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Décisions

CA Paris, Pôle 6 ch. 7, 10 avril 2025, n° 21/09645

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Institut Superieur De Gestion (Association)

Défendeur :

Mme B

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Humbourg

Président :

Mme Ala

Conseiller :

M. Roulaud

Avocat :

Me de Maria

Cons. prud'h. Paris, du 15 oct. 2021, n°…

15 octobre 2021

EXPOSÉ DES FAITS

L'association Institut supérieur de gestion (ci-après désignée l'ISG) est un établissement privé d'enseignement supérieur reconnu par l'Etat délivrant des formations en management et en commerce de niveau Bac +5 (master).

Elle employait plus de dix salariés et était soumise à la convention collective nationale de l'enseignement privé indépendant (IDCC 2691).

Par contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 20 décembre 2011, Mme [B] [I] a été engagée au poste de 'directeur ad

ministratif et financier en qualité comptable unique', statut cadre C1 échelon A. Une convention de forfait en jours y était stipulée.

Par lettre remise en main propre le 27 septembre 2019, l'ISG a convoqué Mme [I] à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement économique fixé le 10 octobre 2019.

Le 16 octobre 2019, Mme [I] a signé le bulletin d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été présenté lors de l'entretien préalable.

Le contrat de travail a pris fin le 31 octobre 2019.

Le 15 juillet 2020, Mme [I] a notamment contesté le bien-fondé de son licenciement devant le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 15 octobre 2021, notifié aux parties le 25 octobre 2021, a :

- Fixé le salaire moyen de Mme [I] à la somme de 3.345 euros bruts,

- Dit le licenciement de Mme [I] sans cause réelle et sérieuse,

- Condamné l'ISG à verser à Mme [I] les sommes suivantes :

* 30.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10.000 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité d'embauche,

avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

- Condamné l'ISG à verser à Mme [I] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté Mme [I] du surplus de ses demandes,

- Débouté l'ISG de ses demandes,

- Condamné l'ISG aux dépens.

Le 24 novembre 2021, l'ISG a interjeté appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 23 juin 2022, l'ISG demande à la cour de :

- La recevoir en son appel et le dire bien-fondé,

- Infirmer le jugement en ce qu'il :

' a dit le licenciement de Mme [I] dénué de cause réelle et sérieuse,

' l'a condamnée à verser à Mme [I] les sommes suivantes :

* 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité d'embauche,

Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement.

' l'a condamnée à verser à Mme [I] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' l'a déboutée de ses demandes,

' l'a condamnée aux dépens,

Statuant à nouveau,

1/ Sur le licenciement,

- Dire et juger que M. [N], directeur des ressources humaines de l'association, était habilité à conduire et prononcer le licenciement de Mme [I],

- Dire et juger que le licenciement économique de Mme [I] est régulier en sa forme,

- Dire et juger que le licenciement économique de Mme [I] est justifié,

- Dire et juger que Mme [I], ayant demandé et donné son accord pour être licenciée économique, elle n'est ni recevable, ni fondée à faire constater que cette mesure est dépourvue de cause réelle et sérieuse,

- Dire et juger qu'elle n'a pas violé la priorité de réembauche de Mme [I],

- En conséquence, infirmant le jugement de ce chef,

- Débouter Mme [I] de toutes ses demandes,

- Condamner, en conséquence, Mme [I], en raison de sa déloyauté et de son manque de sincérité, dans la présente instance, à lui verser la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts,

II/ Sur les demandes financières de Mme [I],

- Dire et juger que la convention de forfait en jours contenue dans le contrat de travail de Mme [I] est valide et lui est pleinement opposable,

- Dire et juger que toutes les demandes financières de Mme [I] pour une période antérieure au 20 juillet 2017 sont prescrites,

- Dire et juger que Mme [I] ne démontre pas avoir accompli des heures supplémentaires, ni avoir dépassé les 212 jours de travail de sa convention de forfait, et en conséquence, la débouter de toutes ses demandes à ce titre,

- Dire et juger que pour le calcul de l'indemnité de congés payés, Mme [I] n'ayant pas le statut d'enseignant, seule la règle du 1/10ème doit s'appliquer et qu'aucun rappel d'indemnité de congés payés ne lui est ainsi dû,

- Dire et juger qu'elle n'a pas eu une conduite déloyale envers Mme [I] et la débouter de sa demande de dommages-intérêts à ce titre,

En conséquence,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [I] de toutes ses autres demandes relatives à l'indemnité de congés payés, la validité de la convention de forfait en jours, sa demande d'heures supplémentaires et d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

En tout état de cause,

- Débouter Mme [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner Mme [I] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 25 mars 2022, Mme [I] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,

- En conséquence, après l'avoir déclarée recevable et bien fondée en son appel formé à titre incident,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

' fixé son salaire moyen à la somme de 3.345 euros bruts,

' dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' condamné l'ISG à lui verser les sommes suivantes :

* 30.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10.000 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité d'embauche,

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Infirmer le jugement entrepris en ses autres dispositions,

En conséquence,

- Condamner l'ISG à lui verser les sommes suivantes :

* 10.035 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.204,20 euros de congés payés afférents, ou subsidiairement, 3.345 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 401,40 euros de congés payés afférents,

* 3.345 euros d'indemnité pour licenciement irrégulier telle que prévue à l'article L. 1235-2 du code du travail au cas où le licenciement ne sera pas jugé sans cause réelle et sérieuse,

* 17.199 euros de rappel d'heures supplémentaires, congés payés inclus, ou subsidiairement la somme de 7.356,10 euros congés payés inclus,

* 1.586,71 euros de rappel d'indemnités de congés payés,

* 5.000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral et exécution déloyale du contrat de travail,

* 1.500 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

- Prononcer un intérêt légal calculé à compter du jour de la condamnation de l'ISG devant le bureau de conciliation et d'orientation pour les condamnations à caractère salarial et au jour de la décision à laquelle elle a été rendue pour les condamnations à caractère indemnitaire, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- Ordonner la délivrance de tous les bulletins de paye rectificatifs, au mois le mois, couvrant l'ensemble de la relation de travail, un certificat de travail rectificatif et une attestation destinée à Pôle emploi rectificative, conformes aux termes de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 20 euros par jour de retard et par document, à compter de la notification du jugement, précision faite que la cour se réservera le droit de liquider les astreintes prononcées.

Pour un exposé des moyens, faits et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L'instruction a été déclarée close le 23 octobre 2024.

MOTIFS :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

L'article 954 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Dans le dispositif de ses écritures, l'ISG demande à la cour de dire et juger que toutes les demandes financières de Mme [I] pour une période antérieure au 20 juillet 2017 sont prescrites.

Cependant, l'employeur ne produit dans la partie discussion de ses écritures aucun argumentaire à cet effet.

Il sera donc débouté de sa demande et le jugement sera complété en conséquence, le conseil de prud'hommes n'ayant pas été saisi de cette fin de non recevoir.

Sur le licenciement économique :

* Sur la notification par l'employeur du motif économique du licenciement :

La salariée reproche à l'employeur de ne pas lui avoir adressé une lettre de licenciement l'informant du motif économique de celui-ci. Elle en déduit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'employeur reconnaît n'avoir pas notifié de lettre de licenciement mais expose que le motif économique de celui-ci est contenu dans la lettre de convocation à l'entretien préalable.

Il résulte des articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L'employeur doit en énoncer le motif économique dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, afin qu'il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation.

En l'espèce, il ressort des éléments produits que par une lettre remise en main propre à la salariée le 27 septembre 2019, l'employeur a engagé la procédure de licenciement à son encontre en la convoquant à un entretien préalable le 10 octobre 2019.

La cour constate que cette lettre a également pour objet d'informer la salariée du motif économique du licenciement puisqu'elle comporte les mentions suivantes :

'les motifs économiques sont les suivants :

Vous n'ignorez pas que la baisse de nos effectifs élèves en PREP sont en baisse constante depuis 3 ans :

Les chiffres des effectifs s'établissent ainsi :

Année

16/17

17/18

18/19

Prep 1

101

61

45

Prep 2

94

98

70

AFIG

60

45

0

Total

215

204

115

Bien évidemment, le chiffre d'affaires est en corrélation avec le nombre des effectifs recrutés, ce qui a pour incident l'augmentation du coût pédagogique des frais par étudiants, et impacte fortement notre résultat.

Nous avons donc été obligés de réagir pour redresser la situation économique.

De plus, nous constatons à l'heure actuelle, en règle générale le désintérêt des étudiants pour les études avec 'prépa', ceux-ci hésitant de plus en plus à s'engager sur des études longues et coûteuses. Le tendance du marché s'oriente plus particulièrement à des études sans école préparatoire.

Pour sauvegarder notre compétitivité économique mais également augmenter notre audience auprès de nos futurs prospects afin d'augmenter fortement le nombre de nos étudiants ce qui devient une nécessité absolue pour maintenir l'entreprise, sauvegarder les emplois, améliorer sa compétitivité afin que l'école devienne pérenne, nous avons donc entrepris une réforme pédagogique profonde de notre école en modifiant totalement l'existant que vous connaissiez.

Le programme grand école devient une école Bac +5 sans prépa.

Le contenu des enseignements a dû être adapté aux nouvelles exigences du marché et des nouveaux programmes que nous avons dû créer.

De plus, nous nous sommes contraint d'effectuer une restructuration de nos effectifs en les adaptant aux besoins stricte nécessaire au bon fonctionnement de l'école, ce qui implique la suppression de votre poste (...)'.

L'employeur a ainsi énoncé le motif économique du licenciement dans un écrit remis à la salariée le 27 septembre 2019 au cours de la procédure de licenciement et avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle survenue le 16 octobre 2019.

Par suite, le moyen de la salariée doit être rejeté.

* Sur l'absence de qualité du signataire des actes de la procédure de licenciement :

Au préalable, les parties s'accordent sur les faits suivants :

- le président de l'IGS était M. [R],

- le directeur des ressources humaines, signataire de la lettre de convocation de la salariée à l'entretien préalable et du contrat de sécurisation professionnelle au nom de l'association était M. [N],

- l'article 15 des statuts stipule que : 'le président de l'association est doté du pouvoir de représenter l'association dans les actes de la vie civile. Il a notamment, qualité pour ester en justice au nom de l'association. Il peut, pour un acte précis, déléguer ce pouvoir à un autre membre du conseil de surveillance et de gestion notamment au vice-président.

En cas de représentation en justice, il ne peut être remplacé que par un mandataire agissant en vertu d'une procuration spéciale'.

Mme [I] expose que M. [N] ne pouvait être signataire des actes liés à son licenciement aux motifs que, d'une part, ceux-ci devait nécessairement être signés par le président de l'association lui-même en vertu de l'article 15 des statuts, d'autre part, cette stipulation n'autorisait pas le président de l'ISG à déléguer son pouvoir de licencier au directeur des ressources humaines puisque celui-ci n'était ni membre du conseil de surveillance et de gestion, ni vice-président. Elle estime que le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 30 mars 2018 produit par l'employeur 'a été falsifié' afin d'y inscrire une sixième résolution accordant au président de l'association la possibilité de déléguer sa signature au directeur des ressources humaines en matière de licenciement.

L'employeur estime au contraire que M. [N] pouvait signer les actes liés au licenciement de Mme [I] aux motifs que par une résolution du 30 mars 2018, l'assemblée générale des membres de l'association a autorisé son président à déléguer sa compétence en matière de licenciement à son directeur des ressources humaines, ce qu'il a fait par décision du 4 avril 2018.

En l'espèce et en premier lieu, il ressort des termes de l'article 16 des statuts de l'association versés aux débats que l'assemblée générale a compétence pour modifier ces statuts et donc pour déroger aux stipulations de l'article 15 précité.

En deuxième lieu, il est versé aux débats un procès-verbal du 30 mars 2018 par lequel l'assemblée générale de l'association a adopté à l'unanimité une sixième résolution selon laquelle elle 'autorise (...) le président et les membres du conseil de surveillance et de gestion à déléguer au directeur des ressources humaines, leur pouvoir de représentation et d'action en justice de l'association, ainsi que leur pouvoir disciplinaire envers les salariés de l'association, et notamment celui de prononcer les sanctions disciplinaires et les licenciements, et la gestion des contrats, lettres d'engagements et de toutes les affaires en matière sociales et prud'homales'.

Si la salariée soutient que cette sixième résolution a été frauduleusement ajoutée au procès-verbal, elle ne produit aucun élément aux fins de l'établir, se bornant à procéder par voie d'affirmation.

Or, la cour constate que le procès-verbal produit par l'employeur en pièce 78 ne comporte aucune rature ou ajout et comporte la signature du président de l'association. Par suite, il ne peut se déduire des éléments versés aux débats que ce document est un faux dénué de valeur probatoire.

Il sera donc considéré que l'association justifie au moyen de ce document que l'assemblée générale de l'association, compétente en la matière, a modifié l'article 15 des statuts en permettant à compter du 30 mars 2018 au président de déléguer sa compétence en matière de licenciement au directeur des ressources humaines.

En troisième lieu, l'association produit une délégation de pouvoirs en date du 4 avril 2018 par laquelle le président de l'association a délégué à M. [N] (directeur des ressources humaines) les compétences suivantes : 'mes pouvoirs en matière de gestion du personnel dans l'établissement, mon pouvoir disciplinaire envers les salariés de l'association, notamment celui de prononcer des sanctions disciplinaires et les licenciements, ainsi que la gestion des contrats, lettres d'engagements et de toutes les affaires en matière sociale et prud'homales; mon pouvoir de représentation et d'action en justice de l'association en matière de droit du travail'.

Compte tenu de cette délégation de pouvoirs prise en vertu de la sixième résolution de l'assemblée générale de l'association précitée, l'employeur peut utilement soutenir que le directeur des ressources humaines avait qualité pour signer les actes concernant le licenciement de Mme [I] survenus au cours de l'année 2019, soit postérieurement à la délégation de pouvoir du 4 avril 2018.

Par suite, le moyen de la salariée doit être rejeté.

* Sur le bien-fondé du licenciement :

Il résulte de la combinaison des articles L.1232-6, L. 1233-16, L.1233-17, L. 1233-3 et L.1233-4 du code du travail, que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit énoncer, lorsqu'un motif économique est évoqué, à la fois la cause économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l'emploi et le contrat de travail du salarié. Il appartient au juge d'apprécier le caractère sérieux du motif économique invoqué par l'employeur ainsi que l'effectivité de l'obligation de reclassement mise à la charge de l'employeur.

Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2008-596 du 25 juin 2008 applicable à la date de la rupture du contrat de travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, à une réorganisation rendue nécessaire par la sauvegarde de la compétitivité.

La réorganisation, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit l'être par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité auquel elle appartient.

Il appartient à l'employeur de démontrer la réalité du risque pesant sur la compétitivité de l'entreprise et la nécessité de procéder à une réorganisation de celle-ci au moment où il licencie. La réalité de la cause économique doit ainsi être appréciée à la date de la rupture du contrat de travail.

Il appartient au juge prud'homal de vérifier le caractère réel et sérieux de la cause économique invoquée et, lorsque celle-ci est la sauvegarde de la compétitivité, de caractériser l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe dont elle relève, ainsi que la nécessité de prendre des mesures d'anticipation afin de préserver l'emploi.

Si le motif économique de licenciement doit s'apprécier à la date du licenciement, il peut être tenu compte d'éléments postérieurs pour cette appréciation.

S'il appartient au juge, tenu de contrôler le caractère sérieux du motif économique, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagés par l'employeur, il ne peut se substituer à ce dernier quant au choix qu'il effectue pour faire face à la situation économique de l'entreprise.

L'employeur soutient qu'afin de préserver la compétitivité de son entreprise, il a dû procéder à sa réorganisation en supprimant la classe préparatoire. Il indique avoir envisagé à cette fin de procéder au licenciement des huit enseignants affectés à cette classe et de supprimer également le poste de Mme [T] en charge de la comptabilité des étudiants. Il précise que 'de par ses fonctions, (Mme [I]) a été rapidement informée de la mise en place d'un licenciement économique au sein de l'école; elle a contacté M. [N], DRH en juillet 2019, pour lui indiquer qu'elle voulait profiter de cette réorganisation pour quitter l'association ISG mais qu'au lieu d'une rupture conventionnelle de son contrat, elle préférait être incluse dans ce licenciement économique pour bénéficier d'un contrat de sécurisation professionnelle'. Il indique ainsi avoir finalement procédé au licenciement économique des huit enseignants et de Mme [I]. Il précise que la volonté de la salariée d'être incluse dans la procédure de licenciement collectif se déduit des termes d'un protocole de rupture qu'elle a signé le 23 juillet 2019. Il déclare toutefois que ce protocole ne s'analyse ni en une transaction ni en une rupture conventionnelle.

Mme [I] expose que le protocole de rupture n'a aucune valeur juridique et que son consentement était vicié au moment de sa conclusion. Elle soutient qu'il n'y a pas de lien entre la réorganisation réalisée et son licenciement puisque, de l'aveu même de l'employeur, seul le poste de Mme [T] devait être supprimé en sus de celui des huit enseignants affectés à la classe préparatoire. Elle indique également que Mme [E] a été engagée le 2 septembre 2019 pour reprendre la plus grande partie des tâches qui lui était assignée.

Il ressort des éléments produits et notamment de la lettre de convocation à un entretien préalable du 27 septembre 2019 précitée que le licenciement économique de la salariée est fondé sur la suppression de son poste afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.

S'agissant du risque sur la compétitivité de l'entreprise, l'employeur justifie que :

- par une décision du 25 octobre 2018, le ministère de l'enseignement supérieur a notifié à l'ISG des critiques concernant sa classe préparatoire (dénommée Prépa ISG) la jugeant insuffisamment séléctive pour l'obtention d'un diplôme de niveau Master, cette décision s'inscrivant dans le cadre de la procédure d'habilitation de l'école à délivrer ce diplôme,

- le nombre d'étudiants de l'ISG a chuté de 204 (année 2017/2018) à 115 (année 2018/2019),

- le compte de résultat 2019 de l'entreprise faisait état d'un déficit d'exploitation à hauteur de 1.645.373 euros.

Il se déduit de ces éléments l'existence d'un risque sur la compétitivité de l'entreprise.

Afin de remédier à ce risque, l'ISG justifie avoir supprimé la classe préparatoire et mis en oeuvre une procédure de licenciement économique collectif concernant moins de dix salariés et destinée à supprimer les emplois des huits enseignants et de la comptable affectée à cette classe préparatoire.

La cour constate que l'employeur reconnaît dans ses écritures que seul le poste de comptable de la classe préparatoire occupé par Mme [T] devait normalement être concerné par la réorganisation ainsi mise en oeuvre. Il n'entend justifier de la suppression du poste de Mme [I] en lieu et place de celui de Mme [T] qu'en se référant à la volonté de la salariée de bénéficier du licenciement collectif, cette volonté devant, selon l'ISG, se déduire de la conclusion du protocole de rupture versé aux débats.

Aux termes de ce protocole, signé par Mme [I] et M. [N] (pièce 67) et daté du 23 juillet 2019, la salariée a accepté le principe de son licenciement économique et s'est engagée à n'exercer aucun recours ni action et instance contre l'ISG.

S'il n'est nullement justifié que le consentement de la salariée était vicié au moment de la signature du protocole, force est de constater que les parties s'accordent sur le fait que celui-ci est dénué de valeur juridique, l'ISG précisant dans ses écritures qu'il ne s'agissait là ni d'une convention de rupture ni d'une transaction.

De même, il n'est fait état dans ce document ni de la réorganisation projetée, ni de la volonté de Mme [I] de voir son poste supprimé en lieu et place de celui de Mme [T] ni que la rupture du contrat de la salariée devait s'inscrire dans le licenciement collectif projeté aux fins de supprimer la classe préparatoire. D'ailleurs, la cour constate qu'il ressort des termes du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 29 juillet 2019 relatif à l'information donnée par l'employeur à ce comité concernant le licenciement collectif envisagé qu'il y est seulement fait mention du licenciement des enseignants affectés à la classe préparatoire et non de celui de Mme [I].

Dès lors, contrairement aux allégations de l'employeur, la production du protocole de rupture ne permet pas à ce dernier de justifier le lien entre la situation économique de l'entreprise nécessitant la suppression de la branche 'classe préparatoire' et la suppression du poste de Mme [I], ce dernier étant sans rapport avec cette branche.

Faute de lien entre la suppression du poste de Mme [I] et la réorganisation nécessitée par la menace à la compétitivité alléguée, la cour considère que son licenciement économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé en conséquence.

* Sur les dommages-intérêts pour licenciement irrégulier :

Dans le dispositif de ses dernières écritures, Mme [I] réclame la somme de 3.345 euros d'indemnité pour licenciement irrégulier sur le fondement de l'article L. 1235-2 du code du travail dans l'hypothèse où le licenciement ne serait pas jugé sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu des développements précédents, il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande.

Sur la validité de la convention en forfait en jours :

Lors de la conclusion du contrat de travail signé par la salariée avec l'ISG le 20 décembre 2011, les conditions de recours au forfait en jours étaient fixées aux articles L. 3121-39 et suivants du code du travail dans leur rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016.

En application de l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, des articles L.3121-39 et suivants du code du travail interprétés à la lumière des articles interprétés à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Le juge doit, au besoin d'office, s'assurer tant de la conformité du dispositif conventionnel que de la validité de la convention individuelle de forfait en jours.

Il est constant que le contrat de travail est soumis à la convention collective nationale de l'enseignement privé indépendant (IDCC 2691) et que son article 7 stipule : 'Etant donné le statut cadre attribué à Mme [B] [I], sa rémunération couvre les heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du travail dans la limite de 212 jours par an. Ce forfait correspond à une année complète de travail et est calculé sur la base d'un droit intégrale à congés payés'.

L'article 4.2.4 de la convention collective stipule :

a) En ce qui concerne les cadres administratifs et de service qui ne relèvent pas de la catégorie des cadres dirigeants ni des cadres intégrés dans un horaire collectif, le temps de travail peut être fixé par des conventions annuelles individuelles de forfait fixant à 212 jours maximum le nombre de jours de travail effectif.

b) Sont notamment concernés les responsables de département et de service et les responsables de communication interne et externe pour lesquels la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée du fait de la nature de leurs fonctions, des responsabilités qu'ils exercent et du degré d'autonomie dont ils bénéficient dans l'organisation de leur emploi du temps.

c) Modalités de décompte des journées ou demi-journées travaillées. Modalités de prises des journées ou demi-journées de repos.

Les journées et demi-journées sont décomptées sous une forme manuelle, automatisée ou informatisée.

Les journées ou demi-journées de repos qui résultent de la mise en place de ce dispositif doivent être prises impérativement au plus tard avant le terme de l'année de référence et selon un calendrier établi en début de période annuelle, pour partie en fonction des souhaits des salariés et pour partie en fonction des nécessités de fonctionnement de l'entreprise.

Il faut entendre par année de référence la période définie à l'article 4.1.6.

Les jours de repos peuvent être affectés sur un compte épargne-temps.

d) Modalités du suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte.

Un document éventuellement autodéclaratif et ponctuellement visé par la direction de l'entreprise, permettant le suivi de l'organisation du travail, de l'amplitude des journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte, est mis en place dans l'entreprise.

Il est convenu que le repos quotidien entre la fin d'une journée et la reprise d'une activité est fixé à 12 heures consécutives minimales.

Un bilan annuel sur l'organisation du travail et la charge de travail des salariés concernés est communiqué au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel.

S'il est mis à la charge de l'employeur , au titre de cette disposition, un suivi 'de l'organisation du travail, de l'amplitude des journées d'activité et de la charge de travail' du salarié, la cour constate que, d'une part, ses modalités n'y sont nullement précisées, d'autre part, il n'y est pas prescrit un suivi régulier par la hiérarchie du respect du temps de repos minimum du salarié.

Il s'en déduit que l'article 4.2.4 de la convention collective ne permet pas d'assurer la garantie du respect des durées raisonnables de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.

Par suite, il convient de considérer que la convention de forfait en jours, conclue entre les parties, est nulle.

Sur les heures supplémentaires :

En raison de la nullité de la convention de forfait en jours, le décompte de la durée du travail de la salariée s'opère en heures et à la semaine.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires , il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Mme [I] soutient qu'au cours de la période contractuelle, elle a travaillé 39 heures par semaine et qu'elle effectuait ainsi 17,33 heures supplémentaires par mois par rapport à un temps de travail hebdomadaire de 35 heures. Elle réclame ainsi un rappel d'heures supplémentaires d'une année d'un montant de 17.199 euros incluant les congés payés afférents, selon un calcul mentionné dans ses écritures.

La salariée présente ainsi, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse, l'employeur, qui ne produit aucun élément se rapportant à la durée du travail, expose que :

- un système de badgeuse a été mis en place en 2019 mais que la salariée a toujours refusé de s'y soumettre,

- il n'a jamais demandé à la salariée d'effectuer des heures supplémentaires,

- Mme [I] n'a formulé aucune réclamation à cet égard au cours de la période contractuelle,

- les heures supplémentaires devaient lui être obligatoirement déclarées,

- le respect par la salariée de ses horaires de travail ainsi que ses absences étaient un sujet de raillerie de la part des autres employés et des instances représentatives du personnel.

En l'espèce, il importe peu l'absence de réclamation de la salariée durant l'exécution du contrat, la seule limite à ses demandes étant la prescription de l'action. De même, compte tenu du niveau de responsabilité de la salariée ayant conduit à la conclusion d'une convention de forfait en jours, l'employeur a implicitement autorisé l'accomplissement par la salariée d'heures supplémentaires.

L'employeur ne justifie ni avoir imposé à la salariée de badger ni le refus de celle-ci de se soumettre à une procédure de badgeage. Il ne justifie pas non plus avoir imposé à Mme [I] de déclarer ses heures supplémentaires.

Dès lors, au regard des éléments versés et des explications fournies par les parties, il sera intégralement fait droit à la demande de la salariée, précision faite que la somme est allouée en brut.

Le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande pécuniaire.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour n'aurait pas invalidé la convention de forfait en jour, la salariée demande la somme de 7.356,10 euros de rappels de salaire.

Compte tenu des développements précédents, il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande.

Sur l'indemnité de congés payés :

La salariée réclame la somme de 1.586,71 euros de rappel d'indemnité de congés payés en se fondant exclusivement sur l'article 4.2 de la convention collective allouant 'cinq jours mobiles conventionnels' sous certaines conditions.

Toutefois, comme le soutient l'ISG, il ressort de l'intitulé de cette disposition conventionnelle qu'elle s'applique exclusivement aux personnels enseignants et non aux cadres administratifs comme Mme [I]. D'ailleurs, la limitation du dispositif conventionnel aux personnels enseignants est rappelé par l'avis n°43 du 14 mai 2014 de la commission paritaire nationale produit par l'association.

Il convient donc de débouter Mme [I] de sa demande.

Le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral :

Mme [I] réclame la somme de 5.000 euros pour préjudice moral en raison de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.

En premier lieu, Mme [I] soutient qu'elle a été victime d'un dol et d'une violence morale de la part de son employeur qui l'a contrainte à signer le protocole de rupture précité.

Il se déduit des développements précédents que ce manquement n'est pas établi.

En deuxième lieu, Mme [I] soutient qu'elle a été 'licenciée sans aucun égard et à la hâte car elle coûtait plus cher que ses collègues'.

Toutefois, la salariée ne produit aucun élément prouvant la matérialité des circonstances vexatoires de la rupture qu'elle allègue.

En dernier lieu, Mme [I] soutient, d'une part, qu'elle n'a pas bénéficié de ses jours de congés et de ses temps de repos, d'autre part, qu'aucun contrôle de sa charge de travail n'a été réalisé par l'employeur.

Selon les articles L. 3132-1, L. 3132-2 et L. 3121-18 du code du travail, il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine. Le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives. La durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures.

Si l'ISG verse aux débats des tableaux de suivi des congés de la salariée attestant que celle-ci a bénéficié de ceux-ci au cours de la période contractuelle, force est de constater qu'il n'est nullement justifié du respect par l'employeur de ses temps de repos quotidiens et hebdomadaires.

En outre, s'agissant du contrôle de la charge de travail de Mme [I], il est seulement prouvé que l'ISG a fait bénéficier à la salariée d'un entretien annuel à cette fin le 24 janvier 2019 alors que le contrat de travail a pris effet le 20 décembre 2011.

Il s'en déduit que l'employeur a exécuté de manière déloyale le contrat de travail en ne s'étant pas assuré du respect des temps de repos de la salariée et en n'ayant pas contrôlé sa charge de travail avant l'entretien du 24 janvier 2019.

Ces manquements ont causé à Mme [I] un préjudice qu'il convient de réparer à hauteur de 1.000 euros.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche :

Mme [I] demande la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 10.000 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche au sens de l'article L. 1233-45 du code du travail.

L'employeur s'oppose à cette demande.

Selon l'article L. 1233-45 du code du travail, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai. Dans ce cas, il incombe à l'employeur d'informer le salarié licencié pour motif économique qui a manifesté le désir d'user de la priorité de réembauche, de tous les postes disponibles et compatibles avec sa qualification.

Il en résulte qu'en cas de litige il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation en établissant soit qu'il a proposé les postes disponibles, soit en justifiant de l'absence de tels postes. L'indemnité due pour violation de la priorité de réembauchage et l'indemnité due pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont cumulables.

En l'espèce, il ressort des éléments contractuels produits que le contrat de travail a pris fin le 31 octobre 2019. Dès lors, la salariée pouvait, en application de l'article L. 1233-45 du code du travail, bénéficier d'une priorité de réembauche jusqu'au 31 octobre 2020.

Les parties s'accordent sur le fait que la salariée n'a manifesté le désir d'user de sa priorité de réembauche que le 11 juin 2020 en adressant ce jour-là une lettre recommandée avec avis de réception à l'employeur à cette fin.

Se référant au registre du personnel de l'ISG versé aux débats, l'employeur justifie qu'entre le 11 juin 2020 et le 31 octobre 2020, aucun emploi correspondant à la qualification de la salariée n'était disponible au sein de l'association.

Par suite, il y a lieu de débouter la salariée de sa demande indemnitaire et d'infirmer le jugement en conséquence.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture :

* Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

En premier lieu, Mme [I] réclame une indemnité compensatrice de préavis de trois mois d'un montant de 10.035 euros, outre 1.204,20 euros (et non 1.003,5 euros) de congés payés afférents en se fondant sur les dispositions susmentionnées de l'article 4.2 de la convention collective au titre desquelles elle soutient que le montant des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis doit correspondre à 12% (et non 10%) de cette indemnité.

Cependant, il ressort des développements précédents que la salariée n'est pas éligible des dispositions de l'article 4.2 de la convention collective, celles-ci étant réservées au personnel enseignant. Par suite, le montant des congés payés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis sera déterminé à hauteur de 10% de cette indemnité.

En second lieu, aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

Selon l'article L.1234-5 du même code, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

Il ressort des dispositions de la convention collective que les cadres bénéficient d'un préavis de trois mois quelle que soit leur ancienneté.

Au regard du salaire et des avantages perçus par la salariée tel que ressortant des bulletins de salaire produits ainsi que des sommes allouées au titre des heures supplémentaires et dans les limites du quantum des demandes formées, il convient de lui allouer la somme de 10.035 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.003,50 euros bruts de congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour n'aurait pas jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement, la salariée demande un rappel de salaire correspondant au 3ème mois de préavis d'un montant de 3.345 euros, outre 401,40 euros de congés payés afférents.

Compte tenu des développements précédents, il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Mme [I] demande à la cour de confirmer le jugement qui lui a alloué la somme de 30.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'employeur s'oppose à cette demande.

Selon l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.

En application de ces dispositions, la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue.

La salariée bénéficiant au moment de la rupture d'une ancienneté de sept ans, elle peut solliciter une indemnité comprise entre trois et huit mois de salaire.

Eu égard à son âge, à son ancienneté, à son salaire (dont le montant tient compte des heures supplémentaires allouées dans les développements précédents) et au fait qu'elle justifie que Pôle emploi lui a ouvert le 9 novembre 2020 le droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi, il lui sera alloué la somme de 17.000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé sur le quantum ayant alloué à ce titre à la salariée la somme de 30.000 euros.

Sur la demande reconventionnelle de l'employeur :

Sur le fondement de l'article 1382 du code civil, l'ISG réclame à la salariée la somme de 3.000 euros de dommages-intérêts pour avoir contesté le bien-fondé de son licenciement alors qu'elle avait signé un protocole de rupture.

Il est rappelé que la responsabilité civile du salarié à l'égard de l'employeur ne peut être engagée que s'il a commis une faute lourde, caractérisée par l'intention de nuire.

En l'espèce, il n'est ni allégué ni justifié que Mme [I] a commis une faute lourde à l'égard de l'ISG de nature à engager sa responsabilité civile à son égard. En tout état de cause, ne peut être constitutive d'une faute lourde le fait pour la salariée d'avoir contesté son licenciement après avoir conclu un protocole de rupture qui, comme il a été dit précédemment, est considéré par les parties comme dénué d'effet.

L'ISG sera déboutée de sa demande pécuniaire et le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Il ressort des développements précédents que le licenciement a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse par la cour. Etant ainsi dans le cas prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail, il y a lieu d'ordonner d'office à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois d'indemnités en application de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Sur les demandes accessoires :

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande de la salariée tendant à la remise de documents sociaux conformes au présent arrêt est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte.

L'ISG qui succombe partiellement, est condamnée à verser à la salariée la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'association à verser à ce titre à Mme [I] la somme de 1.000 euros.

L'employeur doit supporter les dépens de première instance et d'appel. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'ISG à ce titre.

Il sera fait droit à la demande d'anatocisme de la salariée. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté cette dernière de cette demande.

L'ISG sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

DÉBOUTE l'association Institut supérieur de gestion de sa demande tendant à voir dire et juger que toutes les demandes financières de Mme [B] [I] pour une période antérieure au 20 juillet 2017 sont prescrites,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a :

- dit le licenciement de Mme [B] [I] dénué de cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [B] [I] de sa demande de rappel d'indemnité de congés payés,

- condamné l'association Institut supérieur de gestion au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- débouté l'association Institut supérieur de gestion de ses demandes reconventionnelles,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE l'association Institut supérieur de gestion à verser à Mme [B] [I] les sommes suivantes :

- 17.000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10.035 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.003,50 euros bruts de congés payés afférents,

- 17.199 euros bruts de rappel d'heures supplémentaires,

- 1.000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral et exécution déloyale du contrat de travail,

- 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

ORDONNE à l'association Institut supérieur de gestion de remettre à Mme [B] [I] un certificat de travail, un bulletin de paye récapitulatif et une attestation destinée à France Travail (anciennement dénommée Pôle emploi) conformes à l'arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification,

DIT n'y avoir lieu à astreinte,

ORDONNE à l'association Institut supérieur de gestion de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement versées par eux à Mme [B] [I] dans la limite de six mois d'indemnités,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE l'association Institut supérieur de gestion aux dépens d'appel.

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