CA Saint-Denis de la Réunion, ch. com., 26 mars 2025, n° 23/01198
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
ACM Patrimonium (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Leger
Vice-président :
Mme Legrois
Conseiller :
Mme Beraud
Avocats :
Me Darrioumerle, Me Thierry
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La société ACM Patrimonium exploite une agence immobilière sous la franchise Nestenn.
Le 6 janvier 2020 elle a signé avec M. [C] [I] un mandat d'intérêt commun à durée indéterminée, au terme duquel il a été convenu que M. [I] exercerait en tant qu'agent commercial pour le compte de la société, une activité d'intermédiaire en transactions en ventes et locations sur immeubles, terrains hors fonds de commerce.
A compter du 28 janvier 2021 M. [I] est parti vivre en métropole. Par courrier du 29 août 2021, la société ACM Patrimonium lui a fait savoir qu'à défaut de respecter ses engagements contractuels, elle mettrait fin au mandat à ses torts exclusifs dans un délai de 30 jours.
Par acte d'huissier en date du 16 mars 2022, M. [I] a fait assigner la société ACM Patrimonium par devant le Tribunal Mixte de Commerce de Saint-Denis de La Réunion, aux fins de la voir principalement condamnée à lui verser des sommes au titre de factures et d'honoraires impayés, constater des manquements contractuels, prononcer la résiliation du mandat commun aux torts exclusif de la société et se voir allouer une indemnité au titre de cette rupture. La société s'est opposée à ces demandes sollicitant que la résiliation soit prononcée pour faute grave du demandeur.
Par jugement du 3 mai 2023, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion a :
- rejeté les demandes formulées avant dire droit par M. [I], relatives à la communication de documents,
- rejeté la demande de remboursement de frais exposés, formée par M. [I],
- rejeté la demande de paiement d'honoraires complémentaires dans le dossier de Monsieur et Madame [S], formée par M. [I],
- condamné la société ACM Patrimonium à verser à M. [I] une commission à hauteur de 10 103,22 euros TTC, dans le dossier de M. [B] [Z],
- prononcé la résiliation du mandat d'intérêt commun conclu entre la société ACM Patrimonium et M. [I] aux torts exclusifs de ce dernier, à compter du 29 octobre 2021,
- dit qu'à compter du 29 octobre 2021 M. [I] a bénéficié d'un droit de suite et ce durant six mois,
- condamné la société ACM Patrimonium à verser à M. [I] la somme de 47 975,95 euros au titre de l'indemnité compensatrice de rupture de mandat d'intérêt commun,
- rejeté la demande de condamnation au paiement de dommages et intérêts, formée par M. [I].
- rejeté la demande de publication de la présente décision dans la presse régionale, formée par M. [I].
- condamné la société ACM Patrimonium à verser à M. [I] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société ACM Patrimonium aux entiers dépens, lesdits dépens afférents aux frais de jugement liquidés à la somme de 62,92 euros TTC, en ceux non compris les frais de signification du présent jugement et de ses suites s'il y a lieu.
Par déclaration du 28 août 2023, la société ACM Patrimonium a interjeté appel de cette décision, limitant néanmoins son appel à certains chefs de jugement.
L'affaire a été renvoyée à la mise en état par ordonnance du 5 septembre 2023.
L'intimé a déclaré constituer avocat le 18 septembre 2023.
L'appelante a notifié ses conclusions par voie électronique le 23 novembre 2023.
Par conclusions d'incident notifiées le 22 février 2024 l'intimée a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de voir prononcer la radiation du rôle de la procédure en raison de la non-exécution du jugement de première instance.
Par jugement du 10 avril 2024 le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société ACM Patrimonium et a désigné la SELAS Egide, représentée par Maître [F] [X], en qualité de mandataire judiciaire. Le 25 mai 2024 M. [I] a déclaré la créance née du jugement du 3 mai 2023 à titre chirographaire pour un montant de 69 991,49 euros à parfaire des intérêts et frais de procédure à venir.
Par ordonnance sur incident rendue le 26 août 2024 le conseiller de la mise en état a :
- constaté l'interruption de l'instance du fait de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL ACM Patrimonium,
- invité M. [I] à mettre en cause les organes de la procédure collective de la SARL ACM Patrimonium et à justifier de sa déclaration de créance entre les mains du mandataire judiciaire aux fins de reprise de l'instance laquelle ne pourra tendre au paiement d'une somme d'argent mais à la seule fixation de la créance au passif du redressement judiciaire,
- renvoyé l'affaire à la mise en état du 21 octobre 2024 pour vérification des diligences,
- débouté M. [I] de sa demande de radiation,
- dit que les dépens de l'incident seront joints au fond,
- débouté les parties de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte de commissaire de justice délivré à personne habilitée le 2 octobre 2024, M. [I] a fait assigner en intervention forcée la SELAS Egide, prise en la personne de Maître [F] [X], en qualité de mandataire judiciaire de la société ACM Patrimonium.
La SELAS n'a pas constitué avocat.
Par ordonnance du 21 octobre 2024, la procédure a été clôturée et l'affaire fixée à l'audience du 4 décembre 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 26 février 2025, délibéré prorogé au 26 mars 2025.
La décision sera réputée contradictoire en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Dans ses seules et uniques conclusions d'appel n°1 notifiées par voie électronique le 23 novembre 2023, la SARL ACM Patrimonium demande à la cour de juger son appel recevable et bien fondé, et y faisant droit :
- infirmer la décision entreprise en tous ses points,
- juger que la rupture du mandat d'intérêt commun qu'elle a conclu avec M. [I] est due à la faute grave de ce dernier,
- condamner M. [I] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de son manquement au devoir de loyauté,
- condamner M. [I] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- rejeter l'ensemble des demandes de M. [I].
L'appelante fait valoir que :
- le tribunal mixte de commerce ayant rendu le jugement critiqué doit être infirmé pour défaut d'impartialité dans la mesure où d'une part, un des juges le composant est gérant d'une société concurrente, leurs agences immobilières respectives étant situées dans la même rue, visant la même clientèle, sur le même secteur géographique et d'autre part, le frère de ce juge entretient un lien tant professionnel, en tant que notaire, que personnel avec M. [I],
- l'intimé a manqué à son devoir de loyauté et a rendu impossible l'exécution des obligations mises à sa charge dans le cadre du contrat les liant en partant vivre définitivement en métropole sans l'en informer ; il a ainsi commis une faute grave justifiant qu'il ne perçoive pas d'indemnité compensatrice.
L'intimé n'a pas conclu au fond mais communique néanmoins des pièces.
La SELAS Egide n'a pas constitué avocat.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le périmètre de la saisine de la cour d'appel
Selon l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
En outre, par corrélation des articles 562 et 954 du code de procédure civile l'effet dévolutif ne joue que pour les chefs du dispositif du jugement expressément critiqués.
Or, dans sa déclaration d'appel, la SARL ACM Patrimonium a limité son appel à des chefs de jugement expressément critiqués sollicitant qu'il soit infirmé en ce qu'il :
- l'a condamnée à verser à M. [I] une commission à hauteur de 10 103,22 euros TTC, dans le dossier de M. [B] [Z],
- a prononcé la résiliation du mandat d'intérêt commun conclu avec M. [I] aux torts exclusifs de ce dernier, à compter du 29 octobre 2021,
- a dit qu'à compter du 29 octobre 2021 M. [I] a bénéficié d'un droit de suite et ce durant six mois,
- l'a condamnée à verser à M. [I] la somme de 47 975,95 euros au titre de l'indemnité compensatrice de rupture de mandat d'intérêt commun,
- l'a condamnée à verser à M. [I] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamnée aux entiers dépens, lesdits dépens afférents aux frais de jugement liquidés à la somme de 62,92 euros TTC, en ceux non compris les frais de signification du présent jugement et de ses suites s'il y a lieu.
Et dans le dispositif de ses conclusions, elle sollicite en premier lieu l'infirmation de la décision entreprise en tous ses points pour ensuite demander à la cour d'appel de :
- juger que la rupture du mandat d'intérêt commun qu'elle a conclu avec M. [I] est due à la faute grave de ce dernier,
- condamner M. [I] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de son manquement au devoir de loyauté,
- condamner M. [I] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- rejeter l'ensemble des demandes de M. [I].
Il s'ensuit que la cour n'est saisie que des seuls chefs de jugement critiqués dans la déclaration d'appel et non de l'infirmation de tous les points sur lesquels il a été statué.
Sur la partialité de la composition du tribunal mixte de commerce
Le principe du respect de l'impartialité par tout organe juridictionnel est affirmé par de multiples dispositions internationales (article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales) et nationales (article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, article L.111-5 du code de l'organisation judiciaire, articles L 722-18 alinéa 1 et L.722-20 alinéa 1 du code de commerce).
Ce principe fondamental des règles du procès équitable a vocation à s'appliquer directement dans l'ordre juridique interne et à commander le mode de fonctionnement de toutes les juridictions.
Il doit s'apprécier selon une démarche subjective en tenant compte de la conviction personnelle et du comportement du juge, mais également selon une démarche objective consistant à déterminer si le tribunal offrait, notamment à travers sa composition, des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à son impartialité.
L'impartialité du juge se présume jusqu'à preuve contraire.
En l'espèce, l'appelante conclut à l'infirmation de la décision critiquée, soulevant que le tribunal mixte de commerce comptait dans sa composition M. [G] [M], juge consulaire ayant à connaître d'un conflit d'intérêt avec elle.
Au soutien de sa prétention, l'appelante fait valoir, d'une part, que M. [G] [M] est gérant de la SARL [M] immo dont l'activité principale est la même que la sienne, dont l'agence est située dans la même rue, à quelques dizaines de mètres. Elle en déduit qu'elles visent la même clientèle, sur le même secteur géographique et sont donc concurrentes directes. Elle affirme que, sans vouloir remettre en cause la probité du juge consulaire, sa société aurait tout intérêt à ce qu'elle disparaisse, dans la mesure où cela diminuerait la pression concurrentielle dans son secteur.
D'autre part, elle explique que le frère de ce dernier entretient un lien de connivence avec l'intimé dans la mesure où des échanges de mails entre eux montrent qu'ils s'appellent par leurs prénoms et se tutoient, ce qui est de nature à faire peser un doute légitime supplémentaire quant à l'impartialité de M. [G] [M].
Concernant le premier point, l'extrait des inscriptions portées au registre national des entreprises à la date du 18 septembre 2023 met en lumière que M. [G] [M] était, à la date du jugement, le gérant de la société [M] immo dont le siège et l'établissement principal sont situés [Adresse 2] et qui a pour activité la transaction sur immeubles et fonds de commerce la promotion et la gestion de tout bien immobilier. L'extrait K bis du registre du commerce et des sociétés qu'elle produit en ce qui la concernant démontre qu'effectivement les deux sociétés exercent la même activité, sur un secteur identique et s'adressent à la même clientèle. Elles sont en conséquence en situation de concurrence directe.
Si les connaissances professionnelles et techniques d'un juge consulaire peuvent s'avérer constituer un atout pour la juridiction devant appréhender un litige dans un domaine particulier et qu'en ce sens l'exercice d'une profession similaire à celle d'une des parties ne crée pas nécessairement un conflit d'intérêt, il apparaît néanmoins, qu'en l'espèce, l'activité de gérant de M. [G] [M] est directement en lien avec celle de l'appelante. Il peut ainsi être suspecté qu'elle génère une situation d'interférence entre l'intérêt public qui fonde sa mission et ses intérêts privés, de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif de sa fonction.
Concernant le second point, l'échange de mail produit met en lumière que le frère du juge consulaire, élément non contesté par l'intimé, qui exerce comme notaire associé, est en relation tant à titre personnel que professionnel avec l'intimé. Cette constatation, corrélée aux éléments développés précédemment, suffit également à considérer qu'une situation de conflit d'intérêt pouvait être crainte par l'appelante.
Ces éléments créent donc un doute raisonnable pour le justiciable sur l'impartialité de la composition de la juridiction.
Cependant l'appelante ne tire pas les conséquences du moyen allégué, lequel n'est pas de nature à entraîner l'infirmation de la décision mais seulement son annulation, qui n'est pas sollicitée. Sa demande d'infirmation ne peut dès lors prospérer sur ce fondement.
Sur le paiement d'honoraires dans le cadre du dossier [Z] et le droit de suite
L'appelante a, dans sa déclaration d'appel, sollicité l'infirmation de sa condamnation à verser à l'intimé une commission de 10 103,22 euros TTC dans le dossier de M. [B] [Z] et de ce que le premier juge a dit qu'à compter du 29 octobre 2021ce dernier a bénéficié d'un droit de suite et ce durant six mois. Cependant il ne développe aucun moyen à l'appui de ces prétentions.
En application de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
A défaut pour l'appelante de développer un quelconque moyen de fait ou de droit à l'appui de la demande d'infirmation des chefs de décision susvisés, elle sera confirmée en ce qui concerne les sommes dues au titre de la commission due à l'intimé dans le dossier [Z] et son droit de suite, sauf à remplacer la condamnation prononcée par la fixation de cette créance au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de la société ACM Patrimonium.
Sur la résiliation du mandat d'intérêt commun
Au terme de l'article 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Les articles L.134-4 du code de commerce et suivants prévoient le régime des contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants et prévoient, notamment, qu'ils sont conclus dans l'intérêt commun des parties, que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information, que l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat.
Conformément aux dispositions de l'article 3 du contrat liant les parties, il appartenait à l'intimé de « prospecter vendeurs, bailleurs, acheteurs, locataires d'immeubles, terrain, quel que soit l'usage ou la destination des biens à vendre à louer, hors fonds de commerce ; d'obtenir des mandats de mise en vente ou de rechercher des biens à acheter, de mises en location ou de rechercher des biens à louer, quel que soit l'usage ou la destination desdits biens, hors fonds de commerce, dans le cadre de prestations de services en qualité d'intermédiaire immobilier, le tout afin de parvenir à la conclusion de transaction en vente, par compromis de vente, offre d'achat ou contrat de location. »
L'article 5 du mandat d'intérêt commun prévoit notamment que « le mandant ne posera aucun obstacle au bon accomplissement de la mission du mandataire, pourvu que ce dernier l'exécute en bon professionnel et dans le respect du contrat. »
La faute grave est celle qui porte une atteinte telle à la finalité commune du mandat d'intérêt commun, qu'elle rend impossible le maintien du lien contractuel. Elle doit être établie et relevée avec promptitude par le mandant auquel il appartient d'en rapporter la preuve.
Le premier juge a retenu que la résiliation du mandat d'intérêt commun l'a été aux torts exclusifs de l'intimé. L'appelante soutient qu'elle est justifiée par la faute grave commise par ce dernier dont le départ définitif en métropole a rendu impossible le maintien du lien contractuel laissant penser à un séjour temporaire et qui n'a signé aucun nouveau mandat après le 27 janvier 2021.
Il n'est pas contesté que l'appelante était informée de ce départ et aucun élément de la procédure ne permet d'établir que l'intimé lui aurait laissé croire que cette situation serait temporaire, comme elle l'affirme. Le mandat s'est poursuivi pendant six mois sans qu'elle n'en remette en cause les modalités, jusqu'à ce que par courrier du 29 juillet 2021 elle le mette en demeure de respecter les dispositions contractuelles les liant et notamment d'intervenir efficacement pour réaliser des ventes de biens immeubles ou fonds de commerce par sa prospection ou l'exploitation du fichier clients de l'agence.
Dans cette mise en demeure, l'appelante a indiqué que faute pour M. [I] de satisfaire à ses obligations, le mandat d'intérêt commun serait rompu à ses torts exclusifs. La société ACM Patrimonium ne s'est ainsi pas prévalue d'une faute grave imputable à M. [I].
Il découle de ces éléments que le lien contractuel s'est maintenu pendant une durée certaine, alors que la mandante était informée de ce que l'agent commercial ne vivait plus sur l'île de la Réunion. Ils sont restés en lien et ce dernier continuait à se connecter au logiciel de l'agence pendant cette période, comme elle l'a précisé devant le premier juge. Le mandat d'intérêt commun s'est donc poursuivi. L'appelante n'apporte en conséquence pas la preuve de ce que l'intimé a commis une faute d'une telle gravité qu'elle a rendu impossible le maintien du lien contractuel.
La mise en vente de sa résidence principale par l'intimé ainsi que celle d'un autre bien immobilier lui appartenant, éléments relevés par l'appelante comme caractérisant sa mauvaise foi, ne démontrent pas l'existence d'une faute grave dans la mesure où les mandats de vente y afférents ont été signés 26 août 2020 et le 19 janvier 2021, soit avant son départ, mais, surtout, ils ont été confiés à l'appelante elle-même en tant que professionnelle de l'immobilier. Elle était, dès lors, parfaitement informée, avant de mettre en demeure en juillet 2021 M. [I] de respecter le mandat d'intérêt commun de sa volonté de vendre ses biens situés sur l'île de la Réunion et ne démontre pas en quoi cette démarche permet de considérer qu'il a commis une faute grave.
Le transfert du siège de la SCI dont il est le gérant est la conséquence de la volonté de vendre ces biens immobiliers puisqu'initialement le siège de cette société était fixé à l'un de ces biens.
Enfin, il sera relevé que l'exemplaire du mandat n°113 versé à la procédure n'est en réalité signé par aucune des parties, il ne peut pas non plus en être déduit une volonté de dissimulation en l'état.
De même, comme l'a relevé le premier juge, les dispositions contractuelles liant l'intimé à l'appelante ne sont ni limitées géographiquement ni limitées dans le temps. La création par ce dernier d'une nouvelle société spécialisée dans l'immobilier à [Localité 6], en avril 2021, ne peut dès lors être considérée comme un acte de mauvaise foi, son mandat pouvant se poursuivre concomitamment.
Aucun manquement à son devoir de loyauté n'est ainsi non plus caractérisé en l'espèce.
En conséquence, l'intimé n'a pas commis de faute portant une atteinte telle à la finalité commune du mandat d'intérêt commun de nature à rendre impossible le maintien du lien contractuel.
En revanche, il est incontestable que M. [I] a manqué à ses obligations contractuelles en ne signant aucun nouveau mandat et en ne justifiant pas d'actes de prospection à compter du 27 janvier 2021. La rupture du contrat lui est donc uniquement imputable et la résiliation du mandat sera retenue à ses torts exclusifs. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les indemnités de rupture
Selon les dispositions de l'article L 134-11 du code de commerce, lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil. Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu pour le mandant ne doit pas être plus court que celui qui est prévu pour l'agent. Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure.
En vertu des dispositions des articles L 134-12 et L 134-13 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. Cette réparation n'est toutefois pas due en cas de faute grave de l'agent commercial.
La résiliation du mandat étant prononcée aux torts exclusifs de l'intimé, ce dernier peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de rupture de mandat d'intérêt commun. L'appelante ne remet pas en cause la méthode d'évaluation retenue par le premier juge pour en fixer le montant ni la somme retenue.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'une somme de 47 975,95 euros sera allouée à l'intimé à ce titre sauf à remplacer la condamnation prononcée par la fixation de la créance au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de la société ACM Patrimonium.
Sur la demande en dommages et intérêts pour manquement au devoir de loyauté
L'appelante sollicite en cause d'appel que l'intimé soit condamné à lui verser 10 000 euros en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de son manquement de loyauté dans l'exécution du mandat, prétention à l'appui de laquelle il ne développe aucun moyen de fait ou de droit.
En application de l'article 954 du code de procédure civile susvisé elle sera, par conséquent, rejetée.
Sur les autres demandes
Partie perdante, la société ACM Patrimonium sera condamnée à régler les entiers dépens de l'appel sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile, créance qui sera fixée au passif de la procédure collective.
Elle sera déboutée de sa prétention au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la décision à ce titre et quant aux dépens de première instance étant, par ailleurs, confirmée, sauf à voir ces créances fixées au passif de la procédure collective de l'appelante.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré dans l'intégralité de ses dispositions soumises à la cour sauf à remplacer les condamnations prononcées par le premier juge à l'encontre de la société ACM Patrimonium par des fixations de créance au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de celle-ci ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Fixe au passif de la procédure collective de la société ACM Patrimonium la créance de M. [C] [I] au titre de la commission dans le dossier de M. [B] [Z] pour un montant de 10 103,22 euros TTC ;
Fixe au passif de la procédure collective de la société ACM Patrimonium la créance de M. [I] au titre de l'indemnité compensatrice de rupture du mandat d'intérêt commun pour un montant de 47 975,95 euros ;
Fixe au passif de la procédure collective ouverte de la société ACM Patrimonium la créance de M. [I] au titre des entiers dépens, de première instance et d'appel ;
Fixe au passif de la procédure collective ouverte de la société ACM Patrimonium la créance de M. [I] à la somme de 1 500 euros accordée par le premier juge au titre de l'article 700 du code de procédure ;
Rejette la demande de dommages et intérêts au titre du manquement par M. [I] à son devoir de loyauté formée par la société ACM Patrimonium ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
Le présent arrêt a été signé par Madame Séverine LEGER, conseillère faisant fonction de présidente de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.