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Décisions

CA Chambéry, 1re ch., 18 mars 2025, n° 22/01021

CHAMBÉRY

Autre

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Tebraica (SAS), GMS Industrie (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pirat

Vice-président :

Mme Reaidy

Conseillers :

M. Sauvage, Mme Real del Sarte

Avoué :

SELARL Viard-Herisson Garin

Avocats :

SELARL LX Grenoble-Chambery, SELARL Lacoste Chebroux Bureau d'Avocats, SELARL Gumuschian Roguet Bonzy Polzella

T. com. Chambéry, du 18 mai 2022

18 mai 2022

Faits et procédure

En 2016, la société G.M.S. Industrie a fait l'objet d'un contrôle fiscal qui a donné lieu à une proposition de redressement portant principalement sur des indemnités kilométriques et des amortissements réalisés sur des machines. Cette proposition a été contestée par la société qui, par requête du 4 juin 2018, a saisi le tribunal administratif de Grenoble.

Le 2 août 2018, M. [W] [Z], président et associé unique de la société G.M.S. Industrie, a vendu l'intégralité de ses actions à la société Tebraica, moyennant un prix de 1 420 000 euros. Parallèlement à cet acte de cession, une garantie d'actif et de passif a été consentie le même jour par M. [Z].

La société Banque De Savoie a quant à elle consenti à à la société Tebraica une garantie bancaire à première demande dans la limite maximale de 80 000 euros en couverture de cette garantie d'actif et de passif.

Par jugement du 24 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé la société G.M.S. Industrie de la majoration de 80% appliquée sur l'ensemble du redressement et a rejeté le reste de la requête de la société G.M.S. Industrie. Cette décision a été notifiée le 28 juillet 2020 à la société, qui n'en a pas interjeté appel.

Par courrier du 4 mai 2021, la société Tebraica a vainement mis en demeure M. [Z] de lui payer la somme de 117 689 euros au titre de la garantie de passif, puis a, le 18 mai 2021,

sollicité de la société Banque De Savoie le paiement de la somme de 80 000 euros au titre de la garantie à première demande accordée par celle-ci. Le 14 juin 2021, cet établissement bancaire a effectué le règlement malgré l'opposition de M. [Z].

Par actes des 11 et 14 juin 2021, M. [Z], excipant du non-respect des modalités contractuelles permettant d'actionner sa garantie de passif, a fait assigner les sociétés Tebraica, Banque De Savoie et G.M.S. Industrie devant le tribunal de commerce de Chambéry afin notamment d'obtenir la condamnation de la première à lui payer la somme de 80 000 euros qui lui aurait été indûment versée.

De son côté, la société Tebraica a, suivant exploit du 29 juillet 2021, fait assigner M. [Z] devant le tribunal de commerce de Chambéry afin de le voir condamner à lui verser la somme de 117 689 euros au titre de la garantie de passif. Ces deux instances ont été jointes.

Par jugement du 18 mai 2022, le tribunal de commerce de Chambéry, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, a :

- Mis hors de cause la société Banque De Savoie ;

- Mis hors de cause la société G.M.S. Industrie ;

- Débouté M. [Z] de toutes ses demandes ;

- Condamné M. [Z] à payer, en deniers ou quittances valables, à la société Tebraica :

- La somme de 117 689 euros, montant principal de la cause sus-énoncée,

- Les intérêts de cette somme au taux légal majoré de 3 points à compter du 4 mai 2021,

- La somme de 2 000 euros à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M. [Z] à payer à la société Banque De Savoie la somme de 1 000 euros à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Laissé les dépens à la charge de M. [Z] ;

- Condamné M. [Z] aux dépens ;

- Liquidé les frais de la présente décision à la somme de 109,74 euros ITC avec TVA = 20% comprenant les frais de mise au rôle et de la présente décision.

Au visa principalement des motifs suivants :

M. [Z], assisté de son conseil, ayant assuré seul la défense de la société GMS Industrie dans le litige l'opposant à l'administration fiscale, avait bien connaissance de la décision rendue par le tribunal administratif le 24 juillet 2020 ;

les conséquences de ce litige fiscal, connu des parties, a fait l'objet de stipulations spécifiques et ne constitue pas un événement nouveau susceptible d'engager la responsabilité du garant, de sorte que les modalités d'information prévues à l'article 3.1 de la convention n'étaient pas appplicables ;

le 21 septembre 2020, la société Tebraica a relevé le caractère définitif de la responsabilité de M. [Z], ce qui ne laissait aucun doute à ce dernier sur sa volonté d'actionner la garantie de passif ;

elle a ainsi bien respecté le délai de 15 jours imposé par la convention de garantie d'actif et de passif ;

la somme de 117 689 euros qu'elle réclame, au demeurant non contestée, se trouve clairement explicitée par les deux tableaux annexes joints à son courrier du 4 mai 2021.

Par déclaration au greffe du 14 juin 20222, M. [Z] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions, hormis en ce qu'il a mis hors de cause la société Banque De Savoie.

Prétentions et moyens des parties

Aux termes de ses dernières écritures du 8 juin 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [Z] sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

A titre principal,

Attendu que les conditions de mise en 'uvre de la garantie de passif n'ont pas été respectées par la société Tebraica suite au redressement fiscal subi par la société GMS Industrie ;

Par conséquent,

- Juger la société Tebraica déchue de son droit à indemnisation par lui, sur le fondement de la garantie de passif, du fait de ce redressement fiscal ;

- Juger que la garantie de la garantie n°00046184036, d'un montant de 80 000 euros, ne pouvait pas être actionnée par la société Tebraica, avec toute conséquence que de droit à l'égard de la société Banque De Savoie ;

- Condamner la société Tebraica à lui payer les 80 000 euros qui lui ont été indûment versés, en exécution de la garantie à première demande ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel de Chambéry venait à entrer en voie de condamnation à son encontre ;

Attendu qu'il ne s'est pas engagé à indemniser la société Tebraica au titre de la réintégration des amortissements portant sur une période postérieure au contrôle fiscal, voire même sur une période postérieure à la vente des actions intervenues en juin 2018 avec la société Tebraica ;

Par conséquent,

- Limiter le montant de l'indemnisation qu'il doit à la société Tebraica à la somme de 35 008 euros ;

- Condamner la société Tebraica à lui payer le solde indûment versé, soit la somme de 44 992 euros qui lui ont été indûment versés, en exécution de la garantie à première demande;

En toute état de cause,

- Rejeter l'ensemble des arguments, fins et conclusions de la société Tebraica ;

- Condamner la société Tebraica au paiement de la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Au soutien de ses prétentions, M. [Z] fait notamment valoir que :

à compter de la notification de la décision du tribunal administratif de Grenoble, la société Tebraica disposait d'un délai de 15 jours, soit jusqu'au 11 août 2020, pour la lui transmettre et actionner la garantie de passif, ce qu'elle n'a jamais fait ;

la circonstance qu'il aurait eu connaissance du contentieux fiscal en cours ne libérait pas la société Tebraica de ses obligations dans la mise en 'uvre de la garantie d'actif et de passif ;

ne l'ayant pas avisé de l'issue de la procédure fiscale et de sa volonté d'actionner sa garantie, dans les formes et les délais prévus par le contrat, la société Tebraica se trouve déchue de son droit à indemnisation, conformément à la stipulation, claire et précise, contenue à l'article 3. 1 ;

l'article 1.8 de la convention, afférent au contentieux fiscal en cours, ne déroge qu'aux dispositions qui précèdent cet article, et qui sont relatives au montant de sa garantie, et non à l'article 3.2, qui concerne les modalités qui mise en oeuvre de cette garantie ;

il ne peut être tenu que des sommes relatives au redressement fiscal intervenu en 2016, et non à l'impact sur l'impôt sur les sociétés lié à la réintégration des amortissements sur une période postérieure.

Dans ses dernières écritures du 13 décembre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Tebraica demande quant à elle à la cour de :

- Juger non fondé l'appel de M. [Z] ;

- Débouter M. [Z] de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions ;

- Confirmer en tous points le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chambéry le 18 mai 2022 ;

En conséquence,

- Condamner M. [Z] à lui payer une somme de 117 689 euros, outre les intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du 4 mai 2021 ;

- Condamner M. [Z] à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance ;

- Condamner M. [Z] à lui payer une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel, outre les entiers dépens d'appel.

Au soutien de ses prétentions, la société Tebraica fait notamment valoir que :

les modalités d'information imposées à l'article 3.1 ne pouvaient trouver application au contentieux fiscal en cours, qui faisait l'objet de stipulations particulières ;

dès lors que le contentieux était en cours lors de la cession, qu'il était suivi par M. [Z], et clairement détaillé dans l'acte de cession, il était bien évident dans l'esprit des parties que le régime dérogatoire prévu à l'article 1.8 s'appliquait non pas seulement au montant garanti, mais également à la mise en 'uvre de la garantie de ce chef ;

en tout état de cause, la sanction de l'inobservation des formalités d'information de l'article 3.2 ne consiste pas en une déchéance de son droit à indemnisation, mais uniquement en une mise en oeuvre éventuelle de sa responsabilité contractuelle, qui se trouve conditionnée à la preuve d'un préjudice qui fait défaut en l'espèce ;

la charge fiscale supplémentaire de 82 681 euros liée à la réintégration des amortissements pratiqués à tort par M. [Z] est bien la conséquence des réhaussements notifiés le 9 août 2016.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance du 30 septembre 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 3 décembre 2024.

Motifs de la décision

I - Sur la déchéance du droit à indemnisation de la société Tebraica au titre de la garantie de passif

Aux termes de l'article 1103 du code civil, 'les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits'.

Il se déduit par ailleurs des dispositions combinées des articles 1188 à 1192 du code civil, qui définissent les principes régissant l'interprétation des conventions, que :

- le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties, plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes ;

- toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier ;

- dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur ;

- lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l'emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun ;

- le juge ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.

En l'espèce, l'article II- 3.1 de la convention de garantie d'actif et de passif conclue entre les parties le 2 août 2018 prévoit :

'Afin de pouvoir faire valoir ses droits dans le cadre de la présente garantie, le BENEFICIAIRE devra aviser le GARANT par une réclamation (ci-après 'réclamation') de la survenance de tout événement susceptible de mettre en cause la responsabilité du GARANT au titre des présentes, et notamment de toute vérification ou réclamation fiscale et/ou sociale, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, anticipée par courriel à l'adresse indiquée dans le présent acte, dans un délai maximum de quinze jours à compter de la date à laquelle le BENEFICIAIRE aura eu connaissance de la survenance d'un tel événement.

En cas de procédure urgente diligentée à l'encontre de la SOCIETE (notamment référé, contrôle inopiné, etc...), la notification pourra avoir lieu sans délai et par tous moyens, le GARANT accusant réception par tous moyens.

A défaut, le BENEFICIAIRE ne pourrait plus formuler aucune réclamation à l'encontre du GARANT du fait de cet événement'.

L'appelant soutient, dans le cadre de la présente instance, que la société Tebraica se trouve déchue de son droit à indemnisation, dès lors qu'elle n'aurait pas respecté les modalités de mise en oeuvre de la garantie de passif, telles qu'elles sont prévues par cette stipulation contractuelle, qui imposaient à l'intimée de lui adresser une réclamation par lettre recommandée dans un délai de quinze jours suivant la notification, intervenue le 28 juillet 2020, de la décision rendue par le tribunal administratif de Grenoble le 24 juillet 2020.

Il convient d'observer, en premier lieu, que, contrairement à ce qu'indique la société Tebraica, la clause stipulée à l'article II- 3.1 du contrat liant les parties prévoit sans ambiguïté une déchéance de garantie à défaut de respect des modalités de mise en oeuvre qui s'y trouvent définies. Il ne peut être ainsi utilement argué, sauf à en dénaturer les termes, qui sont clairs et précis, que son non-respect ne pourrait donner lieu qu'à l'allocation de simples dommages et intérêts au profit du garant.

Il est manifeste, en outre, que la première réclamation qui a été adressée par l'intimée dans les formes prévues par cette clause n'est intervenue que le 4 mai 2021, soit de manière tardive, dès lors que le principe de la garantie due par M. [Z] au titre des conséquences de la procédure fiscale en cours était acquis depuis le 21 septembre 2020, date à laquelle le conseil de l'intéressé a informé celui de la société Tebraica, de ce qu'il ne souhaitait pas faire appel de la décision rendue le 24 juillet 2020. Il est constant en effet que l'appelant avait conservé, conformément à l'article II-3.2 de la convention, la direction du procès en cours, et que ce dernier était poursuivi par son conseil personnel.

Pour autant, comme le fait observer l'intimée, le litige fiscal ayant donné lieu à la proposition de rectification datée du 5 août 2016 était déjà connu des parties, dans tous ses termes, lors de la rédaction de la convention de garantie d'actif et de passif le 2 août 2018, et se trouvait notamment décrit de manière précise dans les annexes 2 et 9 de cet acte. L'existence de la vérification de comptabilité en matière d'impôt sur les sociétés et de TVA, ayant abouti à cette proposition de rectification contestée devant la juridiction administrative, était du reste rappelée à l'article I-5 de la convention, relatif aux déclarations et garanties afférentes aux impôts et charges sociales.

La convention de garantie d'actif et de passif prévoit en outre, en son article II. 1.8, que 'par dérogation expresse à toutes les dispositions qui précèdent, toutes les conséquences qui pourraient résulter :

i) des rehaussements fiscaux notifiés le 9/08/2016 non acceptés ni acquittés à la date des présentes ;

ii) des conséquences financières issues d'un éventuel contrôle fiscal au titre des mêmes chefs de rehaussements visés aux paragraphes VB3 (frais d'entretien et de réparation des véhicules de tourisme et remboursement d'indemnités kilométriques) et VB4 (dotation aux amortissements non justifiés) de la proposition de rectification datée du 5 août 2016 au titre des exercices clos le 30/06/2016 et 30/06/2017 (....)

seront couvertes dès le premier euro et sans limitation, après déduction du montant compensé par des indemnités d'assurance et/ou des versements opérés dans la caisse sociale par le GARANT (et notamment en cas d'application de la cascade complète) à condition qu'il ne s'agisse pas de simples avances de trésorerie mais qu'elles demeurent définitivement acquises à la SOCIETE'.

La garantie due au titre des conséquences financières du litige fiscal en cours faisait ainsi bien l'objet d'une stipulation contractuelle spécifique, qui ne prévoyait aucune modalité particulière de mise en oeuvre.

Certes, comme le fait observer l'appelant, la clause stipulée article II. 1.8 ne déroge expressément qu'à toutes les dispositions qui précèdent et non à celles qui suivent (comme celles de l'article II-3.1). Elle se trouve par ailleurs intégrée dans un titre 1.qui est intitulé 'Indemnité due', alors que la clause prévue à l'article II-3.1, dont se prévaut M. [Z], figure dans un titre 3 intitulé 'Mise en oeuvre de la garantie'.

Cependant, en tout état de cause, la garantie qui était due par M. [Z] au titre des conséquences financières de la procédure fiscale en cours, qui se trouvait précisément décrite dans la convention du 2 août 2018, ne peut de toute évidence s'analyser comme étant un événement qui serait survenu, postérieurement à la signature de cette convention, et qui serait de nature à engager la responsabilité de l'appelant.

Or, l'article II- 3.1 de la convention, qui décrit les modalités particulières de mise en oeuvre de la garantie, ne se rapporte qu'à 'la survenance de tout événement susceptible de mettre en cause la responsabilité du GARANT', ce qui n'est de toute évidence nullement le cas en l'espèce, s'agissant des conséquences d'un litige fiscal qui était en cours au jour de la signature de la convention et qui se trouvait décrit de manière précise dans celle-ci.

Du reste, l'obligation d'information qui est mise à la charge du bénéficiaire par cette clause ne peut se concevoir que pour les événements qui sont inconnus des parties, et en particulier du garant. Et en l'espèce, M. [Z] avait conservé la direction du litige opposant la société GMS Industrie à l'administration fiscale et était parfaitement informé de son évolution. C'est bien d'ailleurs sa propre décision de ne pas interjeter appel du jugement rendu le 24 juillet 2020, dont il a informé son contractant le 21 septembre 2020, qui a rendu mobilisable sa garantie.

L'appelant ne peut, dans ces conditions, valablement reprocher à la société Tebraica de ne pas l'avoir avisé, dans les formes prévues à l'article II- 3.1, d'un fait générateur de garantie dont il avait déjà une parfaite connaissance et qui dépendait, in fine, de sa décision d'interjeter appel ou non contre le jugement du 24 juillet 2020.

Quant à la volonté de la société Tebraica d'actionner la garantie du passif de ce chef, dont M. [Z] se plaint de ne pas avoir été informé dans les délais contractuels, elle se déduit sans ambiguïté des termes employés par son conseil dans les courriels adressés au conseil de M. [Z] :

- du 16 septembre 2020 : 'sachant que M. [Z] devra procurer à ma cliente les sommes nécessaires au paiement des impositions en cas d'appel ou l'indemniser dans le cas contraire';

- et du 21 septembre 2020 : ''il serait utile (...) que vous fournissiez à cette dernière le détail des impositions qui restent à régler au trésor, afin que M. [Z] en assure le remboursement'.

Le principe de cette garantie due par M. [Z] était par ailleurs clairement accepté par les deux parties à cette époque.

Il convient de relever, en outre, que les modalités d'information imposées au bénéficiaire à l'article II- 3.1 de la convention du 2 août 2018 ne portent que sur l'événement ouvrant droit à garantie, mais non sur sa décision d'actionner cette dernière.

Il est important de constater, enfin, qu'à aucun moment, lors des échanges intervenus entre les parties par le biais de leurs conseils respectifs en septembre 2020, l'appelant n'a contesté être tenu, au titre de sa garantie de passif, du paiement des conséquences financières de la procédure fiscale dont il avait conservé la direction. Et ce comportement doit nécessairement être pris en compte dans l'appréciation de la commune intention des parties, qui était de toute évidence de soustraire la garantie afférente à la procédure fiscale en cours aux modalités de mise en oeuvre prévues à l'article II-3.1 de la convention.

Au regard de ce qui vient d'être exposé, M. [Z] ne peut être suivi en son argumentation tendant à voir prononcer la déchéance du droit à indemnisation de la société Tebraica au titre de la garantie de passif.

II - Sur les sommes dues par M. [Z] au titre de la garantie de passif

L'appelant conteste, pour la première fois en cause d'appel, les sommes qui lui sont réclamées au titre de sa garantie, en faisant valoir qu'il ne se serait engagé à indemniser son acquéreur que des conséquences du contrôle fiscal de 2016, portant sur la période allant du 1Er juillet 2012 au 30 juin 2015, et non sur des périodes postérieures. S'il admet être ainsi redevable envers la société Tebraica d'une somme de 35 008 euros, correspondant au montant du redressement fiscal, avec majorations et intérêts de retard, il conteste par contre la somme de 82 681 euros qui lui est réclamée au titre de l'impact d'impôt sur les sociétés faisant suite à la réintégration des amortissements, pour les années 2016 à 2020.

Il se prévaut à cet égard d'une clause stipulée à l'article II-1.5 de la convention du 2 août 2018, dont le contenu est le suivant : 'en matière fiscale, la présente garantie est limitée à l'incidence réelle du rappel d'impôt sur l'actif net social ; tout rappel d'impôt qui ne constituerait qu'un simple déplacement dans le temps de la charge correspondante (réintégration d'amortissements par exemple) ne sera retenu que pour le coût des majorations, pénalités et charges financières en résultant'.

Force est cependant de constater que, comme il a été précédemment exposé, l'article II-1.8 du contrat déroge expressément à ces dispositions (qui lui sont antérieures) et prévoit la prise en charge par le garant de 'toutes les conséquences qui pourraient résulter :

i) des rehaussements fiscaux notifiés le 9/08/2016 non acceptés ni acquittés à la date des présentes ;

ii) des conséquences financières issues d'un éventuel contrôle fiscal au titre des mêmes chefs de rehaussements visés aux paragraphes VB3 (frais d'entretien et de réparation des véhicules de tourisme et remboursement d'indemnités kilométriques) et VB4 (dotation aux amortissements non justifiés) de la proposition de rectification datée du 5 août 2016 au titre des exercices clos le 30/06/2016 et 30/06/2017 (....)'.

Or, il se déduit clairement de la lecture du jugement rendu par le tribunal administratif de Grenoble le 24 juillet 2020 que les rehaussements fiscaux notifiés le 9 août 2016 portaient notamment sur la remise en cause, par l'administration, de dotations aux amortissements constatés sur des matériels industriels que M. [Z] prétendait, en sa qualité de gérant, avoir vendus à sa société. Le tribunal a relevé que dès lors que la société GMS Industrie utilisait ces matériels depuis plus de dix ans, elle ne pouvait plus procéder à la déduction d'amortissements à ce titre.

Dès lors que ces amortissements, qui étaient étalés sur plusieurs années, ont été remis en cause par la juridiction administrative, ils ont dû être réintégrés par l'entreprise, et n'ont pu être déduits de son bénéfice net, servant de base au calcul de l'impôt sur les sociétés, ce qui a engendré une charge fiscale supplémentaire de 82 681 euros au titre des années 2016 à 2020, conformément au calcul non contesté figurant dans le tableau annexé au courrier de mise en demeure du 4 mai 2021.

Cette charge fiscale supplémentaire constitue ainsi bien l'une des conséquences financières, pour la société GMS Industrie, des rehaussements fiscaux qui lui ont été notifiés le 9/08/2016. De sorte que M. [W] [Z] est tenu d'en assurer la prise en charge au titre de la garantie du passif.

Il se déduit nécessairement de ces constatations que c'est à bon droit que la société Tebraica a, aux termes de sa mise en demeure du 4 mai 2021, réclamé à M. [Z] le paiement de la somme de 117 689 euros, et qu'elle a ensuite actionné la garantie à première demande de la Banque de Savoie à hauteur d'un montant de 80 000 euros.

Il convient cependant, conformément à la demande qui est formée par l'appelant de ce chef au dispositif de ses dernières écritures, de déduire cette somme de 80 000 euros, qui a déjà été perçue par la société Tebraica, de la condamnation mise à la charge de M. [Z]. Ce dernier sera donc condamné à payer la seule somme de 117 689 - 80 000 = 37 689 euros, laquelle portera des intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du 4 mai 2021, conformément à la convention conclue entre les parties le 2 août 2018.

Le jugement entrepris sera ainsi infirmé du seul chef de la condamnation principale prononcée à l'encontre de M. [Z] et confirmé pour le surplus.

III - Sur les mesures accessoires

En tant que partie perdante, M. [W] [Z] sera condamné aux dépens d'appel, ainsi qu'à verser à la société Tebraica la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel.

La demande qui est formée par l'appelant à ce titre sera enfin rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [W] [Z] à payer, en deniers ou quittances valables, à la société Tebraica la somme de 117 689 euros, montant principal de la cause sus-énoncée,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne M. [W] [Z] à payer à la société Tebraica la somme de 37 689 euros au titre du solde de sa garantie de passif,

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [W] [Z] aux dépens d'appel,

Condamne M. [W] [Z] à payer à la société Tebraica la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel,

Rejette la demande formée à ce titre par M. [W] [Z].

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Myriam REAIDY, Conseillère en remplacement de Mme Hélène PIRAT, Présidente régulièrement empêchée, et Sylvie LAVAL, Greffier.

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