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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 10 avril 2025, n° 21/19198

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

M. J

Défendeur :

Totem Events (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Girousse

Avocats :

Me Szleper, Me Maximilien, Me Duault

TJ Paris, 18e ch. sect. 2, du 13 oct. 20…

13 octobre 2021

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 8 juillet 1997, Monsieur [J] [U] et Madame [P] [Z] épouse [U] ont donné à bail commercial à la société Henri Chevreau, à compter du 1er juillet 1997, des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 7].

A la suite de la délivrance d'un commandement de payer visant la clause résolutoire par les consorts [U], un litige a opposé ces derniers à la société Henri Chevreau, laquelle a fait valoir que le bail commercial du 8 juillet 1997 dont se prévalaient les époux [U] était revêtu d'une signature n'étant pas celle de sa gérante Mme [N].

Par arrêt du 27 mai 2015, la cour d'appel de Paris a notamment :

- confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 11 juillet 2013 en ce qu'il a dit que les parties sont liées par un bail verbal portant sur les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 7], cette décision étant motivée par le fait que Mme [N], gérante de la société Henri Chevreau, n'était pas l'auteur de la signature figurant sur le bail ;

- confirmé le jugement en ce qu'il a débouté les époux [U] de leur demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire du bail du 8 juillet 1997, à défaut de bail écrit, et de leur demande de prononcé de la résiliation dudit bail pour cause de manquement à la clause de destination du bail ;

- y ajoutant, condamné la société Henri Chevreau à payer aux époux [U] un arriéré de loyers et de charges de 7.609,28 euros et 32.132,75 euros selon décompte arrêté au mois de décembre 2014.

Par acte sous seing privé du 29 mai 2018, la société Henri Chevreau a cédé son fonds de commerce de café-théâtre et débit de boissons à la société Totem Events.

Le 14 juin 2018, les consorts [U] ont fait opposition sur le prix de vente du fonds de commerce pour avoir paiement d'un arriéré locatif de 44.663,82 euros.

Par acte du 7 novembre 2018, les consorts [U] ont fait signifier à la société Henri Chevreau et à la société Totem Events un acte dénommé « congé comportant dénégation du statut des baux commerciaux et refus de renouvellement sans indemnité d'éviction », à effet au 30 juin 2019. Aux termes de cet acte, le droit au bénéfice du statut commerciaux était dénié, à titre principal à la société Henri Chevreau, et à titre subsidiaire à la société Totem Events, « si [elle] était reconnue locataire en titre ». Parmi les motifs de dénégation du statut des baux commerciaux et de refus de renouvellement sans paiement d'une indemnité d'éviction invoqués par les bailleurs figuraient, notamment, le défaut d'immatriculation de la société Henri Chevreau pour l'activité de café-théâtre exercée dans les lieux et le défaut d'immatriculation de la société Totem Events pour l'exercice de cette activité.

Par acte du 4 mars 2019 dénommé « signification de cession de droit au bail », la société Totem Events a fait signifier aux époux [U] un extrait de l'acte de cession de fonds de commerce du 29 mai 2018. Par acte des 5 et 12 avril 2019, les époux [U] ont fait signifier à la société Henri Chevreau et à la société Totem Events un acte dénommé « opposition à signification de cession de droit au bail » aux termes duquel ils exposaient que la signification de « quatre pages » de l'acte de cession de fonds de commerce ne valait pas signification au sens de l'article 1690 du code civil. Ils rappelaient par ailleurs l'existence du congé signifié le 7 novembre 2018. Le 26 juillet 2019, la société Henri Chevreau a fait signifier aux époux [U] l'intégralité de l'acte de cession de fonds de commerce du 29 mai 2018, hormis les annexes.

Par acte du 21 octobre 2019, les époux [U] ont fait assigner la société Totem Events devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins essentiellement d'expulsion de la société Totem Events et de condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation et de l'arriéré de loyers et charges.

Par jugement du 13 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- dit que le bail verbal conclu entre la société Henri Chevreau et M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] portant sur les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 7] a pris fin le 30 juin 2019 à 24h00 par l'effet du congé signifié le 7 novembre 2018 ;

- condamné la société Totem Events à payer à M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] la somme de 13.171,56 euros à titre d'arriéré de loyer pour la période courant du 29 mai 2018 au 30 juin 2019 ;

- condamné la société Totem Events à payer à M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] la somme de 2.946,27 euros à titre d'arriéré de charges locatives pour la période courant du 29 mai 2018 au 30 septembre 2019 ;

- débouté M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] de leur demande aux fins de voir dire que la société Totem Events n'a pas droit au bénéfice du statut des baux commerciaux en raison d'un défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour l'activité exercée dans les lieux ;

- débouté M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] de leurs demandes d'expulsion de la société Totem Events, de condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun et de désignation d'un expert judiciaire pour déterminer le montant de ladite indemnité ;

- débouté la société Totem Events de sa demande aux fins de voir dire qu'elle est liée à M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] par un bail verbal à compter du 29 mai 2018 ;

- débouté la société Totem Events de sa demande aux fins de voir dire que le bail verbal conclu entre la société Henri Chevreau et M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] a pris effet à compter du prononcé de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, le 27 mai 2015 ;

- débouté la société Totem Events de sa demande aux fins de voir dire que le bail verbal qu'elle a acquis de la société Henri Chevreau le 29 mai 2018 est un bail « tous commerces » ;

- débouté la société Totem Events de sa demande de fixation du loyer à la somme de 925 euros à compter du 1er mars 2019 ;

- débouté la société Totem Events de sa demande de condamnation de M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] à convoquer une assemblée générale pour voter sur des travaux à réaliser dans les lieux loués ;

- débouté la société Totem Events de sa demande de condamnation de M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] au paiement de 15.000 euros de dommages et intérêts ;

- condamné la société Totem Events à payer à M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] la somme totale de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné la société Totem Events aux dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration d'appel du 3 novembre 2021, Monsieur [J] [U] et Madame [P] [Z] épouse [U] ont interjeté appel partiel du jugement en ce qu'il a :

- débouté M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] de leur demande aux fins de voir dire que la société Totem Events n'a pas droit au bénéfice du statut des baux commerciaux en raison d'un défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour l'activité exercée dans les lieux ;

- débouté M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] de leurs demandes d'expulsion de la société Totem Events, de condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun et de désignation d'un expert judiciaire pour déterminer le montant de ladite indemnité ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par conclusions déposées le 28 avril 2022, la société Totem Events a formé un appel incident.

Par conclusions déposées le 3 octobre 2022, les consorts [U] ont soulevé un incident aux fins de condamnation à titre provisionnel de la société Totem Events à payer à Monsieur et Madame [U] à la somme de 42.807,57 euros au titre de l'indemnité d'occupation provisionnelle du 1er juillet 2019 à octobre 2022 inclus. Par ordonnance sur incident du 28 septembre 2023, le conseiller de la mise en état les a déboutés de leur demande de provision.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 avril 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS

Par conclusions déposées le 4 mars 2024, Monsieur [J] [U] et Madame [P] [Z] épouse [U], appelants, demandent à la cour de :

- recevoir Monsieur et Madame [U] en leurs écriture et les déclarer recevables et bien fondées ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté Monsieur et Madame [U] de leur demande aux fins de voir dire que la société Totem Events n'a pas droit au bénéfice du statut des baux commerciaux en raison d'un défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour l'activité exercée dans les lieux ;

- débouté Monsieur et Madame [U] de leurs demandes d'expulsion de la société Totem Events, de condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun et de désignation d'un expert judiciaire pour déterminer le montant de ladite indemnité ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné la société Totem Events à payer à M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] la somme de 13.171,56 euros à titre d'arriéré de loyer pour la période courant du 29 mai 2018 au 30 juin 2019 ;

- condamné la société Totem Events à payer à M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] la somme de 2.946,27 euros à titre d'arriéré de charges locatives pour la période courant du 29 mai 2018 au 30 septembre 2019 ;

- débouté la société Totem Events de sa demande aux fins de voir dire qu'elle est liée à M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] par un bail verbal à compter du 29 mai 2018 ;

- débouté la société Totem Events de sa demande aux fins de voir dire que le bail verbal conclu entre la société Henri Chevreau et M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] a pris effet à compter du prononcé de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, le 27 mai 2015 ;

- débouté la société Totem Events de sa demande aux fins de voir dire que le bail verbal qu'elle a acquis de la société Henri Chevreau le 29 mai 2018 est un bail « tous commerces » ;

- débouté la société Totem Events de sa demande de fixation du loyer à la somme de 925 euros à compter du 1er mars 2019 ;

- débouté la société Totem Events de sa demande de condamnation de M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] à convoquer une assemblée générale pour voter sur des travaux à réaliser dans les lieux loués ;

- débouté la société Totem Events de sa demande de condamnation de M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] au paiement de 15.000 euros de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau,

- débouter la société Totem Events de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- valider le congé délivré à la société Totem Events par Monsieur et Madame [U], le 7 novembre 2018 pour le 30 juin 2019, sans offre de renouvellement avec dénégation du bénéfice du statut des baux commerciaux et motif grave et légitime ;

- juger que le bail verbal conclu entre la société Henri Chevreau et M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] portant sur les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 7] a pris fin le 30 juin 2019 à 24h00 par l'effet du congé signifié le 7 novembre 2018 ;

- juger qu'a la date de délivrance du congé, la société Totem Events ne pouvait bénéficier du statut des baux commerciaux pour les locaux occupés sis [Adresse 2] à [Localité 7] ;

- juger que la société Totem Events ne peut avoir droit au renouvellement de son bail ou indemnité d'éviction pour dénégation du droit au statut des baux commerciaux et pour motifs graves et légitimes ;

- juger qu'à la date de délivrance du congé la société Totem Events n'exploitait pas le même fonds qu'au cours des trois dernières années précédant la date à laquelle le congé a été donné ;

- juger que la société Totem Events n'était pas immatriculée, tant au jour du congé qu'à sa prise d'effet, au titre de l'activité réellement exercée dans les lieux loués. : café-théâtre, art vivant du spectacle ;

- juger que le non-paiement des loyers depuis son entrée dans les lieux constitue un motif réitéré, grave et légitime justifiant le congé pour refus du renouvellement sans indemnité d'éviction ;

En conséquence,

- prononcer la validation du congé délivré à la société Totem Events par Monsieur et Madame [U], le 7 novembre 2018 pour le 30 juin 2019, sans offre de renouvellement avec dénégation du bénéfice du statut des baux commerciaux et pour motif grave et légitime ;

- juger que le défaut réitéré de paiement par la société Totem Events du loyer, des charges et indemnité d'occupation depuis son entrée en possession des lieux est d'une extrême gravité, gravité renouvelée et justifie la résiliation judiciaire du bail verbal ;

- juger que les nuisances sonores imposées par la société Totem Events sont graves et fautives et justifient la résiliation judiciaire du bail verbal ;

- juger que la cessation de toute exploitation des lieux est constitutive d'une faute grave et répétée, laquelle justifie la résiliation judiciaire du bail verbal ;

- juger que les manquements de la société Totem Events sont d'une particulière gravité, et justifient la résiliation judiciaire du bail verbal liant les parties ;

- prononcer la résiliation judiciaire du bail verbal ;

En conséquence,

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation des lieux occupés à la somme de 2.400 euros TTC par mois hors charges, à compter de la résiliation judiciaire du bail et jusqu'à la libération effective et restitution des lieux par la remise des clés ;

- prononcer l'expulsion de la société Totem Events, ainsi que de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 2] à [Localité 7], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, à compter du prononcé de la décision à intervenir ;

- ordonner, à défaut de restitution volontaire des lieux à compter de la signification de l'arrêt, l'expulsion de la société Totem Events, ainsi que de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 2] à [Localité 7], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

- autoriser la séquestration des meubles et facultés mobilières pouvant se trouver dans les lieux loués, soit dans l'immeuble, soit dans un garde-meuble, au choix de la concluante, aux frais, risques et périls de la société Totem Events ;

En tout état de cause,

- condamner la société Totem Events à payer à Monsieur et Madame [U] la somme de 13.171,56 euros au titre des loyers dus, à compter de la prise de possession des lieux, date de la cession 29 mai 2018 au 30 juin 2019 ;

- condamner la société Totem Events à payer à Monsieur et Madame [U] la somme de 2.946,27 euros au titre des charges dues, à compter de sa prise de possession des lieux, date de la cession 29 mai 2018 au 30 septembre 2019 ;

- condamner la société Totem Events au paiement de la somme de 14.157,85 euros au titre des charges générales de copropriété pour la période du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2023 ;

- assortir ces sommes d'intérêts au taux légal, et ce à compter du jugement du 13 octobre 2021 ;

- condamner la société Totem Events à payer à Monsieur et Madame [U] la somme de 62.564,91 euros au titre des indemnité d'occupation mensuelles dues depuis le 1er juillet 2019 à mars 2024 inclus ;

- condamner la société Totem Events à payer à Monsieur et Madame [U] la somme de 60.000 euros au titre de dommages et intérêts ;

- ordonner l'anatocisme ;

- condamner la société Totem Events au paiement de la somme de 25.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Totem Events aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 5 février 2024, la société Totem Events, intimée, demande à la Cour de :

- déclarer recevable et bien fondé la société Totem Events en son appel incident et en ses entiers moyens ;

- débouter Monsieur et Madame [U] de leur appel et de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- débouter Monsieur et Madame [U] de leur demande de résiliation judicaire du bail ;

- juger que l'arrêt du 27 mai 2015 de la cour d'appel de Paris est revêtue de l'autorité de la chose jugée ;

- juger que ledit arrêt a qualifié le bail de bail verbal ;

- juger que le statut des baux commerciaux ne s'applique qu'en ses dispositions d'ordre public ;

- juger que la cession est parfaitement opposable aux bailleurs ;

- infirmer le jugement du 13 octobre 2021 en ce qu'il a :

- dit que le bail verbal conclu entre la société Henri Chevreau et M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] portant sur les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 7] a pris fin le 30 juin 2019 à 24h00 par l'effet du congé signifié le 7 novembre 2018 ;

- débouté la société Totem Events de sa demande aux fins de voir dire qu'elle est liée à M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] par un bail verbal à compter du 29 mai 2018 ;

- débouté la société Totem Events de sa demande aux fins de voir dire que le bail verbal conclu entre la société Henri Chevreau et M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] a pris effet à compter du prononcé de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, le 27 mai 2015 ;

- débouté la société Totem Events de sa demande aux fins de voir dire que le bail verbal qu'elle a acquis de la société Henri Chevreau le 29 mai 2018 est un bail « tous commerces » ;

Statuant à nouveau,

- juger que les parties sont bien liés par un nouveau bail verbal à compter du 29 mai 2018 compte tenu de leur accord sur la chose et le prix ;

- juger que les échanges entre les parties démontrent qu'il ne s'agissait pas de simples pourparlers ;

- juger que le congé délivré le 7 novembre 2018 doit être déclaré nul et de nul effet et qu'il n'a donc pas mis un terme au bail ;

- juger qu'en l'absence de clauses sur la destination du bail, quel que soit celui qui sera retenu, il est à destination « tous commerces » ;

A titre subsidiaire,

- juger pour le cas où par extraordinaire la conclusion du nouveau bail n'était pas retenue, que la durée du bail de 9 ans ne peut avoir débuté qu'à compter du prononcé de l'arrêt qui a mis un terme au bail écrit contesté ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [U] de leur demande tendant à ce que la société Totem Events n'ait pas droit au bénéfice du statut des baux commerciaux ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [U] de leurs demandes tendant à l'expulsion de la société Totem Events, mais aussi de désignation d'un expert judiciaire et de condamnation à ce que la société Totem Events verse une indemnité d'occupation ;

A titre subsidiaire pour l'indemnité d'occupation et l'indemnité d'éviction,

- si par extraordinaire l'indemnité d'occupation devait être fixée, elle ne pourrait l'être qu'après désignation d'un expert, dont les honoraires seraient mis à la charge du bailleur ;

- juger que s'agissant d'un bail verbal, aucune signification la cession ne pouvait être imposée ;

- juger qu'en l'absence de dispositions contractuelles et de dispositions d'ordre public ayant trait au délai de signification de la cession ainsi que de la nécessité de notifier l'entier acte de cession, la signification du 4 mars 2019 doit être déclaré avoir son plein effet ;

- infirmer le jugement du 13 octobre 2021 en ce qu'il a :

- condamné la société Totem Events à payer à M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] la somme de 13.171,56 euros à titre d'arriéré de loyer pour la période courant du 29 mai 2018 au 30 juin 2019 ;

- condamné la société Totem Events à payer à M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] la somme de 2.946,27 euros à titre d'arriéré de charges locatives pour la période courant du 29 mai 2018 au 30 septembre 2019 ;

Statuant à nouveau,

- juger que la société Totem Events conteste totalement le décompte transmis qui ne retranscrit pas les règlements intervenu et encaissés ;

- juger que le solde dû de 57076,76 euros est non justifié par un décompte ;

- juger que les bailleurs ne sont pas plus fondés à solliciter la condamnation de la société Totem Events au titre des charges, qu'en effet, outre l'absence d'éléments probatoires, les bailleurs ne justifient d'aucune reddition de charges ;

- juger que la créance du bailleur n'est ni certaine, ni exigible ou liquide ;

- infirmer le jugement du 13 octobre 2021 en ce qu'il :

- débouté la société Totem Events de sa demande de condamnation de M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] à convoquer une assemblée générale pour voter sur des travaux à réaliser dans les lieux loués ;

Statuant à nouveau,

- condamner Monsieur et Madame [U] à saisir le syndicat de copropriétaires pour tous les travaux nécessaires tels que sollicitée par la société Totem Events et à réclamer la convocation d'une assemblée générale extraordinaire ;

- condamner à cet effet Monsieur et Madame [U] sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- en application de l'article L. 131-3 du code de procédures civiles d'exécution votre juridiction restera saisie de l'affaire dans le cadre de la liquidation de l'astreinte ;

- juger que les bailleurs ont failli à leur obligation de délivrance ;

- juger que le montant du loyer hors taxe sera réduit de moitié à compter du 1er mars 2019 et sera donc fixé à la somme de 925,00 euros (neuf cents vingt-cinq), dans l'hypothèse où il serait jugé qu'un nouveau bail verbal s'est bien formé entre les parties où 457,49 euros sur la base du précédent bail et ce, jusqu'à la parfaite réalisation des travaux ;

- condamner Monsieur et Madame [U] à verser à la société Totem Events la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêt sur le fondement des articles 1217 et 1231-1 du code civil ;

- condamner Monsieur et Madame [U] à verser à la société Totem Events la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1. Sur le contrat de bail liant les parties

Il résulte de l'arrêt confirmatif rendu par la cour d'appel de Paris le 27 mai 2015 que les consorts [U] étaient liés à la société Henri Chevreau par un bail verbal portant sur les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 7]. C'est à juste titre qu'au regard de la date d'entrée en jouissance de la société Henri Chevreau, le jugement déféré a fixé la date d'effet de ce bail au 1er juillet 1997 et non à la date de l'arrêt précité consacrant l'existence de ce bail et condamnant la locataire au paiement d'un arriéré de loyer. A l'expiration d'une durée de neuf ans, ce bail s'est tacitement prorogé. C'est également à juste titre qu'au regard des pièces du dossier, le jugement déféré a considéré que le loyer mensuel dû aux termes de ce bail verbal s'élève à 914,69 euros HT (1.097,63 euros TTC).

S'agissant d'un bail commercial, en application de l'article L. 145-1 du code de commerce, il est soumis aux dispositions du chapitre de ce code relatif au statut des baux commerciaux, tant d'ordre public que supplétives fautes de stipulations contractuelles contraires.

La société Henri Chevreau a cédé son fonds de commerce à la société Totem Events le 29 mai 2018.

Selon le paragraphe 4.1.3.de l' « acte réitératif pris en application du protocole du 21 juin 2017 constatant la réalisation de l'acquisition par la société Totem Events du fonds de commerce de l'EURL Henri Chevreau » du 29 mai 2018, la cession du fonds de commerce porte notamment sur « le droit au bail portant sur le bien immobilier ». Il ressort de cet acte que le protocole du 22 juin 2017, non produit, avait prévu la signature d'un bail commercial entre l'acquéreur et le propriétaire des murs, que cette condition serait réalisée et que l'acquéreur aurait renoncé au bénéfice de toutes les conditions suspensives non réalisées.

La société Totem Events soutient qu'il se déduit des échanges de courriels entre eux qu'un nouveau bail se serait créé entre les époux [U] et elle à la date de la cession du fonds de commerce le 29 mai 2018 .Il convient d'adopter la motivation détaillée du jugement déféré, à laquelle il est renvoyé, ayant considéré que l'existence alléguée par la société Totem Events d'un nouveau bail verbal à compter du 29 mai 2018 n'est pas établie, les échanges de courriels entre les parties révélant l'absence d'accord sur des éléments essentiels du contrat tels que la destination contractuelle des lieux loués et la répartition des charges et taxes. La circonstance que la société Totem Events ait notifié au vendeur du fonds sa renonciation à l'ensemble des conditions suspensives et la mention dans l'acte de cession que celle relative à la conclusion d'un nouveau bail serait réalisée ne permettent pas de démontrer qu'un nouveau contrat de bail se serait nécessairement conclu entre les bailleurs et la cessionnaire du fonds, alors que les termes de leurs courriels révèlent l'absence d'accord sur les conditions essentielles d'un nouveau contrat de bail. La société Totem Events a d'ailleurs écrit aux consorts [U] le 23 mai 2018 leur indiquant faute d'accord des parties sur les conditions d'un nouveau bail : « nous sommes confortables pour faire l'acquisition du fonds de commerce avec un bail verbal ». Les parties sont donc restées liées par le bail verbal initial de 1997 qui s'est tacitement prolongé au-delà de son terme le 30 juin 2006.

Les consorts [U], se prévalent des dispositions de l'article 1690 du code civil, applicables également en cas de bail verbal, selon lesquelles « le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport fait au débiteur » ou peut également être saisi « par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique », pour soutenir que la cession du bail qui ne leur a été signifiée que le 26 juillet 2019, après la prise d'effet du congé, leur serait inopposable. Toutefois, le débiteur cédé qui a su et a accepté, même tacitement, la cession de créance de façon certaine et non équivoque ne peut se prévaloir du défaut des formalités prévues par l'article 1690.

Or, en l'espèce, dans l'assignation qu'ils ont fait délivrer le 21 octobre 2019 à la société Totem Events, les consorts [U] se prévalent du bail les liant à cette société puisqu'ils demandent de déclarer recevable le congé délivré à cette dernière, de lui dénier le statut des baux commerciaux faute d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour l'activité réellement exercée dans les locaux loués, de la condamner au paiement des loyers et charges dus depuis la prise de possession des lieux soit la date de la cession le 29 mai 2018, et de la dire occupante sans droit ni titre et débitrice d'une indemnité d'occupation seulement depuis la dette d'effet du congé, soit le 30 juin 2019. Au surplus, les bailleurs ont fait opposition entre les mains du séquestre sur le prix de la cession du fonds de commerce afin d'obtenir le paiement de l'arriéré de loyer dû par la cédante par acte d'huissier du 14 juin 2018 dans lequel ils indiquent « la vente du fonds de commerce a lieu au profit de Totem Events, a été publiée au B.O.D.A.C. le 06/06/2018 ».

C'est donc à juste titre que le jugement déféré, constatant qu'il résulte de la formulation des prétentions des consorts [U] qu'ils considèrent sans équivoque la société Totem Event comme leur locataire en titre redevable d'un loyer jusqu'à la date d'effet du congé, a considéré qu'ils n'étaient pas fondés à soutenir que la cession du bail leur serait inopposable. Cette cession intervenue dans le cadre de la cession du fonds de commerce du 29 mai 2018 est opposable aux bailleurs.

2. Sur les effets du congé signifié le 7 novembre 2018

Le 7 novembre 2018, les consorts [U] ont délivré à la société Totem Events un congé pour le 30 juin 2019 comportant dénégation du statut des baux commerciaux et refus de renouvellement sans indemnité d'éviction. Le bail a donc pris fin le 30 juin 2019.

Dès lors que le bail verbal liant les parties a pris effet le 1er juillet 1997 et non le 27 mai 2015 ni le 29 mai 2018 comme le prétend la société Totem Events, Elle n'est pas fondée à soutenir que le congé du 7 novembre 2018 serait nul faute de respecter la durée de neuf années prévues pour les baux commerciaux par l'article L. 145-4 du code de commerce.

Elle conteste également la motivation de ce congé.

2.1. Sur la dénégation du statut

Dans ce congé, les consorts [U] dénient le statut des baux commerciaux à la Société Henri Chevreau et subsidiairement à la société Totem Events en application de l'article L. 145-8 du code de commerce au motif qu'au jour du congé et de celui de sa prise d'effet, elles ne sont pas immatriculées au titre de l'activité réellement exercée dans les lieux loués puisqu'elles exploitent une activité de café-théatre, que selon leur immatriculation au registre du commerce l'activité de la première est « bar brasserie restaurant » et celle de la seconde est « l'organisation, la promotion et la gestion d'évènements, hors spectacles vivants. La gestion et tenue d'un débit de boissons et la fourniture de repas ».

Contrairement à ce que soutient la société Totem Events, il ne se déduit pas du fait qu'il s'agisse en l'espèce d'un bail verbal que la destination en serait « tout commerce » sans réserve et l'arrêt du 27 mai 2015 n'a nullement statué en ce sens. Dans un bail verbal, la destination des lieux doit être présumée d'après les circonstances. Or, ainsi que l'a déjà observé l'arrêt du 27 mai 2015, il ressort des éléments du dossier et n'est pas contesté que lors de la conclusion du bail la société Henri Chevreau exploitait dans les locaux, conformément à ses statuts, l'activité de bar, brasserie, restauration avant de les donner en location gérance et qu'y soit exploité ensuite l'activité de café-théatre. Les parties se sont donc accordées lors de la conclusion du bail verbal en 1997 sur l'exercice d'une activité de bar, brasserie, restauration et, à tout le moins, d'une activité adaptée aux locaux loués, l'exercice ultérieur de l'activité de café-théatre n'a pas été de nature à modifier la destination contractuelle. Le jugement déféré a donc considéré à juste titre que la société Totem Events, désormais propriétaire du fonds de commerce, dont l'extrait Kbis édité le 4 novembre 2018, soit concomitamment à la délivrance du congé litigieux, mentionne les activités suivantes « l'organisation, la promotion et la gestion d'évènements, hors spectacles vivants. La gestion et tenue d'un débit de boissons et la fourniture de repas » était bien immatriculée lors de la délivrance du congé et sa prise d'effet pour l'activité contractuellement admise de bar, brasserie, restauration. Il convient, en conséquence, de confirmer ce jugement en ce qu'il a débouté les consorts [U] de leur demande aux fins de voir dire que la société Totem Events n'aurait pas droit au statut des baux commerciaux pour défaut d'immatriculation.

Par ailleurs, il n'est pas démontré que la société Totem Events cessionnaire du fonds de commerce et la société Henri Chevreau qui lui a cédé ce fonds ne l'auraient pas exploité au cours des trois dernières années ayant précédé la date pour laquelle le congé a été donné. Il résulte au contraire de différentes pièces produites, notamment par les bailleurs, des constats d'huissier, du rapport d'étude de l'acousticien du 20 novembre 2018 et de l'extrait de presse du 3 septembre 2017 que les locaux ont été exploités par ces deux sociétés pour une activité de prestations théâtrales et d'évènements festifs ainsi que de bar restaurant. Il est inopérant de faire valoir que l'extrait K bis de la société Totem Events exclut l'activité de « spectacle vivant » contrairement à l'activité effectivement exercée.

Il résulte de ces éléments que la locataire étant valablement immatriculée et les locaux ayant été exploités durant les trois années précédant le congé, ce congé délivré le 7 novembre 2018 n'est pas valablement motivé en ce qu'il dénie le statut des baux.

2.2. Sur le motif grave et légitime

Le congé délivré le 7 novembre 2018 refusant le renouvellement sans indemnité d'éviction est également fondé sur « le motif grave et légitime résultant du non-paiement des loyers »

Selon l'article 1728 du code civil le paiement du loyer aux termes convenus est l'une des principales obligations du locataire.

Les bailleurs produisent le relevé de compte locataire de la société Totem Events établi le 1er septembre 2020 par leur gérant, la société Directgestion, pour la période du 29 mai 2018 au mois de septembre 2020 dont il résulte qu'aucun loyer n'avait été réglé à la date de délivrance du congé le 7 novembre 2018, soit un solde débiteur de 6.692 euros à cette date correspondant à six échéances mensuelles impayées.

La société Totem Events à qui incombe la charge de prouver qu'elle s'est acquittée de son obligation de payer le loyer et les charges, se prévaut d'une lettre recommandée qu'elle a adressée à ses bailleurs le 1er avril 2019 et du relevé de compte bancaire selon lesquels il lui a été débité sept échéances de loyers. Cependant, il ne résulte pas de ce courrier postérieur à la date du congé délivré le 7 novembre 2018 que les six premières échéances auraient été payées à cette date. Au surplus, à la date de la lettre du 1er avril 2019 dix échéances ont couru depuis la cession du fonds le 29 mai 2018 et la bailleresse soutient n'en avoir payé que sept.

Le non-respect durant plusieurs mois par la locataire de son obligation essentielle de payer le loyer constitue un motif grave et légitime de délivrer un congé sans indemnité d'éviction. Il convient de donner effet au congé délivré le 7 novembre 2018 sans indemnité d'éviction et de rejeter la demande de la société Totem Evens tendant à voir déclarer ce congé nul. Il en résulte que la société Totem Events n'avait pas droit au maintien dans les lieux et qu'elle se trouvait sans droit ni titre dans les locaux à compter du 1er juillet 2019.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le bail verbal liant les consorts [U] à la société Totem Events a pris fin le 30 juin 2019 à 24 heures par l'effet du congé signifié le 7 novembre 2018 mais sera infirmé en ce qu'il a débouté les consorts [U] de leurs demandes d'expulsion et de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation.

Il convient d'ordonner l'expulsion de la société Totem Events à défaut de libération volontaire des lieux dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte le concours de la force publique étant suffisant, et de la condamner au paiement d'une indemnité d'occupation.

La bailleresse sollicite à ce titre une indemnité mensuelle hors charge de 2.000 euros HT et 2.400 euros TTC outre les charges de copropriété et sollicite sur la base des régularisations annuelles de charges établies par le syndic de copropriété les sommes de 2.946,27 euros correspondant aux charges récupérables afférentes aux locaux loués pour la période du 29 mai 2018 au 30 septembre 2019 ainsi que 14.157,85 euros au titre des charges pour la période du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2023.

Il apparaît justifié de fixer le montant de l'indemnité d'occupation principale due à compter du 1er juillet 2019 au montant du loyer convenu dans le bail verbal soit 914,69 euros HT et 1.097,63 euros TTC, le montant supérieur réclamé par les bailleurs n'étant pas justifié, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner l'expertise sollicitée par la société Totem Events. Dès lors que cette dernière n'a pas droit au paiement d'une indemnité d'éviction sa demande aux fins de voir désigner un expert pour la fixer est sans objet et sera rejetée.

Les bailleurs ayant demandé les seules charges récupérables dans leurs demandes relatives à la période du 29 mai 2018 au 30 septembre 2019, conformément aux usages supplétifs en l'absence de clause contractuelle imposant d'autres charges aux preneurs, il convient de dire qu'outre l'indemnité d'occupation principale la société Totem Events devra également payer à titre d'indemnité d'occupation les charges récupérables afférentes aux locaux loués telles que fixées dans les comptes de régularisation annuelle du syndic de copropriété.

Dès lors que le bail a cessé par l'effet du congé, il n'y a pas lieu d'examiner les griefs dont font état les bailleurs à l'appui de leur demande de résiliation du bail.

3. Sur les manquements reprochés aux bailleurs

La société Totem Events reproche notamment aux consorts [U] un manquement à leur obligation de délivrance au motif que les locaux ne répondent pas aux normes et aux objectifs du nouveau preneur, et qu'ils n'ont pas sollicité l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble une demande d'autorisation pour réaliser les travaux nécessaires afin d'éviter de causer des troubles de voisinage.

Cependant, comme exposé ci-dessus, il ressort des éléments du dossier que le bail verbal consenti en 1997, jamais modifié sur ce point, portait sur une activité de bar, café, restaurant. Dès lors il n'est pas établi que lors de la conclusion du bail les locaux auraient été destinés à l'exploitation d'un café-théatre et d'évènements festifs susceptible d'émettre des sons amplifiés. Il résulte, au contraire, des éléments du dossier, que les locaux ne sont pas adaptés à l'exercice de telles activités pourtant exercées en cours de bail sans autorisation des bailleurs. La locataire ne peut donc reprocher à ces derniers de ne pas solliciter l'autorisation de la copropriété ni de ne pas entreprendre les travaux nécessaires à la mise aux normes des locaux pour de telles activités non autorisées au bail. La demande de condamnation sous astreinte à réaliser des travaux et obtenir l'accord de la copropriété sera rejetée, de même que la demande de la société Totem Events tendant à voir diminuer le loyer en le divisant par deux pour manquement à l'obligation de délivrance.

4. Sur la dette locative

Ainsi que l'a justement relevé le jugement déféré, il ressort des éléments du dossier que le loyer du bail verbal en cause s'élevait à 914,69 euros HT (1.097,63 euros TTC).

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er avril 2019 adressée aux consorts [U] , la société Totem Events leur reprochait de ne pas avoir encaissé les chèques de réglement de loyers adressés chaque mois, donnait les numéros de six chèques et joignait un nouveau chèque de 1.850 euros dont la copie est produite, ce montant correspondant à celui envisagé par les parties lors des pourparlers. Par lettre du 9 mai 2019, la société Directgestion, mandataire des bailleurs, écrivait « Monsieur et madame [U] me remettent des chèques en notre qualité de mandataire de gestion immobilière. Nous vous indiquons procéder à leur encaissement à titre d'indemnité d'occupation (') » . Il apparaît donc que des règlements ont été effectivement perçus et encaissés pour le compte des bailleurs sans délivrance de quittances ni mention de ces paiements sur les comptes établis par les bailleurs. Or, la société Totem Events produit un relevé bancaire dont il résulte que le 10 mai 2019, soit le lendemain de la lettre de la société Directgestion, sept chèques de 1.850 euros, soit un total de 12.950 euros ont été débités du compte bancaire de la locataire. Faute pour les bailleurs d'établir le montant des chèques que leur mandataire déclare avoir encaissés le 9 mai 2019 et en l'absence de décompte exact donné par les bailleurs, il se déduit des pièces produites que la société Totem Events a payé la somme de 12.950 euros qu'il convient de retrancher du montant total des loyers dus à la date d'effet du congé, de 13.171,56 euros (12 X1.097,63), soit une somme restant due de 221,56 euros par la société Totem Events.

Il convient donc d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée au paiement de 13.171,56 euros au titre de son arriéré de loyer pour la période du 29 mai 2018 au 30 juin 2019 et de condamner la société Totem Events à payer la somme de 221,56 euros au titre du loyer restant dû pour cette période, avec intérêts au taux légal à compter du jugement soit le 13 octobre 2021 comme demandé par les bailleurs.

Il convient de condamner la société Totem Events au paiement à compter du1er juillet 2019 jusqu'à la restitution des locaux d'une indemnité d'occupation mensuelle de 914,69 euros HT (1.097,63 euros TTC). Il n'y a pas lieu d'en faire d'ores et déjà le décompte.

Il ressort des pièces produites notamment des appels de régularisation annuelle de charges émis par le syndic de copropriété que le montant des charges de copropriété récupérables pour la période du 29 mai 2018 au 30 septembre 2019 s'élevait à la somme de 2.946,27 euros. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Totem Events au paiement de cette somme, qui portera intérêts au taux légal à compter de cette décision soit le 13 octobre 2021 comme demandé par les bailleurs.

Les époux [U] sollicitent la somme de 14.157,85 au titre des charges pour la période du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2023. Toutefois, il ressort des comptes de régularisation de charges annuels émis par le syndic de l'immeuble que ce montant correspond au total des charges appelées auprès des bailleurs et non à celui des seules charges récupérables. Comme exposé ci-dessus, ce sont les charges récupérables dont les montants sont détaillés sur les relevés de syndic qui sont dues par la locataire. Il convient donc de rectifier la somme réclamée et de condamner la société Totem Events au paiement des charges récupérables sur cette période, soit la somme de 7.257 euros et pour le surplus de la condamner à payer les charges récupérables justifiées par les comptes de régularisation annuelle du syndic afférentes aux locaux loués dues à compter du 1er octobre 2023 jusqu'à la restitution des locaux en cause.

Les indemnités d'occupation principales et au titre des charges porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt qui les fixe pour celles déjà échues et à compter de leur échéance pour celles à échoir.

5. Sur la demande de dommages et intérêts des consorts [U]

Les consorts [U] sollicitent la condamnation de la société Totem Events à leur payer la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts au motif que les locaux auraient une valeur locative mensuelle de 2.500 euros en 2018, d'ailleurs évaluée par la preneuse à 2.000 euros lors des négociations, et qu'ils subissent un manque à gagner du fait de la mauvaise foi de cette dernière et des conditions de son entrée dans les lieux.

L'allocation d'une somme à titre de dommages et intérêts suppose la démonstration de l'existence d'une faute contractuelle ou délictuelle, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et ce préjudice.

Il ressort des éléments exposés ci-dessus que le contrat de bail verbal en cause fixant le loyer à 914,69 euros HT par mois a été cédé en même temps que le fonds de commerce le 29 mai 2018, que cette cession est opposable aux bailleurs, que la négociation engagée par ces derniers et la société Totem Events prévoyant notamment une augmentation du loyer n'a pas abouti, de sorte que le montant du loyer du bail cédé n'a pas été modifié. Il résulte du principe de la liberté contractuelle consacré par les dispositions de l'article 1102 du code civil qu'il ne peut être reproché à une partie de ne pas conclure un contrat après des pourparlers, sauf abus de droit. Or, en l'espèce, les consorts [U] ne caractérisent pas l'existence d'un tel abus. De sorte que faute pour eux de démontrer l'existence d'une faute de la société Totem Events à cet égard, ils ne sont pas fondés à solliciter à titre de dommages et intérêts la différence entre le montant du loyer contractuel et celui qu'ils avaient espérés lors des négociations ou qu'ils estimeraient juste. Par ailleurs, le contrat de bail ayant été valablement cédé avec le fonds de commerce, la démonstration n'est pas faite d'une mauvaise foi ni d'une « entrée dans les lieux par putsch » fautive de la part de la locataire. Les consorts [U] seront donc déboutés de leur demande formée à titre de dommages et intérêts.

6. Sur la demande de dommages et intérêts de la société Totem Events

La société Totem Events sollicite la condamnation des consorts [U] à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en invoquant différents motifs.

Comme déjà exposé ci-dessus, dès lors qu'il n'était pas convenu lors de la conclusion du bail initial qu'une activité de café-théatre serait exercée dans les locaux, il ne peut être reproché aux bailleurs de ne pas avoir réalisé les interventions nécessaires afin que les locaux soient adaptés à cette activité. Il n'y a donc pas eu un manquement à l'obligation de délivrance susceptible de fonder leur condamnation au paiement de dommages et intérêts.

La délivrance d'un congé et l'exercice d'une action en justice sont des droits qui ne dégénèrent en abus que si la preuve est rapportée d'une intention de nuire ou d'une faute lourde équipolente au dol. Une telle preuve n'est pas rapportée en l'espèce, et ce, d'autant moins qu'il est fait partiellement droit aux demandes des époux [U].

Il convient donc de débouter la société Totem Events de sa demande de dommages et intérêts.

7. Sur les autres demandes

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir 'juger', lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions visant à confèrer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Il convient de dire que les intérêts échus au moins pour une année entière produiront intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Il convient de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens, à l'exécution provisoire et aux frais irrépétibles mis à la charge de la société Totem Events.

La société Totem Events qui succombent partiellement en appel sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel. Elle sera condamnée à payer aux consorts [U] une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande fondée sur ce texte.

Les autres demandes seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 13 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris (RG 19/12758) en ce qu'il a débouté les consorts [U] de leurs demandes d'expulsion de la société Totem Events et de condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité d'éviction de droit commun et en ce qu'il a condamné la société Totem Events à payer à M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] la somme de 13.171,56 euros à titre d'arriéré de loyers pour la période courant du 29 mai 2018 au 30 juin 2019, le confirme en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la somme de 2.946,27 euros allouée au titre de l'arriéré de charges dues au 30 septembre 2019 par le jugement déféré, confirmé sur ce point, portera intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2021,

Condamne la société Totem Events à payer à M. [J] [U] et Mme [P] [Z] épouse [U] la somme de 221,56 euros à titre d'arriéré de loyers pour la période courant du 29 mai 2018 au 30 juin 2019 avec intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2021,

Dit que par l'effet du congé comportant refus de renouvellement sans indemnité d'éviction pour motif grave et légitime délivré par les consorts [U] le 7 novembre 2018, la société Totem Events n'a plus ni droit ni titre à occuper les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 7] depuis le 1er juillet 2019,

Ordonne, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les deux mois de la signification du présent arrêt, l'expulsion de la société Totem Events et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 2] à [Localité 7] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

Dit, que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Condamne la société Totem Events à payer aux consorts [U] une indemnité d'occupation mensuelle de 914,69 euros HT (1.097,63 euros TTC), à compter du 1er juillet 2019 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt pour les indemnités d'occupation déjà échues et à compter de leur échéance pour celles à échoir,

Condamne la société Totem Events à payer aux consorts [U] la somme de 7.257 euros au titre des charges récupérables pour la période du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2023et pour le surplus, à leur payer les charges récupérables justifiées par les comptes de régularisation annuelle du syndic afférentes aux locaux loués dues à compter du 1er octobre 2023 jusqu'à la restitution des locaux en cause, les sommes ainsi dues porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt celles déjà échues et à compter de leur échéance pour celles à échoir,

Dit que les intérêts échus au moins pour une année entière produiront intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Rejette la demande de la société Totem Events aux fins de voir ordonner une expertise,

Déboute la société Totem Events de sa demande aux fins de voir condamner les consorts [U] sous astreinte à saisir le syndicat de copropriétaires pour tous les travaux nécessaires tels que réclamés par cette société et à réclamer la convocation d'une assemblée générale extraordinaire,

Déboute toutes les parties de leurs demandes de dommages et intérêts,

Condamne la société Totem Events à payer à Monsieur [J] [U] et Madame [P] [Z] épouse [U] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Totem Events de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes,

Condamne la société Totem Events aux dépens de la procédure d'appel.

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