CA Pau, 1re ch., 9 avril 2025, n° 24/01017
PAU
Ordonnance
Autre
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Faure
Par jugement du 26 février 2024, le tribunal judiciaire de Bayonne, dans un litige opposant M. [C] [E] et son épouse, Mme [J] [S], acquéreurs d'un immeuble d'habitation avec piscine, à M. [L] [P] et Mme [J] [X], vendeurs de l'immeuble, a :
déclaré irrecevables les demandes relatives à la forclusion,
dit que les désordres relevés sur la piscine ne relèvent pas de la garantie décennale,
débouté les consorts [E] de leurs demandes,
condamné les consorts [E] aux dépens et à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 3 avril 2024, M. [C] [E] et Mme [J] [S] épouse [E] ont interjeté appel de ce jugement sur l'ensemble de ses dispositions.
Par conclusions d'incident du 2 octobre 2024, M. [L] [P] a soulevé la prescription des demandes sur le fondement de la responsabilité contractuelle et les demandes afférentes au réseau balai de la piscine.
Les conclusions de M. [L] [P] du 4 mars 2025 tendent à :
dire et juger irrecevables les demandes des consorts [E] sur le fondement de la responsabilité contractuelle,
En tout état de cause :
dire et juger irrecevables leurs demandes afférentes au réseau balai.
les condamner au paiement d'une somme de 1.000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les conclusions de Mme [J] [X] du 27 février 2025 tendent à :
déclarer irrecevable la demande des époux [E] fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun ;
condamner les époux [E] à verser à Monsieur [P] et Madame [X] la somme de 3 000 ' au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
condamner les époux [E] aux entiers dépens.
Les conclusions de M. [C] [E] et Mme [J] [S] épouse [E] du 4 mars 2025 tendent à :
rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,
débouter Monsieur [P] et Madame [X] de l'ensemble de leurs demandes,
condamner Monsieur [P] et Madame [X] au paiement d'une somme de 3.000 ' au titre des frais irrépétibles,
condamner Monsieur [P] et Madame [X] aux entiers dépens.
L'incident a été fixé à l'audience du 5 mars 2025 après un renvoi.
MOTIFS
Il convient d'observer que n'est concernée par le présent incident que la prescription relative à la zone A, la forclusion pour la zone B ayant été soulevée par une partie et retenue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bayonne.
La prescription des désordres de la zone A n'a pas été tranchée par la juridiction de première instance qui l'a déclarée irrecevable dès lors qu'elle n'avait pas été soulevée devant le juge de la mise en état.
Il convient de rappeler que la prescription peut être soulevée en tout état de cause, y compris en appel, qu'il s'agit d'une fin de non-recevoir et non d'une prétention et qu'elle ne peut donc être considérée comme une demande nouvelle comme le prétend à tort Mme [X], laquelle ne relèverait pas de la compétence du conseiller de mise en état.
Les époux [E] ont invoqué un fondement juridique subsidiaire en cause d'appel en sus de la garantie décennale, consistant en des désordres relevant des dommages intermédiaires, soumis au régime de la responsabilité contractuelle.
La prescription des dommages intermédiaires est celle de l'article 1792-4-3 du code civil qui prévoit que, en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2 du code civil, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 du code civil et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux.
Les consorts [P]/[X] sont considérés comme constructeurs en application de l'article 1792-1 2° du code civil puisqu'ils ont vendu après achèvement un ouvrage qu'ils avaient construit ou fait construire.
Aussi, la prescription court à compter de la réception des travaux.
S'agissant de la zone A, il s'agit de la piscine laquelle a fait l'objet d'une déclaration de travaux autorisée par arrêté municipal du 16 avril 2007.
L'acte de vente du 28 mai 2013 prévoit en page 13 que les travaux de la piscine ont été effectués depuis moins de dix ans par le vendeur lui-même, ce qui a été relevé par l'expert dans son rapport. Aussi, aucune réception des travaux n'est intervenue et il convient de retenir comme point de départ, au plus tôt, en l'absence d'élément sur l'achèvement des travaux, la date du 16 avril 2007.
L'assignation en référé expertise du 13 avril 2017 diligentée à l'encontre des vendeurs/constructeurs fait état de désordres affectant la piscine faisant état de fissures de la maçonnerie de la piscine, un faux aplomb du support de la plage et à une insuffisance de fondations. L'expertise de M. [N] a porté sur les fissures de la piscine, dans leur globalité et il a retenu que la zone fuyarde était située au niveau de la prise balai au droit de laquelle il est constaté la fissure en maçonnerie et qu'aucune fuite ne persistait après 'avoir obturé' la prise.
Aussi, la prescription des désordres affectant la piscine a été interrompue par l'assignation en référé, et la fuite provenant de la prise balai ne peut être relevée comme étant apparue uniquement lors de l'expertise, alors qu'il s'agit d'une des causes des désordres de la piscine dénoncés dans l'assignation expertise précitée.
Par conséquent, la prescription décennale n'est pas acquise.
La fin de non-recevoir de M. [P] et de Mme [X] doit donc être rejetée.
Il sera alloué seulement aux époux [E] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le magistrat chargé de la mise en état, par ordonnance contradictoire,
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action portant sur les désordres de la zone A, soulevée par M. [L] [P] et Mme [J] [X],
CONDAMNE M. [L] [P] et Mme [J] [X] à payer à M. [C] [E] et Mme [J] [E] une indemnité de 1 000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [L] [P] et Mme [J] [X] aux dépens de l'incident.