Livv
Décisions

CA Montpellier, 4e ch. civ., 10 avril 2025, n° 23/03490

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Montpellier Auto Sport (SAS), Assistance Depannage Languedoc Roussillon (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soubeyran

Conseiller :

M. Bruey

Conseillère :

Mme Franco

Avocats :

Me Montagne, Me Le Targat, Me Bornens

TJ Montpellier, du 20 avr. 2023, n° 19/0…

20 avril 2023

FAITS ET PROCÉDURE

1- Le 24 juin 2009, Mme [H] [X] a acquis, auprès de la SAS Montpellier Auto Sport, concessionnaire Nissan (ci-après le vendeur), un véhicule Nissan modèle Qashquai immatriculé [Immatriculation 6], moyennant le prix de 33 993,98 euros.

2- Le 31 août 2017, la SARL d'Assistance Dépannage du Languedoc-Roussillon (ADLR) qui a pris le véhicule en charge suite à la panne immobilisante survenue le 24 août 2017 a informé Mme [X], que la chaîne de distribution du véhicule était défectueuse et qu'il était indispensable de déculasser afin d'évaluer les dégâts provoqués et établir un devis de réparations.

3- La compagnie d'assurance de Mme [X] a mandaté un expert afin de réaliser une expertise amiable du véhicule au contradictoire de Nissan, constructeur du véhicule qui contestait toute responsabilité et ne s'est pas présentée à la réunion d'expertise

4- Le 13 décembre 2017, la société Nissan a sollicité de Mme [X] qu'elle lui adresse le rapport établi par son expert outre les justificatifs d'entretien du véhicule.

5- La pièce à l'origine du sinistre n'ayant pas été conservée, Nissan a contesté toute responsabilité et lui a refusé toute participation.

6- C'est dans ce contexte que par acte d'huissier de justice du 10 septembre 2019, Mme [X] a fait assigner la SAS Montpellier Auto Sport et la SARL ADLR afin d'obtenir l'annulation de la vente.

7- Par jugement du 20 avril 2023, le tribunal judiciaire de Montpellier a :

' Débouté Mme [X] de sa demande de nullité de la vente ;

' Débouté Mme [X] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société Montpellier Auto Sport ;

' Fixé au passif chirographaire de la procédure collective de la société Assistante Dépannage Languedoc-Roussillon, la somme de 8 100 euros au titre de la perte de chance de n'avoir pas pu faire déterminer par un expert judiciaire la cause de la casse de la chaîne de distribution ;

' Débouté la société Montpellier Auto Sport de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Ordonné l'exécution provisoire ;

' Rejeté les demandes plus amples ou contraires ;

' Dit que la Selarl [W] [Y] représentée par Maître [W] [Y], ès qualité de mandataire liquidateur de la société Assistance Dépannage Languedoc-Roussillon sera tenu aux dépens.

8- Mme [X] a relevé appel de ce jugement le 8 juillet 2023.

9- Par ordonnance du 21 décembre 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité partielle de la déclaration d'appel à l'encontre de M. [W] [Y], mandataire liquidateur de la SARL Assistance Dépannage Languedoc-Roussillon aux motifs que l'appelant n'a pas procédé par voie de signification de ses conclusions, dans le mois suivant l'expiration du délai de 3 mois prévu à l'article 908 du code de procédure civile, aux parties qui n'ont pas constitué avocat à savoir Me [Y], mandataire judiciaire de la SARL ADLR.

PRÉTENTIONS

10- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 6 octobre 2023, Mme [X] demande en substance à la cour, au visa des articles 1131, 1231-1 et 1240 du code civil, de :

' Infirmer le jugement du 20 avril 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Montpellier.

Et statuant à nouveau :

Au principal :

' Constater le vice affectant son consentement lors de l'achat du véhicule ;

' Prononcer la nullité de la vente ;

' Ordonner le remboursement du prix du bien, diminué de la perte de valeur résultant de son usage par Mme [X] ;

' Condamner en conséquence, Nissan Auto Sport à lui payer et porter à la somme de 20 000 euros.

Subsidiairement :

' Constater qu'une chaîne de distribution, au contraire d'une courroie de distribution, ne nécessite pas d'entretien particulier, comme cela a été indiqué par l'expert,

' Dire que dès lors, la panne affectant la chaîne de distribution engage la responsabilité de Nissan Auto Sport ;

' Condamner la société Nissan Auto Sport à réparer son véhicule ;

' La condamner à payer la somme de 12 000 euros en réparation du préjudice de jouissance ;

' La condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Plus subsidiairement :

' Si par impossible le tribunal relevait que ce type de chaîne de distribution nécessite un entretien,

' Constater l'absence de préconisations de Nissan concernant la chaîne de distribution à l'occasion de chaque entretien du véhicule,

' Dire que Nissan Auto Sport a commis une faute en ne respectant pas ses propres préconisations afférentes à l'entretien de la chaîne de distribution ;

' Prononcer la responsabilité de Nissan Auto Sport ;

' La condamner à réparer son véhicule ;

' La condamner à payer la somme de 12 000 euros en réparation du préjudice de jouissance ;

' La condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Encore plus subsidiairement :

' Si par impossible, le tribunal l'a débouté de son action à l'encontre de la société Nissan Auto Sport, en raison de la perte de la chaîne de distribution,

' Condamner la SARL ADLR à lui indemniser de la somme de 6000 euros en réparation du préjudice subi par la perte de chance de faire valoir ses droits contre la société Nissan Auto Sport ;

' Condamner la SARL ADLR à réparer le préjudice résultant de la perte de jouissance par le règlement de la somme de 500 euros X 24 mois, soit la somme de : 12 000 euros ;

' Fixer au passif chirographaire de la procédure collective de la société ADLR la somme de 18 000 euros ;

' La condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

11- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 22 décembre 2023, la SAS Montpellier Auto Sport demande à la cour, de :

' Statuer ce que de droit quant à la recevabilité de l'appel ;

' Rejeter les demandes de Mme [X] comme état mal fondées ;

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

' Débouté Mme [X] de sa demande de nullité de la vente ;

' Débouté Mme [X] de l'ensemble de ses demandes formées à son encontre ;

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a :

' Débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

' Condamner Mme [X] à lui payer au titre des frais irrépétibles de première instance la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de Me Le Targat sur ses offres et affirmations de droit en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

' La condamner également à lui payer au titre des frais irrépétibles d'appel la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de Me Le Targat sur ses offres et affirmations de droit en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

12- La Selarl [Y], assignée à étude, le 24 août 2023, n'a pas constitué avocat.

13- Vu l'ordonnance de clôture du 23 janvier 2025.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

14- Mme [X] poursuit la nullité de la vente pour erreur, soulignant que la venderesse ne l'a pas alerté sur l'éventuel surcoût important en cas de défectuosité de la chaîne de distribution alors qu'elle aurait pu décider de s'orienter vers un véhicule doté d'une courroie de distribution nécessitant un entretien plus fréquent mais moins coûteux.

15- L'argumentation de Mme [X] repose sur le postulat préalable de l'origine de la panne dans la rupture de la chaîne de distribution, qu'il lui appartient de démontrer.

16- Si la venderesse n'a pas été convoquée aux opérations d'expertise amiable unilatérale de la société Alliance Experts mandatée par l'assureur protection juridique de Mme [X], seul le constructeur Nissan l'ayant été, il n'en demeure pas moins qu'un tel rapport, librement discuté dans le débat contradictoire instauré devant la cour, est de nature à apporter la preuve d'un fait juridique, en l'espèce, la rupture de la chaîne de distribution, dès lors qu'il est corroboré par d'autres éléments de preuve.

17- Il résulte de l'expertise amiable que les dommages sont consécutifs à la rupture de la chaîne de distribution. Pour parvenir à cette conclusion, l'expert a fait procéder à la dépose du groupe motopropulseur puis au démontage de la culasse lui permettant de constater la rupture de la chaîne de distribution. Rien ne permet de douter qu'il a bien examiné le groupe motopropulseur du véhicule vendu par la société Montpellier Auto Sport.

18- Le courriel du 31 août 2017 émanant de la SARL ADLR permet de corroborer ce constat puisqu'il mentionne que la chaîne de distribution du véhicule de Mme [X] est défectueuse.

19- De ces deux pièces, il résulte sans ambages que les dommages sont consécutifs à la rupture de la chaîne de distribution.

20- L'article 1110 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable en l'espèce vise l'erreur comme une cause de nullité de la convention lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

21- Mme [X] soutient qu'elle aurait contracté avec la société Montpellier Auto Sport pour l'achat de ce véhicule spécifique en considération de ce qu'il était équipé d'une chaîne de distribution et non d'une courroie de distribution.

22- Elle n'en rapporte aucun commencement de preuve contemporain à la vente de telle sorte que rien ne détermine que la présence d'une chaîne de distribution ait été un élément déterminant de son consentement. L'action en nullité de la vente a été justement rejetée par le premier juge.

23- S'agissant du fondement subsidiaire de la responsabilité encourue par la venderesse également en charge de l'entretien postérieur du véhicule, pour ne pas l'avoir informée de la nécessité d'un entretien particulier de la chaîne de distribution, l'argumentation de Mme [X] est empreinte de contradiction. Elle ne peut tout à la fois se fonder sur un rapport d'expertise amiable qui précise que la chaîne de distribution ne nécessite selon le constructeur aucune périodicité de temps ou de kilométrage d'entretien de cet élément, censé ainsi durer toute la vie du moteur, pour reprocher à sa venderesse agissant ensuite en qualité de réparateur un manquement contractuel relatif à une information qui ne lui était pas due car inexistante. Ce moyen sera également rejeté et le jugement confirmé.

24- S'agissant de la SARL ADLR, il résulte de l'article 472 du code de procédure civile que si, en appel, l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et que la cour ne fait droit aux prétentions de l'appelant que dans la mesure où elle les estime régulières, recevables et bien fondées, étant précisé que par application de l'article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement entrepris.

25- Pour retenir la responsabilité de la société ADLR au titre d'une perte de chance chiffrée à hauteur de 90% du cumul de la valeur du véhicule et du préjudice de jouissance subi, le premier juge a retenu que malgré le courriel du 3 octobre 2017 par lequel Mme [X] lui demandait de conserver soigneusement toutes les pièces en vue du passage de l'expert puis les courriels des 19 mars 2018 et 17 mai 2018, la société ADLR aurait égaré les pièces, privant Mme [X] de la chance de solliciter une expertise judiciaire.

26- La cour considère à l'instar du premier juge que l'absence de conservation de la pièce litigieuse par la société ADLR qui ne pouvait ignorer qu'elle en avait été constituée gardienne y compris après la réalisation de l'expertise amiable du 13 décembre 2017 constitue une faute au sens de l'article 1382 ancien du code civil qui a privé Mme [X] de la possibilité de recourir à une expertise judiciaire.

27- La caducité de l'appel principal de Mme [X] à l'encontre de la SELARL [Y] ès-qualités, empêche tout réexamen du quantum du préjudice tel qu'apprécié par le premier juge dont la cour considère qu'il a fait une juste et raisonnable évaluation.

Le jugement sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions, y compris sur le rejet de la prétention formulée par la société Montpellier Auto Sport sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

28- Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [X] supportera les dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [H] [X] aux dépens d'appel avec distraction au profit de Me Le Targat qui en affirme le droit.

Condamne Mme [H] [X] à payer à la SARL Montpellier Auto Sport la somme de 2500' en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site