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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 5, 9 avril 2025, n° 24/17365

PARIS

Ordonnance

Autre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

Gaffinel

T. com. Paris, du 6 sept. 2024, n° 20240…

6 septembre 2024

Par jugement du 6 septembre 2024 réputé contradictoire, le tribunal de commerce de Paris a notamment condamné la société Laboratoire Opti-Lenses à payer à M. [K] [R] la somme de 50.000 euros, sous déduction de la somme de 8.052,71 euros, saisie à titre conservatoire qui lui sera remise par la Banque Postale, tiers saisi, et la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 7 octobre 2024, la société Laboratoire Opti-Lenses a interjeté appel de cette décision.

Par actes du 25 octobre 2024, la société Laboratoire Opti-Lenses a assigné M. [K] [R] au visa de l'article 514-3 du code de procédure civile devant le premier président de la cour d'appel de Paris afin que soit ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision précitée.

A l'audience du 4 mars 2025, la société Laboratoire Opti-Lenses, reprenant oralement ses conclusions déposées à l'audience, maintient ses demandes.

A titre liminaire, elle fait valoir que n'ayant pas comparu en première instance, sa demande est recevable sans avoir à justifier de conséquences manifestement excessives qui se seraient révélées postérieurement à l'audience.

Elle soutient que le premier juge a violé l'article 1103 du code civil en ne tenant pas compte de l'article 7 du protocole transactionnel qui prévoyait expressément que le remboursement du compte courant d'associé de M. [K] [R] était conditionné aux possibilités de la société, sans engagement de calendrier et qu'elle n'est toujours pas en capacité de procéder à ce remboursement au regard de la baisse de son chiffre d'affaires depuis 2020, de son résultat déficitaire en 2023 et de ses dettes qui s'élèvent à 1.869.292 euros. Elle considère en outre qu'au regard de sa situation financière, l'exécution provisoire entrainerait pour elle des conséquences manifestement excessives.

M. [K] [R], soutenant oralement ses conclusions déposées à l'audience, conclut au rejet de la demande d'arrêt d'exécution provisoire et à la condamnation de la société Laboratoire Opti-Lenses aux dépens et à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que la société Laboratoire Opti-Lenses n'ayant pas comparu en première instance alors qu'elle avait été valablement touchée par l'assignation doit justifier de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à l'audience, ce qu'elle ne fait pas, sa situation n'ayant pas évolué. Il ajoute que les liasses fiscales produites ne sont pas certifiées par un expert-comptable, que les comptes n'ont jamais été publiés et ne lui ont pas été communiqués malgré ses demandes. Il considère qu'au regard d'un chiffre d'affaires de 957.615 euros, dont le montant n'est pas identique dans tous les documents produits, des capitaux propres de 327.958 euros et des réserves de 319.674 euros, la société Laboratoire Opti-Lenses a la capacité de régler la somme due qui s'élève aujourd'hui au regard des saisies pratiquées (12.382,56 euros) à 37.617,44 euros.

S'agissant des moyens sérieux de réformation, il rappelle que la violation par la société SK Optic du protocole, alléguée par la société Laboratoire Opti-Lenses, est inopérante pour justifier l'absence de remboursement de son compte courant et que la baisse du chiffre d'affaires de la société Laboratoire Opti-Lenses ne l'empêche pas de le rembourser, et ce d'autant qu'elle prétend avoir déjà recouvré des créances clients à hauteur de 180.000 euros en trois mois.

MOTIFS

L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Ces conséquences manifestement excessives s'apprécient par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d'infirmation de la décision assortie de l'exécution provisoire.

Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d'infirmation.

Si la société Laboratoire Opti-Lenses a été valablement touchée par l'assignation, il n'en demeure pas moins qu'elle n'a pas comparu à l'audience de première instance. Dès lors, le second alinéa de l'article 514-3 précité n'a pas vocation à s'appliquer.

Pour justifier de ses difficultés et de son impossibilité de régler la somme à laquelle elle a été condamnée qui s'élève désormais à 37.617,44 euros, la société Laboratoire Opti-Lenses, qui ne publie pas ses comptes, produit d'une part, une capture d'écran indiquant un solde de 13,67 euros, et d'autre part, des liasses fiscales, non certifiées par un expert-comptable.

Mais, la société Laboratoire Opti-Lenses ne peut valablement justifier de sa trésorerie en produisant une simple capture d'écran dont ni l'origine ni la date ne sont mentionnées et qui ne retrace pas les mouvements bancaires sur son prétendu compte bancaire.

Par ailleurs, nonobstant une perte de 1.616 euros et des dettes à hauteur de 1.869.292 euros, la liasse fiscale pour l'exercice 2023 laisse apparaître un chiffre d'affaires, certes en baisse mais de 957.615 euros, un report à nouveau de 319.674 euros, des créances de 1.647.083 euros (créances clients et comptes rattachés et autres créances) et un stock de marchandises de 450.038 euros. Il en résulte que le règlement de la somme de 37.617,44 euros n'est pas de nature à entrainer des conséquences manifestement excessives pour la société Laboratoire Opti-Lenses, étant souligné que le plan de redressement adopté par jugement du 14 décembre 2021 pour la société holding du groupe est indifférent et ce d'autant que la société Laboratoire Opti-Lenses souligne que la holding est de nouveau in bonis.

Echouant à démontrer que l'exécution provisoire aurait des conséquences manifestement excessives pour elle, la société Laboratoire Opti-Lenses est déboutée de sa demande, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner l'existence d'un moyen sérieux de confirmation, les conditions prévues par l'article 514-3 du code de procédure civile étant cumulatives.

La société Laboratoire Opti-Lenses, succombant à l'instance, est condamnée aux dépens et à verser à M. [K] [R] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejetons la demande de la société Laboratoire Opti-Lenses d'arrêt de l'exécution provisoire de la décision du 6 septembre 2024 rendue par le tribunal de commerce Paris,

Condamnons la société Laboratoire Opti-Lenses aux dépens et à verser à M. [K] [R] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

ORDONNANCE rendue par Mme Marie-Catherine GAFFINEL, Conseillère, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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