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Décisions

CA Versailles, ch. soc. 4-6, 10 avril 2025, n° 23/00687

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 23/00687

10 avril 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 AVRIL 2025

N° RG 23/00687 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VXJ5

AFFAIRE :

[F] [S]

C/

S.A.S.U. GENERAL SECURITY

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Décembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : AD

N° RG : 21/00521

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Aurélie MARTINIE

Me Pierre RELMY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX AVRIL DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [F] [S]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Aurélie MARTINIE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E200

APPELANT

****************

S.A.S.U. GENERAL SECURITY

N° SIRET : 802 078 451

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Pierre RELMY, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Février 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Présidente,

Madame Véronique PITE, Conseillère,

Madame Odile CRIQ, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCEDURE,

M. [F] [S] a été engagé en qualité d'agent cynophile, par la société Générale Security, selon contrat à durée déterminée du 29 octobre 2018 renouvelé le 2 janvier 2019 puis selon contrat de travail à durée indéterminée du 25 mars 2019.

La société Générale Security est spécialisée dans la sécurité.

Elle emploie moins de 11 salariés et relève de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

Par courrier du 22 juillet 2019, le salarié a été mis à pied pendant trois jours du 12 au 14 août 2019 pour avoir, le 20 juin 2019 permis l'accès aux locaux à des collègues non planifiés.

Par courrier du 16 septembre 2019, le salarié était mis en demeure par l'employeur de justifier de son absence à compter du 7 septembre 2019 ainsi que de se présenter à son poste.

Convoqué le 1er octobre 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 11 octobre suivant, M. [S] a été licencié par courrier du 24 octobre 2019 pour faute grave.

M. [S] a saisi, le 4 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Montmorency aux fins d'obtenir la requalification de son licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, ce à quoi la société s'est opposée.

Par jugement rendu le 22 décembre 2022, notifié le 13 février 2022, le conseil a statué comme suit :

Dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur [F] [S] est fondé

Déboute Monsieur [F] [S] de l'intégralité de ses demandes

Déboute la société Générale Security de sa demande reconventionnelle ;

Laisse les éventuels dépens à la charge respective des parties pour ce qui leur incombe.

Le 9 mars 2023, M. [S] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 09 juin 2023, M. [S] demande à la cour de :

Juger Monsieur [F] [S] recevable et bien fondé en son appel ;

Infirmer le jugement en date du 22 décembre 2022 rendu par le Conseil de Prud'hommes de Montmorency en ce qu'il a :

Dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur [F] [S] est fondé ;

Débouté Monsieur [F] [S] de l'intégralité de ses demandes.

Et, statuant à nouveau,

- Requalifier la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée,

- Juger que le licenciement de Monsieur [S] est sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner la société Générale Security à verser à Monsieur [S] les sommes suivantes :

- 2 091,90 euros à titre d'indemnité de requalification en application de l'article L. 1242-5 du code du travail

- 2 091,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 209,19 euros au titre des congés payés afférents,

- 557,35 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 4 183,80 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 216,76 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied disciplinaire du 22 juillet 2019,

- 21,67 euros au titre des congés payés afférents,

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonner la remise d'un bulletin de paie récapitulatif conforme, d'une attestation destinée à Pôle emploi conforme et d'un certificat de travail conforme, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir,

Juger que les intérêts courront s'agissant des créances salariales à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et s'agissant des créances indemnitaires à compter de la notification du jugement à intervenir,

Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 2 juillet 2023, la société Générale Security demande à la cour de :

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency en ce qu'il a débouté Monsieur [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Statuant à nouveau :

le condamner à payer à la société Générale Security la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 25 septembre 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 10 février 2025.

M. [S] n'avait pas déposé son dossier de plaidoirie malgré les rappels adressés par le greffe de la chambre.

MOTIFS

Sur l'étendue de la saisine de la cour ;

Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Il en découle que nonobstant les moyens et, le cas échéant, les demandes formulées dans le corps des conclusions de chacune des parties, la cour n'est saisie que des demandes figurant dans le dispositif des conclusions et pas de celles qui n'auraient pas été reprises dans ce dispositif, telle la demande du salarié tendant à l'annulation de la mise à pied disciplinaire du 22 juillet 2019.

Sur la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée :

Le salarié soutient que le contrat à durée déterminée initial ne relève pas d'un surcroît temporaire d'activité, mais bien d'un emploi permanent de l'entreprise. Il fait valoir que la société ne précise nullement les raisons du surcroît temporaire d'activité au terme du contrat. M. [S] ajoute que l'emploi d'agent de sécurité cynophile constitue une tâche permanente et non temporaire.

La société objecte qu'elle avait besoin pour ses activités nouvelles de recruter un agent de sécurité cynophile.

Aux termes de l'article L 1242-1 du code du travail, " Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. ".

L'article L .1242-2 mentionne au titre des cas de recours autorisés l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise. Conformément à l'article L 1245-1 du code du travail, tout contrat conclu en méconnaissance de ces dispositions est réputé à durée indéterminée.

Si l'employeur n'a pas à mentionner dans le contrat, les raisons concrètes du recours au contrat à durée déterminée, cette mention n'étant pas prévue par l'article L. 1242-12 du code du travail, il lui appartient de rapporter la preuve de l'accroissement temporaire de l'activité alléguée.

La société, se limite à indiquer qu'elle avait besoin pour ses activités nouvelles de recruter un agent de sécurité cynophile.

La société ne rapporte pas la preuve de la réalité du motif allégué du recours au contrat à durée déterminée, de sorte que celui-ci est irrégulier. En conséquence, la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée doit être ordonnée et ce dès son origine conformément aux dispositions de l'article L. 1245-2 du code du travail.

En application de l'article L.1245-2 du code du travail, il est dû au salarié une indemnité de requalification dont le montant minimum est au moins égal au dernier mois de salaire versé avant la saisine du conseil de prud'hommes.

Il sera fait droit à la demande en paiement à hauteur de la somme de 2 091,90 euros non contestée par la société dans son quantum.

Le jugement entrepris sera infirmé de ses chefs.

Sur la demande de rappel de salaire du 12 au 14 août 2019 au titre de la mise à pied disciplinaire :

Le salarié qui n'a pas demandé l'annulation de la mise à pied disciplinaire est mal fondé en sa demande de rappel de salaire du 12 au 14 août 2019.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :

" Monsieur,

Par lettre en date du 1er octobre 2019, Nous vous avions convoqué le 11 octobre 2019 à un entretien préalable pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave, auquel vous ne vous êtes pas présenté.

Nous vous informons par la présente de notre décision de vous licencier.

Les motifs de ce licenciement sont les suivants :

Depuis le mois de septembre vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail. Vous n'avez aucunement respecté votre planning de septembre et ne respectez pas non plus celui du mois d'octobre,

Malgré notre mise en demeure de justifier votre absence, vous n'avez pas pris la peine de nous répondre.

Un tel comportement ne saurait être toléré et nuit gravement, à la bonne organisation du travail.

Un tel comportement est constitutif d'une faute grave, au regard de vos obligations contractuelles et légales, qui ne saurait être toléré. Ces faits à caractère fautif entrainent au demeurant une importante désorganisation du travail au sein de notre structure.

Nous sommes par conséquent au regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

La rupture de votre contrat de travail prend effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement. (') ".

En cas de litige, en vertu des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste il profite au salarié.

La faute grave se définit comme résultant d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat et la charge de la preuve repose sur l'employeur qui l'invoque.

M. [S] soutient que son licenciement est injustifié.

Rappelant qu'il était affecté sur le site de [Localité 5] et que ses horaires de travail étaient exclusivement de nuit, M. [S] soutient que son affectation de jour constituait une modification du contrat qui nécessitait son accord.

La société affirme que M. [S] a commis des faits d'insubordination réitérés et d'abandon de poste qui lui ont été préjudiciables dans le cadre de ses activités de gardiennage. La société oppose qu'aucune disposition contractuelle ou réglementaire ne s'opposait à une nouvelle affectation de jour du salarié.

Le contrat de travail stipule que le salarié est amené à travailler de jour comme de nuit, ainsi que les samedis, dimanches et jours fériés. Il est ajouté que le salarié s'engage à respecter sa planification.

Alors que le salarié était précédemment affecté exclusivement de nuit, il est constant qu'en septembre 2019, l'employeur a modifié l'affectation du salarié en le planifiant de jour.

Le passage d'un horaire de nuit à un horaire de jours constitue une modification du contrat de travail qui nécessite l'accord du salarié même en présence d'une clause de variabilité. (Soc.,14 novembre 2018, n° 17-11.757)

Certes, il suit de ce qui précède que la modification d'affectation ne pouvait être imposée par la société à M. [S].

Pour autant, alors qu'il était mis en demeure par courrier du 16 septembre 2019, par l'employeur de justifier son absence et de reprendre son poste, M. [S] n'allègue ni a fortiori n'établit avoir fait part à la société de son refus de la modification de son contrat de travail.

En effet, aux termes du courriel que le salarié adressait à la société le 3 septembre 2019 (pièce n° 3 de la société intimée) après réception de son nouveau planning, M. [S] faisait seulement grief à l'employeur de ne pas avoir respecté un délai de prévenance de 7 jours quant à la communication du nouveau planning sans s'opposer à des horaires de jour, délai de prévenance pourtant respecté.

Compte tenu de la nature des fonctions exercées par M. [S], l'absence de toute réponse du salarié sur ses intentions à l'employeur, grief visé aux termes de la lettre de licenciement, alors qu'il était attendu sur le site où il était affecté, constitue une violation par le salarié de ses obligations contractuelles d'une importance telle, qu'elle rendait immédiatement impossible son maintien dans l'entreprise.

En conséquence, ce licenciement reposant sur une faute grave, le salarié sera débouté de l'ensemble de ses demandes de ce chef et le jugement confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes, alors que les créances indemnitaires porteront intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne. La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

Il sera ordonné à l'employeur de remettre au salarié les documents de fin de contrat régularisés, mais sans astreinte laquelle n'est pas nécessaire à assurer l'exécution de cette injonction.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency rendu le 22 décembre 2022, sauf en ce qu'il a débouté M. [F] [S] de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, de sa demande d'indemnité de requalification, et en ce qu'il a débouté M. [F] [S] de l'intégralité de ses demandes.

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant.

Requalifie le contrat de travail à durée déterminée de M. [F] [S] en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 29 octobre 2018.

Condamne la société Général Security à payer à M. [F] [S] les sommes suivantes :

- 2 091,90 euros à titre d'indemnité de requalification.

- 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Rappelle que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes, pour les créances salariales échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, alors que les créances indemnitaires porteront intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne.

Ordonne la capitalisation des intérêts.

Ordonne à la société Général Security de remettre à M. [F] [S] les documents de fin de contrat régularisés.

Dit n'y avoir lieu à fixation d'une astreinte.

Condamne la société Général Security aux dépens d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Présidente et par Madame Isabelle FIORE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

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