILLE en 2018 et 2019.

L'employeur fait valoir que, même en réintégrant le chiffre d'affaire réalisé par le site de [Localité 7], le chiffre d'affaires global des deux entités reste inférieur à celui réalisé en 2017. Il doit être néanmoins relevé, que, selon les propres chiffres de l'employeur, la perte de chiffre d'affaires globale est inférieure à 400.000,00 euros alors que la lettre de licenciement évoque une perte supérieure à 1.300.000,00 euros. L'employeur admet également qu'en 2019, en considérant globalement les deux sociétés, le chiffre d'affaires aurait été supérieur de près de 200.000,00 euros à celui réalisé en 2017.

La société MÉCANIQUE DEVILLE souligne, il est vrai, que, même en prenant en considération des deux entités, le résultat d'exploitation aurait été tout de même déficitaire mais Monsieur [D] [O] conclut à l'absence de difficultés économiques en prenant en considération non seulement le chiffre d'affaires global mais également les coûts générés par les décisions de l'employeur.

L'employeur conteste la prise en compte de ces coûts, estimant, notamment, que le coût des départs de salariés du site d'[Localité 4] en 2018 ne serait pas le signe d'une faute de gestion. Il fait valoir qu'en 2018, 6 salariés sont partis en retraite, ce qui ne relève pas de sa décision, que les augmentations salariales consenties aux salariés mutés sur l'autre site n'auraient pas été excessives et que la masse salariale globale a diminué entre 2017 et 2019.

Néanmoins, l'employeur ne conteste pas qu'une dizaine de salariés du site d'[Localité 4] a été transférée sur le site de [Localité 7] et que les charges et augmentations de salaire afférentes ont été supportées en 2018 par la société MÉCANIQUE DEVILLE. Il ne conteste pas non plus que les salariés concernés ont bénéficié d'augmentations de salaire dont il n'est pas autrement justifié. L'employeur se borne, en effet, à verser aux débats les bulletins de salaire de 3 salariés seulement, dont 2, selon M. [O], n'ont pas fait l'objet du transfert et qui, au surplus ne concernent que l'année 2019 et non l'année 2018. Il n'est pas davantage justifié des indemnités allouées aux salariés ayant quitté l'entreprise.

Si l'employeur souligne que la masse salariale globale a diminué entre 2017 et 2018 (1.043.000,00 euros en 2018 pour 1.143.000,00 euros en 2017), il ressort des documents comptables que la charge salariale de la société MÉCANIQUE DEVILLE a diminué dans des proportions bien moindres que son effectif, qui était de 35 en 2017 et qui a été réduit de 12 personnes en 2018, soit une réduction d'effectif de 32%, ce qui tend à confirmer le surcoût allégué par Monsieur [D] [O].

Il résulte également des documents comptables que la société MÉCANIQUE DEVILLE a supporté en 2018, outre les charges de salaire, des indemnités de licenciement (à hauteur de 20 000,00 euros) et des indemnités transactionnelles (à hauteur de 38 000,00 euros) qu'elle n'avait pas eu à supporter l'année précédente. Elle a, en outre supporté des indemnités de départ à la retraite supérieures à celles de l'année 2017 (48 000,00 euros au lieu de 34 000,00 euros).

Ces éléments sont de nature à confirmer que les décisions de l'employeur ont engendré des coûts de personnel supplémentaires mis à la charge de la société MÉCANIQUE DEVILLE. S'il est vrai, ainsi que le souligne l'employeur, qu'il convient de se placer à la date du licenciement pour apprécier le caractère fondé ou non du licenciement, les charges constatées en 2018 doivent être prises en compte puisque la lettre de licenciement entend faire ressortir l'existence de difficultés économiques dès 2018, en comparant les données comptables de 2017 et 2018.

En outre, il ressort des pièces produites que les effets de la privation des moyens de production de la société et des coûts supplémentaires supportés par elle se sont poursuivis en 2019.

S'agissant des encours de production, l'employeur n'en conteste ni l'existence à la fin de l'année 2018 ni le montant (275 989,00 euros). Il soutient qu'ils auraient été enregistrés non par la société MÉCANIQUE DEVILLE mais par la société de [Localité 7] sans qu'aucun des éléments versés aux débats ne permette de vérifier cette affirmation alors que, selon M. [O], ils concernaient des pièces qui n'étaient pas fabriquées sur le site de [Localité 7].

L'employeur ne conteste pas non plus la décision de vendre les machines-outils de la société MÉCANIQUE DEVILLE à la société UNITED MACHINERY GROUPE LIMITED mais il fait valoir qu'il s'agit d'une décision de gestion non soumise au contrôle du juge et il soutient qu'elle n'est pas à l'origine du coup d'arrêt porté à l'activité de l'entreprise, étant intervenue après la scission de l'organisation en deux sociétés. Néanmoins, il doit être constaté que rien ne permet de remettre en cause les éléments d'appréciation apportés par Monsieur [D] [O] tendant à montrer que le prix de vente des machines a été fixé à un montant particulièrement faible et que la vente de ces machines a eu pour effet non seulement de priver l'entreprise de son activité de production mais aussi de retarder la livraison des commandes désormais assurées en Chine et, par voie de conséquence, de provoquer des pertes enregistrées au titre de l'exercice 2018.

Enfin, l'employeur ne conteste pas que la société MÉCANIQUE DEVILLE a consenti une réduction 'significative' de ses marges réalisées sur la revente des pièces produites en Chine au profit de la société chinoise, ni qu'elle devait verser à cette dernière des 'management fees' s'élevant à 3% de son chiffre d'affaires mensuel, soutenant qu'il s'agit là de décisions de gestion, dans lesquelles le juge n'a pas à s'immiscer. Il reste que la réduction de marge opérée a eu une incidence certaine et négative sur le chiffre d'affaires et le résultat de la société employeur de Monsieur [D] [O]. Quant aux 'managements fees', c'est-à-dire les rémunérations versées par la société MÉCANIQUE DEVILLE à la société UNITED MACHINERY GROUPE LIMITED, s'il est vrai qu'elles ont aussi été payées en 2017, il doit néanmoins être relevé qu'elles représentaient environ 200.000,00 euros chaque année.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que, sans les mesures prises, le chiffre d'affaires et le résultat d'exploitation de la société auraient été, à la date du licenciement, proches de ceux constatés en 2017 et que la décision de délocaliser en Chine la production de pièces jusqu'alors usinées sur le site d'[Localité 4] a eu pour effet de priver la société MÉCANIQUE DEVILLE non seulement de ses moyens de production mais aussi d'une partie de ses ressources en raison d'un prix de vente consenti à un montant trop faible. Elle a eu aussi pour effet de générer des coûts de personnel qu'elle n'aurait pas eu à supporter en l'absence d'une telle décision.

Ainsi que l'a retenu le premier juge, avec la perte de 32% de ses effectifs et la cession de ses machines et équipements, la société MÉCANIQUE DEVILLE a vu son activité de production stoppée. Privée de ses moyens, elle n'était plus en mesure de générer la partie de son chiffre d'affaires liée à son activité dominante tant en 2018 qu'en 2019. Cette situation a eu aussi pour effet de générer des coûts anormaux en raison des encours de production qui ont dû être comptabilisés en pertes et la situation a encore été aggravée par la réduction de ses marges à laquelle elle a consenti au profit de la société chinoise.

Il apparaît, en conséquence, que le chiffre d'affaires de la société MÉCANIQUE DEVILLE, de même que son résultat d'exploitation se sont trouvés gravement amputés en 2018 et 2019 en raison de ces décisions et que les difficultés économiques invoquées dans la lettre de licenciement, telles que constatées à la date de la rupture du contrat de travail, sont la conséquence des décisions ainsi prises.

L'employeur reste, certes, libre de ses choix de gestion et la juridiction n'a pas à porter une appréciation sur ceux-ci. Il n'en demeure pas moins que lorsque les difficultés économiques d'une entreprise résultent d'un comportement fautif de l'employeur, un tel comportement est de nature à priver de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé en considération de telles difficultés.

En l'espèce, il apparaît, ainsi que l'a relevé le conseil de prud'hommes, que la société MÉCANIQUE DEVILLE a pris des décisions contraires à ses intérêts économiques et commerciaux en consentant des avantages disproportionnés à la société chinoise du groupe et que ces décisions ont engendré sa situation déficitaire. Les difficultés économiques invoquées à l'appui du licenciement résultent non pas de simples choix de gestion mais d'agissements fautifs de l'employeur lequel a contribué en toute connaissance de cause à la création de la situation constatée à la date du licenciement.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement de Monsieur [D] [O] sans cause réelle et sérieuse.

- Sur les conséquences indemnitaires -

L'employeur n'est pas fondé à s'opposer la demande en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis. Si, en application de l'article L. 1233-67 du code du travail, le salarié qui adhère à un contrat de sécurisation professionnelle, comme c'est le cas de Monsieur [D] [O], ne bénéficie pas de l'indemnité compensatrice de préavis, il n'en va pas de même lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Dans cette hypothèse, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause de sorte que l'employeur est alors tenu à l'obligation de préavis et des congés payés afférents.

Monsieur [D] [O] est, en conséquence, en droit de prétendre à l'indemnité compensatrice de préavis.

Compte tenu de son statut de cadre, de son ancienneté et du montant de son salaire brut mensuel (4.175,00 euros), le jugement sera confirmé en ce qu'il a été alloué à Monsieur [D] [O] la somme de 12.525,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (3 mois de salaire) ainsi que celle de 1.252,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante.

S'agissant de la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [D] [O], né en 1972, a vu son contrat de travail rompu après 25 ans et 7 mois d'ancienneté.

L'article L. 1235-3 du code du travail prévoit, pour un salarié ayant plus de 25 ans d'ancienneté (calculée en 'années complètes'), une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure à 3 mois de salaire ni supérieure à 18 mois.

Le contrat de travail de Monsieur [D] [O] a été rompu alors qu'il était âgé de 47 ans. Il explique qu'il a deux enfants à charge et il justifie avoir retrouvé un emploi en mai 2020 (pour un salaire mensuel de 3.000,00 euros brut). Il justifie également devoir assurer le remboursement de prêts et le paiement d'un loyer pour la location d'un appartement.

Compte tenu des éléments d'appréciation versés aux débats, il sera fait droit à la demande de Monsieur [D] [O] tendant à la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué la somme de 73.062,50 euros (correspondant à 17,5 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Sur les intérêts -

Les sommes allouées à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents portent intérêts de droit au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur à l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 1er juillet 2020.

La sommes allouée à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse porte intérêts de droit au taux légal à compter de la date du jugement déféré (confirmation), soit le 6 mai 2022.

La sommes allouée à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de loyauté porte intérêts de droit au taux légal à compter de la date du présent arrêt (réformation du jugement déféré), soit le 8 avril 2025.

Les intérêts seront eux-mêmes capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

La société MÉCANIQUE DEVILLE devra supporter les entiers dépens, de première instance et d'appel, ce qui exclut qu'elle puisse prétendre bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

Il serait inéquitable de laisser Monsieur [D] [O] supporter l'intégralité des frais qu'il a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts en cause d'appel.

La société MÉCANIQUE DEVILLE sera condamnée à payer à Monsieur [D] [O] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infime le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [D] [O] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, et, statuant à nouveau de ce chef, condamne la société MÉCANIQUE DEVILLE à payer à Monsieur [D] [O] la somme de 3.000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait d'un manquement de l'employeur à l'obligation de loyauté ;

- Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;

Y ajoutant,

- Dit que les sommes allouées à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents portent intérêts de droit au taux légal à compter du 1er juillet 2020 ;

- Dit que la sommes allouée à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse porte intérêts de droit au taux légal à compter du 6 mai 2022 ;

- Dit que la sommes allouée à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de loyauté porte intérêts de droit au taux légal à compter du 8 avril 2025 ;

- Dit que les intérêts seront eux-mêmes capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil,

- Condamne la société MÉCANIQUE DEVILLE à payer à Monsieur [D] [O] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Condamne la société MÉCANIQUE DEVILLE aux dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site