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Décisions

CA Nancy, 1re ch. soc. sect., 26 mars 2025, n° 24/00678

NANCY

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bouc

Conseillers :

M. Lizet, Mme Bruneau

Avocats :

Me Drapier, SCP Perrot Avocat

TJ Epinal, pôle social, du 20 mars 2024,…

20 mars 2024

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS

M. [G] [Z] a été affilié à la sécurité sociale des indépendants ([6]) en sa qualité de commerçant du 1er janvier 2016 au 30 juin 2022.

L'[7] lui a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception signé du 23 septembre 2023 une mise en demeure de payer n° 0042684685, datée du 21 septembre 2023, pour le paiement de la somme de 28 102 euros à titre de cotisations et contributions sociales personnelles obligatoires, majorations et pénalités.

Le 7 décembre 2023, le directeur de L'URSSAF de Lorraine a émis une contrainte n° 0042684685, signifiée à étude le 11 décembre 2023, à l'encontre de M. [G] [Z], pour un montant de 28 102 euros au titre de la mise en demeure du 21 septembre 2023.

Le 18 décembre 2023, M. [G] [Z] a formé opposition à cette contrainte devant le pôle social du tribunal judiciaire d'Épinal.

Par jugement du 20 mars 2024, le tribunal judiciaire d'Épinal a :

- reçu en la forme M. [G] [Z] en son opposition ;

- mis à néant la contrainte de l'URSSAF de Lorraine n° 0042684685 en date du 7 décembre 2023, signifiée le 11 décembre 2023 ;

Et le présent jugement s'y substituant,

- débouter M. [G] [Z] de ses demandes ;

- condamné M. [G] [Z] à payer à l'[7] la somme réclamée de 28 102 euros au titre des cotisations et contributions sociale, majorations de retard et majorations complémentaire de régularisation de l'année 2021 et de l'année 2022, outre les frais de signification de la contrainte de 72,58 euros ;

- condamné M. [G] [Z] aux dépens de l'instance,

- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire, même en cas d'appel.

Ce jugement a été notifié à M. [G] [Z] par lettre recommandée dont l'accusé de réception a été signé 22 mars 2024.

Par lettre recommandée envoyée le 5 avril 2024, M. [G] [Z] a relevé appel de ce jugement.

Suivant ses écritures reçues au greffe le 7 novembre 2024 par mail, M. [G] [Z] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;

- dire que la mise en demeure de l'URSSAF du 21 Septembre 2023 est frappée de nullité;

- invalider la mise en demeure du 21 septembre 2023 ;

En conséquence,

- dire que la contrainte du 7 décembre 2023 est frappée de nullité ;

- invalider la contrainte du 7 décembre 2023 ;

En conséquence,

- débouter l'URSSAF de ses prétentions ;

- condamner l'URSSAF à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'URSSAF aux dépens de première instance et d'appel.

Suivant ses conclusions n° 2 reçues au greffe par mail le 14 novembre 2024, l'URSSAF demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Epinal du 20 mars 2024 ;

Au surplus,

- condamner M. [G] [Z] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour renvoie expressément pour l'exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions déposées et soutenues à l'audience.

Plaidée à l'audience collégiale du 11 décembre 2024, l'affaire a été mise en délibéré au 12 février 2025, prorogé au 26 mars 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de la mise en demeure

M. [Z] invoque deux moyens de nullité :

- la mise en demeure contestée ne permet pas d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation, contrairement aux dispositions des articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale en ce qu'il n'est pas précisé le régime applicable (régime de base, régime complémentaire, cotisations forfaitaires) et la nature de la cotisation (maternité, maladie, maternité, indemnité journalières, retraite complémentaire, allocation familiales, CSG/CRDS, majoration de retard et pénalités) ;

- la mise en demeure ne comporte pas le prénom et le nom du signataire de l'acte, contrairement aux dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administation.

1- Sur la motivation de la mise en demeure

Il résulte de l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale que la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à celui-ci d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et préciser à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

Il importe que figurent les informations simplement nécessaires permettant en fin de compte au cotisant de comprendre ce qui lui est réclamé et de pouvoir le vérifier.

En l'espèce, il est indiqué dans la mise en demeure du 21 septembre 2023 :

- la mise en demeure a été établie compte tenu des déclarations et versements enregistrés jusqu'au 15 septembre 2023 ;

- motif de mise en recouvrement : absence ou insuffisance de versement de sommes dues concernant votre ou vos activités professionnelles indépendantes ;

- nature des sommes dues : cotisations et contributions sociales obligatoires, majorations et pénalités ;

- total récapitulatif :

- cotisations et contributions sociales : 26.764 €

- majorations : 1.338 €

- pénalités : 0 €

- montant à déduire (versements effectués, remises de majoration de retard...): 0 €

- montant restant à payer (sous réserve de majoration de retard à courir) : 28.102 €

- Périodes :

- REGUL 21 : 21.960 € au titre des cotisations et contributions sociales et 1.098 € au titre des majorations/pénalités, soit 23.058 € ;

- REGUL 22 : 4.804 € au titre des cotisations et contributions sociales et 240 € au titre des majorations/pénalités, soit 5.044 €.

La jurisprudence citée par M. [Z] (arrêt de la cour d'appel de Versaille du 31 octobre 2017) a été infirmée par un arrêt de la cour de cassation, chambre civile 2 du 12 mai 2021, (n° 20-12.264) quant à une obligation de mentionner dans la mise en demeure chaque branche ou risque concerné.

Dans ces conditions, M. [Z] avait connaissance de la nature, du montant et de la période des cotisations réclamées.

Ce moyen sera rejeté.

2- Sur l'absence d'identité de la personne signataire de la mise en demeure

Selon l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration (ancien article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000), toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom du nom et de la qualité de celui-ci.

Il n'est pas prévu de sanction à l'omission des ces mentions.

L'omission de ces mentions n'affecte pas la validité de la mise en demeure prévue par l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, dès lors que celle-ci précise la dénomination de l'organisme qui l'a émise (Civ. 2e, 5 juillet 2005, pourvoi n° 04-30.196, Bull. 2005, II, n° 179 ; Cass. avis 22 mars 2004, n° 00-40.002).

L'arrêt cité par M. [Z], rendu le 8 mars 2024 par la Cour de Cassation siégeant en assemblée plénière (n° 21-21.230) est sans emport sur le présent litige, en ce qu'il porte sur un titre de recette émis par une collectivité territoriale, dont les conditions de validité sont prévues à l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales.

En l'espèce, il est mentionné que la mise en demeure est émise par le directeur ou son délégataire de l'URSSAF de LORRAINE et elle comporte la signature de cette personne, que l'on peut lire comme étant M. '[V]'.

Dans ces conditions, ce second moyen sera rejeté.

Sur la nullité de la contrainte

M. [Z] reprend le même moyen que pour la mise en demeure, à savoir l'insuffisance de la motivation.

Selon la jurisprudence constante, la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti et la contrainte délivrée à la suite de la mise en demeure restée sans effet doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice. (soc 19 mars 1992, pourvoi n° 88-11.682 , Bull V no 204).

Selon l'article R. 133-3 du code de sécurité sociale, si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. La contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d'huissier de justice. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.

La motivation de la contrainte, qui répond aux mêmes exigences que celles issues de la jurisprudence résultant de l'arrêt du 19 mars 1992 (soc. 19 mars 1992, no 88-11.682, Bull V n° 204), peut être opérée par référence à la mise en demeure (soc., 4 octobre 2001, pourvoi n° 00-12.757, Bull. 2001, V, n° 298), voire à plusieurs mises en demeure (civ. 2e, 17 septembre 2015, pourvoi n° 14-24.718 ; soc., 20 décembre 2001, pourvois no 00-12.750 à 0012.753, 00-12.756 et 00-12.757 ; soc., 31 janvier 2002, pourvoi no 00-15.269).

En l'espèce, la contrainte du 7 décembre 2023 émise par M. [N] [V], directeur régional de [5], et portant la signature de ce dernier, comporte les mentions suivantes :

- elle renvoie en premier lieu à la mise en demeure antérieure du 21 septembre 2023 - elle reprend le tableau récapitulatif visant les mêmes périodes, les montants des contributions et cotisations dues et des majorations y afférentes.

La jurisprudence citée par M. [Z] (arrêt de la cour d'appel de Versaille du 31 octobre 2017) a été infirmée par un arrêt de la cour de cassation, chambre civile 2 du 12 mai 2021, (n° 20-12.264) quant à une obligation de mentionner dans la mise en demeure chaque branche ou risque concerné.

Dans ces conditions, le moyen de nullité de la contrainte soulevé sera rejeté et le jugement sera donc confirmé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Partie perdante, M. [Z] sera condamné aux dépens d'appel et le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné ce dernier aux dépens de première instance.

En outre, il sera condamné au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et il sera débouté de sa demande du même chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement rendu le 20 mars 2024 par le tribunal judiciaire d'Épinal en ce qu'il a :

- débouté M. [G] [Z] de ses demandes ;

- condamné M. [G] [Z] à payer à l'[7] la somme réclamée de 28 102 euros au titre des cotisations et contributions sociale, majorations de retard et majorations complémentaire de régularisation de l'année 2021 et de l'année 2022, outre les frais de signification de la contrainte de 72,58 euros ;

- condamné M. [G] [Z] aux dépens de l'instance ;

Y ajoutant,

Condamne M. [G] [Z] aux dépens d'appel,

Condamne M. [G] [Z] à payer à l'[7] la somme de 2.500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [G] [Z] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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