CA Montpellier, 2e ch. civ., 10 avril 2025, n° 24/02352
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
M. R
Défendeur :
Syndicat des copropriétaires de la résidence (Sté), IGR 34 (SARL), MAAF Assurances (SA), Mme E
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Torrecillas
Conseillers :
Mme Carlier, Mme Bourdon
Avocats :
Me Laurent, Me Vernhet, Me Turcan, Me Nguyen-Phung, Me Porte, Me Salleles
EXPOSE DU LITIGE :
La SARL IGR 34 a procédé à des travaux de rénovation de l'appartement (lot n° 6) que Mme [E] [P] a acquis de la SARL Clemium Opérations, au sein de la résidence du [Adresse 8]. Ces travaux ont donné lieu à divers désordres et malfaçons en entraînant l'affaissement du plancher du lot n° 8 appartenant à M. [R] [U] et situé au dessus de celui de Mme [P].
Par ordonnance du 14 janvier 2019, le juge des référés du tribunal judiciaire de Montpellier a ordonné une expertise à la demande de Mme [P] [E] au contradictoire de la S.A.R.L. Clemium Opérations, du Syndicat des coppropriétaires [Adresse 4] et de M. [U] [R].L'expert judiciaire a rendu son rapport le 12 avril 2021.
1) Par acte d'huissier de justice du 7 mai 2021, Mme [E] [P] a fait assigner au fond la société IGR 34 et la MAAF Assurances, son assureur devant le tribunal judiciaire de Montpellier aux fins principalement de les voir condamner in solidum à faire exécuter les travaux préconisés par l'expert judiciaire et obtenir réparation de ses préjudices matériels et de ses préjudices immatériels sur le fondement de la responsabilité civile des articles 1792 et 1241 et suivants du code civil.
Par assignations en date des 16 juin et 7 septembre 2022 , le Syndicat des copropriétaires de la résidence et son syndic ont été appelés en la cause.
Les deux instances ont été jointes par le juge de la mise en état.
Dans le cadre de cette instance, le juge de la mise en état , par ordonnance en date du 20 mars 2023 a notamment :
- condamné in solidum la SARL IGR 34 et la SA MAAF Assurances, es qualité d'assureur de cette dernière à payer à Mme [P] à titre de provision une somme de 29 920 euros pour la période courant du 1er octobre 2018 au 31 mai 2022
- condamné in solidum Mme [P] et la SARL IGR 34 à payer au [Adresse 22] [Adresse 18] les sommes de 47 998, 50 euros au titre des travaux de reprise des parties communes, 1582, 50 euros au titre du contrat de maitrise d'oeuvre et 17 80 euros au totre de la souscription d'une assurance dommages-ouvrages, la SA MAAF Assurances étant condamnée in solidum avec la SARL IGR 34 au paiement de ces mêmes sommes au titre de sa garantie
- condamné la SARL IGR 34 et la SA MAAF à relever et garantir Mme [P] à hauteur de 100 % des condamnations prononcées à son encontre au titre des préjudices matériels subis par le Syndicat des copropriétaires.
2) Parallèllement, par actes de commissaire de justice délivrés les 4 octobre et 5 octobre 2021, [R] [U] a fait assigner devant le juge des référés de la même juridiction le [Adresse 22] [Adresse 17] Possel, Madame [E] [P], la société IGR 34 et la société MAAF, prise en sa qualité d'assureur, aux fins de les condamner solidairement au paiement à titre principal de la somme de 26 240' (21 760'+4 480') à titre de provision à valoir sur la réparation de ses préjudices.
Par ordonnance du 3 février 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Montpellier, adoptant les conclusions de l'expert judiciaire indiquant que l'affaissement du plancher de l'appartement de M. [U] était dû à la dépose des cloisons plâtrières de l'appartement du dessous, appartenant à Mme [E] [P], dont la société IGR 34 était entièrement responsable, et qui rendait l'appartement inhabitable sous peine d'aggraver les désordres ou de provoquer l'effondrement du plancher, a condamné la société IGR 34 et la société MAAF en sa qualité d'assureur, à payer à M. [R] [U] la somme de 26 000' à titre de provision à valoir sur le préjudice résultant de la perte de chance de pouvoir louer son appartement.
3) Par actes de commissaire de justice délivrés le 14 mars 2023 (sous le n°RG 23/30596), M. [R] [U] a fait assigner le [Adresse 22] [Adresse 17] Possel, la société IGR 34 et la MAAF Assurances devant le même juge des référés, aux fins de voir condamner la copropriété, sous astreinte de 500 ' par jour de retard, à réaliser les travaux tels que fixés par l'expert judiciaire et de voir condamner in solidum le syndicat des copropriétaires, la société IGR et la MAAF à l'indemniser de son préjudice de jouissance pour une période complémentaire de 18 mois.
Par ordonnance du 15 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Montpellier a principalement :
- donné acte à M. [U] de sons désistement d'instance à l'encontre de la copropriété
- déclaré ce désistement d'instance parfait par l'acceptation du Syndicat des copropriétaires
- dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande provisionnelle formée par M. [U]
- à titre reconventionnel, condamné M. [U] à payer au Syndicat des copropriétaires la somme provisionnelle de 552, 97 euros
- rejeté le surplus des demandes.
4) Enfin, les 19 et 20 octobre 2023, par actes de commissaire de justice, M. [R] [U] a fait assigner le [Adresse 23], la société IGR 34, son assureur la MAAF et Mme [E] [P] en référé devant le président du tribunal judiciaire de Montpellier aux fins de voir :
- condamner in solidum Mme [P] et le syndicat des copropriétaires à faire réaliser les travaux sans délai, sous astreinte de 1000 ' par jour de retard à compter du 15 novembre 2023,
- condamner in solidum tous les défendeurs à lui payer la somme de 20 000 ' à titre de dommages et intérêts compte tenu de la perte de loyer, eu égard à l'ordonnance rendue par le juge des référés le 3 février 2022.
Par ordonnance rendue contradictoirement en date du 25 avril 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Montpellier a :
- constaté l'irrecevabilité de la demande de provision formulée par M. [R] [U] comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée par le juge des référés dans son ordonnance du 15 juin 2023,
- constaté l'incompétence du juge des référés pour trancher les demandes formulées par Mme [E] [P] à l'encontre de la SARL IGR 34 et la société MAAF,
- dit qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes formulées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [R] [U] aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 26 avril 2024, M. [R] [U] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 18 juin 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, M. [R] [U] demande à la Cour de :
- réformer l'ordonnance attaquée
- dire n'y avoir lieu à autorité de la chose jugée de l'ordonnance du 15 juin 2023 alors surtout que cette ordonnance partait du principe que les travaux allaient être réalisés, ce qui n'a été véritablement le cas que la veille de l'audience du 22 février 2024,
- condamner in solidum les requis à payer une somme de 30 000 ' à titre de provision sans préjudice de la provision pour les dommages matériels qui n'a toujours pas été réglée,
- condamner les mêmes aux dépens outre 3 000 ' sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Dans le dernier état de ses écritures signifiées par la voie électronique le 18 juin 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, le [Adresse 22] [Adresse 18] demande à la Cour de :
* confirmer la décision don appel en ce qu'elle a déclaré les demandes de l'appelant irrecevables
* débouter en tous les cas M. [U] de l'ensemble de ses demandes, aucune des conditions permettant d'allouer une provision n'étaient réunies en présence d'une contestation sérieuse, M. [R] [U] étant mal fondé à rechercher la Copropriété,
* Si par extrême impossible une quelconque somme était allouée à M. [U] :
- condamner Mme [P], IGR 34 et la MAAF à relever et garantir Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] de toutes condamnations,
- infirmer la décision en ce qu'elle n'a pas reçue la demande du syndicat au titre de l'article 700 du CPC,
- condamner M. [R] [U] à régler au Syndicat des Copropriétaires de la copropriété du [Adresse 6] la somme de 4 500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 26 juin 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Mme [E] [P] demande à la Cour de :
- confirmer l'ordonnance du juge des référés du 25 avril 2024 en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'action de M. [U] comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée ;
- infirmer l'ordonnance du juge des référés du 25 avril 2024 en qu'elle a débouté la concluante de ses demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile - et statuant à nouveau, condamner M. [U] à lui payer la somme de 3 500 ' au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Dans le dernier état de leurs écritures signifiées par la voie électronique le 28 juin 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, la SA MAAF Assurances et la SARL IGR 34 demandent à la cour de :
- confirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions
- condamner M. [U] à payer à la MAAF Asurances et à la SARL IGR 34 une somme globale de 3.500,00 ' par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens d'appel.
- Au besoin, en cas de condamnation du syndicat des copropriétaires, se déclarer incompétente pour statuer sur les demandes du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 5] [Localité 21] contre elles, et les rejeter,
- subsidiairement, et si des condamnations devaient intervenir malgré tout, déduire des sommes susceptibles d'être mises à la charge de la MAAF Assurances le montant de sa franchise contractuelle qui est opposable aux tiers, soit la somme de 500,00 ' à l'égard de M. [R] [U] et celle de 500,00 ' à l'égard du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 5] [Localité 21].
MOTIFS :
Il convient en préliminaire de relever que l'appel est limité aux dispositions de l'ordonnance dont appel ayant déclaré irrecevables la demande de provision formée par M. [R] [U] comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée par le juge des référés dans son ordonnance du 15 juin 2023, disant n'y avoir lieu à référé et ayant statué sur les demandes accessoires.
Sur l'irrecevablité de la demande de provision tirée de l'autorité de la chose de l'ordonnance de référé du 3 février 2022
M. [R] [U] fait valoir que l'ordonnance de référé du 15 juin 2023 n'a pas autorité de la chose jugée aux motifs que cette ordonnance a rejeté sa demande de provision en se fondant sur le fait que les travaux allaient être réalisés alors qu'ils ne l'ont pas été, un courrier qui lui a été adressé par le syndic de la copropriété le 8 septembre 2023 lui confirmant qu'ils ne le seront pas davantage dans un avenir proche. Il soutient que si au jour où le premier juge a statué, des travaux venaient à peine d'être réalisés, les réparations intérieures de son appartement n'étaient toujours pas intervenues de sorte que son préjudice de jouissance fixé par le juge de la mise en état à la somme mensuelle de 680 ' a bien couru du 10 août 2018, date de l'acquisition du bien en cause jusqu'au 10 août 2023 et même au delà et qu'il est bien fondé à solliciter une provision complémentaire de 30 000 ', tenant compte de la provision déjà versée représentant une évaluation n'ayant été arrêtée que provisoirement par le juge des référés dans son ordonnance du 3 février 2022.
L'ensemble des intimés sollicite la confirmation de l'ordonnance dont appel en l'absence de preuve apportée par M. [U] de circonstances nouvelles depuis l'ordonnance de référé du 15 juin 2023 qui a autorité de la chose jugée, en ce qu'elle a rejeté la demande de provision de M. [U] tant que les travaux de reprise ne seraient pas achevés et alors qu'il a déjà obtenu une précédente provision à valoir sur le même préjudice de jouissance.
Aux termes de l'article 488 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée et elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles.
Par ailleurs, en application de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et il faut que la chose demandée soit la même, la demande soit fondée sur la même cause et entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité.
Il convient en premier lieu de relever que l'ordonnance de référé du 15 juin 2023 ne saurait revêtir l'autorité de la chose jugée à l'égard de Mme [P] qui n'était pas partie à cette instance, seuls le Syndicat des copropriétaires, la société IGR 34 et la MAAF ayant été appelés à la procédure.
A l'égard des autres parties, il ressort des motifs de l'ordonnance du 15 juin 2023, que pour rejeter la demande de provision complémentaire de M. [U] , le juge des référés a tenu compte de l'ordonnance rendue le 20 mars 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montpellier qui a condamné d'une part la SARL IGR 34 in solidum avec son assureur, la MAAF à payer à Mme [P] la somme de 20 920 ' et d'autre part in solidum Mme [P], la SARL IGR et la MAAF à payer au Syndicat des copropriétaires notamment la somme de 47 998, 50 ' au titre des travaux de reprise et qu'il a relevé qu'il' se déduit de cette décision que les sommes nécessaires aux travaux de réparation sont sur le point ou ont déjà été versées. Cette ordonnance du juge de la mise en état s'analyse comme une obligation sérieuse s'opposant à une nouvelle condamnation pour les mêmes travaux de reprise. De plus, M. [U] a déjà perçu suite à une ordonnance du 3 février 2022 une provision de 23 000 '. Enfin, il apparaît prématuré de statuer sur le préjudice de jouissance de M. [U] alors que les travaux ne sont pas achevés'.
Il ressort de cette motivation que le juge des référés a donc entendu tenir compte de la survenance de la condamnation prononcée par le juge de la mise en état du 20 mars 2023 au titre des sommes correspondant aux travaux de reprise nécessaires pour remédier aux désordres ( ces travaux de reprise étant ceux évalués à 47 998, 50 ' au titre des travaux de renforcement de structures du plancher et non à 20 920 ', cette somme correrspondant au préjudice locatif de Mme [P] et donc sans lien avec la demande de provision de M. [H]), le juge des référés en déduisant que ces sommes étant sur le point d'être versées ou déjà versées, la provision déjà perçue par M. [O] lui apparaissait suffisante en l'état de travaux en voie d'être réalisés ou ayant même débuté puisque le juge des référés évoque des travaux qui 'ne sont pas achevés'.
Or, M. [D] verse aux débats un courriel du syndic de copropriété en date du 8 septembre 2023 en réponse à sa demande du calendrier des travaux l'informant de ce que l'engagement des travaux de réparation concernant les parties communes de l'immeuble est en suspens, que ces travaux ne peuvent débuter que si les travaux de réfection concernant l'appartement de Mme [P] et à la charge de cette dernière sont préalablement effectués, que cependant, l'assurance n'a pas encore été condamnée à payer le coût de ces travaux et que la situation est donc dans une impasse 'encore une fois'.
Il ressort des pièces produites et il n'est pas contesté qu'à la suite de ce courrier, même si Mme [P] a accepté d'avancer le montant des travaux privatifs sans attendre le bon vouloir de son assurance, que ceux-ci, ainsi que dans la foulée les travaux de reprise du plancher, partie commune n'ont été réalisés et achevés que fin janvier 2024, au vu des factures produites. Il s'est donc écoulé depuis l'audience du 16 mai 2023 devant le juge des référés ayant donné lieu à l'ordonnance du 15 juin 2023 encore un délai de 8 mois pendant lequel M. [U] n'a pu louer ou occuper son bien.
Ainsi, si le juge des référés à son audience du 16 mai 2023 avait eu connaissance du courriel du syndic de copropriété faisant état des difficultés de nature à faire obstacle à la réalisation des travaux au point de considérer la situation comme une impasse et à perenniser le préjudice de M. [U], il n'aurait pas considéré la demande de provision complémentaire de ce dernier comme étant injustifiée ou prématurée avant que les travaux ne soient achevés.
Surtout, il est constant que les travaux de reprise visés par l'ordonnance du 15 juin 2023 ont été achevés dans le cours de la présente instance d'appel, ce qui constitue un fait matériel nouveau et objectif depuis cette décision, de sorte que l'autorité de la chose jugée attachée à cette ordonnance qui selon les intimés aurait fait dépendre la demande provision complémentaire de M. [U] de la réalisation des travaux de reprise en cause ne fait plus en tout état de cause obstacle à ce jour à l'examen de cette demande.
M. [O] justifie donc de circonstances nouvelles susceptibles de rapporter cette ordonnance au sens de l'article 488 précité.
C'est, en conséquence, à tort que le premier juge a déclaré irrecevable la demande provision de M. [U] en considérant que cette demande se heurtait à l'autorité de chose jugée de l'ordonnance du 15 juin 2023 qui ne pouvait être rapportée.
Il y a lieu ainsi d'infirmer la décision entreprise en ses dispositions critiquées et statuant à nouveau de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée de l'ordonnance de référé du 15 juin 2023 et de déclarer recevable la demande de provision de M. [U].
Sur la demande de provision complémentaire
L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable le président du tribunal judiciaire statuant en référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il convient de rappeler qu'il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant, qui n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
M. [U] demande une provision complémentaire réactualisée en cause d'appel à la somme de 30 000 ' en sus de la provision qu'il a déjà obtenue aux termes de l'ordonnance de référé du 3 février 2022 et fixée à 26 000 ' en faisant valoir que son préjudice locatif a persisté jusqu'à la réalisation des travaux de reprise visés précédemment et persiste encore dans la mesure où les travaux de réparation intérieur de son appartement n'ont toutjours pas été réalisés.
Les intimés, pour s'opposer à cette demande, soulèvent les contestations suivantes :
- M. [O] a formé sa première demande de provision de manière globale sans indication de la période concernée, le juge des référés dans son ordonnance du 3 février 2022 ayant arrêté le préjudice invoqué conformément au rapport d'expertise et la provision accordée incluant déjà la période de réalisation des travaux, de sorte qu'il ne peut former une demande identique
- M. [O] s'est désisté de cette même demande de provision complémentaire à l'égard du Syndicat des copropriétaires lors de l'audience ayant donné lieu à l'ordonnance du juge des référés du 15 juin 2023 et ne peut donc plus agir aux mêmes fins à son encontre
- M. [O] ne saurait multiplier les procédures devant le juge des référés pour obtenir des provisions complémentaires alors qu'il n'a introduit aucune instance au fond à leur encontre et n'est pas intervenu volontairement dans la cadre de la procédure au fond actuellement en cours et opposant Mme [P] à la société IGR 34, la MAAF et le Syndicat des copropriétaires
- cette demande relève des pouvoirs du juge du fond alors qu'ils ne sont pas responsables du retard pris dans la réalisation des travaux de reprise, lesquels sont imputables au Syndicat des copropriétaires pour la société IGR 34 et la MAAF et au contraire à ces dernières pour le Syndicat des copropriétaires , seul le juge du fond pouvant se prononcer sur les conséquences de ce retard en tenant compte du comportement de chaque intervenant
- aucune demande de condamnation n'est formée à leur encontre, M. [U] se contentant de viser 'les requis'.
- M. [U] a pris possession de son appartement dés la fin des travaux de reprise du plancher et a réalisé lui-même les travaux de réfection de l'intérieur de son appartement lui permettant de louer celui-ci.
Il convient néanmoins de considérer que l'ensemble de ces contestations ne peuvent être qualifiées de sérieuses au sens de l'article 835 alinéa 2 précité.
En effet, et comme l'a retenu le juge des référés dans son ordonnance du 3 février 2022, la demande de provision de M. [U] se fonde sur l'existence d'un trouble anormal du voisinage causé par les travaux que Mme [P] a fait effectuer dans son appartement (le lot n° 6) situé au R + 1 de l'immeuble de copropriété et ayant entrainé l'affaissement du plancher de l'appartement de M. [U] (le lot n° 8 situé au R +2), ce plancher étant une partie commune, ainsi que des désordres à l'intérieur des deux appartements. M. [U] est donc fondé en son principe à agir à ce titre à l'encontre tant de Mme [P], propriétaire de l'appartement, cause des désordres, de la société IGR 34, assurée auprès de la MAAF, dont la responsabilité dans ces désordres a été retenue par l'expert judiciaire et du Syndicat des copropriétaires en application pour ce dernier de l'article 14 alinéa 5 de la loi du 10 juillet 1965 qui dispose que le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice des actions récursoires.
Il n'est pas contesté davantage que M. [U] a subi du fait des désordres une perte de chance de louer son appartement, le rapport d'expertise judiciaire du 7 avril 2021 faisant apparaître que l'affaissement du plancher de son appartement qu'il venait d'acquérir l'empêche de pouvoir louer celui-ci avant la réalisation des travaux nécessaires pour y remédier.
Contrairement aux affirmations des intimés sur ce point, il est parfaitement possible de déterminer la période sur laquelle le juge des référés s'est fondé dans son ordonnance du 3 février 2022 pour accorder à M. [U] une première provision de 26 000 '. Il résulte, en effet, de cette ordonnance que le juge des référés retient que l'appartement de M. [U] n'est ni louable, ni susceptible d'occupation depuis septembre 2018 et que la valeur locative non contestée est évaluée à 680 ' par mois, conformément à la proposition de l'expert judiciaire et déduit de ces éléments et de l'absence de réalisation des travaux de réparation au jour où il statue que le préjudice de M. [U] à ce titre doit être évalué à la somme provisionnelle susvisée, qui correspond donc à une période s'étendant de septembre 2018 à novembre 2021 (38 mois x 680 ' , outre un reliquat de 160 ' sur novembre 2021).
Le fait que l'expert et le juge des référés aient arrêté le préjudice de M. [U] à une période de 32 mois pour le premier et 39 mois pour le second en incluant la période de travaux à réaliser ne fait pas obstacle à une demande de provision complémentaire dés lors que le préjudice de M. [U] n'a été arrêté que provisoirement, l'expert judiciaire n'ayant, par ailleurs, fait que proposer une évaluation selon un calendrier prévisionnel de travaux et que ce préjudice perdure de manière incontestable tant que les travaux de reprise ne sont pas réalisés.
En cause d'appel, M. [U], aux termes de ses dernières conclusions a réactualisé sa demande pour solliciter l'octroi d'une provision complémentaire de 30 000 ' sur la même base d'évaluation de 680 ' par mois, laquelle n'est pas contestée par les intimées. La provision sur laquelle la présente cour doit statuer doit donc être considérée comme couvrant une période de 44 à 45 mois de décembre 2021 à juillet-août 2025, ayant succédé à la période antérieure faisant l'objet de l'ordonnance de référé du 3 février 2022, de sorte qu'il n'est pas sérieusement contestable qu'il s'agit de deux périodes parfaitement distinctes.
La circonstance selon laquelle M. [U] n'a introduit aucune action au fond à l'encontre des intimés et n'est pas intervenue volontairement à la procédure au fond opposant ces derniers ne fait aucunement obstacle à la saisine du juge des référés aux fins d'octroi de provisions, même complémentaires, l'exercice d'une action au fond n'étant pas un préalable obligatoire à la saisine du juge des référés et étant au contraire de nature à rendre irrecevable une demande en référé.
De même la question de l'imputabilité du retard dans la réalisation des travaux de reprise ne concerne que les rapports entre les intimés entre eux et non ceux les opposant à M. [U], tiers à ce débat et n'a aucune influence sur la condamnation solidaire au paiement de la provision litigieuse qu'il sollicite à leur encontre.
Par ailleurs, si aux termes de ses dernières conclusions, M. [U] sollicite, en effet, une condamnation in solidum 'des requis', les intimés ne sauraient prétendre sérieusement qu'il existerait une ambiguïté quelconque sur l'identification des personnes concernées alors qu'il ressort des motifs de ses conclusions qu'il désigne clairement Mme [P], la société IGR 34, son assureur, la MAAF et le syndicat des copropriétaires comme étant redevables à son égard d'une obligation de réparation (page 2 des conclusions dans la rubrique Discussion), qu'il les a assignés à cette fin devant le premier juge et qu'il a formé appel à leur encontre.
Enfin, s'il est exact que M. [U] s'est désisté à l'égard du Syndicat des copropriétaires de sa demande de provision complémentaire devant le juge des référés lors de l'audience du 16 mars 2023 ayant donné lieu à l'ordonnance du 15 juin 2023, ce désistement n'était qu'un désistement d'instance, ainsi qu'il résulte des termes même de cette décision. En conséquence, et en application de l'article 398 du code de procédure civile, ce désistement n'emporte pas pour M. [U] renonciation à son action à l'encontre du Syndicat des copropriétaires, sa demande de provision étant parfaitement recevable quand bien même elle porterait sur la même période que celle dont le juge des référés était précedemment saisi.
L'obligation d'indemnisation de M. [U] au titre de sa perte de jouissance locative à la suite des désordres en cause n'est donc pas sérieusement contestable à l'égard de l'ensemble des intimés, au moins jusqu'à fin janvier 2024, date de réalisation des travaux de reprise du plancher.
Néanmoins, s'il résulte du rapport d'expertise que l'ensemble des travaux de réfection nécessaires pour remédier aux désordres ne se limite pas à la réalisation des travaux de reprise du plancher mais s'étend à des travaux de reprise intérieure des deux appartements en cause, l'expert judiciaire ne retient une impossibilité de louer que jusqu'à la réalisation des travaux de consolidation du plancher (page 32, 34 et 35 du rapport) et il ne ressort ni de ce rapport, ni des pièces versées aux débats que les désordres affectant l'intérieur de l'appartement de M. [U] sont tels qu'il reste inhabitable et inlouable, le rapport d'évaluation du 6 janvier 2020 de la société Etudes et Quantum pris en compte par l'expert judiciaire à ce titre et qui fait état essentiellement de travaux de plâtrerie, de plomberie, d'électricité, de réfection du plafond, du sol et de peinture, ne faisant aucune distiction entre les appartements de Mme [P] et de M. [U] et ne permettant donc pas d'identifier la nature et l'importance des travaux à réaliser dans le lot de ce dernier. M. [U] ne produit pour sa part aucune photographie des lieux ou un procès-verbal de constat permettant à la présente Cour d'évaluer la persistance de son préjudice postérieurement au mois de janvier 2024 et encore moins pour l'avenir, postérieurement à la date de ses dernières conclusions, comme le sollicite l'appelant.
Il convient donc de considérer que le préjudice complémentaire de M. [U] est non sérieusement contestable pour la période de décembre 2021 à janvier 2024, soit une période de 26 mois x 680 ', soit à hauteur de 17 680 '.
Il y a lieu, en conséquence, de condamner in solidum les intimés à payer à M. [U] une provision complémentaire de 17 680 '.
Sur la demande subsidiaire du Syndicat des copropriétaires d'être relevé et garanti par les autres intimés
Le Syndicat des copropriétaires demande à être relevé et garanti par Mme [P], la société IGR 34 et la MAAF aux motif qu'il n'est pas responsable du retard dans l'exécution des travaux de reprise, compte tenu des diligences qu'il a effectuées à cette fin, la responsabilité de ce retard incombant aux autres intimés.
Cependant, cette demande suppose l'appréciation de manquements ou de fautes commises par chacun des intimés dans la charge de la réalisation des travaux en question et ne relève, pas en conséquence du pouvoir d'appréciation du juge des référés mais du juge du fond qui seul a le pouvoir de déterminer la part éventuelle de responsabilité de chacun dans ce cadre.
Il convient donc de dire n'y avoir lieu à référé en ce qui concerne cette demande.
Sur la demande formée par la SA MAAF au titre du montant de la franchise
La SA MAAF demande que le montant de la franchise contractuelle soit déduit des sommes susceptibles d'être mises à sa charge, soit la somme de 500 ' à l'égard de M. [U] et de 500 ' à l'égard du Syndicat des copropriétaires.
La SA MAAF ne produit cependant aucune pièce contractuelle permettant de retenir le principe de cette franchise et d'évaluer son montant. Ainsi quand bien même serait elle opposable aux tiers dans le cadre du régime de la responsabilité délictuelle , comme elle le soutient, une telle demande ne reposant sur aucune justification doit être rejetée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il est inéquitable de laisser à la charge de M. [U] les sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens. Mme [P], la société IGR 34, la MAAF et le Syndicat des coproprétaires seront condamnés in solidum à lui payer la somme de 2000 ' au titre de l' article 700 du code de procédure civile.
La demande formée sur le même fondement par les intimés qui succombent à l'instance sera rejetée.
Pour les mêmes motifs, ils seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a constaté l'incompétence du juge des référés pour trancher les demandes formulées par Mme [E] [P] à l'encontre de la SARL IGR 34 et la société MAAF ;
Statuant à nouveau des chefs d'infirmation,
- Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée de l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Montpellier du 15 juin 2023 ;
- En conséquence, déclare recevable la demande de provision complémentaire formée par M. [R] [U] ;
- Condamne in solidum Mme [E] [P], la SARL IGR 34, la SA MAAF Assurances et le Syndicat des copropriétaires de la copropriété du [Adresse 6] à payer à M. [R] [U] une provision complémentaire de 17 680 ' à valoir sur la réparation de son préjudice résultant de sa perte locative ou de la perte d'une chance locative ;
- Dit n'y a voir lieu à référé en ce qui concerne la demande subsidiaire du Syndicat des copropriétaires de la copropriété du [Adresse 6] aux fins d'être relevé et garanti par Mme [E] [P], la SARL IGR 34, la SA MAAF Assurances ;
- Rejette la demande formée par la SA MAAF Assurances aux fins de voir déduire le montant de la franchise contractuelle des sommes susceptibles d'être mises à sa charge, à l'égard de M. [U] et du Syndicat des copropriétaires de la copropriété du [Adresse 6] ;
- Condamne in solidum Mme [E] [P], la SARL IGR 34, la SA MAAF Assurances et le Syndicat des copropriétaires de la copropriété du [Adresse 6] à payer à M. [R] [U] la somme de 2000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejette les demandes formées par les parties intimées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne in solidum Mme [E] [P], la SARL IGR 34, la SA MAAF Assurances et le Syndicat des copropriétaires de la copropriété du [Adresse 6] aux dépens de première instance et de l'instance d'appel.