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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 9 avril 2025, n° 22/19772

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Daniel Jacquemet Assurances (SASU)

Défendeur :

Groupe Mécanique Découpage (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseillers :

Mme Depelley, M. Richaud

Avocats :

Me Fromantin, Me Ruy, Me Zaro, Me Regnier, Me Raskin, Me Girgis

T. com. Lyon, du 18 oct. 2022, n° 2021J0…

18 octobre 2022

FAIT ET PROCÉDURE

La société holding Groupe Mécanique Découpage (ci-après GMD), sous-traitante de l'industrie automobile, est spécialisée dans la fabrication d'équipements automobiles.

Elle entretenait, pour la couverture des risques inhérents à son activité, des relations commerciales avec la société Daniel Jacquemet Assurances (ci-après DJ Assurances), qui exerce l'activité d'intermédiation en assurance. Sa rémunération était générée par les commissions assises sur le montant des primes d'assurance versées par la société GMC dont elle était le courtier et mandataire-conseil auprès des compagnies d'assurance.

Courant 2019, la société GMD a décidé de recourir à un appel d'offres courtiers et a confié au cabinet Brugmann conseil la mise en place du processus. Le cahier des charges établi en juin 2019 a été transmis à la société DJ Assurances.

Le 26 juillet 2019, la société GMD a informé la société DJ Assurances qu'elle allait procéder à la résiliation de l'intégralité de ses polices IARD à échéance du 1er janvier 2020. Par le même courrier, elle lui a communiqué les ordres de remplacement au profit d'un concurrent, la société AON.

La mission de la société DJ Assurances a pris fin au 31 décembre 2019.

Par acte délivré le 16 mars 2021, la société DJ Assurances a assigné la société GMC devant le tribunal de commerce de Lyon pour obtenir réparation du préjudice résultant de la rupture brutale de leur relation commerciale établie.

Par jugement du 18 octobre 2022, le tribunal de commerce de Lyon a :

- débouté la société DJ Assurances de sa demande de dommages-intérêts pour rupture d'un mandat d'intérêt commun,

- jugé qu'il n'y a pas eu rupture brutale de la relation commerciale,

- dit les parties mal fondées quant au surplus de leurs demandes, fins et conclusions, les en déboutant respectivement,

- dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens sont partagés par moitié entre les parties.

La société DJ Assurances a relevé appel du jugement par déclaration au greffe de la cour du 24 novembre 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 23 février 2023, la société DJ Assurances demande à la Cour, au visa de l'article L 442-1 II du code de commerce, de :

1) confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société GMD de ses demandes,

2) infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société DJ Assurances de ses demandes indemnitaires fondées sur la rupture brutale des relations commerciales établies,

3) statuant à nouveau :

- condamner la société GMD à verser à la société DJ Assurances 323.746 ', à titre de dommages-intérêts, en indemnisation de la rupture brutale de la relation commerciale établie,

- condamner la société GMD à verser à la société DJ Assurances 10.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société GMD aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 17 mai 2023, la société GMD demande à la Cour, au visa de l'article L. 442-1 II du code de commerce ainsi que des articles 9 et 14 du code de procédure civile, de :

1) déclarer la société DJ Assurances mal fondée en son appel du jugement rendu le 18 octobre 2022 par le tribunal de commerce de Lyon, l'en débouter ainsi que de toutes ses demandes,

2) confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

3) y ajoutant :

- condamner la société DJ Assurances à payer à la société GMD la somme de 30.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société DJ Assurances aux dépens d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 17 décembre 2024.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

*

* *

MOTIVATION

- Sur la rupture d'un mandat d'intérêt commun

Moyens des parties

La société GMD fait valoir qu'est compris dans le périmètre de la déclaration d'appel le débouté prononcé sur la rupture d'un mandat d'intérêt commun, mais que ce volet n'est à aucun moment mentionné dans les conclusions adverses, ce qui démontre que la société DJ Assurances a admis, entre la déclaration d'appel et la notification des conclusions d'appel, la légèreté d'un tel fondement.

Elle demande la confirmation du jugement, aucun mandat d'intérêt commun, création prétorienne dont elle développe les contours, n'existant en l'espèce entre les parties.

La société DJ Assurances ne conclut pas sur ce chef.

Réponse de la Cour

Par application de l'article 954 du code de procédure civile, il n'y a lieu de statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif, et seuls sont examinés les moyens de ces prétentions invoqués dans la discussion.

Il s'en suit que si chaque partie est libre de limiter dans ses dernières conclusions sa critique à certains des chefs visés dans son appel, la Cour est tenue de confirmer ceux qui sont abandonnés, mais dont elle demeure saisie, l'acte d'appel opérant dévolution des chefs critiqués du jugement.

Au cas présent, la société DJ Assurances, qui sollicité la réformation totale du jugement en critiquant expressément les cinq chefs du dispositif de la décision dans sa déclaration d'appel, ne conclut pas à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour rupture d'un mandat d'intérêt commun.

Ce chef du jugement critiqué dans l'acte d'appel sera en conséquence confirmé, comme sollicité par la société GMD.

- Sur la rupture des relations commerciales établies

L'article L. 442-1 II du code de commerce dispose :

"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois."

Le tribunal de commerce a, dans la décision attaquée, considéré qu'il n'y avait pas eu rupture brutale de la relation en raison de l'appel d'offres lancé en mai 2019, de l'absence de démonstration d'un suivi régulier de sa cliente par DJ Assurances, et de la durée d'environ 6 mois dont cette société a bénéficié pour trouver de nouveaux clients.

Sur la nature de la relation commerciale entre les parties

Moyens et prétentions des parties

La société GMD prétend que la relation commerciale ne présentait pas un caractère stable et établi, permettant à la société DJ Assurances de pouvoir légitimement anticiper sa poursuite. Elle expose en ce sens que la société DJ Assurances ne prouve pas l'existence d'un relation commerciale établie et ininterrompue avec la société GMD depuis 1998. Observant par ailleurs que dès le mois de mai 2019, la société DJ Assurances, qui avait été informée qu'un processus d'appel d'offres serait mis en place, ne pouvait alors ignorer le risque de ne pas remporter cet appel d'offres, elle soutient que la volonté de la société Groupe Mécanique de ne pas poursuivre les relations à compter de la notification de l'appel d'offres pour choisir ses fournisseurs était clairement affichée.

La société DJ Assurances répond que la relation ayant existé entre les parties excluait un quelconque caractère précaire. Elle fait valoir qu'il ressort de l'ancienneté de la relation, supérieure à 20 ans, une stabilité certaine, observe qu'antérieurement à 2019, la société GMD n'avait procédé à aucun appel d'offres, ni à aucune mise en concurrence et soutient que la relation a été ininterrompue et a débuté au plus tard en 1998.

Réponse de la Cour

La relation est établie dès lors qu'elle présente un caractère suivi, stable et habituel laissant entendre à la victime de la rupture qu'elle pouvait raisonnablement anticiper, pour l'avenir, une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial (en ce sens, Com., 15 septembre 2009, n° 08-19.200 qui évoque " la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale ")

En premier lieu, la Cour constate que la société DJ Assurances verse aux débats (pièces n°6 à 9) :

- un rapport de visite du 30 septembre 1998, émis par la compagnie d'assurances Royal & Sunalliance, qui indique que la société DJ Assurances est le courtier mandaté par la société "holding GMD" (le numéro d'immatriculation au RCS mentionné étant celui de la société GMD partie à l'instance) ;

- les conditions particulières d'une police Multirisque Industrielle, signées par la société GMD le 16 août 2004, indiquant comme date d'effet le 1er janvier 2002, mentionnant la société DJ Assurances en qualité d'intermédiaire, et précisant que le contrat est reconduit automatiquement d'année en année et est résiliable annuellement moyennant préavis de 3 mois avant échéance ;

- les dispositions particulières de la police Allianz "Responsabilité Civile des Entreprises Industrielles et Commerciales", qui sont signées par la société GMD, mentionnent la société DJ Assurances comme intermédiaire, datent du 30 mars 2016 et indiquent que le contrat est souscrit pour une durée ferme de 2 ans et qu'à l'issue qu'à l'expiration de la première période d'assurance biennale, le contrat sera ensuite reconduit automatiquement d'année en année par tacite reconduction ;

- la police Helvetia "Assurances des marchandises transportées", dont le souscripteur est la société GMD et qui mentionne la société DJ Assurances en qualité d'intermédiaire, conclu le 18 décembre 2017 pour 24 mois et prévoit un préavis dont la résiliation est de 2 mois avant l'échéance.

La preuve est ainsi rapportée de l'existence d'une relation commerciale stable et continue entre les parties depuis 1998.

En second lieu, la Cour retient que la décision prise par la société GMD pour la première fois en mai 2019 de recourir à un appel d'offres, auquel la société DJ Assurances a été invitée à participer et dont l'issue ne pouvait alors être connue, n'a pu enlever à la relation commerciale son caractère établi.

Ce recours, établi par le versement du cahier des charges rédigé (pièce GMD n°1), n'est documenté par aucun autre élément. L'offre de preuve unique de GMD n'apparait donc pas suffisamment explicite quant à la rupture que l'appel d'offre emportait, et reste imprécise quant à la date de la notification supposée de la rupture.

Sur la brutalité de la rupture

Moyens et prétentions des parties

La société GMD prétend que la notification du recours à un appel d'offres peut valoir notification de la rupture et constituer le point de départ du délai de préavis. Elle en déduit que la société DJ Assurances a bénéficié d'un délai de presque 7 mois, entre mai 2019 et décembre 2019, ce qui correspond à un préavis suffisant et raisonnable, faute pour DJ Assurances de justifier de conditions propres à soutenir un préavis plus élevé.

La société DJ Assurances répond que l'annonce de la mise en place d'un appel d'offres ne fait courir un délai de préavis que si cette annonce comporte la date retenue pour la cessation de la relation commerciale au cas où le choix du donneur d'ordre se porterait sur un autre partenaire commercial. Elle souligne qu'en l'espèce le cahier des charges communiqué par l'intimée n'indique aucune durée de préavis et que c'est seulement par les courriers du 26 juillet 2019 qu'elle a été informée de la date à laquelle son mandat prendrait fin.

Elle fait valoir que c'est un préavis de 18 mois qui aurait dû lui être accordé au regard de l'ancienneté de la relation commerciale, de son degré de dépendance économique et du fait que la recherche de nouveaux mandats est généralement tributaire des renouvellements ou résiliations des polices d'assurances, lesquelles interviennent de manière annuelle jusqu'au 30 octobre (60 jours avant la date anniversaire des polices quasi-systématiquement fixée au 31 décembre).

Réponse de la Cour

L'article L. 442-1 II du code de commerce sanctionne non la rupture, mais sa brutalité qui résulte de l'absence de préavis écrit ou de préavis suffisant. Celui-ci, qui s'apprécie au moment de la notification ou de la matérialisation de la rupture, s'entend du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, soit pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement en bénéficiant, sauf circonstances particulières, d'un maintien des conditions antérieures (en ce sens, Com., 10 février 2015, n° 13-26.414), les éléments postérieurs ne pouvant être pris en compte pour déterminer sa durée (en ce sens, Com, 1er juin 2022, n° 20-18960). Les critères pertinents sont notamment l'ancienneté des relations et les usages commerciaux, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, l'éventuelle exclusivité des relations et la spécificité du marché et des produits et services en cause ainsi que tout obstacle économique ou juridique à la reconversion.

L'état de dépendance économique, pour l'essentiel défini pour les besoins de l'application de l'article L. 420-2 du code de commerce qui n'est pas en débat mais devant être apprécié de manière uniforme en tant que situation de fait servant ici, non de condition préalable mais d'élément d'appréciation d'un rapport de force économique et juridique, s'entend de l'impossibilité, pour une entreprise, de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées avec une autre entreprise (en ce sens, Com., 12 février 2013, n° 12-13.603). Son existence s'apprécie en tenant compte notamment de la notoriété du partenaire et de ses produits et services, de l'importance de sa part dans le marché considéré et dans le chiffre d'affaires de l'autre partie, ainsi que de l'impossibilité pour ce dernier d'obtenir d'autres acteurs des produits et services équivalents (en ce sens, Com., 12 octobre 1993, n° 91-16988 et 91-17090). La possibilité de disposer d'une solution équivalente s'entend de celle, juridique mais aussi matérielle, pour l'entreprise de développer des relations contractuelles avec d'autres partenaires, de substituer à son donneur d'ordre un ou plusieurs autres donneurs d'ordre lui permettant de faire fonctionner son entreprise dans des conditions techniques et économiques comparables (Com., 23 octobre 2007, n° 06-14.981).

Au regard de la fonction du préavis, la date d'appréciation de la suffisance de sa durée est celle de sa matérialisation concrète dans le tarissement du flux d'affaires ou de la notification de la rupture, qui correspond à l'annonce faite par un cocontractant à l'autre de sa volonté univoque de cesser la relation à une date déterminée, seule information qui peut permettre au partenaire délaissé de se projeter et d'organiser son redéploiement ou sa reconversion en disposant de la visibilité indispensable à toute anticipation.

Au cas présent, la seule notification de la mise en place de la procédure d'appel d'offres n'a pu faire courir un délai de préavis, aucune indication n'y étant donnée sur la date de cessation de la relation commerciale pour le cas où la candidature de la société DJ Assurances ne serait pas retenue.

Ce délai n'a commencé à courir qu'à compter du 26 juillet 2019, date à laquelle la société DJ Assurances a été informée par écrit de son remplacement par un autre courtier à compter du 31 décembre 2019. Le partenaire délaissé n'a donc bénéficié que d'un préavis de 5 mois.

Les parties ne livrent aucun élément concret sur la structure du marché et sur l'état de la concurrence que s'y livrent les acteurs économiques. DJ Assurances ne fait par ailleurs état d'aucun investissement dédié à la relation, et n'évoque aucune impossibilité juridique ou matérielle pour l'entreprise de développer des relations contractuelles avec d'autres partenaires. S'il est constant qu'elle a réalisé avec la société GMD 56,7 % de son chiffre d'affaires global en 2018 et 58,7 % en 2019, il n'est pas suffisamment établi, dans ces circonstances, qu'elle se trouvait en situation de dépendance économique.

Eu égard à l'ancienneté des relations démontrée depuis 1998, à la nature de l'activité de courtage liée à la conclusion des contrats d'assurances, et au courant d'affaires élevé réalisé avec la société GMD, c'est un préavis d'un an qui aurait dû être accordé.

L'insuffisance de préavis est donc de 7 mois.

Le jugement est infirmé.

Sur le préjudice résultant de la brutalité de la rupture

Moyens et prétentions des parties

La société DJ Assurances évalue son préjudice sur la base du montant annuel moyen des deux dernières années de ses commissions générées par le portefeuille GMD (en ce compris un contrat en co-assurance Allianz/MMA), lesquelles étaient de 301.478 ' en 2018 et de 296.207 ' en 2019.

La société GMD conteste cette évaluation en objectant qu'il convient de retenir la marge sur coûts variables définie comme la différence entre le chiffre d'affaires dont a été privée la société DJ Assurances sous déduction des charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture.

Elle soutient qu'il convient de prendre en compte l'excédent brut d'exploitation qui résulte du chiffre d'affaires hors taxes généré par l'entreprise et de toutes les dépenses qui ont servi à produire ce chiffre d'affaires. Après avoir précisé que l'excédent brut d'exploitation de la société DJ Assurances a été en moyenne de 280.973,67 ' par an entre 2017 et 2019, et appliqué le pourcentage de 57,7 % du chiffre d'affaires réalisé avec elle par la société DJ Assurances, elle aboutit à la somme de 162.121,81 ' par an, soit 13.510,15 ' par mois.

Réponse de la Cour

En application du principe de la réparation intégrale du préjudice, la victime de celui-ci doit être rétablie, autant que faire se peut, dans la situation qui aurait été la sienne en l'absence de fait dommageable. Ainsi, la notion de marge à retenir est celle qui va correspondre à l'objectif de réparation posé par le principe de réparation intégrale.

Pour réaliser son chiffre d'affaires, l'entreprise engage des charges qui peuvent être de nature variable (achats des marchandises qui seront revendues, achats de sous-traitance, frais du personnel intérimaire, primes d'objectif versées au personnel commercial, honoraires divers') ou de nature fixe (loyer des locaux, assurances, frais de personnel').

Il s'ensuit que le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture de la relation commerciale s'évalue en considération de la marge brute escomptée, c'est à dire la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance du préavis, différence dont pourra encore être déduite, le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période (Com. 28 juin 2023, n°21-16.940).

Au cas présent, la société DJ Assurances verse aux débats deux attestations de son expert-comptable, l'une attestant des chiffres d'affaires réalisés par sa cliente avec GMD en 2018 (301 478 euros) et 2019 (296 207 euros), l'autre attestant que la marge brute réalisée est de 100 % sur ces deux années et précisant que "le taux de marge s'explique par le fait de ne pas reverser de commissions sur ce type de contrat, en effet aucun coût variable ne se rattache au chiffre d'affaires".

GMD, qui propose un autre mode de calcul fondé sur le solde intermédiaire de gestion qu'est l'excédent brut d'exploitation, se limite à critiquer cette attestation en ce qu'elle ne contient selon elle aucune démonstration. Elle reste taisante tant sur les coûts variables que les coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, non évoqués par ce professionnel du chiffre, et que DJ Assurances aurait de son point de vue pu économiser du fait de la brutalité de la rupture.

La Cour retient qu'il résulte en conséquence des débats que le gain manqué mensuel s'élève à (301 478 + 296 207)/24 soit 24 903 euros.

L'insuffisance de préavis étant de 7 mois, la société GMD devra payer à la société DJ Assurances la somme de 174 321' '.

- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La société GMD, qui succombe, doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu d'allouer la somme de 8.000 ' à la société DJ Assurances et de rejeter la demande de la société GMD à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement attaqué en ce qu'il a :

- jugé qu'il n'y a pas eu rupture brutale de la relation commerciale et débouté la société Daniel Jacquemet Assurances de sa demande de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies,

- dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties,

Statuant à nouveau, condamne la société Groupe Mécanique Découpage à payer à la société Daniel Jacquemet Assurances la somme de 174 321 ', à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice résultant de la rupture brutale de la relation commerciale établie,

Confirme le jugement pour le surplus,

Condamne la société Groupe Mécanique Découpage à payer à la société Daniel Jacquemet Assurances la somme de 8.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Groupe Mécanique Découpage de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Groupe Mécanique Découpage aux dépens de première instance et d'appel.

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