CA Poitiers, ch. soc., 10 avril 2025, n° 22/01279
POITIERS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Mme H
Défendeur :
SARL P
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Carracha
Conseillers :
M. Duchâtel, Mme Lafond
Avocats :
Me Maitre-Faurie, Me Gallet, Me Gojosso
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [H] [V] a été recrutée par l'EURL [P] [L] en qualité de secrétaire comptable par contrat de travail à durée indéterminée avec effet au 1er novembre 2005, dans le cadre d'un temps partiel, et au niveau I échelon I de la convention collective du commerce et des services de l'électronique, de l'audiovisuel et de l'équipement ménager.
Les relations contractuelles se sont poursuivies dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet suivant avenant du 1er février 2008.
L'EURL [P] a été cédée le 13 juin 2016 à la SARL [P], dont le gérant M. [X] [P] est le fils du précédent gérant, M. [L] [P], et le contrat de travail de la salariée a été transféré à cette société, qui employait 3 salariés.
Mme [V] a sollicité vainement auprès de son employeur une revalorisation de salaire par courrier daté du 1er juillet 2016.
Mme [V] a été placée en arrêt maladie à compter du 16 juillet 2020.
Le 12 novembre 2020, le médecin du travail a déclaré Mme [V] inapte à tous les postes de l'entreprise, en précisant qu'il n'y avait pas de possibilité de reclassement à envisager.
Mme [V] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 8 décembre 2020 par courrier recommandé du 27 novembre 2020, avant d'être licenciée pour inaptitude le 11 décembre 2020.
Par requête du 15 avril 2021, Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Rochefort-Sur-Mer de différentes demandes formées à l'encontre de la SARL [P] tendant notamment au constat de la nullité du licenciement pour inaptitude.
Par jugement du 25 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Rochefort-Sur-Mer a :
dit et jugé que :
que Mme [V] n'apporte aucun élément précis, probant, vérifié et vérifiable sur des faits de harcèlement,
que l'inaptitude prononcée par la médecine du travail indique clairement qu'elle n'est pas d'origine professionnelle,
que la demanderesse a choisi de ne pas contester l'avis d'inaptitude dans le délai de 15 jours dont elle disposait,
que le maintien de la salariée dans l'entreprise n'a pas été considéré comme impossible,
que le médecin du travail n'a pas remis en cause les conditions de travail de la salariée,
que le licenciement de Mme [V] est un licenciement pour inaptitude confirmée par le médecin du travail,
que le contrat de travail entre les parties s'est déroulé dans les conditions normales, de façon loyale, dans le respect de son exécution et des obligations qui incombent à l'employeur,
débouté Mme [V] de ses demandes au titre de :
constater la nullité du licenciement de Madame [V]
constater l'exécution déloyale du contrat par l'employeur
6 408,52 euros à titre de rappel de salaire sur reclassification,
640,85 euros bruts à titre de congés payés afférents,
3 416,09 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (sauf à parfaire),
1 341,60 euros bruts à titre de congés payés afférents (sauf à parfaire),
37 992 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (24 mois),
5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
5 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,
2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dépens,
dire et juger que l'intégralité des sommes susvisées sera augmentée des intérêts au taux légal en application des articles 1146 et 1153 du code civil, à compter de l'introduction de la demande, et que ces sommes produiront intérêt conformément à l'article 1154 du code civil,
prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
condamner la SARL [P] aux entiers dépens.
débouté la SARL [P] au titre de ses demandes :
condamner Mme [H] [V] à lui payer 2 000 euros de dommages et intérêts pour violation du secret des correspondances,
condamner Mme [H] [V] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
laissé les dépens à la charge de chaque partie,
débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Mme [V] a relevé appel de la décision par déclaration du 18 mai 2022.
Par conclusions du 20 juin 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Mme [V] demande à la cour de :
la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
réformer / annuler le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la SARL [P] de ses demandes,
condamner la SARL [P] à lui payer les sommes suivantes :
6 408,52 euros à titre de rappel de salaire sur reclassification,
640,85 euros brut à titre de congés payés afférents,
3 416,09 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (sauf à parfaire),
341,60 euros brut à titre de congés payés afférents (sauf à parfaire),
37 992 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (24 mois),
5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
5 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,
2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,
2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de l'instance d'appel.
dire et juger que l'intégralité des sommes susvisées sera augmentée des intérêts au taux légal en application des articles 1146 et 1153 du code civil, à compter de l'introduction de la demande, et que ces sommes produiront intérêt conformément à l'article 1154 du code civil,
condamner la SARL [P] aux entiers dépens y compris les frais d'exécution dont les sommes dues au titre de l'article 10 du décret n°2001-212 du 08 mars 2001.
Par conclusions du 12 septembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SARL [P] demande à la cour de :
confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté Mme [H] [V] de l'ensemble de ses demandes,
infirmer le jugement de première instance en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de Mme [V] à lui payer 2 000 euros de dommages et intérêts pour violation du secret des correspondances,
infirmer le jugement de première instance en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de Mme [H] [V] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance,
Statuant à nouveau :
condamner Mme [H] [V] à lui payer 2 000 euros de dommages et intérêts pour violation du secret des correspondances,
condamner Mme [H] [V] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,
condamner Mme [V] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'appel,
condamner Mme [H] [V] aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 janvier 2025.
MOTIVATION
I. Sur la nullité du licenciement de Mme [H] [V]
Aux termes des articles L.1152-1 et L.1152-2 du code du travail, le harcèlement moral d'un salarié se définit par des agissements répétés, ayant pour objet ou effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral, ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
En application de l'article L.1154-1 du même code, il incombe au salarié de présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un tel harcèlement, éléments au vu desquels la partie défenderesse doit prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
L'article L.1152-3 du code du travail ajoute que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2 est nulle.
Il résulte de ces textes que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, au soutien de son appel, Mme [V] expose en substance que :
le comportement de M. [X] [P] est constitutif de harcèlement moral à son encontre et l'altération durable de son état de santé résulte des manquements répétés de son employeur à son obligation de sécurité,
elle a subi les propos dévalorisants et agressifs de M. [X] [P] de façon quotidienne et son médecin psychiatre a estimé qu'elle présentait un syndrome anxiodépressif,
avant de reprendre la succession de son père, [X] [P] était employé de l'EURL [L] [P] et il a fait l'objet de deux avertissements au travail de la part de ses propres parents en 2004 et 2006 notamment en raison de sa mauvaise humeur et des réflexions à la distribution du travail rendant mal à l'aise le reste du personnel,
dès que [X] [P] s'est retrouvé seul à gérer l'entreprise, les conditions de travail se sont considérablement dégradées dans la mesure où il n'y avait plus personne pour tenter de canaliser son agressivité et sa violence à l'égard des autres salariés,
M. [X] [P] n'hésitait pas à faire facturer ses travaux et achats personnels sur le compte de la société et de nombreuses transactions, réglées en espèces, n'étaient pas déclarées sur le plan comptable,
M. [P] n'a pas hésité pas à faire preuve de débordements verbaux y compris à l'égard de ses clients,
elle a été destinataire de sms à caractère professionnel pendant ses jours de repos.
Afin d'établir la réalité du harcèlement moral allégué, Mme [V] verse aux débats les pièces suivantes :
un courrier recommandé qu'elle soutient avoir envoyé à l'employeur le 13 septembre 2020 pour se plaindre de son comportement dégradant, humiliant et dévalorisant et solliciter la rupture conventionnelle de son contrat de travail,
des témoignages de ses proches qui rapportent les difficultés qu'elle a rencontrées dans le cadre professionnel,
un certificat médical de son médecin traitant du 13 octobre 2020 selon lequel 'Mme [V] a justifié le 16 juillet 2020, une consultation pour troubles anxieux majeurs et un arrêt de travail qui est encore poursuivi jusqu'à cette date. Dans l'intervalle elle est venue consulter à plusieurs reprises et a justifié : majoration du traitement, prolongation arrêt de travail et suivi psychiatrique',
un certificat médical de son médecin psychiatre qui évoque notamment 'un état anxiodépressif avec syndrome de stress post traumatique chez cette patiente dépourvue d'antécédents neuropsychiatriques personnels et familiaux' et qui a indiqué qu'une prise en charge au titre des risques professionnels des arrêts de travail de Mme [V] était justifiée,
deux avertissements au travail délivrées par M. [L] [P] à son fils [X], datées des 12 octobre 2004 et 10 février 2006, en raison de ses multiples retards et de son comportement, le second précisant : 'Depuis plusieurs semaines vous avez un comportement que nous ne pouvons admettre. En effet, vous vous présentez systématiquement avec au minimum un quart d'heure de retard à votre poste de travail et votre mauvaise humeur et réflexion à la distribution du travail rendent mal à l'aise le reste du personnel. Ceci gêne considérablement le bon fonctionnement de l'entreprise',
des sms envoyés par M. [X] [P] à ses parents avant sa reprise de l'entreprise,
des échanges de sms entre M. [P] et Mme [V] le samedi 7 octobre 2017 ou en juillet 2018,
des mails du mois de juillet 2014 au sujet de l'insatisfaction d'un client à la suite de l'installation d'un matériel électro-ménager.
Il convient de retenir que les témoignages produits, s'ils évoquent de manière concordante l'existence d'un contexte professionnel stressant et de tensions entre Mme [V] et M. [P], ne suffisent pas à démontrer la matérialité de faits précis s'agissant du comportement adopté par le second à l'égard de la salariée. Le contenu de ces témoignages laissent en effet apparaître que les comportements critiqués ont été rapportés par Mme [V] à ses différents interlocuteurs, qui n'ont pas été témoins de ces faits, et la cour observera que l'un des témoignages mentionne notamment au sujet de la salariée : '16 ans à entendre la même chose, à ne pas être reconnu pour son travail et à entendre que c'est une incapable', alors que Mme [V] n'a pas allégué l'existence de difficultés avec son employeur antérieures à la reprise de l'entreprise par M. [X] [P] en 2016, soit 4 ans avant son licenciement, de sorte que ces témoignages sont sujets à caution.
En outre, les messages versés aux débats ne contiennent pas de propos dévalorisants et agressifs à l'égard de Mme [V] et le fait que M. [P] ait pu s'adresser à ses parents sur un ton vif et agressif, critiquer vertement des partenaires commerciaux, ou adresser trois SMS professionnels cordiaux à la salariée au cours de ses journées de repos ne permet pas de laisser présumer l'existence d'un comportement harcelant à l'égard de Mme [V].
Il est également indifférent, s'agissant de l'existence alléguée d'une situation de harcèlement moral, que M. [X] [P] ait pu faire l'objet de deux avertissements en 2004 et 2006 ou facturer ses travaux et achats personnels sur le compte de la société et ne pas déclarer de nombreuses transactions réglées en espèces.
La matérialité des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement ne saurait par ailleurs résulter du courrier adressé par la salariée à son employeur en l'absence de témoignages directs suffisamment précis venant corroborer son contenu, ni du seul constat de la dégradation de son état de santé en relation avec l'environnement professionnel, qui peut résulter des tensions et conflits qui existent au sein des équipes de travail sans manquement de l'employeur à ses obligations.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la salariée n'établit pas la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, soient de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral. Elle échoue également à démontrer l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
Mme [V] sera donc déboutée de sa demande de ce chef, par voie de confirmation de la décision attaquée.
II. Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Au soutien de son appel, Mme [V] expose que :
la SARL [P] a modifié unilatéralement son contrat de travail en diminuant le mode de calcul de sa rémunération variable,
la société a agi de façon discriminatoire à son encontre en la pénalisant par rapport à son collègue de travail masculin,
les modifications unilatérales opérées par la société se sont échelonnées de 2016 (mise en place du plafonnement de la prime sur chiffre d'affaires uniquement pour elle) à 2020 pour la dernière (prime de nettoyage du poste de travail) et ces modifications sont fondées sur le seul fait qu'elle est une femme, ce qui relève de la discrimination et la prescription applicable est de 5 ans,
M. [P] a modifié unilatéralement la base mais également le mode de calcul de la prime de vente sur les marchandises passant la référence du chiffre d'affaire à la marge,
elle bénéficiait d'une prime sur ses ventes d'électro-ménager de 5% de son chiffre d'affaires HT jusqu'en 2018,
elle bénéficiait d'une prime de 2,5% du montant des factures qu'elle établissait pour les constructeurs contre 5% pour ses collègues masculins jusqu'en 2016,
M. [P] a unilatéralement plafonné à son arrivée ses primes à 5 000 euros de chiffre d'affaires,
ses collègues masculins ne subissaient aucunement ces brimades et ne voyaient aucunement leur CA plafonné à 5 000 euros,
la prime de fin d'année n'a pas été versée entre 2012 et 2015,
il lui a été imposé de réaliser le nettoyage de son poste de travail en contrepartie d'une prime d'entretien,
la société la privait régulièrement et de façon aléatoire de ses jours de congés conventionnels,
elle a été obligée ponctuellement de participer aux fraudes fiscales mises en place par M. [P] suite à sa reprise de la société,
elle n'a jamais bénéficié de la moindre formation de la part de son employeur et n'a jamais bénéficié d'aucun entretien professionnel pendant ses 15 années d'exercice.
En réponse la SARL [P] fait valoir pour l'essentiel que :
l'action de la salariée au titre de la modification alléguée du mode de calcul de ses primes en 2018 a été introduite le 15 avril 2021 soit près de 5 ans après les faits, et elle est donc prescrite,
en sus des primes sur les ventes, la salariée s'est vu allouer des primes exceptionnelles ainsi que des primes d'entretien, qui n'existaient pas lorsqu'elle travaillait pour l'EURL [P] [L],
il n' y a eu aucune modification du taux de commission, sauf à la hausse,
la salariée prétend qu'à partir de 2018, la base de calcul n'aurait plus été le CA mais la marge alors que les bulletins de salaire mentionnent une base CA,
la salariée prétend que la base de calcul des ventes était additionnée à celui de son collègue et le résultat réparti entre les deux mais elle n'apporte aucune preuve de ce qu'elle prétend,
l'examen de la pièce produite par la salariée révèle qu'elle n'atteignait même pas un chiffre d'affaires de 5 000 euros et elle ne peut donc invoquer un plafonnement,
sur l'absence de prime de fin d'année entre 2012 et 2015, Mme [V] n'était pas salariée de la SARL [P] mais de l'EURL [P] [L],
sur la prime d'entretien, l'essentiel de l'entretien était réalisé par Mme [U] [P] et la prime omise a été régularisée avec le solde de tout compte,
il n'y a pas d'indications précises établissant la suppression des congés conventionnels et Mme [V] ne justifie pas que les conditions fixées à l'article 25-2 de la convention collective étaient bien remplies,
Mme [V] est la seule secrétaire comptable, les autres salariés sont technico-commercial et employée polyvalent, et ces salariés n'étant pas dans la même situation, n'ayant pas la même qualification, ni les mêmes fonctions ne peuvent prétendre à une rémunération identique,
Mme [V] a bénéficié de formations et elle ne subit aucun préjudice à ce titre puisque son nouvel employeur est tout à fait satisfait de son travail.
Sur ce, la charge de la preuve d'un manquement de l'employeur à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail pèse sur la salariée.
Il sera relevé à titre liminaire que la salariée, qui soutient que l'employeur a modifié unilatéralement sa rémunération variable à compter de l'année 2016, ne justifie pas de l'évolution de cette rémunération, alors que l'employeur produit un tableau dont il ressort que Mme [V] a perçu une rémunération variable totale de 1 021 euros en 2016, 3 557 euros en 2017, 4 048 en 2018, 3 750 euros en 2019 et 1 729 euros en 2020 (arrêt maladie à compter du 16 juillet 2020 et licenciement en décembre 2020). Mme [V] n'a pas contesté ces éléments chiffrés, qui tendent à contredire la thèse d'une diminution de cette rémunération variable.
Afin d'établir l'existence d'une exécution déloyale du contrat de travail, Mme [V] soutient en premier lieu qu'elle bénéficiait d'une prime sur ses ventes d'électro-ménager de 5 % du chiffre d'affaires HT et elle verse aux débats pour le démontrer son bulletin de paie du mois de juin 2006.
Or, force est de constater que ce bulletin ne mentionne qu'une 'prime sur vente' de 50 euros et que les bulletins de paie des mois de décembre 2007, novembre 2013 et mai 2015, qu'elle verse également aux débats, mentionnent un taux de commission sur le chiffre d'affaires hors taxes de 2,5 %, et non de 5 %.
Elle soutient par ailleurs qu'à partir de 2018, M. [P] a modifié unilatéralement la base mais également le mode de calcul de cette prime en la calculant sur la marge et plus sur le chiffre d'affaires et en imposant un partage du résultat obtenu avec son collègue M. [O].
Or, les bulletins de paie produits par Mme [V] à compter du mois de janvier 2018 font bien apparaître un taux de commissions sur le chiffre d'affaires hors taxes de 5 % et aucun élément ne permet d'établir le partage des primes allégué.
S'agissant du plafonnement unilatéral allégué des primes de Mme [V] à 5 000 euros de chiffre d'affaires, Mme [V] s'appuie sur des fiches 'navettes' de communication des chiffres d'affaires et des primes à l'expert comptable de la société, dont il est impossible de déduire l'existence d'un tel plafonnement, ainsi que sur sa pièce n°43, qui correspond à une copie d'écran du logiciel de facturation de l'entreprise, dont elle a extrait 6 lignes de facturation à hauteur d'un montant total de 5 827,77 euros hors taxes. Elle prétend qu'il s'agit du chiffre d'affaires qu'elle a réalisé en juillet 2020 et que sa prime a été déterminée sur une somme plafonnée à 5 000 euros. Or, dans son courrier adressé à l'employeur le 13 septembre 2020, Mme [V] ne mentionne qu'une vente effectuée en juillet 2020 à hauteur de 549,16 euros, les autres factures étant mentionnées afin de solliciter une commission liée à leur saisie. Il s'ensuit que Mme [V] entretient la confusion entre les commissions sur vente et les commissions liées à la saisie des factures, et que ce faisant elle n'établit pas l'existence d'un manquement de l'employeur à ses obligations.
Par ailleurs, Mme [V] ne justifie d'aucun élément de fait susceptible de caractériser une inégalité de rémunération ou de laisser présumer l'existence d'une discrimination à son égard en comparaison avec la situation de ses deux collègues masculins, dès lors qu'elle n'a pas contesté qu'ils exerçaient des fonctions différentes (employé polyvalent et technico-commercial), alors qu'elle était secrétaire comptable.
S'agissant de l'absence de versement de la prime de Noël entre les années 2012 et 2015, il convient de retenir que Mme [V] connaissait depuis plus de deux ans avant l'introduction de son action devant le conseil de prud'hommes le 15 avril 2021 ces faits caractérisant les manquements qu'elle impute à la société, lui permettant d'exercer son droit et il en résulte, ainsi que le soutient l'employeur, que son action en paiement de dommages-intérêts de ce chef est irrecevable comme étant prescrite en application des dispositions de l'article L.1471-1 du code du travail, qui dispose que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Le même raisonnement s'applique s'agissant de la privation des jours de repos conventionnels au titre des journées travaillées du 11 novembre 2017 et du 14 juillet 2018.
S'agissant de la prime d'entretien, Mme [V] admet que la société [P] a régularisé le paiement de ses primes d'entretien avec son solde de tout compte.
Par ailleurs, la seule pièce produite consistant dans une fiche d'intervention mentionnant 150 euros dans la colonne TTC et 'OK espèces' pour un montant de 150 euros ne permet pas d'établir l'obligation qui était faite à Mme [V] de participer aux fraudes fiscales mises en place par M. [P].
S'agissant du manquement allégué à l'obligation de formation, il résulte de l'article L.6321-1 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, que l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.
L'obligation de formation de l'employeur relève de l'initiative de ce dernier, sans que les salariés n'aient à émettre une demande de formation au cours de l'exécution de leur contrat de travail. Il appartient à l'employeur de prouver qu'il a satisfait à son obligation de formation.
L'article L. 6315-1 du code du travail, dans sa version applicable, prévoit notamment qu'à l'occasion de son embauche, le salarié est informé qu'il bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi, et que tous les six ans, l'entretien professionnel fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié.
Le bilan d'étape professionnel a pour objet, à partir d'un diagnostic réalisé en commun par le salarié et son employeur, de permettre au salarié d'évaluer ses capacités professionnelles et ses compétences et à son employeur de déterminer les objectifs de formation du salarié.
Par ailleurs, l'article L.1224-1 du code du travail dispose : 'Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise'.
L'article L.1224-2 du même code dispose : 'Le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :
1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;
2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci.
Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux'.
En application des dispositions susvisées de l'article L.1224-2 du code du travail, la SARL [P] est tenue, à l'égard de Mme [V], dont le contrat de travail a subsisté, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur, et
c'est donc vainement que la société vient soutenir, pour s'exonérer de toute responsabilité sur le terrain de l'obligation de formation mise à la charge de l'employeur, qu'elle n'est pas comptable des conditions de travail existantes dans l'entreprise avant 2016.
Mme [V] soutient qu'elle n'a bénéficié d'aucune formation professionnelle depuis son embauche ni d'entretien professionnel.
Le seuls justificatifs de présence aux assemblées générales de l'association Star SAV produits par l'employeur ne permettent nullement de vérifier, en l'absence de tout autre élément probant, que l'intéressée ait bénéficié d'une quelconque action de formation et/ou d'adaptation à son poste de travail au cours de sa carrière d'une durée de plus de 15 ans.
Il n'est pas non plus justifié de l'organisation d'un entretien professionnel.
Cette carence a porté atteinte à l'employabilité de la salariée et à ses possibilités d'évolution professionnelle et caractérise un manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail à l'origine d'un préjudice qui sera réparé par l'octroi de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.
III. Sur le rappel de salaire pour reclassification de Mme [V]
Au soutien de son appel, Mme [V] expose en substance que :
elle n'était pas classifiée conformément à ses fonctions réelles,
l'avenant n° 22 du 16 mai 2001 de la convention collective est applicable car la société disposait bien d'un magasin de vente,
elle a été recrutée en qualité de secrétaire comptable niveau I échelon 1 qui se caractérise par la réalisation de tâches simples effectuées selon des consignes prédéfinies, et elle aurait dû être classifiée niveau III échelon 3 de la convention,
en 2016, lors du changement de gérance, elle avait vu ses missions prendre de l'ampleur en totale autonomie, avec notamment la réception et la vérification des marchandises, la gestion des fournisseurs en cas d'avaries sur les marchandises, la gestion des pièces détachées, la création de devis, l'entretien avec les inspecteurs techniques des marques ou la gestion des locations,
elle devait se déplacer en France, sur des salons et/ou des événements professionnels,
ce n'est qu'au cours de l'année 2016 qu'apparaît un changement de classification sur les bulletins de salaire : niveau II échelon 1, sans modification de sa rémunération horaire,
la qualité de son travail n'a jamais été remise en question par la société.
En réponse la SARL [P] fait valoir pour l'essentiel que :
l'arrêté d'extension de l'avenant n° 22 du 16 mai 2001 exclut son application au secteur de la réparation d'appareils électriques pour le ménage non associé à un magasin de vente et cet avenant ne lui est donc pas applicable,
les fonctions exercées par la salariée ne justifient pas une autre classification que celle dont elle a bénéficié car elle n'effectuait aucune opération complexe et n'avait aucun savoir-faire spécifique.
Sur ce, la classification s'apprécie au regard des fonctions réellement exercées par le salarié et non à partir des seules mentions du contrat de travail.
Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification différente de celle dont il a bénéficié au titre de son contrat de travail de démontrer qu'il a assuré de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.
En l'espèce, la salariée sollicite une reclassification au niveau III échelon 3 résultant de l'avenant n° 22 du 16 mai 2001 de la convention collective électronique audiovisuel et équipements ménagers (commerces et services).
La classification revendiquée par Mme [V] prévoit que les postes occupés présentent les caractéristiques suivantes :
'Complexité de l'action : Combinaison d'opérations complexes nécessitant un savoir-faire et une maîtrise du métier. Transmission d'informations et de consignes.
Autonomie, initiative, responsabilité : emploi exigeant :
la prise d'initiatives dans le cadre de procédures larges ;
l'aptitude à transmettre son savoir-faire.
Formation, expérience, compétence : Emploi requérant normalement un niveau de connaissances et de compétences, en liaison avec l'emploi occupé, acquis soit par une expérience professionnelle, soit par une formation professionnelle, soit par voie scolaire correspondant, à titre indicatif, au niveau III (bac + 2) de l'éducation nationale ou équivalent.'
L'arrêté d'extension de l'avenant n° 22 du 16 mai 2001 exclut toutefois son application au secteur de la réparation d'appareils électriques pour le ménage non associé à un magasin de vente.
Or, la société [P] soutient que cet avenant ne lui est pas applicable en l'absence de magasin de vente au sein de la société et les pièces produites par Mme [V] ne permettent pas d'établir l'existence d'un tel magasin.
Dès lors, Mme [V] ne peut se prévaloir de la classification revendiquée issue de l'avenant n° 22 du 16 mai 2001.
En outre, les pièces produites par Mme [V] au soutien de sa demande de reclassification, à savoir des SMS dont il ressort qu'elle pouvait s'occuper de la réception des marchandises, le fait qu'elle ait pu accompagner M. [P] aux assemblées générales de l'association Star SAV ou que son nouvel employeur soit satisfait de ses performances ne permettent pas d'établir qu'elle se voyait confier une 'combinaison d'opérations complexes nécessitant un savoir-faire et une maîtrise du métier' comme le prévoit la classification revendiquée.
Mme [V] ne produit par ailleurs aucune pièce susceptible d'établir qu'elle pouvait prendre des 'initiatives dans le cadre de procédures larges' ou qu'elle justifiait d'une 'aptitude à transmettre son savoir-faire', et elle se borne pour le surplus à critiquer la pertinence des témoignages et pièces produites par l'employeur.
Mme [V] n'établit donc pas qu'elle assurait de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant d'une classification différente de celle qui lui était appliquée.
Sa demande ne peut qu'être rejetée, par voie de confirmation de la décision attaquée.
IV. Sur la violation du secret des correspondances
Au soutien de son appel, la société [P] expose en substance que :
la production des deux avertissements notifiés à M. [X] [P] avant sa reprise de la société constitue une violation de l'article 226-15 alinéa 2 du code pénal,
ces documents portent également atteinte à la vie privée des personnes visées, ils n'étaient nullement nécessaires à l'exercice de sa défense dans le présent litige et la salariée a volé ces documents puisqu'elle n'en est ni l'émettrice, ni destinataire, en violation du secret de la correspondance.
En réponse, Mme [V] objecte pour l'essentiel que les avertissements notifiés à M. [X] [P] étaient rangés dans un classeur « salariés », accessibles à tous qui se trouvait dans son bureau et soutient qu'un salarié peut produire en justice les documents de l'entreprise dont il a eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions et qui sont strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense.
Sur ce, la preuve est libre en matière prud'homale sous réserve de respecter l'exigence de loyauté dans son obtention et le droit au respect de la vie privée.
Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales que l'illicéité d'un moyen de preuve n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant, lorsque cela lui est demandé, apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
En l'espèce, Mme [V] verse aux débats deux lettres d'avertissement notifiées par le gérant de l'EURL [P] à son fils [X] les 12 octobre 2004 et 10 février 2006.
La SARL [P], qui n'a pas sollicité que la cour écarte lesdites pièces, formule une demande de condamnation de Mme [V] à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du secret des correspondances.
Le conseil de prud'hommes a rejeté cette demande sans motivation.
Il convient de retenir que ces deux courriers adressés à M. [X] [P] relèvent du secret des correspondances au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 9 du code civil, et qu'ils sont protégés par l'article 226-15 du code pénal.
Aussi, le fait pour Mme [V] d'avoir divulgué ces deux courriers sans avoir obtenu l'accord de leur auteur et destinataire constitue une violation du secret des correspondances qui n'était pas nécessaire à la défense de ses intérêts, dès lors que ces deux pièces n'apportent pas d'élément pertinent pour établir le bien fondé de ses demandes.
Toutefois, si la SARL [P] indique à juste titre dans ses écritures que 'M. [X] [P]', qui n'était à la date desdits courriers que le salarié de l'EURL [L] [P], est fondé à solliciter des dommages et intérêts pour violation du secret des correspondances, force est de constater que celui-ci n'est pas intervenu dans la cause, et que la demande de dommages et intérêts n'est formée qu'au nom de la seule SARL [P], qui n'est pas concernée par les correspondances litigieuses.
La demande de dommages et intérêts ne peut donc qu'être rejetée et la décision attaquée sera confirmée.
IV. Sur les demandes accessoires
Les sommes allouées à Mme [V] produiront intérêts au taux légal avec capitalisation comme il sera dit au dispositif.
En qualité de partie succombante, la société [P] est condamnée aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.
Mme [V] demande la condamnation de la SARL [P] aux entiers dépens y compris les frais d'exécution dont les sommes dues au titre de l'article 10 du décret n°2001-212 du 8 mars 2001. Or, cet article a été abrogé par décret n°2016-230 du 26 février 2016 et la cour ne peut en tout état de cause se prononcer sur le sort des frais de l'exécution forcée, lesquels sont régis par l'article L.118-8 du code des procédures civiles d'exécution et soumis, en cas de contestation, au juge de l'exécution.
La société [P] condamnée aux dépens doit être déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par suite, la société [P] est condamnée à payer à Mme [V] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Rochefort-Sur-Mer du 25 avril 2022 en ce qu'il a :
débouté Mme [H] [V] de ses demandes de rappel de salaire sur reclassification et de congés payés afférents, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement nul et de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
débouté la SARL [P] de ses demandes de dommages et intérêts pour violation du secret des correspondances et d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la SARL [P] à payer à Mme [H] [V] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
Dit que les sommes allouées à Mme [H] [V] produiront intérêts au taux légal avec capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil :
s'agissant des créances indemnitaires, exonérées de cotisations sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables, à compter de la présente décision,
s'agissant des créances salariales, à compter de la date de réception par la société [P] de la convocation devant le bureau de conciliation,
Condamne la société [P] à payer à Mme [H] [V] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,
Déboute la société [P] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [P] aux dépens de première instance et d'appel,
Rappelle que les frais de l'exécution forcée sont régis par l'article L.118-8 du code des procédures civiles d'exécution.