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Décisions

CA Paris, Pôle 6 ch. 2, 10 avril 2025, n° 24/15701

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Comité de concertation et de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics (Association)

Défendeur :

Syndicat national du personnel des CFA bâtiment CGT, Syndicat régional du personnel des CGT BTP CFA Île-de-France

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Alzeari

Conseillers :

Mme Lagarde, M. Malinosky

Avocats :

Me Regnier, Me Mazon, Me Baudoin, Me Rousseau

TJ Paris, du 2 juill. 2024, n° 24/52749

2 juillet 2024

EXPOSÉ DU LITIGE :

L'Association Comité de Concertation et de Coordination de l'Apprentissage du Bâtiment et des Travaux Publics (CCCA-BTP) est une association nationale à gouvernance paritaire des branches du Bâtiment et des Travaux Publics.

Le CCCA-BTP est doté d'une mission légale, en application des dispositions des articles L.6331-35 et suivants du Code du travail, consistant à concourir au développement de la formation professionnelle initiale et continue dans les métiers du BTP, notamment par la voie de l'apprentissage.

Il est en outre doté d'une mission conventionnelle issue d'un accord du 06 septembre 2006 instaurant dans chaque région une association paritaire unique de gestion des centres de formation d'apprentis du BTP (CFA).

Le 30 juin 2015, le CCCA-BTP a conclu, dans le cadre de sa mission, avec les organisations salariales, des accords de branche relatifs au statut national des personnels des associations gestionnaires des CFA BTP. Cet accord avait pour objet de favoriser l'unicité des conditions de travail du personnel des associations régionales paritaires du réseau CCCA-BTP.

Ces accords ont été étendus par arrêté du 30 juin 2017.

La loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel est venue modifier le mode de fonctionnement des CFA.

Le CCCA-BTP a dénoncé les accords du 30 juin 2015 arguant que cette loi avait pour conséquence de permettre la création d'un trop grand nombre de CFA, l'empêchant d'assurer sa mission.

Le 06 octobre 2022, le syndicat national CGT des CFA du BTP a mis en demeure le CCCA-BTP d'ouvrir une négociation nationale sur les salaires dans les associations régionales gestionnaires de CFA et de mettre en place une réunion de la commission du suivi du statut en application des dispositions de l'accord collectif du 30 juin 2015.

Dans un courrier du 02 novembre 2022, le CCCA-BTP opposait son incapacité à poursuivre les négociations pour le compte des associations régionales CFA du BTP, outre la mise en cause de l'accord collectif du 02 novembre 2022.

Le 10 avril 2024, le syndicat national du personnel des CFA Bâtiment CGT, le syndicat CGT BTP CFA PACA, le syndicat régional du personnel des CGTBTP CFA Ile-de-France, le syndicat CGT du personnel de bâtiments CFA Normandie et le syndicat CGT Construction Bois Ameublement CFA Bourgogne ont assigné en référé l'association Comité de concertation et de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics (l'association CCCA-BTP) devant le tribunal judiciaire de Paris. L'action visait à contester le refus du CCCA-BTP d'exercer les missions fixées par l'accord du 30 juin 2015, conduisant à une perte d'unicité des conditions de travail, statut et rémunération des personnels.

Le 02 juillet 2024, le tribunal judiciaire de Paris a rendu l'ordonnance contradictoire suivante :

'Donne acte au syndicat CGT BTP CFA PACA, au syndicat CGT du personnel de bâtiments CFA Normandie et au syndicat CGT Construction Bois Ameublement CFA Bourgogne de leur désistement d'instance,

Rejette l'exception de nullité de l'action soulevée à l'encontre des actions du syndicat national du personnel du CFA bâtiment CGTet du syndicat régional du personnel des CGT BTP CFA Ile de France,

Ordonne à l'association CCCA-BTP de mettre en place de la commission de suivi prévue à l'accord 32 de l'accord du 30 juin 2015 dans un délai maximal de deux mois suivant la signification de la présente ordonnance,

Ordonne l'ouverture de négociations salariales nationales paritaires en application de l'article 30.1 de l'accord du 30 juin 2015 dans un délai maximal de deux mois suivant la signification de la présente ordonnance,

Assortit ces deux obligations d'une astreinte provisoire de 1.000 euros par semaine de retard à compter de l'expiration des délais sus mentionnés, ces délais courant pendant une durée de cinq mois,

Réserve la compétence du juge des référés sociaux (chambre 1/4) du tribunal judiciaire de Paris pour liquider le cas échéant l'astreinte,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision,

Condamne l'association CCCA-BTP aux dépens,

Condamne l'association CCCA-BTP à verser au syndicat national du personnel du CFA bâtiment CGT et au syndicat régional du personnel des CGT BTP CFA Ile de France la somme de 2 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute l'association CCCA-BTP de sa demande de paiement de frais irrépétibles,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur l'exécution provisoire.'

Le 29 juillet 2024, le CCCA-BTP a relevé appel de cette ordonnance.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 23 janvier 2025, le CCCA-BTP demande à la cour de :

'Vu les articles 117 et 122 du Code de procédure civile,

Vu les articles 834 et 935 du Code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

L'association CCCA-BTP conclut à ce qu'il plaise à la Cour d'appel de PARIS, statuant en référé, de bien vouloir la déclarer recevable et bien fondée en son appel de l'ordonnance de référé rendue le 2 juillet 2024 par le Président du Tribunal Judiciaire de Paris et y faisant droit:

INFIRMER la décision déférée en qu'elle a :

- Rejeté l'exception de nullité de l'action soulevée à l'encontre des actions du syndicat national du personnel du CFA bâtiment CGT et du syndicat régional du personnel des CGT BTP CFA Île-de-France,

- Ordonné à l'association CCCA-BTP de mettre en place de la commission de suivi prévue à l'accord 32 de l'accord du 30 juin 2015 dans un délai maximal de deux mois suivant la signification de la présente ordonnance ;

- Ordonné l'ouverture de négociations salariales nationales paritaires en application de l'article 30.1 de l'accord du 30 juin 2015 dans un délai maximal de deux mois suivant la signification de la présente ordonnance ;

- Assortit ces deux obligations d'une astreinte provisoire de 1.000 ' par semaine de retard à compter de l'expiration des délais sus mentionnés, ces délais courant pendant une période de cinq mois ;

- Réservé la compétence du juge des référés sociaux (chambre 1/4) du tribunal judiciaire de PARIS pour liquider le cas échéant l'astreinte ;

- Condamné l'association CCCA-BTP à verser au syndicat national du personnel du CFA bâtiment CGT et au syndicat régional du personnel des CGT BTP CFA Ile de France la somme de 2 000 ' chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens ;

- Débouté l'association CCCA-BTP de sa demande de paiement de frais irrépétibles.

Statuant à nouveau de ces chefs,

A TITRE LIMINAIRE, sur l'exception de nullité,

Constater l'absence de capacité à agir des syndicats intimés,

Et dès lors, juger nulle l'assignation des syndicats intimés, annuler l'ordonnance entreprise et renvoyer les syndicats intimés à mieux se pourvoir,

A TITRE PRINCIPAL, sur la recevabilité de l'action des intimés,

Constater l'absence d'intérêt à agir des syndicats intimés,

Constater la perte par CCCA-BTP de toute capacité juridique à représenter les CFA paritaires dans la négociation collective et l'application des accords collectifs ainsi conclus.

Et dès lors, juger les syndicats intimés irrecevables en leurs demandes et les rejeter,

A TITRE SUBSIDIAIRE,

Constater l'existence d'une contestation sérieuse et l'absence de trouble manifestement illicite,

Dire n'y avoir lieu à référé

Débouter les syndicats intimés de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

A TITRE TRES SUBSIDIAIRE

Supprimer l'astreinte prononcée par le Juge des référés.

En tout état de cause,

Condamner les syndicats intimés à verser au CCCA-BTP la somme de 4.000,00 ' chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au regard des frais exposés en cause d'appel,

Condamner les syndicats intimés aux entiers dépens de l'instance.'

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 16 janvier 2025, le Syndicat National du Personnel des CFA Bâtiment et le Syndicat Régional du Personnel des CGT BTP CFA Ile de France demandent à la cour de :

'Vu les dispositions de l'article 835 du Code de Procédure Civile,

Il est demandé à la Cour de :

CONFIRMER les dispositions de l'ordonnance de référé le 2 juillet 2024 par le Président du Tribunal Judiciaire de PARIS,

Ce faisant,

JUGER que l'action introduite par les requérantes relève de sa compétence,

JUGER que les requérantes ont la capacité et l'intérêt à agir,

En conséquence,

JUGER que l'action du Syndicat National du Personnel des CFA Bâtiment et celle du Syndicat Régional du Personnel des CGT BTP CFA ILE DE France sont parfaitement recevables.

JUGER que la mise en demeure du syndicat national CGT des CFA BTP du 6 octobre 2022 visant les articles 30, 32 et 33 du statut national des personnels des CFA paritaires, doit produire tous ses effets et en conséquence,

ORDONNER à l'association CCCA-BTP la mise en place de la commission de suivi de l'accord du 30 juin 1015,

ORDONNER l'ouverture sans autre délai de négociations salariales nationales paritaires selon les formes conventionnelles acquises le tout sous astreinte forfaitaire et définitive de 1000 euros par semaine de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

CONDAMNER l'association CCCA-BTP à payer à chacun des syndicats demandeurs les sommes de :

- 4000 EUROS à titre de dommages et intérêts pour réparer leur préjudice,

- 4000 EUROS sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.'

Une ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2025.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.

MOTIFS :

Sur l'exception de nullité de l'action des syndicats :

L'appelant fait valoir que l'assignation délivrée le 10 avril 2024 est entachée d'une nullité de fond qui ne saurait être couverte par une quelconque délibération intervenue postérieurement en cours d'instance.

Les parties intimées soutiennent qu'elles ont la capacité d'agir dans la présente instance.

En application des articles 117 et 121 du code de procédure civile, l'irrégularité de fond tirée du défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentante d'une personne morale est susceptible d'être couverte si sa cause a disparu lorsque le juge statue.

S'agissant du syndicat national du personnel des CFA Bâtiment CGT il doit être rappelé l'article 3 des statuts qui dispose que le syndicat à vocation à ester en justice tant pour la défense des intérêts individuels et collectifs de ses membres que de sa propre défense statutaire et institutionnelle et qu'il peut mandater un de ses représentants après délibération de son bureau national.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Madame [H] , secrétaire général élue à l'article 13 des statuts, est bien un représentant de ce syndicat.

Ainsi, en l'état du mandat donné le 28 mai 2024 par le bureau national à cette dernière, il doit être considéré que la nullité invoquée a bien été couverte en cours de procédure.

De ce chef, l'exception de nullité de l'assignation est donc rejetée.

S'agissant du syndicat régional CGT BTP CFA Île-de-France, l'article 12 des statuts prévoit que sur délibération du bureau de l'assemblée générale, le syndicat, par la voie de ses mandataires, a le droit d'ester en justice.

Il a été constaté par le premier juge que trois membres du bureau, soit une majorité de membres, ont donné mandat à Monsieur [T] pour agir au nom du syndicat dans le cadre de l'assignation en référée engagée devant le président du tribunal judiciaire de Paris avec précision du numéro RG de l'affaire.

Dans cette mesure, et à l'identique que précédemment, il doit être admis que la nullité invoquée a bien été couverte en cours de procédure.

Le jugement est donc ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation.

Sur la recevabilité des demandes :

Le CCCA-BTP fait valoir que :

- Trois des organisations ayant assigné le CCCA-BTP se sont désistées de l'action, faute d'intérêt à agir.

- Depuis les lois du 05 mars 2014 et du 05 septembre 2018, le CCCA-BTP n'a plus la qualité de représentant patronal, à la tête du réseau paritaire. La Direction Générale du Travail a par ailleurs confirmé qu'il n'avait plus la capacité d'exercer en qualité d'organisation professionnelle.

La CGT oppose que le débat porte sur le refus du CCCA-BTP d'exécuter les accords signés. Le CCCA BTP a conclu l'accord du 30 juin 2015 en sa qualité d'organisme paritaire national dont l'objet statutaire n'a pas été modifié par la loi du 05 septembre 2018. Le CCCA-BTP a renoncé à honorer les délégations qui lui avaient été données par les associations régionales pour négocier les accords collectifs. Le litige porte bien sur le devoir du CCCA-BTP d'exécuter ses engagements.

L'appelant se réfère explicitement à sa qualité à agir en défense.

À cet égard, il est constant que c'est bien lui, dans le cadre de sa mission, qui a conclu avec les organisations syndicales intimées des accords de branche le 30 juin 2015.

Il est tout aussi constant que ces accords ont été étendus par arrêté du 30 juin 2017 et surtout, n'ont pas été dénoncés.

Sur ce constat, qui rend inopérants les arguments de l'appelant selon lesquelles il ne disposerait plus de la capacité à exercer en qualité d'organisation professionnelle le pilotage de l'accord du 30 juin 2015, il doit être considéré que le CCCA- BTP a qualité à défendre au sens des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile.

Les demandes doivent donc être examinées en leur bien-fondé.

Sur le bien-fondé des demandes :

Le CCCA-BTP fait valoir que :

- La CGT ne justifie pas d'une condition d'urgence. L'assignation est intervenue 18 mois après la mise en demeure.

- La réponse du CCCA-BTP fait apparaître une contestation sérieuse. Le CCCA-BTP ne pouvait pas prendre l'initiative de l'exécution de l'accord du 30 juin 2015. L'incapacité juridique pour le CCCA-BTP de poursuivre les négociations pour le compte des associations régionales a entraîné la mise en cause de l'accord du 30 juin 2015 qui n'est par ailleurs plus en vigueur.

- Il n'existe pas de trouble manifestement illicite. L'action repose sur le non-respect des dispositions de l'accord collectif du 30 juin 2015. Or cet accord n'est à ce jour plus en vigueur, comme l'indique le site internet 'Légifrance'. La direction générale du travail a en outre confirmé que ce texte avait été mis en cause du fait de la perte de qualité d'organisation professionnelle du CCCA-BTP. La méconnaissance d'une règle de droit qui n'est plus en vigueur n'est pas de nature à caractériser un trouble manifestement illicite. Aucune périodicité pour la négociation des salaires n'étant prévue par l'accord du 30 juin 2015, les associations gestionnaires de CFA BTP pouvaient transposer ces dispositions par accord d'entreprise. Il ne peut donc être reproché au CCCA-BTP le non-respect des dispositions de l'accord si aucune périodicité n'était prévue. Enfin, la réunion de la commission de suivi est sans conséquence.

- La Cour de cassation considère que la disparition d'une partie signataire à un accord emporte de plein droit la mise en cause de l'accord et impose de mettre en 'uvre la procédure prévue à l'article L.2261-14 du Code du travail.

- La loi du 5 septembre 2018 n'a pas modifié la mission du CCCA-BTP mais a eu un impact majeur puisque les CFA sont devenus des organismes de formation de droit commun, et constituent juridiquement un marché, soumis aux règles de concurrence.

- La dénonciation de l'accord intervenue le 17 septembre 2019 a simplement permis au CCCA-BTP de se conformer au nouveau régime juridique applicable.

- La dénonciation de l'accord a été votée à l'unanimité, y compris par la CGT.

- Les demandes des syndicats intimés tendant à ordonner au CCCA-BTP la mise en place d'une commission de suivi ainsi que l'ouverture, sans autre délai, des négociations salariales nationales paritaires sur le fondement d'un accord qui a été mis en cause et n'est, à date, plus en vigueur, sont sans objet.

La CGT oppose que :

- Le trouble manifestement illicite est caractérisé par :

Le choix du CCCA ' BTP de neutraliser un accord national étendu définissant un statut pour une collectivité des salariés,

Le refus de l'association défenderesse de réunir la commission de suivi de l'accord national du 30 juin 2015 étendu par arrêté d'extension du 30 juin 2017 (article 32 dudit accord), alors que certains CFA organisent des recrutements sur des métiers ne figurant pas dans la nomenclature des emplois du statut unique, avec la volonté de créer à l'extérieur du statut unique, de nouvelles certifications professionnelles et en dehors de toute négociation paritaire.

Le refus d'ouvrir des négociations salariales nationales respectueuses de l'article 30 de l'accord précité, définissant les rémunérations au regard d'une nomenclature précise et exclusive des emplois concernés, par classes et catégories.

- L'accord du 30 juin 2015 n'a jamais été dénoncé. La suppression ou la simple suspension des conventions de relations n'a jamais été un obstacle au fonctionnement du CCCA ' BTP dans ses missions statutaires traditionnelles ni un obstacle au développement de ses liens traditionnels avec les CFA partenaires des différentes régions. La loi sur la libéralisation des sources de financement des CFA n'a pas réduit la capacité d'intervention de ce dernier dans l'élaboration des projets destinés au centre ni modifié ses attributions et prérogatives.

- La loi du 05 septembre 2018 n'a impacté que la libéralisation financière de l'apprentissage.

- Le refus d'appliquer les dispositions de l'accord du 30 juin 2015 engendre des conséquences majeures au niveau des rémunérations du personnel des associations gestionnaires des CFA BTP. Le CCCA-BTP cherche en réalité à contourner le statut national des salariés des centres de formation. L'abandon des négociations par le CCCA-BTP laisse la possibilité de négocier des accords locaux qui ont pour résultat de modifier la nomenclature des emplois du statut national. C'est aussi un moyen pour modifier localement les dispositions nationales protectrices des salariés.

En liminaire, il doit être rappelé que les demandes sont fondées sur l'article 835 du code de procédure civile qui dispose ainsi :

« Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

En application de la disposition précitée, le trouble manifestement illicite résulte d'un fait matériel ou juridique qui constitue une violation évidente d'une norme obligatoire dont l'origine peut être contractuelle, législative ou réglementaire, l'appréciation du caractère manifestement illicite du trouble invoqué, relevant du pouvoir souverain du juge des référés.

Le trouble manifestement illicite est apprécié à la date à laquelle le juge statue, donc en l'occurrence à la date de l'ordonnance critiquée.

En l'espèce, l'action des syndicats repose sur le non-respect des dispositions de l'accord collectif national du 30 juin 2015 relatif au statut du personnel des associations gestionnaires des CFA BTP.

Sur la réalité du trouble manifestement illicite résultant du non-respect des dispositions de l'accord collectif national du 30 juin 2015, il doit en premier lieu être constaté que celui-ci n'est à ce jour plus en vigueur au regard de la publication sur Légifrance.

Interrogée sur le sort de cet accord national par l'appelant, il a été répondu par la Direction Générale du Travail qu'en conséquence de la réforme de la formation professionnelle introduite par la loi du 5 septembre 2018, l'accord national du 30 juin 2015 avait été mis en cause du fait de la perte de qualité d'organisation professionnelle du CCCA- BTP, outre le fait que pour ce motif, l'accord signé le 17 décembre 2018 avait fait l'objet d'un refus d'extension.

Il résulte de ces éléments que l'illicéité du trouble invoqué n'est pas manifeste dès lors qu'il résulte tant des informations publiées par le service public de diffusion du droit, Légifrance, que de la position de la Direction générale du travail que le texte conventionnel dont il est demandé l'application n'est plus en vigueur.

Sur les mesures demandées, et en premier lieu sur l'ouverture de négociations salariales nationales en application de l'article 30. 1 de l'accord du 30 juin 2015, force est de constater qu'il n'est prévu aucune périodicité pour la négociation sur les salaires étant précisé, que les associations gestionnaires des CFA BTP avaient la faculté de transposer les dispositions de l'accord par accord d'entreprise.

En outre, la lecture de l'article précité ne permet nullement de se convaincre du niveau de négociation des salaires soit, au plan national ou au plan régional.

À cet égard, il est justifié par la partie appelante que des accords collectifs ont d'ores et déjà été conclus par plusieurs associations gestionnaires de CFA comprenant des dispositions analogues à celles de l'accord national du 30 juin 2015.

Dans cette mesure, il n'est nullement justifié d'un trouble manifestement illicite quant à l'absence d'ouverture de négociations salariales nationales en application de l'article 30. 1 de l'accord du 30 juin 2015.

Sur la mise en place de la commission de suivi, l'article 32 de l'accord est libellé ainsi :

« Il est constitué une commission de suivi du présent accord composée de deux représentants par organisation syndicale nationale représentative des salariés des associations.

Elle aura en charge d'examiner l'application de l'accord au regard particulièrement de la diversification des actions de formation.

Elle se réunira au moins une fois par an durant les trois années suivant l'entrée en vigueur du présent accord puis une fois tous les deux ans. »

Ainsi, en application de cette disposition conventionnelle, la commission de suivi devait se réunir en juin 2016, 2017 et 2018 puis, en juin 2020, 2022 et 2024.

Il est précisé que la dernière commission de suivi de l'accord est intervenue en octobre 2019.

Il doit y être ajouté que ce n'est que le 06 octobre 2022 que les syndicats intimés ont demandé la réunion de la commission de suivi.

Force est de considérer que ces éléments chronologiques ne permettent nullement de caractériser la réalité de l'existence d'un trouble manifestement illicite quant à l'absence de réunion d'une commission de suivi depuis 2019.

Au demeurant, il est justifié que sur décision du Conseil d'administration du 29 octobre 2019, il a été décidé de la dénonciation des conventions de relations conclues avec les associations gestionnaires des CFA du BTP qui organisaient la délégation de ces dernières au CCCA- BTP de leur capacité à négocier des accords collectifs.

Il en résulte donc que la dénonciation des conventions a effectivement privé le CCCA- BTP de sa capacité juridique à représenter les CFA dans la négociation collective et l'application des accords collectifs.

En considération de l'ensemble de ces éléments et de l'absence de démonstration de l'existence d'un trouble manifestement illicite ou de la réalité d'un dommage imminent, les demandes ne peuvent donc utilement prospérer en l'état de référé.

L'ordonnance est donc infirmée sur ce point.

Sur la demande en paiement de dommages-intérêts :

Sur le bien-fondé de cette demande, il doit être constaté, qu'à hauteur d'appel, cette prétention n'est pas formulée à titre provisionnel.

Surtout, en l'état de l'absence de démonstration de la réalité d'un trouble manifestement illicite, la demande en paiement de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice subi ne peut utilement prospérer et sera donc rejetée en l'état de référé .

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le Syndicat National du Personnel des CFA Bâtiment CGT et le Syndicat Régional du Personnel des CGT BTP CFA Île-de-France, qui succombent sur le bien-fondé de leurs demandes, doivent être condamnés en tous les dépens et déboutés en leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

À l'opposé, il sera fait application de cet article au profit de la partie appelante.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté l'exception de nullité de l'action soulevée à l'encontre des actions du syndicat national du personnel du CFA bâtiment CGT et du syndicat régional du personnel des CGT BTP CFA Île-de-France,

L'infirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCIDE que le Syndicat National du Personnel des CFA Bâtiment CGT et le Syndicat Régional du Personnel des CGT BTP CFA Île-de-France sont recevables en leurs demandes,

DIT n'y avoir lieu à référé sur le bien-fondé des demandes du Syndicat National du Personnel des CFA Bâtiment CGT et du Syndicat Régional du Personnel des CGT BTP CFA Île-de-France et les renvoie à se pourvoir ainsi qu'ils aviseront,

CONDAMNE le Syndicat National du Personnel des CFA Bâtiment CGT et le Syndicat Régional du Personnel des CGT BTP CFA Île-de-France aux dépens d'appel et de première instance et les déboute en leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE le Syndicat National du Personnel des CFA Bâtiment CGT et le Syndicat Régional du Personnel des CGT BTP CFA Île-de-France chacun à payer à l'association Comité de Concertation et de Coordination de l'Apprentissage du Bâtiment et des Travaux Publics (CCCA- BTP) la somme de 2.000 'en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

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