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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-1, 9 avril 2025, n° 21/05693

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Chubb European Group Ltd (Sté), Iqvia RDS France (SAS)

Défendeur :

Axa France IARD (SA), GA Entreprise (SAS), Entreprise Levieux Patrick (SAS), SMABTP, Schneider Electric France (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dubois-Stevant

Conseiller :

Mme Gautron-Audic

Conseiller :

Mme Meurant

Avocats :

Me Dontot, Me Dumeau, Me Debray, Me Kaya, Me Lafon, Me Rodriguez, Me Hecquet, Me Del Rio, Me Volpelliere, Me Moussafir, Me Hanriat, Me Mollier, Me Dizier

T. com. Nanterre, 6e ch., du 23 juill. 2…

23 juillet 2021

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat du 23 mars 2007, la SCI Illkirch 2001, en qualité de maître de l'ouvrage, a confié à la société GA entreprise, ci-après dénommée la société GA, en qualité d'entreprise générale, la construction d'un immeuble à usage de bureaux sur un terrain sis [Adresse 9] à [Localité 8] (67).

La société GA, assurée auprès de la société Axa France Iard, ci-après dénommée la société Axa, a sous-traité l'exécution du lot revêtements de sol à la société SVMJ exerçant sous le nom commercial Strasol, qui l'a sous-traitée à la société Entreprise Levieux Patrick, ci-après dénommée la société Levieux, assurée auprès de la société Axa.

Par acte sous seing privé du 26 mars 2007, la SCI Illkirch 2001 a donné ces locaux à bail commercial à la société Quintiles benefit France, aux droits de laquelle vient la société Iqvia RDS France, ci-après dénommée la société Iqvia.

Suivant commande du 30 août 2007, la société Iqvia a confié à la société GA différents travaux parmi lesquels l'aménagement d'un local informatique, comprenant l'installation d'un faux-plancher technique.

La société GA a sous-traité la réalisation de ce faux plancher à la société SVMJ, laquelle l'a sous-traitée à la société Levieux.

La réalisation de ces travaux a donné lieu le 14 décembre 2007 à la signature d'un « procès-verbal de réception des travaux spécifiques » avec réserves, dont la levée a été constatée suivant procès-verbal du 9 juin 2008.

La société Schneider electric IT France a fourni à la société Iqvia deux armoires à onduleurs et deux armoires contenant chacune les batteries des onduleurs. Ces armoires ont été installées dans le local informatique et par contrat à effet au 1er juin 2007, la société Iqvia a confié la maintenance des deux onduleurs à la société MGE UPS systems, aux droits de laquelle vient la société Schneider electric IT France.

Dans la nuit du 9 au 10 juin 2015, un incendie est survenu dans le local informatique.

A la demande de la société Iqvia, par ordonnance du 9 juillet 2015, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a désigné M. [F] en qualité d'expert, afin de déterminer l'origine de l'incendie et de fournir les éléments nécessaires à la détermination des responsabilités et à l'évaluation des préjudices subis.

L'expert a déposé son rapport le 2 février 2017. Il a considéré que le sinistre avait pour origine la rupture d'une dalle du faux plancher technique ayant entrainé la chute de l'armoire à batteries n°2 sur l'armoire de brassage n°1 et l'armoire switch n°2 provoquant des courts-circuits et l'incendie. Selon lui, la rupture du plancher a été provoquée par son procédé de mise en oeuvre. Il a estimé par conséquent que les travaux réalisés par la société Levieux étaient affectés de malfaçons et que la société SVMJ, assurée par la Cambtp, aurait dû surveiller les prestations exécutées par son sous-traitant.

Par actes d'huissier des 22, 23, 27 février, 1er et 5 mars 2018, la société Iqvia et son assureur la société Chubb european group limited, ci-après dénommée la société Chubb, ont fait assigner devant le tribunal de commerce de Nanterre la société GA, la société Levieux, son assureur la société Axa, la société SVMJ et son assureur la Cambtp afin d'obtenir, à titre principal, leur condamnation in solidum au paiement des sommes suivantes :

- 352.727 euros à la société Chubb au titre de l'indemnité d'assurance versée à la société Iqvia,

- 553.930 euros à la société Iqvia, au titre des préjudices consécutifs à l'incendie non indemnisés par son assureur.

Par acte d'huissier du 1er juin 2018, la société Axa, en qualité d'assureur de la société GA a fait assigner en garantie la société Schneider electric IT France.

Par acte d'huissier du 23 novembre 2018, la société GA et son assureur la société Axa ont fait assigner en garantie la Smabtp en qualité d'assureur de responsabilité civile décennale de la société GA.

Par acte d'huissier du 28 février 2020, la société SVMJ a fait assigner en garantie son assureur, la société Axa.

Ces appels en garantie ont été joints à l'affaire principale.

Par jugement du 23 juillet 2021, le tribunal a :

- condamné in solidum la société GA, son assureur la société Axa, la société Levieux et son assureur la société Axa à payer à la société Chubb la somme de 352.727 euros et à la société lqvia la somme de 214.358 euros, ces sommes étant majorées des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

- condamné la société SVMJ exerçant sous l'enseigne Strasol et son assureur la Cambtp à garantir la société GA et son assureur la société Axa des condamnations prononcées à leur encontre,

- condamné solidairement la société Levieux et son assureur la société Axa à garantir la société SVMJ et son assureur la Cambtp de toutes condamnations prononcées à leur encontre,

- débouté la société GA et son assureur la société Axa de leurs appels en garantie formés contre la société Schneider Electric IT France et la Smabtp en qualité d'assureur de la société GA,

- débouté la société Levieux et son assureur la société Axa de leurs appels en garantie formés contre la société Schneider Electric IT France, la société SVMJ exerçant sous l'enseigne Strasol, son assureur la Cambtp et la société Iqvia,

- débouté la Cambtp de l'appel en garantie formé contre la société Schneider Electric IT France,

- condamné in solidum la société GA, la société Levieux et leur assureur la société Axa à payer à la société Iqvia et la société Chubb la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société GA et son assureur la société Axa de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société GA et son assureur la société Axa à payer à la Smabtp la somme de 1.000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Levieux à payer à la société SVMJ la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société SVMJ de ses demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la société GA, de son assureur la société Axa, de la Cambtp et de la société Schneider Electric IT France,

- condamné in solidum la société Levieux et son assureur la société Axa à verser à la Cambtp la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société GA, la société Levieux et leur assureur la société Axa à payer à la société Axa en qualité d'assureur de la société SVMJ, chacune, la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Levieux et son assureur la société Axa de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société GA, la société Levieux et leur assureur la société Axa à payer à la société Schneider Electric It France la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu d' ordonner l'exécution provisoire,

- condamné in solidum la société GA, la société Levieux et leur assureur la société Axa à supporter les dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Le tribunal a entériné les conclusions du rapport d'expertise concernant l'origine du dommage et les responsabilités. Concernant l'évaluation du préjudice subi par la société Iqvia, il a appliqué un coefficient de vétusté à la valeur des équipements détruits dans l'incendie.

Par déclaration du 13 septembre 2021, la société Iqvia et la société Chubb ont interjeté appel du jugement en ce qu'il a condamné in solidum la société GA, la société Levieux et leur assureur la société Axa à payer à la société Chubb la somme de 352.727 euros et à la société Iqvia celle de 214.358 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement et les a déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires.

La déclaration d'appel principal a intimé la société GA, la société Levieux et leur assureur la société Axa.

Par actes du 25 février 2022, les sociétés GA et Axa ont formé un appel provoqué à l'encontre de la Smabtp et de la société Schneider electric IT France.

Par acte du 1er mars 2022, la société Levieux et son assureur la société Axa ont formé appel provoqué à l'encontre de la société Schneider electric France.

Par ordonnance d'incident du 25 avril 2024, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions notifiées par la société Schneider electric France.

Par dernières conclusions n°3 remises au greffe et notifiées par rpva le 7 novembre 2022, les sociétés Iqvia et Chubb demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés GA, Levieux et Axa à payer à la société Chubb la somme de 352.727 euros et à la société Iqvia la somme de 214.58 euros, de le confirmer pour le surplus, de rejeter les demandes plus amples ou contraires des autres parties et, statuant à nouveau, de condamner in solidum les sociétés GA, Levieux et Axa à payer à la société Chubb la somme de 352.727 euros au titre de l'indemnité d'assurance réglée et à la société Iqvia la somme de 553.930 euros au titre des préjudices consécutifs à l'incendie n'ayant pas été indemnisés par son assureur, de condamner in solidum les parties succombantes à leur payer la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Me Dontot, JRF & associés.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par rpva le 17 juin 2022, les sociétés GA et Axa demandent à la cour de réformer le jugement en ce qu'il les a condamnées sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, en raison du sinistre, à payer diverses indemnités aux sociétés Iqvia et Chubb et, statuant à nouveau :

- de déclarer prescrite l'action des sociétés Iqvia et Chubb sur le fondement de l'article 1792-3 du code civil,

- de réformer le jugement en ce qu'il les a condamnées à défaut de justifier d'un lien d'imputabilité et a fortiori d'une faute de la société GA et de les mettre hors de cause,

- de réformer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de garantie dirigée contre la société Schneider electric s'agissant des évènements postérieurs à la réception qui s'avèrent à l'origine du sinistre et en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité de la société Iqvia qui doit conserver à sa charge une quote-part de son préjudice qui ne saurait être inférieure à 50 % et de condamner la société Schneider electric IT France à les garantir,

- si la cour retenait la mobilisation de la garantie décennale des constructeurs d'origine en raison de ce sinistre, de condamner in solidum la société Schneider electric IT France et la Smabtp en qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société GA à les garantir de toute condamnation,

- de déclarer la société Axa bien fondée à opposer sa franchise et son plafond de garanties,

- en tout état de cause, de débouter les parties de leurs demandes contraires et de condamner in solidum tout succombant au paiement de la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Me Debray.

Par dernières conclusions n°3 remises au greffe et notifiées par rpva le 15 janvier 2025, les sociétés Levieux et Axa demandent à la cour de :

- réformer, par substitution de motifs, la décision entreprise et déclarer irrecevable car prescrite toute action exercée à leur encontre,

- déclarer irrecevables les demandes dirigées à leur encontre par la société Schneider electric France en application de l'ordonnance du 25 avril 2024 rendue par le conseiller de la mise en état,

- déclarer que le sinistre résulte d'un défaut de positionnement et d'appui des armoires électriques, qui ne saurait être imputé à la société Levieux et la mettre hors de cause,

- dire que le sinistre engage les responsabilités concurrentes des sociétés Schneider et Iqvia,

- réformer le jugement en ce qu'il les a condamnées,

- condamner la société Schneider electric France venue aux droits de la société Schneider electric IT France à les garantir,

- subsidiairement, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité allouée à la société Chubb à la somme de 352.727 euros et l'indemnité allouée à la société Iqvia à celle de 214.358 euros,

- rejeter ou ramener à de plus justes mesures les demandes prohibitives formées au titre des frais irrépétibles,

- en tout état de cause, condamner toute partie succombante à payer une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner de même toute partie succombante aux dépens.

Par dernières conclusions n°3 remises au greffe et notifiées par rpva le 8 août 2023, la Smabtp demande à la cour :

- de juger que les sociétés Chubb et Iqvia ne formulent plus aucune prétention à son encontre et de leur en donner acte, de juger les prétentions des sociétés Chubb et Iqvia à son encontre irrecevables car tardives, de juger que les désordres ne relèvent pas de la garantie décennale, de confirmer le jugement en ce qu'il a écarté la responsabilité décennale et débouté GA et Axa de leur demande de garantie formée à son encontre, de débouter les sociétés Chubb et Iqvia de leur appel sur l'évaluation du montant des préjudices,

- sur l'appel provoqué, de déclarer l'appel provoqué des sociétés GA et Axa irrecevable,

- en tout état de cause, de débouter les sociétés GA et Axa de l'ensemble de leurs demandes et de condamner les sociétés GA et Axa aux dépens de l'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, si la cour estimait que la responsabilité décennale de la société GA est engagée, de débouter les sociétés GA et Axa de leurs prétentions en ce qu'elles excèdent le coût des travaux de réparation de l'ouvrage, seuls garantis, tel que chiffré par l'expert judiciaire, à savoir 104.510 euros,

- à titre infiniment subsidiaire, de condamner in solidum ou solidairement la société Axa, en qualité d'assureur des sociétés Levieux et GA, et la société Levieux, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, à la garantir de toutes condamnations et de condamner la société GA à la garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, à hauteur du montant de la franchise contractuelle, soit 47.400 euros,

- en tout état de cause, de débouter tout concluant de toutes demandes formées à son encontre.

Par dernières conclusions n°4 remises au greffe et notifiées par rpva le 9 janvier 2025, la société Schneider electric France venant aux droits de la société Schneider electric IT France demande à la cour de lui adjuger, comme venant aux droits de la société Schneider electric IT France, l'entier bénéfice de ses conclusions, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter, d'une part, les sociétés Levieux, GA et Axa de l'intégralité de leurs demandes, de condamner in solidum toutes parties succombantes à lui payer la somme de 40.000 euros (sic) et de condamner in solidum toutes parties succombantes aux dépens, dont distraction au profit de Me Lafon.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 16 janvier 2025.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Par l'effet de l'appel principal et des appels incidents et provoqués, la cour est saisie des demandes indemnitaires formulées par les sociétés Iqvia et Chubb à l'encontre des sociétés GA, Levieux et Axa et des appels en garantie formés par les sociétés GA, Levieux, Axa à l'encontre de la société Schneider electric IT France et de la Smabtp et de l'appel en garantie formé par cette dernière contre les sociétés GA, Levieux et Axa.

Le chef du jugement ayant condamné la société SVMJ, exerçant sous l'enseigne Strasol, et la Cambtp à garantir les sociétés GA et Axa des condamnations prononcées à leur encontre n'a pas été déféré à la cour, de sorte qu'il est désormais définitif.

Les sociétés Levieux et Axa, aux termes du dispositif de leurs écritures ne concluent pas à la réformation des chefs du jugement les ayant déboutées de leurs appels en garantie contre la société Schneider electric IT France. La cour n'en est donc pas saisie

S'agissant du recours en garantie formé à l'encontre de la Smabtp en sa qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société GA, cette dernière et son assureur ne sollicitent pas aux termes du dispositif de leurs écritures l'infirmation du chef du jugement les ayant déboutées de leur appel en garantie. La cour n'en est donc pas saisie.

Par ailleurs, la société Levieux et son assureur la société Axa reprochent aux premiers juges un défaut de motivation du jugement et à l'expert un manquement à l'obligation d'impartialité. Toutefois, ils ne sollicitent pas l'annulation du jugement et n'ont pas formulé de demande de contre-expertise auprès du juge du contrôle de l'expertise.

Sur l'irrecevabilité des demandes des sociétés Iqvia et Chubb à l'égard de la Smabtp

La Smabtp conclut à l'irrecevabilité des demandes formées par les sociétés Iqvia et Chubb à son encontre par conclusions n°2 du 17 mai 2022 en raison de leur caractère tardif. Toutefois, la Smabtp reconnaît qu'aux termes de leurs conclusions n°3 notifiées le 7 novembre 2022, les sociétés Iqvia et Chubb ne formulent plus de demande à son égard, de sorte que la fin de non-recevoir est sans objet.

Sur l'irrecevabilité de l'appel provoqué formé par les sociétés GA et Axa à l'égard de la Smabtp

La Smabtp expose que l'assignation à fin d'appel provoqué que les sociétés GA et Axa lui ont fait signifier le 25 février 2022 ne contient aucun exposé des moyens en fait et en droit, ni la liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée. Elle en déduit que l'appel provoqué est irrecevable.

L'article 56 du code de procédure civile dispose que : « L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 :

1° Les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée ;

2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ;

4° L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

L'assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée.

Elle vaut conclusions ».

Outre que ces dispositions ne sont pas sanctionnées par l'irrecevabilité de l'appel mais par la nullité de la déclaration d'appel devant être soulevée in limine litis en application de l'article 74 du code de procédure civile, l'assignation sur appel provoqué signifiée à la société Smabtp indique en page 3 que l'huissier de justice a remis à l'assureur la copie de la déclaration d'appel et les conclusions notifiées par les sociétés GA et Axa le 24 février 2022, lesquelles comportent un exposé détaillé des moyens en fait et droit développés au soutien de la demande, ainsi que le bordereau des pièces sur lesquelles elle est fondée. L'acte précise qu'il est composé de 39 pages, correspondant aux 22 pages de conclusions, outre une page de bordereau de pièces, la déclaration d'appel, les feuillets de l'assignation et celui de la signification. La Smabtp ne remet pas en cause ces mentions.

La fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel provoqué doit donc être rejetée.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action des sociétés Iqvia et Chubb

En appel, les sociétés GA, Levieux et leur assureur la société Axa soulèvent la prescription de l'action des sociétés Iqvia et Chubb.

Les sociétés Ga et Axa exposent que le tribunal a considéré que le faux-plancher technique est un élément d'équipement dissociable au sens de l'article 1792-3 du code civil et qu'il n'a pas rendu l'ouvrage impropre à sa destination. Elles en déduisent que l'action engagée par les sociétés Iqvia et Chubb est soumise à la prescription biennale prévue par le texte précité et qu'elle est forclose.

Les sociétés Iqvia et Chubb répondent que les dispositions de l'article 1792-3 ne sont pas applicables, dès lors que le faux-plancher est inerte et qu'il n'est pas destiné à fonctionner. Elles soutiennent que leur action est soumise à un délai de prescription de dix ans, que le désordre soit de nature décennale (article 1792-4-1) ou non (article 1792-4-3).

La société Levieux et son assureur ne développent aucune argumentation au soutien de la fin de non-recevoir qu'ils soulèvent dans la partie discussion de leurs écritures en méconnaissance des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile. Elle doit donc être rejetée.

L'article 1792-3 du code civil dispose que : « Les autres éléments d'équipement de l'ouvrage font l'objet d'une garantie de bon fonctionnement d'une durée de deux ans à compter de sa réception ».

Par ailleurs, selon l'article 1792-4-3 du même code, « En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ».

Comme rappelé précédemment, par contrat du 23 mars 2007, la SCI Illkirch 2001, en qualité de maître de l'ouvrage, a confié à la société GA la construction de l'immeuble à usage de bureaux.

En revanche, les travaux d'aménagement du local informatique, siège de l'incendie, n'ont pas été commandés par le maître de l'ouvrage, mais par le preneur à bail de l'immeuble, la société Quintiles, aux droits de laquelle vient la société Iqvia, dans le cadre d'une commande de travaux complémentaires du 30 août 2007.

Le « procès-verbal de réception des travaux spécifiques » du 14 décembre 2007 n'est d'ailleurs pas signé par le maître de l'ouvrage, mais par « le preneur », désigné comme étant « la société Quintiles ». La liste des réserves émises à cette occasion permet de constater que la « réception » ne concerne pas la construction de l'immeuble dans son ensemble, mais uniquement les « travaux spécifiques » commandés par le preneur à bail pour les besoins de son activité.

Au surplus, la société Iqvia précise que l'« ouvrage » en cause est constituée du local informatique, dont l'aménagement a donné lieu à l'exécution de travaux d'envergure d'un montant total de 256.278 euros HT comprenant notamment des travaux électriques, de VMC, d'extinction incendie, de faux plafond, de cloisons.

Cependant, le seul critère de la valeur des travaux engagés ne suffit pas à caractériser un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil. En outre et surtout, la seule adjonction dans une pièce de l'ouvrage de cloisons, d'un faux-plancher technique et d'équipements électriques, de ventilation et de détection incendie qui ne sont pas intégrés au gros 'uvre du bâtiment, mais sont aisément démontables, ne permet pas de considérer que le local informatique, de par les travaux d'aménagements réalisés, constitue un ouvrage.

Les travaux en cause ayant été entrepris à la demande, non pas du maître de l'ouvrage, mais du preneur à bail et n'ayant pas donné lieu à la réalisation d'un ouvrage, l'action des sociétés Iqvia et Chubb n'est pas soumise au délai de prescription biennal de l'article 1792-3 du code civil, ni au demeurant au délai décennal de l'article 1792-4-3.

En conséquence, la prescription de l'action des sociétés Iqvia et Chubb ne peut être appréciée qu'en considération du délai quinquennal de l'article 2224 du code civil qui dispose que : « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

En l'espèce, l'incendie du local informatique est survenu dans la nuit du 9 au 10 juin 2015. Par assignations du 30 juin 2015, les sociétés Iqvia et Chubb ont sollicité du juge des référés du tribunal de commerce de Paris une mesure d'expertise. M. [F] a été désigné en qualité d'expert par ordonnance du 9 juillet 2015. En application de l'article 2239 du code civil, le cours de la prescription a été interrompu le 30 juin 2015, puis suspendu par l'ordonnance du 9 juillet 2015 jusqu'au dépôt du rapport par ce dernier le 2 février 2017. Les sociétés Iqvia et Chubb ont fait assigner la société GA et son assureur devant le tribunal de commerce de Nanterre par actes d'huissier délivrés en février et mars 2018, soit dans le délai de cinq ans imparti par l'article 2224.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action des sociétés Iqvia et Chubb doit par conséquent être rejetée.

La prescription opposée par les sociétés GA, Levieux et leur assureur Axa doit donc être rejetée.

Sur l'irrecevabilité des demandes de la société Schneider electric France à l'encontre des sociétés Levieux et Axa

Aux termes du dispositif de leurs conclusions, les sociétés Levieux et Axa concluent à l'irrecevabilité des demandes formulées par la société Schneider electric France à leur encontre sans toutefois motiver cette demande dans la partie discussion de leurs écritures en méconnaissance des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile. La fin de non-recevoir doit donc être rejetée.

En tout état de cause, si le conseiller de la mise en état a effectivement déclaré les conclusions de la société Schneider electric France irrecevables, cette dernière justifie par la production de son extrait Kbis à jour au 24 juin 2024 venir aux droits de la société Schneider electric IT France dont les conclusions n'ont pas été déclarées irrecevables. Dans ces conditions, les demandes formées par la société Schneider electric France à l'encontre des sociétés Levieux et Axa doivent être déclarées recevables.

Sur les demandes indemnitaires des sociétés Iqvia et Chubb

Sur les dommages et leur origine

Les constatations réalisées par l'expert [F] ont permis d'établir que le local informatique a subi un incendie ; que les quatre armoires abritant, pour deux d'entre elles, les onduleurs, et pour les deux autres, les batteries des onduleurs, étaient alignées, côte à côte, contre la rampe d'accès au local ; que la dernière armoire accueillant les batteries de l'onduleur n°2 située à l'extrémité de la rampe d'accès, à son point le plus haut à l'opposé de la porte d'accès au local, était couchée sur le plancher technique dont plusieurs dalles étaient effondrées ; que lors de sa chute, l'armoire de batteries n°2 a percuté et brisé la vitre de l'armoire de brassage n°1 et celle de l'armoire switch 2 situées devant elle suivant le schéma figurant en page 39 du rapport d'expertise.

L'expert explique que cette chute a provoqué un ou plusieurs courts-circuits à l'origine de l'incendie, ce point n'étant pas contesté.

Au regard de l'état des roulettes équipant l'armoire, tel que constaté par l'expert, et de l'absence de chute des étagères supportant les batteries, la bascule de l'armoire ne peut être attribuée qu'à la défaillance du plancher technique.

Ce plancher était composé de dalles surélevées et supportées, à la jonction de 4 dalles, par des vérins métalliques.

L'expert a procédé à une numérotation des dalles sur le schéma figurant en page 44 de son rapport. L'armoire de batteries n°2 était installée sur les dalles n°3, 4, 13 et 14 réparties comme suit :

14

13

3

4

La face avant de l'armoire était positionnée sur les dalles n° 13 et 14 et la face arrière sur les dalles n°3 et 4. L'armoire n'était pas positionnée de manière centrale sur ces dalles, mais décalée vers la droite et l'arrière. Les dalles n°14 et 3 supportaient également une des armoires accueillant un onduleur.

M. [F] a constaté que la branche du vérin supportant les angles à la jonction des dalles n°3, 4, 13 et 14 était brisée du côté des dalles n°13 et 14, dont les angles étaient fortement arrachés (cf photographies en page 45 du rapport).

A l'issue des tests de résistance des dalles n'ayant mis en lumière aucune insuffisance, M. [F] a conclu que l'effondrement des dalles de plancher était consécutif à :

- l'absence d'entretoisement des vérins pour un plancher supérieur ou égal à 250 mm,

- une stabilité latérale insuffisante du plancher technique du côté de la rampe d'accès au local informatique.

Les sociétés GA, Levieux et leur assureur la société Axa, contestent ces conclusions. Elles soutiennent tout d'abord que le DTU 57.1 n'imposait pas la mise en 'uvre d'un entretoisement, dès lors que la hauteur du plancher n'atteignait pas 250 mm.

Le DTU 57.1, dans son édition de 1993 applicable en l'espèce, préconise en zone de séismicité non nulle, ce qui est le cas de la ville de [Localité 8] classée en zone faible par le décret n°91-471 du 14 mai 1991 à la date des travaux, en cas de plénum supérieur ou égal à 250 mm, la mise en 'uvre d'un plancher surélevé entretoisé. Si le plénum est inférieur à 250 mm, le DTU précise que l'entretoisement n'est pas nécessaire s'il existe un maintien latéral sur la totalité de la périphérique du plancher.

Comme le soutiennent les sociétés GA, Levieux et Axa, M. [F] a effectivement précisé en page 59 de son rapport que « la hauteur du plénum a été mesurée à 248 mm ». Cependant, il a précisé que cette mesure n'avait été réalisée qu'en un seul endroit et qu'il ne s'agit donc pas d'une hauteur moyenne. Dès lors que la hauteur de plancher de 290 mm mentionnée sur les factures des sociétés SVMJ et Levieux implique un plénum de 252 mm compte tenu de l'épaisseur des dalles de 38 mm, l'expert a justement conclu qu'un entretoisement aurait dû être mis en 'uvre.

De surcroît, les opérations d'expertise ont établi que le plancher a été posé à l'intérieur de 3 parois dites lourdes, car constituées des murs ou cloisons du local informatique, mais que le 4ième côté était composé d'une jouée latérale accolée à la rampe d'accès au local. La jouée était fixée via un nez de marche sur les dalles elles-mêmes. La hauteur de la rampe étant variable, elle ne présentait pas un contreventement suffisant de la jouée latérale sur toute sa longueur pour assurer une résistance suffisante aux efforts latéraux du plancher lors des divers mouvements de charges qui ont nécessairement eu lieu depuis sa pose.

Ce maintien latéral insuffisant imposait également le recours à un entretoisement en application du DTU 57.1.

Les sociétés GA, Levieux et la société Axa remettent en cause ces conclusions en affirmant que l'existence de mouvements latéraux du plancher n'a pas été établie par l'expert, notamment au droit du sinistre qui se situe au point le plus haut du plancher.

Cependant, les opérations d'expertise ont permis d'établir que la stabilité latérale des dalles était insuffisante puisqu'elle n'était pas assurée par un contreventement efficient de la jouée sur toute sa longueur, notamment au point le plus bas de la rampe. Bien que ce point ne soit pas situé à proximité immédiate de l'armoire ayant basculé, M. [F] a pertinemment souligné que des mouvements successifs survenus soit sur la rampe, soit sur les dalles lors de secousses sismiques et/ou de déplacements d'armoires, ont généré des déplacements des dalles du plancher, qu'un entretoisement aurait permis de limiter s'il avait été mis en 'uvre. Les photographies invoquées par les sociétés Levieux et Axa en pages 15 à 17 de leurs écritures ne permettent pas de remettre en cause ces conclusions, dès lors que le vérin photographié n'est pas identifiable, que la présence d'une trace de la tête de vérin à l'angle de la dalle n°13 n'est pas incompatible avec le fait que les dalles aient subi un déplacement et que l'expert s'est longuement justifié sur la stabilité insuffisante de la jouée sur toute sa longueur.

Les sociétés GA, Levieux et leur assureur soutiennent que l'expert a écarté à tort les véritables causes du sinistre.

Elles invoquent tout d'abord une mauvaise répartition des charges, du fait de l'absence de traces de roulettes et donc d'appui de l'armoire de batteries sur la dalle n°4, et le défaut de mise en 'uvre d'une plaque de répartition lors de l'installation des armoires.

Toutefois, quand bien même il devrait être considéré au regard des photographies des dalles en cause insérées en page 67 du rapport d'expertise que l'armoire de batteries n°2 ne reposait que sur trois jeux de roulettes, soit sur trois points d'appui au lieu de quatre (dalles n°13, 14 et 3), les tests de résistance réalisés au cours des opérations d'expertise établissent que les dalles étaient en mesure de supporter une charge de rupture variant de 624 à 744 kg. L'expertise a démontré que la dalle n°14 présentait la même résistance aux charges que la dalle n°15 soumise à la même découpe, soit 624 kg. Or, le poids total de l'armoire batteries incluses est de 766 kg et celui de l'armoire accueillant l'onduleur, de 240 kg. Réparti sur trois points d'appui, le poids supporté par chacune des dalles n°3 et n°14 est d'environ 315 kg ((766 / 3) + (240 / 4)), et celui supporté par la dalle n°13 est de 255 kg (766/ 3) soit une charge bien inférieure à la résistance maximale des dalles en cause.

La société Levieux et son assureur soutiennent que le poids supporté par la dalle n°3 se limite à 100 kg, de sorte que les dalles n°13 et 14 ont subi une charge excessive de 333 kg. Cependant, d'une part, ces évaluations procèdent d'affirmations non justifiées et d'autre part, la charge de 333 kg demeure en tout état de cause inférieure à la résistance maximale des dalles et en particulier de la dalle n°14. Aucun élément ne permet de remettre en cause les conclusions de l'expert concernant un problème de répartition de charges et s'il a pu, au cours de l'expertise, envisager que le défaut de mise en 'uvre d'une plaque de répartition a pu contribuer au dommage, il indique clairement en page 73 de son rapport définitif que « la mise en place de plaques de répartition n'était pas imposée ».

Enfin, le choix de mettre en 'uvre des armoires à roulettes n'a pas été critiqué par l'expert. Si la société Levieux et son assureur affirment que les roulettes n'étaient pas en position bloquées, M. [F] a précisé en page 42 de son rapport qu'il n'était plus « possible de savoir si ces roues étaient bloquées ou non lors du sinistre ».

Les sociétés GA, Levieux et Axa évoquent ensuite les découpes grossières réalisées sur certaines dalles, sans dépose du plancher, qui ont pu, selon l'expert, générer des vibrations ayant modifié la stabilité d'ensemble du plancher. Elles affirment que ces découpes se distinguent de celles qui ont été commandées et réalisées par la société Levieux dans le cadre de l'exécution des travaux de climatisation et qu'ayant été exécutées par une société tierce, probablement la société Schneider electric IT France ayant installé les armoires, elles ne sauraient engager leur responsabilité.

M. [F] relève que l'ensemble des travaux a été confié à la société Levieux, en qualité de sous-traitante de la société SVMJ, elle-même sous-traitante de la société GA. Cependant, il ne peut être déduit de ce seul élément que la société Levieux est l'auteur des découpes grossières qui ont été réalisées sur certaines dalles et notamment la dalle n°14. En tout état de cause, il doit être rappelé que les essais de résistance réalisés en cours d'expertise sur la dalle n°15 ayant subi la même découpe que la dalle n°14 ont révélé que sa résistance n'avait pas été affectée de manière significative au regard de la charge effectivement supportée. De surcroît, M. [F] a relevé qu'aucune rupture ne s'était produite dans l'environnement d'une découpe de dalle. Enfin, si l'expert a effectivement conclu que ces découpes réalisées sans mise en place de vérins de renfort et sans démontage du plancher ont pu générer des vibrations ayant affecté la stabilité du plancher, il doit être relevé d'une part, que ces conclusions demeurent hypothétiques et d'autre part, que ce dommage est consécutif à la fragilisation du plancher, elle-même due à l'absence d'entretoisement et au maintien latéral insuffisant.

Les sociétés GA, Levieux et Axa mettent encore en cause la réalisation défectueuse des prestations d'installation des armoires et de maintenance confiées par la société Iqvia à la société Schneider electric IT France. Toutefois, le contrat relatif à la fourniture des armoires n'est pas communiqué, de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer quelles étaient les obligations de la société Schneider electric IT France. Par ailleurs, le contrat de maintenance conclu le 1er juin 2007 entre la société Iqvia et la société MGE UPS systems aux droits de laquelle vient la société Schneider electric IT France, ne met pas à la charge du mainteneur des armoires la vérification et le recalage du plancher technique. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés GA et Axa, il ne peut être déduit de l'obligation pour le mainteneur, dans le seul cadre de la visite préventive, de vérifier l' « environnement », les « conditions d'installation : température, propreté, etc ' » que le plancher technique entrait dans le champ d'application du contrat.

Par ailleurs, alors que l'expert a précisé qu'il n'existe aucune obligation légale de souscrire un contrat d'entretien d'un plancher technique, la société GA, seul cocontractant de la société Iqvia, ne démontre pas avoir alerté cette dernière, en exécution de son devoir de conseil, sur la recommandation émise dans la fiche technique établie par la société Comey, fournisseur du plancher, de vérifier et recaler régulièrement les dalles du faux-plancher.

Plus généralement, les opérations d'expertise n'ont révélé aucun manquement de la part, tant de la société Schneider electric IT France, que de la société Iqvia, en lien avec le dommage, les sociétés GA, Levieux et Axa ne justifiant pas d'élément permettant de remettre en cause ces conclusions.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que l'incendie survenu dans le local technique est exclusivement imputable aux malfaçons ayant affecté l'installation du faux-plancher.

Sur la responsabilité des sociétés GA et Levieux et la garantie de la société Axa

Les sociétés Iqvia et Chubb invoquent la responsabilité contractuelle de la société GA et la responsabilité délictuelle de son sous-traitant la société Levieux. Elles sollicitent la mobilisation de la garantie de leur assureur la société Axa.

L'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, dispose que : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

Par ailleurs, l'article 1240 du même code, dans sa version issue de l'ordonnance du 10 février 2016 énonce que : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

La société GA, à laquelle la pose du plancher technique a été confiée, était tenue à l'égard de la société Iqvia d'une obligation de résultat. Le dommage ayant affecté ledit plancher caractérise un manquement de la société GA à son obligation de résultat, de sorte que sa responsabilité contractuelle est engagée à l'égard de la société Iqvia et de la société Chubb, subrogée dans ses droits.

Par ailleurs, la société Levieux, à laquelle la société GA a sous-traité l'installation du plancher technique, siège du dommage, a elle-même manqué à l'obligation de résultat à laquelle elle était tenue à l'égard de la société SVMJ. Ce manquement contractuel caractérise une faute délictuelle vis-à-vis de la société Iqvia et de la société Chubb, subrogée dans ses droits. Sa responsabilité est par conséquent engagée sur le fondement de l'article 1240 du code civil. Au surplus, les opérations d'expertise ont démontré que le dommage était consécutif à des malfaçons affectant la pose du plancher technique, tenant en l'absence d'entretoisement et à une stabilité latérale insuffisante, imputables à la société Levieux.

La société Axa, en qualité d'assureur des sociétés GA et Levieux, ne conteste pas sa garantie.

Pour les motifs précités, la preuve d'un manquement de la société Iqvia ayant contribué au dommage n'est pas rapportée, de sorte qu'il n'y a pas lieu de laisser à sa charge une quote-part de son préjudice comme le sollicitent à tort les sociétés GA et Axa.

En conséquence, les sociétés GA, Levieux et Axa doivent être condamnées in solidum à l'indemnisation de la totalité des préjudices subis par les sociétés Iqvia et Chubb consécutifs aux malfaçons ayant affecté le plancher technique. Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a retenu ces responsabilités et condamné les sociétés GA, Levieux et Axa à réparer les préjudices subis.

Sur l'indemnisation des dommages

Les sociétés Iqvia et Chubb contestent l'application par les premiers juges d'un coefficient de vétusté au préjudice matériel consécutif à l'incendie. Elles estiment que l'indemnisation doit correspondre à la valeur de remplacement en application du principe de réparation intégrale du préjudice.

Les sociétés GA, Levieux et Axa concluent à la confirmation du jugement s'agissant du quantum des indemnités accordées, considérant que les premiers juges ont à juste titre retenu l'application d'un coefficient de vétusté.

Au terme de ses opérations, M. [F] a évalué les préjudices comme suit, étant précisé que les montants sont exprimés en euros et hors taxe :

Description

Valeur de remplacement

Valeur obsolescence déduite

Vétusté

Valeur vétusté déduite

Bâtiment

135.027

135.026

30.516

104.510

Matériel

595.817

400.276

113.514

286.762

Frais et pertes

44.852

44.582

44.582

Frais supplémentaires

42.775

42.775

42.775

Total

818.471

622.659

144.030

478.629

L'expert a par ailleurs estimé le dommage immatériel au titre de la perte d'exploitation subie par la société Iqvia durant les dix jours ayant suivi l'incendie à la somme de 88.456 euros.

L'évaluation des préjudices subis au titre des frais et pertes, des frais supplémentaires et du préjudice immatériel n'est pas discutée par les parties. Elle sera par conséquent retenue à concurrence des sommes de 44.852 euros au titre des frais et pertes, de 42.775 euros au titre des frais supplémentaires et de 88.456 euros au titre du préjudice immatériel.

S'agissant des postes « bâtiment » et « matériel » pour lesquels une décote a été appliquée par l'expert au titre de la vétusté et de l'obsolescence, le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit. Aussi, la réparation intégrale du dommage causé à une chose n'est assurée que par le remboursement des frais de remise en état de la chose ou, si cette remise en état est impossible, par le paiement d'une somme d'argent représentant la valeur de son remplacement.

L'indemnisation de la victime ne peut être limitée qu'en cas de circonstance de nature à justifier l'application d'un coefficient de vétusté.

Il s'en déduit que le droit à indemnisation des société Iqvia et Chubb ne saurait être limité par l'obsolescence du matériel.

Par ailleurs, concernant la vétusté, il appartient aux société GA, Levieux et Axa d'établir l'existence d'une ou plusieurs circonstances de nature à justifier l'application d'un coefficient de vétusté aux dommages invoqués par les sociétés Iqvia et Chubb au titre du bâtiment et du matériel.

La société GA et son assureur n'en invoquent aucune, tandis que la société Levieux et son assureur soutiennent qu'une partie importante de la réclamation formulée porte sur le remplacement du matériel informatique faisant l'objet d'un marché d'occasion sérieux et de qualité.

Ainsi, aucune circonstance de nature à justifier la limitation du droit à indemnisation des sociétés Iqvia et Chubb n'est invoquée s'agissant du poste de préjudice se rapportant au « bâtiment », qui ne peut par conséquent se voir appliquer un coefficient de vétusté et doit donc être indemnisé à concurrence de la somme de 135.027 euros, en application du principe de réparation intégrale du dommage.

S'agissant du préjudice « matériel », qui se rapporte au remplacement de l'installation de climatisation et du matériel informatique (page 53 du rapport), il n'est invoqué aucune circonstance justifiant la limitation du droit à indemnisation concernant l'installation de climatisation et la société Levieux et son assureur ne démontrent ni l'existence d'un marché de l'occasion concernant les équipements informatiques en cause, ni la valeur d'acquisition de matériels équivalents sur ledit marché, ni a fortiori que cette valeur est inférieure à la valeur de remplacement retenue par l'expert. Le poste de préjudice se rapportant au matériel doit donc évalué à la somme de 595.817 euros.

Le principe et le quantum du recours subrogatoire de la société Chubb ne sont pas discutés.

En conséquence, le montant global du préjudice subi par les sociétés Iqvia et Chubb est fixé à la somme sollicitée de 906.657 euros et conformément à la demande de ces dernières concernant la répartition de l'indemnisation, les sociétés GA, Levieux et leur assureur Axa doivent être condamnées in solidum à payer à titre de dommages et intérêts :

- à la société Chubb, la somme de 352.727 euros,

- à la société Iqvia, la somme de 553.930 euros.

Il s'ensuite que le jugement sera infirmé sur le seul montant alloué à la société Iqvia.

La déclaration d'appel des sociétés Iqvia et Chubb a déféré à la cour le chef du jugement portant sur le quantum de l'indemnisation accordée, mais également sur les intérêts au taux légal accordés à compter de la signification du jugement. Toutefois, aux termes de leurs écritures, les sociétés Iqvia et Chubb ne sollicitent pas l'infirmation de la décision concernant les intérêts. Elle sera par conséquent confirmée sur ce point.

La société Axa en qualité d'assureur de la société GA sera déclarée bien fondée à opposer sa franchise et son plafond de garantie.

Sur les appels en garantie

Sur l'appel en garantie formé par la société GA et son assureur la société Axa déféré à la cour

Les sociétés GA et Axa forment un appel en garantie contre la société Schneider electric IT France et la Smabtp en qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société GA.

Toutefois, pour les motifs précités, la preuve d'un manquement de la société Schneider electric IT France n'est pas rapportée. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés GA et Axa de l'appel en garantie formé contre la société Schneider electric IT France, aux droits de laquelle vient désormais la société Schneider electric France.

Sur l'appel en garantie formé par la société Levieux et son assureur la société Axa

Il est rappelé que la cour n'est pas saisie du chef du jugement ayant débouté les sociétés Levieux et Axa de leurs appels en garantie contre la société Schneider electric IT France.

En outre, elles demandent à la cour de dire que « le sinistre engage la responsabilité concurrente des sociétés Schneider et Iqvia », mais ne formulent un appel en garantie qu'à l'encontre de la société Schneider electric France, venant aux droits de la société Schneider electric IT France.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Au regard de la solution du litige, les chefs du jugement relatifs aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmés.

Les sociétés GA, Levieux et Axa qui succombent supporteront in solidum les dépens d'appel et ne peuvent prétendre à une indemnité de procédure.

Elles seront condamnées in solidum à payer aux sociétés Iqvia et Chubb, ensemble, une somme de 7.000 euros et à la société Schneider electric France, venant aux droits de la société Schneider electric IT France une somme de 7.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Les sociétés GA et Axa seront condamnées in solidum à payer à la Smabtp la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile est accordé à Me Dontot et Me Lafon.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de sa saisine,

Déclare sans objet la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes des sociétés Iqvia RDS France et Chubb european group limited à l'égard de la Smabtp ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel provoqué formé par la société GA entreprise et son assureur la société Axa France Iard à l'encontre de la Smabtp ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action des sociétés Iqvia RDS France et Chubb european group limited ;

Déclare recevables les demandes formées par la société Schneider electric France, venant aux droits de la société Schneider electric IT France, à l'encontre des sociétés Entreprise Levieux Patrick et Axa France Iard ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a limité à la somme de 214.358 euros la condamnation en paiement des sociétés GA entreprise, Entreprise Levieux Patrick et de leur assureur Axa France Iard au profit de la société Iqvia RDS France ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Condamne in solidum la société GA entreprise, la société Entreprise Levieux Patrick et leur assureur la société Axa France Iard à payer à la société lqvia RDS France la somme de 553.930 euros ;

Y ajoutant,

Déclare la société Axa France Iard en qualité d'assureur de la société GA entreprise bien fondée à opposer sa franchise et son plafond de garantie ;

Condamne in solidum la société GA entreprise, la société Entreprise Levieux Patrick et leur assureur la société Axa France Iard aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Dontot et de Me Lafon ;

Condamne in solidum la société GA entreprise, la société Entreprise Levieux Patrick et leur assureur la société Axa France Iard à payer aux sociétés Iqvia RDS France et Chubb european group limited, ensemble, la somme de 7.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne in solidum la société GA entreprise, la société Entreprise Levieux Patrick et leur assureur la société Axa France Iard à payer à la société Schneider electric France, venant aux droits de la société Schneider electric IT France, la somme de 7.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne in solidum la société GA entreprise et son assureur la société Axa France Iard à payer à la Smabtp la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Déboute la société GA entreprise, la société Entreprise Levieux Patrick et leur assureur la société Axa France Iard de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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