CA Versailles, ch. civ. 1-6, 10 avril 2025, n° 24/04712
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Light Vision Next (SAS)
Défendeur :
Atie (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pages
Conseillers :
Mme Deryckere, Mme Michon
Avocats :
Me Mze, Me Pedroletti, Me Mareau, Me Guyonnet-Duperat
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon contrat en date du 22 novembre 2021, la société Softnext a acquis de M. [F] ( détenteur de 70% du capital et des droits de vote), de son épouse Mme [B] ( détentrice de 20% du capital et des droits de vote) et de M. [U] ( détenteur de 10% du capital et des droits de vote) la totalité des titres de la société Light Vision, qui a pour activité la recherche et le développement dans le secteur de l'optronique ainsi que la conception, production en sous-traitance et vente, moyennant un prix de 5 000 000 euros, intégralement versé à la signature ( soit 3 500 000 euros pour M. [F], 1 000 000 euros pour Mme [B] et 500 000 euros pour M. [U]) et un complément de prix basé sur le résultat d'exploitation de la société Light Vision et de ses filiales sur une certaine période.
Une convention de garantie d'actif et de passif a été conclue le même jour entre M.[F] et Mme [B], garants, d'une part, et la société Softnext, bénéficiaire, d'autre part.
Le 27 décembre 2021, la société Softnext a cédé l'ensemble des titres ainsi acquis à la société Light Vision Next.
Considérant que les vendeurs lui ont volontairement dissimulé des événements et informations qu'ils savaient déterminants pour leur acquéreur, en substance un risque élevé de remise en cause de la relation commerciale existant avec une société Diamond Medical Instruments, client principal de la société Light Vision, et l'invalidité des brevets chinois dont disposait cette dernière, la société Light Vision Next a :
mis en jeu la garantie d'actif et de passif, par courrier du 26 juillet 2022,
engagé par assignation délivrée le 23 septembre 2022, une procédure, actuellement pendante devant le tribunal de commerce de Paris, aux fins d'annulation de la cession susvisée pour dol et de restitution de la somme de 5 000 000 euros versée.
En parallèle, des pourparlers ont été engagés entre les parties, en vue d'un règlement amiable de leur différend, qui n'ont en définitive pas abouti.
Saisi par la société Light Vision Next le 3 avril 2023, puis à nouveau le 26 juillet 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre a, par ordonnances rendues successivement le 14 avril 2023 puis le 28 juillet 2023, autorisé la société Light Vision Next à procéder à des saisies conservatoires sur les comptes bancaires de M. [F] et de Mme [B], en garantie d'une créance provisoirement évaluée à la somme de 1 040 000 euros par la première ordonnance, et à la somme de 960 000 euros pour la seconde.
Les saisies conservatoires pratiquées le 25 mai 2023 (fructueuses à hauteur de 81 218,56 euros) et le 11 août 2023 ( fructueuses à hauteur de 4 342,60 euros) en exécution de ces deux ordonnances ont été validées par le juge de l'exécution, par jugement rendu le 18 mars 2024, puis par la présente cour, qui a confirmé ce jugement par arrêt rendu le 12 décembre 2024.
Par ordonnance rendue le 15 septembre 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre, une nouvelle fois saisi par la société Light Vision Next, a autorisé cette dernière à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur les biens et droits immobiliers appartenant à la société Atie, SCI détenue par Mme [B] et ses deux filles nées d'une première union.
L'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire effectuée le 28 septembre 2023 en exécution de cette ordonnance a été dénoncée à la SCI Atie, d'une part, et à Mme [B] d'autre part, le 6 octobre 2023.
Le 19 janvier 2024, la société Atie a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre aux fins de mainlevée.
Par jugement rendu le 27 juin 2024, réputé contradictoire en l'absence de la société Light Vision Next, qui n'a pas constitué avocat, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre a :
rétracté l'ordonnance rendue le 15 septembre 2023 par 1e juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre ayant autorisé la société Light Vision Next à prendre une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur les biens et droits immobiliers appartenant à la société Atie, situés [Adresse 1], à Suresnes, cadastrés section V n° [Cadastre 3], pour la somme de 1 040 000 euros ;
ordonné la mainlevée de l'hypothèque inscrite le 28 septembre 2023 par la société Light Vision Next sur le bien immobilier appartenant à la société Atie, en exécution de cette ordonnance du 15 septembre 2023 du juge de l'exécution de ce tribunal ;
rejeté la demande de la société Atie tendant à condamner la société Light Vision Next à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
rejeté la demande de la société Atie tendant à condamner la société Light Vision Next à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Light Vision Next aux dépens de l'instance ;
rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit.
Le 19 juillet 2024, la société Light Vision Next a relevé appel de cette décision.
Par décision du 14 novembre 2024 du premier président de la cour d'appel de Versailles, il a été sursis à son exécution.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 28 janvier 2025, avec fixation de la date des plaidoiries au 13 février 2025.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 9 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Light Vision Next, appelante, demande à la cour de :
infirmer le jugement du 27 juin 2024 en ce qu'il a rétracté l'ordonnance rendue le 15 septembre 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre ayant autorisé la société Light Vision Next à prendre une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur les biens et droits immobiliers appartenant à la société Atie, situés [Adresse 1], à Suresnes, cadastrés section V n°[Cadastre 3], pour la somme de 1 040 000 euros ;
Statuant à nouveau,
rejeter la demande de rétractation de l'ordonnance du 15 septembre 2023 ;
confirmer l'ordonnance du 15 septembre 2023, sauf en ce qu'elle a limité le montant de l'évaluation provisoire de sa créance à la somme de 1 090 000 euros ;
juger qu'elle justifie d'une créance paraissant fondée en son principe provisoirement évaluée à 1 340 000 euros ainsi que de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ;
infirmer le jugement du 27 juin 2024 en ce qu'il a ordonné la mainlevée de l'hypothèque par elle inscrite le 28 septembre 2023 sur le bien immobilier appartenant à la société Atie, en exécution de cette ordonnance du 15 septembre 2023 du juge de l'exécution ;
Statuant à nouveau,
rejeter la demande de mainlevée de l'hypothèque par elle inscrite le 28 septembre 2023 sur le bien immobilier appartenant à la société Atie ;
infirmer le jugement du 27 juin 2024 en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de la première instance ;
Statuant à nouveau,
condamner la société Atie aux dépens de la première instance ;
En toute hypothèse,
confirmer le jugement du 27 juin 2024 en ce qu'il a débouté la société Atie de sa demande de dommages et intérêts ;
Par conséquent,
débouter la société Atie de sa demande de dommages et intérêts ;
condamner la société Atie à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
condamner la société Atie à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Atie aux dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses demandes, la société Light Vision Next fait valoir :
que le jugement déféré a été obtenu dans des conditions déloyales, dès lors que la société Atie ne pouvait ignorer que son défaut de comparution était involontaire ; qu'en effet, elle n'a jamais renoncé à comparaître dans les nombreuses instances relatives à l'affaire, et elle a effectué un grand nombre de démarches pour obtenir l'autorisation d'inscrire une hypothèque ; que la SCI Atie, plutôt que de lui rappeler l'existence d'une procédure aux fins de mainlevée, a fait le choix délibéré de rester totalement silencieuse sur son existence, afin de s'assurer qu'elle n'aurait pas de contradicteur ; qu'en outre, elle a omis de transmettre au juge de l'exécution les pièces qui avaient permis qu'il soit fait droit à sa requête ;
que contrairement à ce qu'a retenu le jugement déféré, dont la motivation repose uniquement sur le fait qu'elle n'a pas apporté la preuve d'une créance paraissant fondée en son principe et de circonstances menaçant son recouvrement, les conditions de l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies ;
qu'en application d'une jurisprudence constante, elle est fondée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur l'immeuble appartenant à la SCI Atie en garantie de la dette de Mme [B], compte tenu de la fraude paulienne imputable à cette dernière, et dès lors qu'elle établit que la maison acquise par la SCI appartient en réalité à Mme [B], qui a mis en place une opération frauduleuse visant à mettre son bien immobilier à l'abri ; qu'au moment de cette fraude, qui a débuté au mois de mars 2022, Mme [B] ne pouvait ignorer, en l'absence de respect de ses engagements, la nécessaire remise en cause du bon de commande de la société Diamond Medical, ni sa dette à l'égard de la société Light Vision Next à ce titre ; que la SCI Atie, à qui Mme [B] a remis une somme de 900 000 euros, correspondant à 100 000 euros près au prix qu'elle a reçu de la vente de ses titres, n'a été interposée que comme un écran ; que Mme [B], qui s'est appauvrie de 900 000 euros, puis de 99% des parts de la SCI qui détenait le bien immobilier qu'elle a acquis, a frauduleusement soustrait ces actifs du droit de gage de ses créanciers ; que la jurisprudence de la Cour de cassation permet qu'un bien logé dans une SCI retourne dans le patrimoine d'un associé, alors même que celui-ci avait transféré ses parts pour organiser son insolvabilité ;
que Mme [B] a reconnu une dette de 1 340 000 euros, au titre d'une réduction de prix, dans le cadre d'un projet de protocole négocié entre les parties, et a selon un courrier électronique du 5 décembre 2022, ainsi que M. [F], confirmé son accord pour un versement de 1 040 000 euros à titre de réduction de prix, et 300 000 euros au titre du solde de la commande non encore payée par la société Diamond Medical, qui aurait dû être réglé par cette dernière au 30 juin 2023 ;
que sa créance résulte, en outre, du dol commis par Mme [B], les vendeurs ayant sciemment dissimulé l'existence d'une contre-lettre qu'ils avaient signée avec la société Diamond Medical, pour lui demander de ne pas remettre en cause une importante commande de lunettes dont tenait compte la valorisation de l'entreprise, alors qu'ils avaient dans le même temps expressément garanti à l'acquéreur qu'il n'existait aucun risque concernant la relation avec cette société, et fait valoir de nouvelles commandes à venir, ce qui n'est aucunement le cas, Diamond Medical ayant au contraire remis en cause les anciennes commandes passées et réclamé une somme de 1 700 000 euros à ce titre ; qu'en outre, l'absence de validité des brevets chinois lui cause un préjudice évalué à 2 715 000 euros ; qu'elle détient ainsi à l'encontre de Mme [B], une créance qui peut être provisoirement évaluée à 1 000 000 euros a minima, correspondant à la restitution du prix de vente qui lui a été versé ;
qu'à supposer que la nullité de la cession des titres ne soit pas retenue, Mme [B] resterait à tout le moins tenue au titre de la garantie d'actif et de passif, pour le préjudice lié au défaut d'exactitude des déclarations contenues à la garantie ; qu'elle dispose ainsi à son encontre d'une créance de 1 306 135,15 euros ;
qu'elle justifie de circonstances de nature à mettre en péril le recouvrement de sa créance ; que la cour d'appel de Versailles a précédemment retenu à ce titre l'absence de réponse à la mise en demeure faite à M. [F] et à Mme [B] le 26 juillet 2022, le caractère infructueux des saisies sur leurs comptes en banque, et l'aveu par les vendeurs de l'absence de disponibilité immédiate de la somme qu'ils proposaient de verser ; que Mme [B] a mis en place un stratagème frauduleux pour tenter de mettre à l'abri de ses créanciers le produit de la cession de ses titres de la société Light Vision ; que Mme [B] a fait preuve d'une grande mauvaise foi lors de la cession de la société, en dissimulant l'existence d'un risque élevé de remise en cause de la pérennité de l'activité de la société cédée ainsi que l'existence d'une contre-lettre négociée la veille de la cession ;
que manifestement, les vendeurs et la société Diamond Medical ont poursuivi des discussions occultes ; qu'alors que les vendeurs s'étaient engagés à procéder au versement d'une somme de 1 340 000 euros, ils ont brutalement rompu tout contact ; que M. [F] et Mme [B] font également preuve d'une grande mauvaise foi en multipliant les manoeuvres dilatoires dans le cadre de la procédure au fond ; que par ailleurs, ils se sont montrés très déloyaux en restant totalement silencieux sur l'existence d'une demande de mainlevée de l'hypothèque, alors qu'ils constataient qu'elle ne se faisait pas représenter, et en s'abstenant de communiquer au juge de l'exécution, dans le souci d'une présentation loyale des circonstances de l'affaire, les pièces de la requête, qui lui auraient permis d'apprécier l'existence des conditions d'autorisation d'une mesure conservatoire, et le jugement du 18 mars 2024 qui leur était défavorable ;
que la demande indemnitaire de la SCI Atie n'est en rien motivée ; qu'en tout état de cause, l'inscription litigieuse n'a pas pu engendrer de préjudice ;
que sa propre demande indemnitaire pour procédure abusive est bien fondée ; qu'en effet, la SCI Atie a fait preuve d'une grande mauvaise foi, outre d'une attitude parfaitement déloyale dans le cadre de la procédure ; que la mainlevée est sollicitée alors même que son principe de créance a été reconnu ; qu'elle se trouve contrainte d'engager des frais pour la défense de ses intérêts, outre le temps mobilisé.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 23 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SCI Atie, intimée, demande à la cour de :
confirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre le 27 juin 2024 en ce qu'il a rétracté l'ordonnance rendue le 15 septembre 2023 ayant autorisé la société Light Vision Next à prendre une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur le bien immobilier appartenant à la société Atie situé [Adresse 1], à [Adresse 6] ;
confirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre le 27 juin 2024 en ce qu'il a ordonné la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire sur le bien immobilier appartenant à la société Atie situé [Adresse 1], à Suresnes ;
infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre le 27 juin 2024 en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation de la société Light Vision Next au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Statuant de nouveau :
condamner la société Light Vision Next au paiement de la somme de 50 000 euros au titre de dommages et intérêt ;
En tout hypothèse,
condamner la société Light Vision Next au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Light Vision Next aux dépens de première instance et d'appel dont le montant sera recouvré par Maître Mélina Pedroletti avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la SCI Atie fait valoir :
que la société Light Vision Next ne justifie d'aucune créance à son encontre ;
que la société appelante ne fait pas la preuve qu'elle serait une société fictive ; qu'aucune décision judiciaire caractérisant sa prétendue fictivité n'a été rendue ; qu'en outre, l'action en fictivité qu'elle a engagée le 10 juillet 2023 est prescrite ;
que la fraude paulienne alléguée, qui suppose un appauvrissement du débiteur, n'est pas caractérisée ; qu'en effet, Mme [B] a reçu, en contrepartie de sa souscription à l'augmentation de capital de la SCI, la contre-valeur en parts sociales ; que si la donation de la nue-propriété des parts de la SCI qu'elle a consentie à ses filles constitue, objectivement, un acte d'appauvrissement, seul cet acte serait susceptible d'être déclaré inopposable à la société Light Vision Next, ce qui aurait pour effet de lui faire retrouver la pleine propriété des actions de la SCI, qui seules seraient susceptibles de faire l'objet d'une saisie, et non l'immeuble acquis ;
que la contre-lettre sur laquelle la société appelante appuie une prétendue dissimulation du risque de remise en cause de sa relation avec la société Diamond Medical est hautement sujette à caution ; qu'elle n'est ni datée ni signée, ni accompagnée d'un quelconque document justifiant que Mme [B] et M. [F] en auraient accepté les termes, ni même qu'ils en auraient eu connaissance ; qu'à la supposer valable, elle ne justifie en aucune manière la remise en cause du contrat conclu entre Diamond Medical et Light Vision Next ;
que s'il existait une fragilité du bon de commande, elle découlait du non respect du calendrier qui y était stipulé, que la société Light Vision Next ne pouvait ignorer ; que rien ne vient établir que Mme [B] et M. [F] auraient eu connaissance de l'intention de la société Diamond Medical de remettre en cause le bon de commande, qui ne résulte en rien de la contre-lettre du 21 novembre 2021 mais n'est apparue que le 8 juillet 2022 ;
qu'en outre, la société Diamond Medical n'a jamais voulu remettre en cause le bon de commande, mais a au contraire toujours cherché l'exécution du contrat, ainsi qu'elle l'a réaffirmé à compter du 27 avril 2023, avec des relances au mois de juin suivant, la société Light Vision Next ayant d'ailleurs, en définitive, procédé à l'envoi de 250 paires de lunettes sur la commande, le 20 novembre 2023 ;
que s'agissant des brevets, la décision de ne pas renouveler l'un d'eux, qui était obsolète, a été prise d'un commun accord entre les cédants et les cessionnaires ; que le second brevet litigieux, qui couvre les droits de propriété intellectuelle afférents au premier, est parfaitement valable, et a été renouvelé en 2022 et en 2023 ; que la société Light Vision Next ne démontre pas la réalité du vice qui l'affecterait, ni les conséquences qu'il emporterait, à le supposer établi ; qu'il n'est prouvé ni la matérialité du dol allégué, ni celle de son caractère déterminant du consentement, s'agissant des brevets ;
que la société Light Vision Next, qui n'est pas la signataire de la convention de garantie de passif, n'a pas qualité pour s'en prévaloir ; qu'en outre, la mise en jeu de la garantie de passif suppose un passif effectif et avéré, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisque la société Diamond Medical a sollicité l'exécution pure et simple du contrat ;
que contrairement à ce que prétend l'appelante, rien ne permet d'affirmer que Mme [B] et M. [F] auraient admis une quelconque dette ; que contrairement à ce qui est soutenu, le courrier électronique du 5 décembre 2022 dont se prévaut l'appelante ne constituait pas un accord ferme de leur part ; que le protocole n'était pas finalisé dans l'esprit des parties et ne constituait que de simples pourparlers, lesquels, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, ne sont pas constitutifs d'une reconnaissance de responsabilité ; qu'au surplus, le bon de commande dont la remise en cause constituait le sujet de la discussion n'a plus vocation à être remis en cause, puisque la relation se poursuit ;
qu'aucun des éléments avancés par la société Light Vision Next n'est de nature à démontrer une quelconque circonstance de nature à menacer le recouvrement de sa prétendue créance ; qu'à supposer que les vendeurs aient effectivement dissimulé un élément de nature à remettre en cause la pérennité de l'activité de la société, ceci ne démontre pas qu'ils chercheraient d'une quelconque manière à organiser leur insolvabilité, ni ne suffit à renverser la présomption de bonne foi dont ils bénéficient ; qu'il en va de même de la poursuite des discussions avec la société Diamond Medical, qui ne restitue en rien un quelconque risque d'insolvabilité des défendeurs à l'action ; que les vendeurs étaient parfaitement libres de mettre fin aux négociations entreprises, qui au demeurant ont échoué du fait de la manière dont la société Light Vision Next a prétendu les mener ; que M. [F] et Mme [B] sont en droit d'agir en justice ; que le prétendu risque de départ en Chine des vendeurs n'est étayé par aucune pièce ; que l'acquisition d'un bien immobilier sur le territoire français constitue un indice contraire ;
qu'aucune déloyauté ni mauvaise foi ne peut être reprochée à Mme [B] et à la SCI Atie pour avoir cherché à obtenir la rétractation de l'ordonnance rendue par le juge de l'exécution ; que la société Light Vision Next a été valablement assignée et le jugement rendu sur la base des pièces communiquées au juge de l'exécution, dont la requête et l'ordonnance du 14 avril 2023 ayant donné lieu à la première vague de saisies, la requête et l'ordonnance du 28 juillet 2023 ayant donné lieu à la seconde vague de saisies et l'ordonnance du 15 septembre 2023 ; que la SCI Atie n'a pas à prendre en charge la défense des intérêts de la société Light Vision Next ;
que la société Light Vision Next, à l'initiative de la demande de mesure conservatoire et appelante dans le cadre de la présente procédure, est mal fondée à solliciter sa condamnation pour procédure abusive ; que comme déjà évoqué, aucun élément essentiel n'a été dissimulé au juge de l'exécution et défendre ses droits et demander la mainlevée d'une hypothèque ne peut constituer un abus de procédure ;
que c'est de façon parfaitement abusive, et dans le but de la déstabiliser, que la société Light Vision Next a engagé la présente procédure.
A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 27 mars 2025, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 10 avril 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'étendue de la saisine de la cour
A titre liminaire, il est rappelé qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu'elle ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.
Sur le bien fondé de la mesure
En application des dispositions de l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance parait fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur sans commandement préalable si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
La preuve que ces deux conditions cumulatives permettant de fonder une mesure conservatoire sont effectivement réunies incombe au demandeur à la mesure, y compris dans le cadre d'une demande de rétractation.
Par ailleurs, si les mesures conservatoires doivent en vertu du texte susvisé être prises sur les biens du débiteur, une mesure d'exécution peut néanmoins être prise sur un bien appartenant à un tiers, s'il est établi que ce bien est sorti du patrimoine du débiteur en fraude des droits de ses créanciers, ou qu'il existait une confusion de patrimoine entre celui du débiteur et celui de l'entité détenant ce bien.
Lorsqu'il est saisi de la contestation d'une mesure conservatoire pratiquée sur les biens d'un tiers, il appartient au juge de l'exécution d'examiner s'il existe des circonstances permettant de suspecter la mise en oeuvre, par le débiteur, d'opérations d'appauvrissement délibéré de son patrimoine, en vue d'empêcher le créancier de recouvrer sa créance.
Quant à l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe
Il est versé à l'appui du principe de créance allégué le contrat d'acquisition des titres de la société Light Vision, du 22 novembre 2021, qui a stipulé le versement, le jour même, du prix de 5 000 000 euros, dont 1 000 000 revenant à Mme [B].
Est également versée la convention de garantie d'actif et de passif conclue le 22 novembre 2021 entre Mme [B] et M. [F] d'une part et la société Softnext d'autre part.
De même que le contrat de transfert des droits au titre du contrat d'acquisition, conclu le 27 décembre 2021 entre les sociétés Softnext et Light Vision Next, en présence de M. [F], de Mme [B] et de M. [U], notamment, et l'avenant au contrat d'acquisition du 22 novembre 2021 conclu, également le 27 décembre 2021, entre M. [F], Mme [B] et M. [U], d'une part, et la société Softnext, d'autre part, pour tenir compte de la cession des titres de la société Light Vision à la société Light Vision Next.
La convention de garantie conclue le 22 novembre 2021 indique que la société bénéficiaire - Softnext - n'aurait pas procédé à l'acquisition si elle n'avait pas obtenu des garants les déclarations et garanties données, qui ont constitué une condition déterminante de l'acquisition.
Aux termes de cet acte, les garants ont déclaré que toutes les informations figurant dans les annexes, toutes les informations transmises, toutes les données exposées concernant la société, les actions et les comptes sociaux sont exactes et sincères et qu'ils n'ont omis aucune donnée substantielle.
Ils ont indiqué que la société n'avait reçu aucune information selon laquelle un client, un fournisseur, un sous-traitant contribuant de façon significative à son résultat ou à son activité avait l'intention de cesser ou de réduire ses opérations d'une manière substantielle immédiatement ou dans le futur, et/ou d'en modifier les conditions juridiques ou financières, notamment du fait de la réalisation de la cession.
Et plus spécialement, ils ont déclaré que le bon de commande figurant en annexe 3.15 d [ c'est à dire un bon de commande conclu entre la société Light Vision et la société chinoise Diamond Medical le 1er novembre 2018, pour l'achat de 500 lunettes 'Hola' pour une valeur totale de 2 000 000 euros] était valide, effectif et en cours d'exécution, et qu'à l'exception d'un litige avec une société [ étrangère au présent litige], figurant en annexe 3.15 i, la société n'avait commis aucun manquement à ses obligations contractuelles, de nature à avoir un impact significatif sur sa situation financière.
L'appelante produit, par ailleurs :
un courrier du 8 juillet 2022 de la société Diamond Medical Instruments, qui dénonce officiellement le contrat conclu avec la société Light Vision, en demandant à pouvoir retourner toute les lunettes livrées et récupérer le montant payé de 1 700 000 euros, en expliquant d'une part, que la société Light Vision Next n'a pas coopéré et ne l'a pas aidée à vendre les dites lunettes au cours des deux dernières années, alors que ceci était convenu dans le contrat d'achat du 1er novembre 2018, et d'autre part, que les actionnaires initiaux avaient émis le 21 novembre 2021 une lettre de garantie d'engagement visant à ce que chaque personne supporte respectivement un montant de 500 000 euros pour la garantie de la réalisation de la vente et que M. [B] et M. [F] n'ont toujours pas versé leurs garanties personnelles, d'un montant total de 1 000 000 euros,
une lettre de garantie d'engagement adressée à la société Diamond Medical Instrument, par laquelle M. [F], Mme [B] et M. [U] s'engagent à l'assister pour la vente des lunettes qu'elle a achetées pour un montant de 1,7 million d'euros, avec une garantie personnelle d'une valeur de 500 000 euros, la société Diamond Medical Instrument garantissant également que les produits achetés ne seront pas retournés à Light Vision,
un courrier du 27 juillet 2022 de la société Diamond Medical Instrument, qui accepte, à condition qu'elle reçoive 1 million d'euros de Mme [B] et de M. [F], de ne pas demander le remboursement de la commande, et de poursuivre leurs relations,
une demande de confirmation par l'expert comptable de la société Diamond Medical Instrument, du 23 août 2022, de ce que la société Light Vision lui doit bien la somme de 1 700 000 euros et que rien ne lui est dû.
Elle verse, encore, des messages ou courriers électroniques échangés avec M. [F] et/ou Mme [B], dont il ressort que les intéressés ont envisagé au mois de novembre 2022 de résoudre leur différend par la conclusion d'un protocole d'accord, prévoyant une réduction du prix de vente des titres et le remboursement en conséquence par M. [F] et Mme [B] d'une somme de 1 040 000 euros, avec une réduction de prix supplémentaire de 300 000 euros au 30 juin 2023 pour le cas où la société Diamond Medical Instrument n'aurait pas procédé au paiement du solde de 300 000 euros dû en vertu du bon de commande, et que, si ce protocole n'a en définitive pas été conclu, M. [F] et Mme [B] ont confirmé, par courrier électronique du 5 décembre 2022, qu'ils avaient accepté, dans ce cadre, le versement d'une somme de 1 040 000 euros.
Les contestations développées par la SCI Atie, qui a seule agi en contestation de la mesure conservatoire en cause, Mme [B] n'étant quant à elle pas partie à la procédure, relatives au formalisme de la contre-lettre du 21 novembre 2021, sont sans emport pour ce qui concerne l'appréciation de l'apparence d'une créance fondée en son principe, seule requise pour permettre la mise en oeuvre d'une mesure conservatoire. Comme le souligne à raison l'appelante, il ne s'agit pas en l'espèce de se prévaloir de droits nés en exécution de cette contre-lettre, mais uniquement de déterminer si les vendeurs ont pu réaliser des manoeuvres pour tromper leur partenaire lors de la cession des titres.
Quant à l'ignorance prétendue de l'existence de cet engagement par Mme [B], elle est démentie par l'accord que celle-ci a immédiatement donné à la société Light Vision, aux termes d'un courrier électronique du 23 juillet 2022, pour que M. [F] et elle-même versent chacun à la société Diamond Medical Instruments une somme de 500 000 euros à titre de garantie, ce qui correspond exactement à ce qui est indiqué dans la lettre produite par l'appelante.
Contrairement à ce que soutient la SCI Atie, il était déjà question, dans l'engagement du 21 novembre 2021, d'une possible remise en cause du bon de commande dont la pérennité avait été garantie par Mme [B] et M. [F], puisqu'il était indiqué que la société Diamond Medical Instrument garantissait que les produits achetés ne seraient pas retournés à ' LV'.
Et quand bien même, à suivre l'argumentation de la SCI Atie, la remise en cause du contrat découlerait du non respect du calendrier qui y était stipulé, cet élément était déjà avéré à la date de la cession des parts, puisque les trois livraisons prévues devaient intervenir dans le courant de l'année 2019, la dernière au plus tard au mois de décembre, de sorte que c'est en connaissance de cause que les vendeurs ont garanti la pérennité de la commande.
Et enfin, contrairement à ce qui est soutenu, la société Diamond Medical Instruments a bien remis en cause la commande passée le 1er novembre 2018, puisqu'elle a exigé, en contrepartie de son maintien, le versement d'une somme de 1 000 000 euros. Étant ajouté qu'il est sans incidence, dans les rapports entre la société Light Vision Next et les vendeurs des titres, que les relations commerciales entre les sociétés Light Vision et Diamond Medical Instruments aient pu, par la suite, reprendre.
L'appelante apporte, au vu des pièces qu'elle produit, suffisamment d'éléments qui permettent de tenir pour vraisemblable que Mme [B] et M. [F] ont omis de lui donner toutes les informations dont ils disposaient concernant l'avenir du contrat qui liait la société Light Vision et la société Diamond Medical Instruments, son principal client.
Quant au caractère intentionnel de la dissimulation, qui ferait défaut selon la SCI Atie, il ressort suffisamment du constat que l'engagement de garantie de M. [F], Mme [B] et M. [U] a été conclu, au vu des pièces produites que la SCI Atie ne contredit par aucun élément objectif, la veille de la signature de la cession des titres.
Ainsi, que ce soit au titre d'une annulation de la vente pour dol, ou de la mise en oeuvre de la garantie du passif, dont la société Light Vision Next est bien le destinataire final, selon ce qui sera décidé par le juge du fond qui est déjà saisi, la créance de la société Light Vision Next apparaît suffisamment justifiée dans son principe, du fait de la remise en cause de la pérennité du contrat conclu entre les deux sociétés Light Vision et Diamond Medical Instruments, qui est seule retenue en l'absence d'éléments objectifs justifiant que les brevets chinois dont disposait la première n'étaient effectivement pas valides.
Au demeurant, Mme [B] et M. [F] ont, fût-ce implicitement, convenu d'une créance de la société Light Vision Next à leur égard, dès lors qu'ils ont donné leur accord de principe sur une réduction du prix d'achat de leurs actions de la société Light Vision, à hauteur de 1 040 000 euros, somme à laquelle il convient de fixer, provisoirement, le montant de la créance à garantir, l'acceptation d'une réduction de prix d'un montant supérieur n'étant pas suffisamment établie, dès lors que le protocole qui la prévoyait n'a pas été signé par les parties, et le calcul du montant de l'indemnité réclamée au titre de la garantie du passif ne pouvant pas être retenu, puisqu'il est fondé, en partie, sur un préjudice lié à l'invalidité de brevets que la cour écarte en l'absence d'éléments suffisamment probants d'une invalidité effective.
Quant au risque pesant sur le recouvrement de la créance
Il ressort de messages qu'ils ont envoyés à l'acquéreur, le 5 décembre 2022 et le 21 décembre 2022, que Mme [B] et M. [F] n'étaient, à cette date, pas en mesure de régler, sans l'octroi d'un échéancier, la somme de 1,04 million d'euros qu'ils se disaient à cette époque prêts à restituer.
La saisie conservatoire pratiquée le 25 mai 2023 sur les comptes bancaires détenus par Mme [B] à la BNP, pour sûreté et garantie de la créance de la société Light Vision Next, évaluée à 1 040 000 euros en principal par le juge de l'exécution qui avait autorisé la mesure, n'a permis d'appréhender qu'une somme de 15 305,08 euros, tandis que celles pratiquées le 11 août 2023 entre les mains des banques BNP et HSBC se sont révélées l'une et l'autre infructueuses.
Il ressort des pièces produites par l'appelante que Mme [B], qui a perçu 1 000 000 euros de la vente de ses titres, le 22 novembre 2021, a réalisé au bénéfice de la SCI Atie, le 1er juin 2022, un apport de 900 000 euros, via une augmentation de capital en numéraire de la dite société, porté de 1 000 euros à 900 000 euros ; que le 2 juin 2022, la SCI Atie a acquis un bien immobilier à Suresnes, pour un prix de 1 181 802 euros ; que le 20 décembre 2022, Mme [B] a donné la nue-propriété de ses parts de la SCI Atie à ses deux filles.
En sorte que Mme [B] ne dispose manifestement plus à ce jour du produit de la vente de ses titres, susceptible de permettre, le cas échéant, de régler son créancier si celui-ci devait se voir octroyer par le juge du fond un titre exécutoire.
Enfin, la créance dont la cour reconnaît qu'elle paraît fondée en son principe, procède d'une dissimulation par Mme [B], notamment, de certains éléments déterminants, dans le cadre de la vente des titres de la société Light Vision.
L'ensemble de ces circonstances suffit à caractériser l'existence d'une menace pesant sur le recouvrement de la créance de la société Light Vision Next, justifiant qu'elle puisse être autorisée à en garantir le recouvrement par la mise en oeuvre d'une mesure conservatoire.
Quant à l'objet de la mesure
A titre liminaire, une éventuelle prescription d'une action en fictivité de la SCI Atie ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre d'une mesure conservatoire sur les biens de cette dernière, dès lors que, ainsi qu'il ressort de la lecture de l'assignation qu'a fait délivrer la société Light Vision Next à Mme [B], aux deux filles de celle-ci et à la SCI Atie, le caractère fictif de la société est soutenu à l'appui de la fraude paulienne qui est, pour l'essentiel, invoquée.
Il ressort des pièces produites par l'appelante la chronologie suivante :
le 22 novembre 2021, Mme [B] a perçu une somme de 1 000 000 euros de la vente de ses titres,
le 1er mars 2022, les statuts de la SCI Atie, dont Mme [B] était depuis sa création, aux termes de statuts établis le 23 décembre 2011, associée à hauteur de 4 parts sociales sur 10 parts d'une valeur de 100 euros chacune, les autres associés étant M. [F] ( 4 parts), Mme [H] [Y] ( 1 part) et Mme [D] [Y] ( 1 part), ont été modifiés pour, notamment, prévoir que les cessions de parts seraient soumises à l'agrément de la gérance et prévoir des dispositions en cas de démembrement de la propriété des parts,
le 1er avril 2022, Mme [B] est devenue gérante de la SCI, en remplacement de M. [F], qui lui a cédé ses 4 parts sociales,
le 1er juin 2022, le montant nominal des parts de la SCI a été porté de 100 euros à 1 euro, le capital étant divisé désormais en 1 000 parts de 1 euros, et Mme [B] a réalisé, par voie d'émission de 900 000 parts sociales nouvelles, un apport de 900 000 euros à la SCI, détenant désormais 900 200 parts en pleine propriété,
le 2 juin 2022, la SCI Atie a acquis le bien immobilier situé [Adresse 1], à Suresnes, visé par la mesure querellée,
le 20 décembre 2022, Mme [B], en vertu d'un acte de donation-partage, a donné à ses filles la nue-propriété de la quasi-intégralité de ses parts de la SCI Atie, dont elle ne détient plus que 200 parts en pleine propriété. Tout en demeurant gérante de celle-ci.
Ceci doit être rapproché de la chronologie du litige qui est apparu entre Mme [B], notamment, et la société Light Vision Next, étant relevé que :
le 21 juillet 2022, par courrier électronique, le conseil des sociétés Softnext et Light Vision Next a mis M. [F], Mme [B] et M. [U] en demeure de procéder à la restitution du prix de vente de leurs titres, au motif de la découverte d'une dissimulation du risque de remise en cause de la relation commerciale entre les sociétés Light Vision et Diamond Medical Instruments et d'une invalidité des brevets dont disposait la société Light Vision,
le 26 juillet 2022, les sociétés Softnext et Light Vision Next ont notifié à M. [F] et Mme [B] une réclamation au titre de la convention de garantie,
le 23 septembre 2022, la société Light Vision Next a assigné M. [F] et Mme [B] en nullité de la vente de leurs titres,
le 5 décembre 2022, M. [F] et Mme [B] se sont déclarés prêts à restituer une somme de 1 040 000 euros, avant de se raviser, le 21 décembre suivant, soit le lendemain de la donation litigieuse.
L'opération, qui doit être envisagée dans son ensemble, et non en séparant, comme le fait l'intimée, l'apport à la SCI d'une somme de 900 000 euros et la donation de la nue propriété des parts de celle-ci, a eu pour effet d'appauvrir Mme [B], dont le patrimoine personnel, comme relevé ci-dessus, ne permet plus de garantir le paiement de la créance invoquée concomitamment à cette opération par la société Light Vision Next, en suite d'une vente intervenue un an plus tôt et arguée de nullité en raison de la dissimulation d'éléments déterminants.
Il existe, dans ces conditions, une apparence de fraude imputable à Mme [B], destinée à faire échec aux droits de son créancier, qui justifie que soit autorisée une mesure sur les biens de la SCI Atie, dont les intérêts se confondent avec les siens, au point que c'est la SCI Atie, seule demanderesse à la contestation, qui les a défendus dans le cadre du présent litige, en même temps que les siens.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a rétracté l'ordonnance ayant autorisé la société Light Vision Next à prendre une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur les biens et droits immobiliers de la SCI Atie et ordonné la mainlevée de l'hypothèque inscrite le 28 septembre 2023 en vertu de cette autorisation.
Sur les demandes de dommages et intérêts
L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol.
La société Light Vision Next étant fondée en son recours, la demande de dommages et intérêts que formule la SCI Atie, qui au surplus ne justifie pas d'un préjudice, ne peut pas prospérer.
Dès lors qu'il appartient à chacune des parties à un litige d'assurer la défense de ses intérêts, et de fournir les éléments nécessaires au succès de sa prétention, la société Light Vision Next, qui a été dûment assignée devant le juge de l'exécution, qui admet elle-même dans ses écritures que 'l'assignation a probablement été mal identifiée en interne', et à qui il revenait, comme rappelé ci-dessus, de justifier que les conditions permettant le recours à une mesure conservatoire étaient bien réunies, ne peut pas reprocher à son adversaire d'avoir omis d'assurer la défense de ses intérêts, et de n'avoir pas produit les pièces qu'il lui appartenait, à elle, de fournir au juge de l'exécution.
Le présent litige n'opposant pas les mêmes parties que celui qui a donné lieu au jugement du 18 mars 2024 et à l'arrêt de la cour du 12 décembre 2024, l'argument tiré d'une reconnaissance antérieure d'un principe de créance de la société Light Vision Next n'est pas opérant.
La société Light Vision Next ne démontre pas que la SCI Atie, en contestant la mesure conservatoire dont elle a fait l'objet, ordonnée sans débat contradictoire, a commis une faute de nature à faire dégénérer en abus son droit d'agir en justice.
Et au surplus, elle ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui d'avoir dû se défendre en justice, dont l'indemnisation est assurée par l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Sa demande indemnitaire doit donc, comme celle de son adversaire, être rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de la SCI Atie, partie perdante.
La SCI Atie sera également condamnée à régler à la société Light Vision Next une somme de 7 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
INFIRME le jugement rendu le 27 juin 2024 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société Atie tendant à condamner la société Light Vision Next à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts et rejeté la demande de la société Atie tendant à condamner la société Light Vision Next à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
Déboute la SCI Atie de sa demande de rétractation de l'ordonnance rendue le 15 septembre 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre ayant autorisé la société Light Vision Next à prendre une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur les biens et droits immobiliers appartenant à la société Atie, situés [Adresse 1], à Suresnes, cadastrés section V n°[Cadastre 3], pour la somme de 1 040 000 euros et de sa demande subséquente de mainlevée de l'hypothèque inscrite le 28 septembre 2023 par la société Light Vision Next sur le bien immobilier appartenant à la société Atie, en exécution de cette ordonnance du 15 septembre 2023 ;
Déboute la société Light Vision Next de sa demande d'évaluation provisoire de sa créance à un montant de 1 340 000 euros ;
Confirme l'ordonnance rendue le 15 septembre 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre ;
Déboute la société Light Vision Next de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Déboute la SCI Atie de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la SCI Atie aux dépens, et à régler à la société Light Vision Next une somme de 7 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcépar mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Présidente et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.